Livestock Research for Rural Development 9 (5) 1997

Citation of this paper

Utilisation des fruits de Faidherbia albida pour l'alimentation des bovins d'embouche paysanne dans le bassin arachidier au Sénégal

 

Safiétou Fall-Touré, Elhadji Traoré, Kéba N'Diaye, N'Dèye Salane N'Diaye, Baye Mohammed Sèye*

Institut Sénégalais de Recherches Agricoles. Laboratoire National d'élevage et de recherches Vétérinaires; URA Santé et Production Animales; BP 2057 Dakar Sénégal
*Service départemental de l'élevage, Bambey Sénégal

Résumé

L'alimentation est une contrainte majeure qui limite la valorisation du potentiel pastoral du bassin arachidier en matière de production de viande au Sénégal. Le problème se situe à un double niveau: les aliments concentrés de bonne qualité ne sont pas disponibles à des prix acceptables en zone de production et la technicité des éleveurs demeure faible. En effet, ils appliquent des rations à forte teneur en concentrés et ne mesurent pas les quantités distribuées.

Les ressources naturelles constituent une alternative à exploiter pour lever les contraintes alimentaires avec des produits localement disponibles.

Pour contribuer à mettre au point des technologies visant une meilleure intégration de ces ressources naturelles dans les systèmes d'élevage, deux expériences ont été menées au Laboratoire d'Elevage de l'ISRA (Sénégal) et en milieu éleveur dans la zone de Bambey pour évaluer la qualité des fruits de F. albida et les intégrer dans les rations alimentaires pour l'embouche bovine dans le nord du bassin arachidier.

La digestibilité in vivo de la matière sèche des fruits de F. albida a été évaluée par régression par la méthode décrite par Fall (1993). Un essai alimentaire d'une durée de 52 jours a été conduit sur de jeunes taurillons dans trois villages de la zone de Bambey (Sénégal). La ration appliquée était composée de tige de mil hachées (26% MS), de son de mil (32% MS) d'aliment jarga (= son fin de blé mélassé:21 % MS) et de fruits de F. albida (21% MS).

Il y a eu une indication que la digestibilité totale (Y=%) de la ration croît lorsque le niveau de fruits (X=%) dans la matiere sèche de la ration augmente. L'équation (Y=48.6-0.0123X+0.00064X2; R2 =0.68) prédit une digestibilité de la matière sèche des fruits de 53,8% au niveau théorique d'incorporation de 100% de fruits.

En milieu réel, la consommation quotidienne, le gain moyen quotidien et le taux de bénéfice ont été respectivement de 134, 123 et 124 g /kg P0.75 ; 1100, 615 et 173 g par jour et 26, 13, et 0 % des investissements respectivement pour les lots 1, 2 et 3 entretenus dans trois villages. Pour la croissance des animaux, une importante différence entre exploitations (P<0.01) a été observée qui traduisait le rôle de la formation et de l'expérience de l'éleveur dans la réussite des opérations d'embouche.

L'utilisation des gousses de Faidherbia albida qui a permis d'obtenir des gains de poids élevés et à moindre coût constitue ainsi une alternative disponible localement et peu coûteuse comparée à l'utilisation excessive de concentrés.

Mots clés: Production intensive de viande, embouche bovine, bassin arachidier du Sénégal, fruits de Faidherbia albida, digestibilité, essais alimentaires.

 

Abstract

Feed is the major constraint that limits the potential of the groundnut-growing region of Senegal to contribute to the nation's need for meat. The problem is at two levels: high quality concentrates are not available at an acceptable price and the technical skills of the livestock producers are rather weak. The tendency is to give a diet high in concentrates and not to control the amount that is given.

The use of products obtained from local natural resources in the area is an alternative that could help to overcome the feed constraints. In order to promote technologies that would facilitate the greater integration of natural resources in the production system two experiments have been carried out; one in our research laboratory and the other in cooperation with farmers in the Bambey region situated in the north of the groundnut-growing area. The aim of the experiments was to evaluate the use of the fruits of the legume tree, Faidherbia albida, as a component of the diet for fattening cattle.

The in vivo digestibility of the dry matter of the fruits of F. albida was done using four levels of substitution of the fruits and analysis by regression. The feeding trial was with young bulls fed for 52 days on farms in three villages in the Bambey region. The diet by the farmers contained (% DM basis): chopped sorghum stalks (26), sorghum bran (32), molassed-wheat bran (21) and F. albida fruits (21).

The results showed a non-linear response in diet digestibility according to level of inclusion of the F. albida fruits. There was an indication that total digestibility (Y=%) increased as the level of the fruits (X=%) in the ration DM increased. The equation (Y=48.6-0.0123X+0.00064X*X; R2=0.68) predicts a DM digestibility of the fruits of 53.8% at the theoretical 100% inclusion level.

In the on-farm trials, the mean values (for the three sites respectively) of feed intake, daily weight gain and profit (as % of investment), were 134, 123 and 124 g/kg W0.75; 1,100, 615 and173 g/day; and 2, 13 and 0%. There was a significant difference (P<0.01) in growth rates between sites probably reflecting the skills of the individual farmer in cattle fattening. The high rates of liveweight gain on two of the farms indicate that the fruits of Faidherbia albida have potential as an alternative feed resource in rations for fattening cattle at lower cost compared with use of excessive levels of concentrates.

