Impact du stress thermique sur les critères de qualité du lait cru de vaches Holsteins en zone semi-aride de l’Ouest algérien

M Zoghlami¹, H Yerou^1,2, W Yerou¹ et A Homrani³

¹ Département des Sciences Agronomiques, Faculté SNV Université de Mustapha Stambouli, Mascara 29000 Algérie
mourad.zoghlami@univ-mascara.dz
² Laboratoire LGDE Université de Mustapha Stambouli, Mascara 29000 Algérie
³ Laboratoire des Sciences et Techniques de Production Animale, Université de Mostaganem Abdelhamid Ibn Badis 27000 Algérie

Résumé

L’objectif de cette recherche visait à apprécier l’incidence du stress thermique sur quelques critèresde qualité globale du lait cru de vaches Holsteins conduites en région semi-aride de l’Ouest algérien. Les105 vaches en lactationétudiées ont été divisées en trois lots selon le niveau du THI. Les vaches du Lot 1en stress sévère (THI>78) ont été suiviesde juin à septembre2019, celles du Lot 2en stress léger (THI 72-78) d'octobre à novembre2019, et celles duLot 3en conditions de confort (THI<72) de décembre2019 à mars2020.La qualité globale du lait cru a présenté une chute avec l’augmentation du seuil THI. Le taux butyreux a varié de30,4 à 34,6 g/kg et l’extrait sec total de 113 à 115 g/kg. Un effet significatif (p<0,05) du stress thermique est apparu sur les caractéristiques chimiques du lait. Les valeursde dénombrement de FMAT des échantillons du lait cru ont été les plus élevées pour les lots 1 et 2, alors qu’une faible charge bactérienne a étéenregistrée pour le THI<72. Le stress thermique a eu un impact négatif sur les performances des vaches laitières Holsteinsimportées des régions tempérées vers les pays à climat aride. Les résultats de cette étude pourraient être utiles aux éleveurs en leur permettant d'adopter des stratégies pour atténuer l'impact du stress thermique au niveau de l'étable, ce qui favorise l’amélioration de revenus des exploitations laitières.

Mots-clés : Algérie, bovin, qualité, THI

Impact of heat stress on the quality criteria of raw milk from Holstein cows in the semi-arid zone of Western Algeria

Abstract

The objective of this research was to assess the impact of heat stress on some criteriaof overall quality of raw milk of Holstein cows kept in a semi-arid region of Western Algeria. The 105 lactating cows studied were divided into 3batches according to THI level. The cows of Lot 1 severe stress (THI>78) followed from June to September2019, Lot 2 light stress (THI 72-78) from October to November2019, and Lot 3 comfort conditions (THI<72) from December 2019to March 2020. The results of overall quality of raw milk showed a dropwith the increase of the THI threshold. The butyrate varied from 30.4 to 34.6 g/kg and the total dry extract from 113 to 115 g/kg. A significant effect of heat stress was on chemicalcharacteristicsofmilk (p<0.05). The FMAT count values of raw milk samples were the highest for batches 1 and 2, while a low bacterial load was recorded for THI<72. Heat stress has a negative impact on the performance of Holstein dairy cows imported from temperate regions to arid climate countries. The results of this study could be useful to farmers in adopting strategies to decreasethe impact of heat stress at the barn level, which promotes income improvement of dairy farms.

Key words: Algeria, cattle, quality, crude milk, THI

Introduction

En Algérie, la production du lait cru continue d’être soumise à un ensemble de contraintes d’ordre technico-économique, structurel et organisationnel qui empêchent son développement(Boukhechem and al 2019, Yerou and al 2019). La saisonnalité de la production est le résultat de l’effet conjugué des disponibilités alimentaires, des conditions climatiques et de la conduite de la reproduction (Yerou et al 2021). La qualité microbiologique du lait cru suscite l’intérêt des différents acteurs de la filière lait en Algérie.Plusieurs recherches ont été entreprises pour caractériser la qualité physico-chimique et hygiénique du lait cru de vache, qui demeure non satisfaisante, allant de moyenne à mauvaise qualité (Zaabal et Ahmed 2008,Verdier-Metz et al 2009, Sraïri et al 2009, Larsen et al2010,Kaouche et al 2014, Bouraouiet al 2014). En effet, la maitrise de la qualité du lait cru reste un enjeu important pour la durabilité des fermes laitières en vue des exigences des centres de collecte et de transformation. L’augmentation du taux de collecte du lait cru est indéniable en Algérie. Ellea été à l’origine de l’instauration demesures incitatives sous forme de prime à la qualité du lait par décret ministériel (primes à la production 12 Da/litre avec 1 Da supplémentaire pour chaque gramme en plus de matière grasse au-delà de 34 g/l de lait produit, à la collecte 5 Da/litre et 5 Da/litre à la transformation industrielle pour intégration du lait collecté localement). Plusieurs facteurs sont à l’origine des variations de la qualité globale du lait cru (Sraïri et al 2009, Kaouche-Adjlane et Mati 2017,Kaouche-Adjlane 2018, Ouarfli et Chehma 2018). Ces facteurs sont représentés, d’une part, par desparamètresintrinsèques (types génétiques, âge, phase de lactation, état hygiénique et sanitaire) et d’autre part, par des paramètres extrinsèques (stress thermique, rationnement, pratique de la traite) (Fox et McSweeney 1998, Bernabucci et al 2010, 2015).

