La vache laitière au péripartum: valeurs de quelques paramètres plasmatiques dans un élevage du nord de l’Algérie

M K Ghozlane^1,2, S Temim², L Ariouat¹ et F Hennouni¹

¹ Faculté des Sciences de la Nature et de la Vie et des Sciences de la Terre, Université Djilali Bounaama, 44000 Khemis Miliana - Ain Defla, Algérie
m.ghozlane@univ-dbkm.dz
² École Nationale Supérieure Vétérinaire, 16270 Rue Issad Abbes, Oued Smar - Alger, Algérie

Résumé

L’objectif de cette étude était d’analyser les profils de sécrétion de 4 marqueurs biologiques (le glucose, les triglycérides, le cholestérol et l’urée plasmatiques) au péripartum sur 18 vaches Prim’Holstein d’une exploitation privée dans la wilaya d’Ain Defla. Aucune suralimentation n’a été faite au tarissement (steaming up). Les animaux ont subi des prélèvements sanguins séquentiels à J-₃₀, J_-15 avant vêlage, au vêlage J₀, à J₊₁₅ et J₊₃₀ postpartum. Les paramètres plasmatiques étudiés ont été déterminés par spectrophotométrie. Les résultats obtenus restent plus au moins dans les normes physiologiques, ils montrent une diminution des concentrations plasmatiques des paramètres énergétiques (glycémie, cholestérolémie et triglycéridémie) durant le tarissement, probablement en raison de leur utilisation massive par le fœtus ; d’un autre côté, cette baisse pourrait être attribuée à un état cétosique des animaux par manque d’apport énergétique pouvant entrainer une atteinte hépatique. Ces mêmes paramètres ont subi par la suite une augmentation en début de lactation, ce qui pourrait témoigner d’une forte lipomobilisation due à un déficit énergétique durant cette période. Ainsi, la glycémie est passée de 0,72 ± 0,13 à 0,48 ± 0,06 puis 0,45 ± 0,05 g/l de J_-30 à J₀ puis J₊₃₀. En parallèle, l’urémie a connu une nette élévation avec l’avancement de la gestation pour diminuer au postpartum suite à l’augmentation des besoins de lactation ; cette baisse après vêlage conforte l’idée d’un dysfonctionnement hépatique. L’urémie est passée de 0,14 ± 0,14 à 0,32 ± 0,12 puis 0,10 ± 0,02 g/l de J_-30 à J _-15 puis J₊₃₀.. Ainsi, ce travail apporte un constat sur le statut métabolique et nutritionnel des vaches laitières dans les conditions d’élevage au nord de l’Algérie.

Mots-clés: bovin laitier, cholestérolémie, glycémie, postpartum, tarissement, triglycéridémie, urémie

The dairy cow peripartum: values ​​of some plasma parameters in a farm in northern Algeria

Abstract

The objective of this study was to analyze the secretion profiles of 4 biological markers (glucose, triglycerides, cholesterol and urea) at the peripartum on 18 Prim'Holstein cows from a private farm in the wilaya of Ain Defla. No overfeeding has been done at the drying off period (steaming up). The animals underwent sequential blood sampling at D-30, D-15 before calving, at calving D0, D +15 and D + 30 postpartum. The plasma parameters studied were determined by spectrophotometry. The results obtained remain at least in physiological norms, they show a decrease in plasma concentrations of energy parameters (blood glucose, cholesterol and triglyceridemia) during the drying-off period, probably due to their massive use by the fetus; on the other hand, this decrease could be attributed to a ketosic state of the animals due to lack of energy intake which can lead to liver damage. These same parameters were subsequently increased at the beginning of lactation, which could indicate a strong lipomobilization due to an energy deficit during this period. Thus, blood glucose increased from 0.72 ± 0.13 to 0.48 ± 0.06 and then 0.45 ± 0.05 g/l on D-30 to D0 and then D + 30. At the same time, uremia was markedly elevated with advancement of gestation to decrease postpartum due to increased lactation requirements, this decrease after calving confirms the idea of ​​hepatic dysfunction. Uremia decreased from 0.14 ± 0.14 to 0.32 ± 0.12 and then 0.10 ± 0.02 g/l on D-30 to D-15 and then D + 30. Thus, this work provides an assessment of the metabolic and nutritional status of dairy cows under farming conditions in northern Algeria.