Although digestibility was not depressed by high levels of F. albida (in fact the tendency was for an increase), it is provisionally recommended to limit the inclusion level to 20% of diet dry matter in view of the high content of condensed tannins in the fruit and the known negative effect of these on animal performance when present at high levels in the ration.

Key words: Intensive beef production, cattle fattening, Faidherbia albida fruit, digestibility, feeding trials, tannins

 

Introduction

La production de viande est insuffisante pour nourrir la population du Sénégal qui est un pays importateur de viande. Pourtant l'élevage occupe une place non négligeable dans l'économie agricole. Ce secteur fait vivre 350 000 familles soit environ 3 000 000 de Sénégalais. Il représente un potentiel proche de 150 milliards de francs CFA et contribue pour 30% au Produit Intérieur Brut (Ministère de l'agriculture du Sénégal 1995b).

L'élevage est représenté dans toutes les zones agro-écologiques du Sénégal. Il mobilise essentiellement l'ethnie peul dans la zone sylvo-pastorale alors qu'il est parfaitement intégré à l'agriculture dans les zones centrale et méridionale du pays.

Le cheptel local est la principale source de viande. La production annuelle est d'environ 80990 tonnes. Les bovins qui atteignent 2 693 000 fournissent 48% de la production alors que les petits ruminants (6,733,000) contribuent pour 26% de la production. Le cheptel avicole compte 17 millions d'unités volailles et fournit 20.6% de la production. Les autres viandes (de cheval et de porc) représentent 5.4% de la production nationale (Ministère de l'agriculture du Sénégal 1995a).

Les importations ont baissé passant de 2,000 tonnes en 1992 à 600 tonnes en 1994 probablement à cause de la modification de la parité de la monnaie locale. Le disponible annuel per capita est passé de 20 à 10 kg de 1960 à 1995. Il accuse une sévère diminution bien que la production totale ait sensiblement augmenté. Cette distorsion révèle le caractère inadapté de notre système de production qui ne suit pas la vitesse de la croissance démographique. Il faut craindre que cette tendance se renforce avec l'augmentation de la population prévue dans les prochaines décennies. Un important programme de développement de la filière viande est cependant envisagé par le gouvernement du Sénégal. L'objectif est de réduire le déficit en intensifiant la production pour faire évoluer le disponible per capita de 10 kg en 1995 à 13 kg en l'an 2,000.

Les potentialités bouchères de nos races locales particulièrement le zébu Gobra sont bonnes; elles permettent de soutenir une croissance intensive avec des gains de poids quotidiens supérieurs au kilogramme (Denis et al 1972; Fall et al 1994). Les systèmes d'alimentation constituent cependant une contrainte majeure à l'extériorisation de ce potentiel. Ces systèmes sont essentiellement basés sur l'utilisation des parcours naturels dont la valeur nutritive médiocre pendant la saison sèche (9 mois sur 12), ne permet pas de soutenir une croissance intensive (Richard et al 1989).

Les résidus de récoltes sont utilisés en zone agro-pastorale. Les fanes de légumineuses de meilleure qualité sont exportées vers les zones urbaines pour soutenir l'élevage de petits ruminants au détriment de l'embouche paysanne. Les résidus de cultures céréalières sont utilisés en embouche paysanne. Leur récolte n'est cependant pas totale, ils font l'objet d'un gaspillage en zone de production. Leur valeur nutritive est insuffisante pour soutenir une croissance rapide; leur utilisation nécessite une complémentation adéquate.

Les sous-produits agro-industriels (essentiellement tourteau d'arachide et mélasse) ne sont pas souvent disponibles en zone de production. Ils sont exportés en partie et sont vendus à des prix prohibitifs. Devant une telle situation, beaucoup de recherches se sont orientées vers les ligneux fourragers ces dernières années en vue de leur utilisation en alimentation animale.

Des chercheurs ont pu démontrer que certains ligneux, disponibles en Afrique, tels que Acacia albida, Acacia seyal, Balanites aegyptiaca, Leucaena leucocephala présentaient des valeurs nutritives intéressantes pour les animaux et étaient aptes à améliorer qualitativement des rations à base de fourrages pauvres de saison sèche malgré la présence de certains facteurs limitants (Le Houerou 1980; D'Mello 1992; Koné 1987; Devendra 1989; Fall 1993).

La grande diversité de ces ligneux leur donne un intérêt particulier pour l'alimentation du bétail surtout en période de soudure. En effet, ils ont en général un profond enracinement. Moins dépendants des conditions pluviométriques, ils sont résistants à la sécheresse. C'est ainsi que de nombreuses espèces conservent leur fraîcheur pendant une bonne partie de l'année.

Sur parcours naturels, le fourrage arbustif peut représenter 35 % de la biomasse totale (Breman et Ridder 1991). Il constitue une source d'azote non négligeable pendant la saison sèche, période durant laquelle cet élément est le principal facteur limitant pour les productions animales. En zone Sahélienne, la consommation de ligneux représente une part importante de l'alimentation des animaux qui peut atteindre 85, 50 et 25 % MS du régime des caprins, ovins et des bovins respectivement ( Guérin 1987). Cependant, la nature du ligneux, la présence en son sein de composés secondaires et l'espèce animale considérée sont des critères qui déterminent son niveau d'incorporation dans la ration (Fall 1993).