La situation du changement climatique en Algérie est caractérisée par l'augmentation des températures, avec plus du double de l'augmentation moyenne mondiale, ainsi qu'une baisse des précipitations de l'ordre de 10 à20%(Yerou et al 2021). Cette dernière, conduira à une augmentation du stress thermique chez les vaches laitières et influencera tous les processus biologiques et physiologiques, avec un impact négatif sur les performances réalisées.Etant donné que la maîtrise et la qualité physico-chimique et microbiologique du lait cru dans les conditions semi-aridessont les garanties de la durabilité de l’élevage laitier, la présente étude a pour but d'étudier l'influence du niveau de l'indice température-humidité (THI) sur quelques critèresde la qualité du lait cru de vaches Holsteins. Par ailleurs, ce genre de recherche permettrait ainsi d’affiner les diagnostics préalables relatifs aux performances desfermes laitières Algériennes, en déterminant les limites de la qualité globale du lait cru et ses variations.

Matériels et méthodes

Caractéristiques microclimatiques de la région

Suite à l’étude concernant l’influence du stress thermique sur les paramètres de reproduction de la race Holstein conduite en zone semi-aride en Algérie et publiée par Yerou et al (2021), des échantillons de lait cru ont été récoltés et analysés sur les plans physico-chimique et microbiologique.Le cheptel expérimental de vaches laitièresaété conduit dans 3fermes privées avec un système de gestion en hors sol. L’évolution des paramètres climatiques (la température, l’humidité relative et l'indice de température et d'humidité) est consignée dans le Tableau 1 et la Figure 1.

L'indice de température et d'humidité (THI) a été calculé en utilisant la formule proposée par Vitali et al (2009): THI = (1,8×T+32) - (0,55-0,0055×RH) × (1,8×T-26)avec RH = l’humidité relative en % et T = la température en degré Celsius.

Figure 1. Variation des températuresdans la région d’étude.       T = température, Hd = humidité

Déroulement de l’expérimentation

La recherche a été réalisée durant lesannées2019-2020en adoptantla classification du stress thermique selon Kadzere et al (2002). Trois lots expérimentaux ont été définisselon les valeurs du THI: Lot 1 stress sévère (THI>78),Lot 2 stress léger (THI 72-78) et Lot 3 conditions de confort : (THI<72).Trente-cinqvaches Holsteinsen lactation ont été sélectionnées parlot ;par conséquent, un total de 105 vaches laitières en lactation ont été suivies. Les vaches avaient libre accès à l'eau et recevaient une ration composée de fourrage de bonne qualité et une complémentation en concentré selon les recommandations pour vaches laitières. Afin d'éviter les effets de la phase de lactation et de l'âge sur la composition du lait, les trois lots ont été équilibrés pour la parité (4,2±0,3ans) et les jours en lait (54±4 jours). Les vaches étaient traites mécaniquement deux fois par jour à 5h00 et 17h00. Un échantillon de lait a été prélevé sur chaque vache pendant la traite matinale. Chaque échantillon a été analysé pour quelques critèresde la qualité du lait, les paramètres physico-chimiques exprimés en (g/kg), le taux butyreux TB (g/kg), le taux protéique TP (g/kg), le lactose, l’extrait sec total EST, le pH, la températureT °Cdu lait cru à l’étableet l’aspect hygiénique représenté par la charge microbienne totaleexprimée en Log FMAT.

Analyse physico-chimique et dénombrement de la flore mésophile totale

Les paramètres physico-chimiques ont été mesurés automatiquement à l'aide d’unLactoscan SP (milkanalyzer). La température et le pH du lait ont été mesurés sur place et les échantillons collectés ont été réfrigérés pour éviter l’effet de la température ambiante lors du transport vers le laboratoire.Les analyses microbiologiques réalisées ont concernéla flore mésophile aérobie totale (FMAT), qui représente un bon indicateur de contamination, et qui a été dénombrée sur gélose PCA incubée 24 h à 30°C. Le dénombrement de laflore mésophile aérobie totalea étéexprimé en UFC (Unité Formant Colonie).