Une bonne connaissance de ces ressources naturelles devrait contribuer à l'amélioration de la productivité des ruminants domestiques et participer ainsi à la résorption du déficit en viande. Les recherches menées au LNERV (Sénégal) en 1995 avaient pour objectif d'étudier la valeur nutritive des fruits de F. albida en vue de déterminer son niveau optimal d'incorporation dans la ration des ruminants et de tester ces rations en milieu réel dans la zone de Bambey
.

Role de Faidherbia albida dans le systeme agro-pastoral du bassin arachidier

Présence de F. albida dans les systèmes agro-pastoraux

Faidherbia albida est intégré depuis longtemps dans les systèmes agro-pastoraux de la zone Soudano-Sahélienne. Considéré par les populations comme l'arbre miracle, il a fini par s'imposer au sein des terroirs du bassin arachidier comme le prouve l'importance des parcs existants. C'est une légumineuse qui appartient à la famille des Mimosacées, reconnue de longue date par les populations du bassin arachidier comme garant du maintien de l'équilibre du milieu.

Faidherbia albida est un grand arbre de 15 à 25 m de hauteur et sa longévité peut atteindre près de 200 ans. Les feuilles sont bipennées et les épines droites, fortes et épaissies à la base. Le fruit est une gousse orange de 10 à 15 cm de long et de 2 à 3 cm de large en spirale (Giffard 1971 ; Von Maydell 1983; NFT 1992). Une de ses caractéristiques essentielles est l'inversion de son cycle phénologique; il perd ses feuilles en saison des pluies et les retrouve dès le début de la saison sèche froide. C'est un arbre qui peut supporter de longues sécheresses. Il prolifère entre les isohyètes 300 à plus de 1800 mm mais son optimum écologique se situe entre 500 et 800 mm. Il colonise les sols sableux et est caractérisé par un enracinement profond qui lui permet de trouver l'eau jusqu'à près de 40 m dans le sol à cause de son long pivot.

Faidherbia albida se reproduit le plus souvent par graines qui sont en général disséminées après un transit dans le tube digestif des ruminants qui constituent un maillon indispensable au cycle végétatif de la plante.

Utilisation de F. albida dans les systèmes agro-pastoraux

Au Sénégal, Faidherbia albida est une espèce ubiquiste présente de la côte atlantique aux bords de la Falémé, de la vallée du fleuve à la frontière Guinéenne. Mais le plus beau peuplement se trouve sur les sols sableux du bassin arachidier.

L'omniprésence de F.albida dans tous les terroirs villageois montre qu'il est intensément lié aux civilisations agro-pastorales. Ce système à parcs s'est pendant longtemps identifié à la stratégie Sérère de conservation et de protection des écosystèmes agro-pastoraux. Mais on observe actuellement une forte régression du peuplement à cause d'une surexploitation. La densité arbustive varie de 10 à 50 pieds à l'hectare (NFT, 1987; Sall, 1993). Ce chiffre est actuellement en baisse sous l'effet d'une pression anthropique permanente.

Au niveau agro-écologique, F. albida joue un rôle primordial dans les systèmes de production. Par son système racinaire, il retient les sols, les protégeant ainsi contre l'érosion. Il les enrichit également en matière organique (apport d'humus) et par fixation de l'azote atmosphérique, contribuant ainsi à l'augmentation des rendements des cultures. Il intervient également en réduisant considérablement l'évapotranspiration potentielle et son enracinement profond ne gêne pas les plantes. Son cycle inversé fait que sa présence sur les surfaces cultivées ne gêne pas la photosynthèse.

Le feuillage et les fruits de F. albida sont d'excellents aliments pour le bétail; il est certainement l'essence forestière la plus importante pour les agro-pasteurs du bassin arachidier.

Au Sénégal, la fructification de F. albida a lieu entre Février et Mai, période pendant laquelle l'essentiel des parcours est constitué d'herbe de valeur alimentaire médiocre. La production moyenne d'un arbre est de 135 kg par an (NFT 1992). Ces données sont proches de celles rapportées par Niang (1990) qui évaluait la production à environ 200 kg de biomasse foliaire et 150 kg de gousses par an pour l'arbre non émondé contre 20 kg seulement de gousses et autant en feuilles pour l'arbre émondé. C'est pourquoi actuellement, les populations locales conscientes de ce phénomène, s'opposent énergiquement à l'émondage exercé par les pasteurs transhumants. Ce contrôle est difficile quand on sait l'utilisation multiple de F. albida pratiquement indispensable pour toutes les activités de production du milieu rural. C'est pourquoi son exploitation est un important facteur de conflit entre agriculteurs et éleveurs.

Utilisation de Faidherbia albida pour la production de viande dans le bassin arachidier senegalais

Pour apprécier la qualité du potentiel fourrager que représente F. albida dans le bassin arachidier Sénégalais en vue d'élaborer des recommandations sur son utilisation, des expérimentations ont été menées à l'ISRA en 1995. Les mesures ont porté sur les analyses chimiques, la digestibilité in vivo au Laboratoire d'Elevage de Dakar et des essais alimentaires en milieu réel, dans trois villages proches de Bambey situé à 140 km à l'est de Dakar.

Materiel et methode

Deux expérimentations ont été menées en 1995:

Le matériel végétal:

Les fruits secs de F. albida au stade de fin de fructification ont été achetés sur le marché de N'Guèye-N'Guèye (Région de Thiès).

Composition chimique des fruits de F. albida

La composition chimique des fruits de F. albida a été déterminée par dosage des matières azotées totales du calcium et du phosphore (AOAC 1975) puis des composants pariétaux , NDF, ADF lignine par les méthodes de Van Soest (Goering et Van Soest 1979). La teneur de l'échantillon en tanins condensés a été estimée par colorimétrie après extraction aqueuse et précipitation par la méthode de Swain améliorée par Seigler (Seigler et al 1986).

Digestibilité in vivo de rations à base de F. albida

La digestibilité des rations à base de fruits de F. albida a été évaluée par la méthode classique des bilans in vivo sur moutons Peul-peul (Demarquilly et Boisseau 1976). L'existence d'interactions digestives associées à la digestion des rations à base de ligneux a été mise en évidence par une influence variable du taux de ligneux sur la digestibilité des rations (Fall 1993; Fall et al 1996). Pour cerner l'influence du type de ration alimentaire, différents taux de fruits de F. albida ont été offerts.

Six moutons de race Peul-peul agés en moyenne de deux ans et d'un poids moyen de 30 kg sont maintenus dans des cages individuelles pour mesurer leur ingestion et leur excrétion fécale pendant 21 jours dont 15 d'adaptation et 6 jours de mesure.

La présence de composés secondaires type tannins condensés et/ou mimosine ne permettait pas une distribution à volonté des fruits de Faidherbia albida aux moutons au risque d'affecter leur santé. C'est pourquoi une distribution graduelle du ligneux a été effectuée en vue d'identifier la teneur optimale correspondant à une digestibilité maximale de la ration. Les rations étaient composées de fruits . de F. albida à un taux variant de 0 à 75% puis de paille de riz et de tourteau d'arachide dans un rapport 15/85 %(Tableau 1). Pour éviter l'influence de l'ingestion sur les interactions digestives, une distribution restrictive de la ration (50 g / kg P0.75) a été effectuée. Pour que l'azote ne soit pas un facteur limitant de la digestion, les rations avaient une teneur minimale de matières azotées totale de 11 %MS.

La digestibilité totale de la ration a été évaluée par la relation classique:

CUD = (I - F)/I

Avec CUD= Coefficient d'Utilisation Digestive.

I= Matière sèche (MS) totale ingérée et F = Matières fécales excrétées

La digestibilité du ligneux est comparativement calculée par régression et par différence. La méthode par différence suppose l'additivité des différents composants de la ration traduite par la relation suivante.

DMSr = DMS1 x L1 + DMS2 x L2 + ............ DMSx x Lx

avec DMSr = digestibilité de la ration totale

DMS1 = digestibilité de l'aliment 1 L1 = taux d'incorporation de l'aliment 1

DMS2 = digestibilité de l'aliment 2 L2 = taux d'incorporation de l'aliment 2

DMSx = digestibilité de l'aliment x Lx = taux d'incorporation de l'aliment x

Si le ligneux est l'aliment 1, sa digestibilité est calculée par la relation suivante:

DMS1 = (DMSr - (DMS2 x L2 + ............. + DMSx x Lx))/L1

La méthode par régression évalue la digestibilité spécifique du ligneux avec des taux d'incorporation croissants de 0 à 75 % du ligneux dans la ration à base de paille de riz et de tourteau d'arachide.

Les relations entre le taux de ligneux et la digestibilité de la ration sont caractérisées par une équation de régression. Le profil de cette équation de régression permet de révéler l'existence (ou non) d'interactions digestives. Elle est linéaire en l'absence d'interactions digestives alors qu'un profil curvilinéaire montre l'existence de phénomènes associatifs (Sauvant et Giger 1989). Le taux optimal du ligneux correspondant à la digestibilité de la ration la plus élevée est déterminé par la dérivée première de l'équation de régression.

Essais alimentaires

Pour évaluer l'influence des fruits de F. albida sur la croissance de jeunes taurillons Gobra, des essais alimentaires ont été menés dans la zone de Bambey. L'objectif visé dans cet essai alimentaire était de démontrer l'efficacité zootechnique et la rentabilité économique d'une ration incluant les fruits de F. albida disponibles localement et de proposer cette technologie aux éleveurs.

Le site expérimental

Le département de Bambey est situé dans le nord du bassin arachidier. Le climat est de type Soudano-Sahélien avec une courte saison des pluies d'une durée moyenne de 3 mois. La pluviométrie moyenne de 500 mm est faible et irrégulière avec des variations d'une année à l'autre. Les températures subissent l'influence de l'harmattan, vent chaud qui souffle en saison sèche.

Les sols ferrugineux tropicaux peu évolués de la zone présentent une grande importance agricole notamment pour la de l'arachide et du mil.

La végétation de type savane arborée à dominance d'épineux ne cesse de se dégrader sous l'action de l'homme par extension des superficies cultivées. Le tapis herbacé est en majorité composé de graminées annuelles alors que les ligneux sont dominés par un important parc à Faidherbia albida. On y rencontre aussi Adansonia digitata, Acacia seyal, Balanites aegyptiaca, Guiera senegalensis, Anogeissus leiocarpus, Piliostigma reticulatum et Tamarindus indica qui présentent un intérêt pastoral réel surtout en saison sèche (Afrena 1990).