Etudes statistiques

Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide du logiciel SPSS, avec un modèle à plan randomisé complet : Yij= μ + S_i+ E_ij , où Y_ij représente l’observation de la variable dépendante, μ la moyenne de la population pour la variable,S_i l’effet du stress thermique et E_ij l’effet aléatoire associé à l’observation.

Résultats et discussion

Incidence du stress thermique sur les critères de qualité du lait cru des vaches Holsteins

Les résultats d’évaluation de quelques critèresde qualité du lait crude vaches Holsteins en zone semi-aride algérienne sont consignés dans le Tableau 2.

Paramètres physico chimiques

Les températures mesurées immédiatement après la traite ont été comprises entre 26,6 et 19,3 °C, alors que le pH a varié de 6,65 à 6,75 selon le seuil de stress thermique. Le lait de vache à l’état frais a un pH compris entre 6,6 et 6,8.

La valeur moyenne du taux butyreux (32,4 g/kg) était en dessous des normes algériennes de 34 g/kg, des normes du lait qui tolèrent des valeurs se situant entre 34 à 36 g/L. L’extrait sec total était inférieur à celui signalé par Mathieu (1998). Pour le lactose, principal sucre présent dans le lait et substrat de fermentation lactique pour les bactéries lactiques, la moyenne a été inférieure à l’intervalle normal pour un lait cru qui est 40-50 g/l (Labioui et al 2009).

Les valeurs de l’extrait sec total ont été considérablement réduites avec l'augmentation du niveau du stress thermique en faveur du lot 3. Ceci est évidemment dû à la réduction de la teneur en matières grasses, protéines et lactose chez les vaches des lots 1 et 2 (stress thermique). La plupart des études rapportent également une diminution de la proportion de matière grasse et des protéines dans le lait avec l’augmentation du THI (Bouraoui et al 2002, Gantner et al 2011,Bruegemann et al 2012, Hammami et al 2013, Smith et al 2013, Lambertz et al 2014).

Par ailleurs, des réductions significatives de la composition en gras, en protéines et en lactose ont été rapportées en conditions de stress de chaleur (Bernabucci et al 2014, Cowley et al 2015 et Wheelock et al 2010). De leur côté, Cowley et al (2015) ont attribué, en partie, la diminution des protéines du lait à la réduction de la consommation volontaire de matière sèche observée pendant un stress de chaleur et à l’utilisation accrue des acides aminés pour la néoglucogenèse. Les vaches en stress de chaleur sécrètent moins de lactose (200 à 400 g par jour) que celles en état de thermo-neutralité(Rhoads et al 2009, Wheelocket al 2010). La quantité de lactose est généralement équivalente (sur une base molaire) à la quantité de glucose sécrétée. Ainsi, puisque le glucose est la source d’énergie principale pendant un stress de chaleur et que moins de glucose est ainsi disponible pour la glande mammaire (Wheelock et al 2010),il y a eudiminution du lactose.

Paramètres microbiologiques

La détermination de la charge de laflore aérobie mésophile totale(FMAT) est utilisée pour estimer la population des bactéries viables dans le lait et refléter les pratiques d’hygiène utilisées dans la production et la manipulation du lait.La flore aérobie mésophile totale, base de paiement du lait à la qualité, est considérée comme indicateur général de qualité globale du produit. Elle révèle les conditions de production, plus particulièrement les pratiques hygiéniques lors de la traite (Yabir et al 2013).

L’augmentation de la FMAT pour les lots 1 et 2 en période de stress thermique est probablement due à la multiplication des microorganismes avec l’élévation de la température ambiante qui atteint 39°C dans la région d’étude. Ce qui est en accord avec les résultats obtenus parAfif et al(2009), Srairi et Hamama(2006), Ghazi et al(2010)et Jora(2017) qui s’accordent sur le fait qu’une charge supérieure à 10⁵UFC/ml signifie une contamination importante. Ces dénombrements sont également inférieursaux charges maximales tolérées par les réglementations française et américaine qui sontrespectivement de 5 x 10⁵UFC/ml et 3 x 10 ⁵UFC/ml (Alais 1984).