La population agropastorale est essentiellement composée de Sérères et de Ouolofs qui s'adonnent principalement à la culture de l'arachide qui couvre 50 p100 des terres cultivées mais aussi du mil qui occupe 45 pour 100 des terres. D'autres cultures vivrières comme le maraîchage, la culture du niébé et du manioc sont également menées.

L'élevage est intégré à l'agriculture. Les espèces domestiques élevées dans des exploitations de petite taille comprennent les bovins, les ovins et caprins en majorité; chaque exploitant possède de la volaille puis quelques asins et équins alors que les porcins sont élevés par la population chrétienne.

Le département de Bambey abrite d'importants marchés hebdomadaires dont le plus grand est celui de Bambey ville traversée par le plus grand axe de commercialisation du bétail du pays. Les villages cibles sont ceux de Keur Seck pour le lot 1, de Mbaary Gouy Tann pour le lot 2 situés au Nord de la ville de Bambey à environ 5 et 8 kilomètres respectivement. Le lot 3 a eu comme site le village de Ndangalma situé à environ 12 kilomètres à l'ouest de Bambey.

Les infrastructures d'accueil et l'équipement

Les animaux sont maintenus en stabulation entravée sous abri à l'arrière-cour ombragée des maisons. Les enclos sont faits de matériaux locaux (branchages et tiges de mil). Des mangeoires individuelles faites de branchages tissés de Guiera senegalensis contenaient les tiges de mil hachées alors que les concentrés et le ligneux étaient distribués dans des ustensiles de récupération. Des bassines en matière plastique servent d'abreuvoirs.

Les animaux et leur alimentation

Les essais ont été menés sur 36 taurillons zébu gobra, mâles entiers achetés au foirail de Dahra-Djoloff à 150 km au nord-est de Bambey; âgés en moyenne de deux ans avec un poids vif de 180 kg. Ces animaux ont été identifiés puis répartis en 3 lots de 12 dans les 3 villages cibles. A leur arrivée, ils ont subi un traitement antiparasitaire à l'ivermectine et au bayticol et ont ete vaccinés contre les principales maladies sévissant dans la zone.

La ration est constituée de tiges de mil hachées, de son de mil, de fruits de F. albida et de l'aliment "Jarga". La composition des rations sont décrites aux Tableau 2.

Méthode expérimentale

Le rationnement des animaux

La ration alimentaire et l'eau d'abreuvement ont été distribuées deux fois par jour en deux repas, le matin et en début d'après midi. La paille de mil était hachée pour faciliter la distribution. Chaque animal avait à sa disposition un bloc minéral à lècher à volonté.

Le suivi sanitaire

Une visite sanitaire est effectuée une fois par semaine ou à la demande. Au cours de ces visites tous les événements ou symptômes sont notés et des traitements appliqués après diagnostic d'une affection éventuelle.

Les mesures

L'ingestion des rations a été évaluée par mesure quotidienne des quantités d'aliment distribuées et les refus pendant deux jours consécutifs par semaine. L'évolution pondérale des animaux était suivie par une triple pesée de mise en place de l'essai, une double pesée au milieu de l'essai et une triple pesée finale. Ces pesées ont été effectuées le matin à jeun.

Evaluation de la production de fumier

A Keur Seck, la quantité de fumier produite a été estimée par pesée des fèces prédessiqués au soleil.

Les analyses statistiques

La signification des différences de poids entre lots est appréciée par analyse de variance. La relation entre la digestibilité de la ration et le taux de F. albida appliqué a été évaluée par régression.

Resultats et discussions

Composition chimique des fruits de F. albida

La composition chimique des fruits de F. albida est décrite au Tableau 3. La teneur en MAT est en moyenne de 11.4 % MS; Ce réultat confirme les données préliminaires du LNERV (Fall 1991). Il est proche de la fourchette indiquée par Le Houerou (1980). Comparée aux autres espèces arbustives, F. albida est un ligneux à teneur en MAT moyenne comparable aux feuilles de Guiera senegalensis (MAT = 14% MS) mais plus faible que les feuilles de Leucaena leucocephala (MAT = 25% MS). Cette teneur en MAT est intéressante comparée à celle des fourrages de saison sèche qui ne dépasse guère 5% MS.


La teneur en parois totales (NDF) de 42% MS est faible comparativement à celle des fourrages pauvres (Pailles de brousse de saison sèche, 75% MS). Ce taux est comparable à celui des feuilles de Leucaena (47,8 p100), mais inférieur à celui de Guiera (65,1 %MS) et supérieur à celui des feuilles de Balanites aegyptiaca (34,6 p100) ou de Calotropis procera (29 %MS d'après Fall 1993).

La lignine qui représente 13,9 %MS de F. albida est parmi les facteurs limitants de sa valeur nutritive en réduisant sa digestibilité. La teneur en Ca est de 0,4 %MS alors que le phosphore ne représente que 0,17 %MS. Ce taux de phosphore est très faible et est inférieur au seuil de 0,3 %MS considéré comme minimal pour les ruminants (Conrad et al 1985). L'absorption du phosphore est ainsi défavorisée par une teneur en calcium assez élevée entraînant par conséquent un déséquilibre phosphocalcique.