En effet, ces niveaux de contaminations élevés sont étroitement dépendants des conditions d’hygiènegénérale et de l’état sanitaire de l’animal. Cette charge élevée en flore mésophile aérobietotale dans tous les échantillons analysés, renseigne sur le degré desalubrité générale de l’étable laitière.Ces laits crus n’étant pas ensemencés en ferments (lactiques, fongiques), les chiffres obtenusprésentent globalement la flore réelle des laits crus produits en zone semi-aride.

De sa part, Kaouche (2018), a indiqué que les niveaux élevés de la flore totale peuvent être interprétés comme un indice de mauvaisepratique d'hygiène pendant la traite. Aussi, les laits présentant une telle charge sont moinsrecherchés dans les industries agro-alimentaires à cause des risques d’altérations oud’accidents de fabrication. Aggad et al (2009)ont rapporté un niveau de contamination moyen qui avoisine 83x10⁴ UFC/ml pour les prélèvements de lait cru à partir de tanks de réception dans l’Ouest Algérien.Celui-ciconcorde avec le niveau trouvé par Srairi et al (2005), Mennaneet al (2007), Affif et al (2008)et Labioui et al (2009).

La charge microbienne totale était importante et dépassait les normes fixées par la loi Algérienne nationale (Jora2017) qui sont de 10 ⁵ ufc/mL. Ce statut en germes dans le lait cru des vaches Holsteins, traduit un non-respect des bonnes pratiques d’hygiène des étables, ainsi que la contamination par les déjections de vaches, par le sol et l’eau utilisée (Chye et al 2004). Les résultats obtenus sont en accord avec ceux rapportés dans plusieurs régions en Algérie (Tir et al 2015, Kaouch et al 2018).

Impact du stress sur les critèresde qualité

L’ensemble des critèresde la qualité globale du lait a présenté une décroissance (p<0,05) avec l’accroissement du seuil THI. Par ailleurs, les valeurs de dénombrement de FMAT dans les échantillons du lait cru de vache en fonction des valeurs THI ont été les plus élevées (p<0,05) pour les lots 1 et 2 respectivement THI>78 stress sévère et THI 72-78 stress léger,alors qu’une faible charge bactérienne était enregistrée pour le THI<72 (conditions de confort).Le taux butyreux a varié de30,4 à 34,6 g/kg et la matière sèche totalede 113à 115 g/kg. La teneur moyenne en matière grasse étaiten accord avec l’intervalle de 28,5 à 32,5 g/l avancé par l’AFNOR (2001). Labioui et al (2009)dans les conditions Marocaines, a indiqué une tendance similaire justifiée par les facteurs climatiques et alimentaires.

Nos résultats indiquent un effet significatif du stress thermique sur les caractéristiques chimiques et microbiologiquesdu lait. Plusieurs auteurs (Bertocchi et al 2014, Hill and Wall 2015, Zeinhom and al 2016, Nasr and El-Tarabany 2017,Matallah et al 2017)ont indiqué une diminution significative de tous les composants principaux du lait suite à l'augmentation du THI.

La modification des valeurs des taux butyreux, protéiques et de lactose du lait en fonction du THI pourrait être attribuée à la réduction de l'apport en matière sèche, et par conséquent de l'apport énergétique, qui à son tour peut être responsable de la réduction de la synthèse du lait. En outre, le stress thermique entraine la diminution de la production salivaire, ce qui peut affecter la capacité tampon du rumen(Zeinhom and al2016). De sa part, Cowley et al (2015) ont rapporté que la chute des protéines du lait pourrait être attribuée aux effets directs du stress thermique sur la synthèse de la glande mammaire. De même, Shwartz et al (2009), ont signalé une réduction du niveau du lactose du lait pour les valeurs de THI élevées. Cela peut être dû aux effets directs et indirects du stress thermique sur l'apport de précurseurs de composants (à savoir le glucose) à la glande mammaire (Bernabucci et al 2010).

Conclusion

Les résultats obtenus reflètent l’impact négatif du seuil de stress thermique sur quelquescritères de la qualité du lait des vaches Holsteins conduites en zone semi-aride Algérienne. L’ensemble des paramètres étudiés commencent à diminuer de façon significative dans les échantillons de lait cru de vaches exposées aux THI supérieurs à 72. Les caractéristiques du lait ainsi que l'évolution de la flore totale FMAT observées sous les conditions de stress thermique dévoilent un risque de contamination importante dépassant les normes admises par la réglementation et l’industrie de transformation et de commercialisation du lait cru Algérienne. Cela conduit à diminuer le prix du lait, ce qui entraîne des pertes économiques pour les éleveurs. Les résultats de cette étude pourraient être utiles aux éleveurs en leur permettant d'adopter des stratégies pour atténuer l'impact du stress thermique au niveau de l'étable.

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