Les teneurs en tanins condensés exprimées en acide tannique sont de 11.3 % MS. Cette teneur supérieure au seuil de 5% (Mc Leod 1974) semble être incompatible avec une bonne digestion de l'azote et des composants pariétaux. Elle explique la nécessité de limiter l'incorporation des fruits de F. albida dans la ration de ruminants domestiques.

Digestibilité des rations à base de Faidherbia albida

Le Tableau 4 présente les résultats de la digestibilité in vivo des rations à base de fruits de F. albida. La digestibilité moyenne est de 49.4% MS. Une faible variation a été observée avec un écart entre animal allant de 0.7 à 2 points.

Evaluée par différence, la digestibilité de la matière sèche des fruits de F. albida a varié de 31 à 68% MS. Cette variation peut être attribuée au taux de ligneux ou à l'animal. L'écart-type inter animal a varié de 3 à 10 points. Les écarts les plus élevés ont été observés aux faibles taux de ligneux. Ces fortes variations inter animales alors que les niveaux de consommation sont comparables (50 g/kg P0.75 en moyenne) démontrent l'inadéquation de la méthode par différence pour calculer la digestibilité du ligneux.


La régression liant la digestibilité de la ration (DMSR) au taux de fruits de F. albida (L) est la suivante:

DMSR = 48.6 - 0.0123L + 0.00064L2

R2 = 0.68; N = 32

La digestibilité du fruit de F. Albida au taux de 100%MS sera de: DMSL = 53.8% MS

Il apparait d'apres le graphique 1 que la digestibilité des fruits de F. Albida augmente en meme temps que le taux d'incorporation de ces fruits dans la ration. Les observations qui avaient été précédemment faites au Laboratoire de Hann (Dakar) sur les feuilles de ligneux avaient au contraire montre que la DMS in vivo d'un échantillon de feuilles de Guiera senegalensis a diminue de 69 à 36 %MS quand son taux passaient de 15 à 42 % de la MST de la ration. Pour les feuilles d' Adansonia digitata elle a diminue de 74 à 52 p100 pour des taux respectifs dans la ration de 37 et 49 %MST (Fall 1993).

La digestibilité des fruits ou des feuilles de ligneux est donc une donnée relative qui varie en fonction de leur niveau d'incorporation dans la ration. L'influence significative du taux de fruits ou de feuilles de ligneux dans la ration montre l'existence d'interactions digestives ou de phénomènes associatifs entre le ligneux et la ration de base. Dans le cas des feuilles, il y a une certaine analogie avec les régimes fourrages/concentrés distribués aux ruminants (Berge et Dulphy 1991; Sauvant et Giger 1989; Fall 1993). Ces phénomènes pourraient s'expliquer par la présence de composés secondaires défavorables à la digestion des feuilles de ligneux, les tanins en particulier. Les feuilles de ligneux auraient ainsi deux effets opposés: une influence positive par apport d'azote puis négative par apport de tannins condensés à la ration. L'azote a une influence positive et proportionnellement croissante sur la cellulolyse tandis que les tanins condensés peuvent ne pas être dangereux jusqu'à un certain niveau au-delà duquel un effet négatif sur la cellulolyse provoque une baisse de la digestibilité (Fall et al 1996). Dans la revue de McLeod (1974), la teneur de 5%MS d'acide tannique dans le fourrage a engendré des effets adverses chez le mouton. Ce taux est considéré comme un seuil critique par les auteurs.

Il est donc nécessaire de connaître le taux optimal de ligneux correspondant à une digestibilité maximale de la ration. Pour les fruits de F. albida le taux optimal d'intégration dans la ration a été de 75%MS (graphique 1).

Essais alimentaires

Consommation des rations

Les fruits de F. albida ont été entièrement consommés pendant toute la durée de l'essai. La consommation des tiges de mil a connu de faibles variations au cours de l'essai. Pour la ration totale, le taux de refus qui était en moyenne de 40 % MS du distribué est tombé à 12 %MS vers la fin de l'essai pour les lots 1 et 2. Ces refus étaient beaucoup plus importants pour le lot 3 où les tiges de mil étaient mal hachées (60 % du distribué en début et 20 % en fin d'essai). Une influence de la qualité physique des tiges de mil distribuées sur leur ingestion a été observée.

L'ingestion a été comparable d'un lot à un autre; la consommation journalière moyenne de la ration totale était de 7.8, 8 et 7.5 kg MS par tête respectivement pour les lots 1, 2 et 3 sur un total distribué de 8.5 kg de matière sèche par animal (Tableau 6). Rapportée au poids vif, cette consommation est de 4.2, 3.8 et 3.9 kg MS /100 kg poids vif soit 133, 123 et 124 g/kg P0.75 respectivement pour les lots 1, 2 et 3.



En 1994, ces consommations étaient de 113 et 133 g/kg P0.75 respectivement pour les lots 1 et 2 dans les mêmes localités avec une ration comprenant des tiges de mil, du son de mil, du tourteau d'arachide du sel et des blocs minéraux à lècher.

Ces résultats sont supérieurs à ceux de Traoré et al (1995) qui ont observé des consommations de 92 et 95 g/kgP0.75 respectivement pour des rations contenant 25 et 52 p100 de feuilles fraîches de Leucaena leucocephala.

L'incorporation des fruits de F. albida dans la ration a une influence positive sur l'ingestion des aliments. Le taux d'incorporation qui était de 21 p100 a été retenu en tenant compte de la présence de composés secondaires comme les tanins qui ont des effets néfastes.

Evénements sanitaires

Durant toute la période de l'essai, aucune mortalité n'a été enregistrée. Aucune affection n'a été également signalée. Cela est dû au choix d'animaux sains mais aussi aux mesures préventives prises en début d'essai (vaccinations et déparasitage).

Evolution pondérale des lots

L'évolution pondérale a été croissante durant tout l'essai pour l'ensemble des lots même si on a noté de faibles croissances en période d'adaptation (Tableau 7). Le gain moyen quotidien a été de 1100, 615 et 173 g respectivement pour les lots 1, 2 et 3. L'évolution pondérale observée a été différente d'un lot à un autre ce qui illustre un effet exploitation hautement significatif (P<0.01). Pour un taurillon d'un poids moyen de 200 kg, les apports d'énergie et d'azote permettaient un gain de poids quotidien de 1100 et 1400g respectivement (INRA 1989). Seul le lot 1 a approché la production attendue. Cette hétérogénéité de la réponse des lots pourrait s'expliquer par l'entretien des animaux en stabulation. En effet, comparée aux autres exploitations, la coopérative de Keur Seck, plus motivée, bénéficie d'une longue expérience en matière d'embouche paysanne. Un hachage plus fin de la paille et une plus grande rigueur dans la distribution de l'aliment et de l'abreuvement ont permis d'enregistrer de meilleurs résultats dans cette exploitation.

Les pratiques d'élevage et la gestion des exploitations ont eu une influence décisive sur leurs performances. L'exploitation de Keur Seck (lot 1) a été gérée par un groupement d'intérêt économique très dynamique, associant des hommes et des femmes qui bénéficiaient d'une large expérience en matière d'embouche bovine. Le suivi de l'exploitation a été bien organisé. Les hommes s'occupaient du gardiennage des animaux, de l'entretien de l'atelier (nettoyage des étables et mise en stock du fumier) et du hachage des tiges de mil alors que les femmes avaient en charge l'abreuvement des animaux et la préparation des concentrés.

L'exploitation de M'Baary gouye Tann (lot 2) est de type familial. L'atelier a été entretenu par des jeunes non rémunérés, ce qui a pu altérer leur motivation.

A Dangalma, le lot 3 a été géré par un groupement de femmes. L'abreuvement et la distribution des aliments ont connu des perturbations. Le hachage de la paille n'était pas assez fin, ce qui explique un important taux de refus. Les femmes ont eu un problème de force de travail, elles ont été également pénalisées par une certaine dispersion en étant impliquées par ailleurs dans d'autres activités de commerce.

Du point de vue organisationnel, la formule groupements d'intérêt économique regroupant de façon complémentaire les hommes et les femmes semble être plus efficace. On note globalement une progression dans la consommation en fonction de la période. Les performances auraient certainement été meilleures si la durée de l'essai était plus importante. La vente prématurée des animaux a été décidée par les éleveurs pour profiter d'une hausse momentanée du prix de la viande de boeuf sur le marché local.

Les résultats obtenus pour le lot 1 sont supérieurs à ceux des essais de 1994 dans le même site où les gains moyens quotidiens de 681 à 1073 g étaient enregistrés avec des rations à base de tiges de mil, de son de mil, de tourteau, de sel et de bloc minéral à lécher. Ils sont également supérieurs à ceux obtenus par Traore et al (1995) avec des rations contenant 25 % de feuilles fraîches de Leucaena leucocephala (808g par jour).

Pour le lot 2, le gain moyen quotidien de 615 g obtenu est inférieur à ceux des essais de Fall et al. (1994) dans le même village où on avait enregistré 904 g avec la même ration que pour le lot 1. L'indice de consommation a été de 7.9 pour le lot 1 et de 14.1 pour le lot 2. Ce paramètre n'a pas pu être déterminé pour le lot 3 dont la commercialisation a été retardée par des problèmes d'organisation du groupement de femmes. L'indice de consommation du lot 1, inférieur à celui rapporté par Seck (1981) dans le bassin arachidier, prouve que la technique d'alimentation intensive a été bien maîtrisée par les paysans de ce site.

Le Tableau 8 montre que les ligneux permettent d'avoir des gains de poids intéressants (1100 g/jour avec des fruits de F. albida; 808 g/jour avec les feuilles fraîches de Leucaena leucocephala). L'efficacité de la ration n'est cependant pas proportionnelle au taux d'incorporation du ligneux. Ce taux, en influant sur la digestibilité in vivo (Fall 1993), les capacités cellulolytiques du rumen (Fall et al 1996), la croissance et la santé des ruminants (Traoré et al 1995), semble être un important facteur à prendre en compte dans la formulation des rations à base de ligneux fourragers.


Production de fumier dans les ateliers d'embouche paysanne

La quantité totale de fèces frais mesurée à Keur Seck qui est l'exploitation pilote est de 3,4 tonnes avec un effectif de 12 sujets en 52 jours d'essai soit une production moyenne de 5,4 kg de fèces prédessiqué par animal et par jour.

La quantité de fumier récoltée paraît assez faible comparée aux normes qui sont de l'ordre de 10 kg par jour et par bovin de 250 kg (repésentant une UBT ou Unité Bovin Tropical). Cela peut être expliqué par une perte d'humidité et au poids des animaux qui était d'environ 180 kg seulement. . Ce fumier, stocké à l'air libre au soleil, a par la suite subi une dessiccation partielle. Mélangé au refus, il est destiné à l'amendement des champs de mil à raison de 2.5 tonnes à l'hectare. En 1994, les rendements obtenus en mil ont plus que doublé passant de 0,8 à 2 tonnes à l'hectare grâce au fumier produit par les ateliers d'embouche. L'effet positif de ce fumier sur le statut des sols devrait se poursuivre pendant les années suivantes. Ceci constitue un intérêt agronomique particulier car l'utilisation des engrais chimiques est de plus en plus rare dans les zones cibles provoquant une importante dégradation des sols et une baisse des rendements agricoles. Dans ces systèmes de production agro-pastorale, les animaux contribuent ainsi de manière substantielle à l'augmentation des rendements agricoles par l'apport de force de travail et par un transfert de fertilité à travers la stabulation. La production de fumier d'assez bonne qualité peut être améliorée par la pratique du compostage.

Bilan économique:

Le bilan économique a été établi par la comparaison entre d'une part les charges représentées par l'achat des animaux, des médicaments et le prix de revient de l'alimentation et, d'autre part, les recettes résultant de la vente des animaux en fin d'opération. Les autres dépenses prises en compte sont celles afférentes aux infrastructures et à la main d'oeuvre. Des produits comme le fumier constituent des données très variables suivant le type d'exploitation (familial, associatif ou individuel). Le surplus de mil récolté a été pris en compte. Le prix du kg d'aliment est calculé en fonction du coût des intrants utilisés dans la ration au moment de leur acquisition sur le marché. Le bilan économique des essais est décrit au Tableau 9.


Comparé aux bilans enregistrés dans la même zone (Fall 1994), les taux de rentabilité sont faibles. Cela peut s'expliquer par le caractère saisonnier du prix des animaux qui est un facteur déterminant de rentabilité. L'arrêt avant terme des opérations a eu aussi un effet négatif sur la rentabilité. Ceci est dû au fait que les paysans étaient obligés de se libérer pour les travaux champêtres avec l'arrivée précoce des pluies en 1995. La dépense la plus importante dans ces opérations est l'investissement de base que constitue l'achat des animaux qui représente en moyenne environ 85 % des charges totales pour les lots 1 et 2.

L'alimentation est le second poste de dépense avec 14 % des charges totales et 94% des charges de fonctionnement.

Ce bilan ne tient pas compte aussi de l'influence durable du fumier sur l'amélioration des sols. Son action sur les champs peut se prolonger pendant 2 à 3 ans.

Conclusions

Les essais menés en 1995 dans le bassin arachidier du Sénégal, confirment les potentialités de cette zone pour résorber le déficit en viande qui prévaut dans ce pays. Les contraintes liées à la maîtrise des filières commerciales concernant les intrants peuvent être levées en partie par une utilisation intégrée des ressources naturelles. L'utilisation des fruits de F. albida a permis d'obtenir une croissance rapide de jeunes taurillons. Les différences entre exploitations confirment l'intérêt de la formation des éleveurs aux techniques modernes d'embouche bovine. Ces progrès permettraient sans doute de faire jouer à cette zone un important rôle dans la stratégie de production de viande au Sénégal.

F. albida est à prendre en compte dans toute stratégie de développement de l'élevage. Son exploitation pose cependant des problèmes de rationnement liés à la présence de tanins condensés.

Bien que la digestibilité n'ait pas été diminuée aux hauts niveaux d'incorporation de F. Albidia (en fait la tendance était plutôt à l'augmentation), il est provisoirement recommandé de limiter le niveau d'incorporation à 20% de la matière sèche de la ration, à cause de la teneur élevée de tannins dans le fruit et de l' effet négatif bien connu de ceux-ci sur les performances animales lorsqu'ils sont présents à de hauts niveaux dans la ration.

L'importance des fourrages arbustifs dans les systèmes d'alimentation est aujourd'hui bien connue; leur utilisation demeure cependant encore mal maîtrisée. Des recherches s'avèrent encore nécessaires pour connaître les variations de leurs valeurs nutritives et l'incidence de leur utilisation sur l'environnement. Ces préalables permettraient au bassin arachidier d'être le cadre de développement de l'agro-sylvo-pastoralisme en respectant la biodiversité qui le caractérise. En effet, une meilleure intégration des activités pastorales aux activités agricoles et forestières permettrait aux producteurs d'approcher une autosuffisance en matière d'approvisionnement en intrants. L'agriculture fournirait les résidus de récolte et les parcs forestiers le fourrage arbustif de bonne qualité à l'élevage qui contribuerait à maintenir le statut des sols par un apport de matière organique.

Remerciements

Ces travaux ont été effectués grâce l'appui conjoint de la FAO, du FIDA et du CRDI. Les auteurs remercient le service départemental de l'élevage de Diourbel pour sa contribution au suivi des essais.

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