Keywords: cholesterol, dairy cattle, drying, glucose, postpartum, triglyceridemia, uremia

Introduction

L’obtention d’un veau par an et d’une production laitière la plus élevée possible constituent l’objectif principal de tout éleveur soucieux de la rentabilité de son élevage. Cet objectif ne peut se réaliser que par la bonne gestion et la maitrise de la phase de transition appelée aussi période du péripartum.

La gestation et la lactation engendrent un grand stress métabolique chez la vache laitière ; le risque d’exposition aux maladies en postpartum est très élevé. Afin de détecter celles-ci précocement et éviter des dépenses liées aux soins vétérinaires et à la baisse de production, une surveillance métabolique la plus précoce possible lors du péripartum est un atout en vue d’évaluer avec certitude le statut métabolique de la vache.

L’objectif de cette étude est d’analyser l’évolution de quelques paramètres biologiques (glycémie, triglycéridémie, cholestérolémie et urémie) au cours du péripartum chez la vache laitière dans un élevage du nord de l’Algérie. Peu de données sont disponibles sur la valeur de ces paramètres dans les conditions algériennes. Les variations du profil métabolique durant le péripartum pourraient être un indicateur intéressant dans le suivi de la conduite de la vache laitière.

Matériel et méthodes

Matériel

Les animaux

L’étude a été réalisée en 2016 dans une exploitation privée de la wilaya d’Ain Defla, au nord de l’Algérie, sur 18 vaches laitières (soit 10% de l’effectif) de race Prim’Holstein, à différents numéro de lactation, âgées de 3,5 à 8 ans environ. Ces vaches ont fait l’objet d’un suivi afin d’établir et analyser leur statut énergétique et protéique durant le péripartum.Mais la note d’état corporel n’a pas été recherchée. Leur production laitière moyenne était de 24,5 ± 5,0 kg par jour avec une lactation de 323,5 ± 14,5 jours.

Les vaches taries et en lactation recevaient la même ration fractionnée en deux repas par jour. Aucune suralimentation n’a été faite au tarissement (steaming up). Les apports alimentaires quotidiens sont mentionnés dans le tableau 1.

Méthodes

Les prélèvements ont été effectués sur des tubes héparinés de type vacutainer à l’aide d’aiguille à usage unique, par voie coccygienne après une asepsie locale et une bonne contention des animaux à jeun. En cas de problème sur la veine caudale, la réalisation du prélèvement se faisait par voie jugulaire. Les tubes ont été évidemment identifiés avant la prise de sang. Ces prélèvements ont été effectués à 5 reprises pour chaque animal suivant le protocole mentionné dans la figure 1. Avant le vêlage, dont la date a été estimée, ils ont été réalisés 31,3 ± 3,9 jours (J-30) et 13,8 ± 2,1 jours (J-15) avant cette date.

Figure 1. Protocole de prélèvemen snguin

Le sang prélevé a été transporté dans une glacière vers le laboratoire de l’Université Djillali Bounaama de Khemis Miliana pour être centrifugé à raison de 3 000 tours/minute pendant 10 à 15 minutes. Le surnageant (plasma) de chaque tube a été récupéré à l’aide d’une micropipette avec des embouts à usage unique, puis placé dans des tubes de type eppendorfs résistant à la congélation avec trois répétitions (3 eppendorfs pour chaque tube hépariné). Ces prélèvements préalablement identifiés avec le numéro de la vache et la date de la prise de sang, ont ensuite été placés au congélateur jusqu’au jour de l’analyse biochimique.

Les analyses de la glycémie, de la cholestérolémie, de la triglycéridémie et de l’urémie, ont été faites par une technique colorimétrique réalisée grâce à un spectrophotomètre de marque Spectrumlab 725s.

Des kits de réactifs de marque « Spinreact, S.A /S.A.U. » ont été utilisés pour réaliser les dosages du glucose, des triglycérides, du cholestérol et de l’urée.

Le calcul de la moyenne et l’écart-type a été effectué sous Excel (version 2007).

Résultats et discussion

Evolution de la glycémie pendant le péripartum

Les valeurs moyennes de la glycémie enregistrées au cours du péri-partum (tableau 2), correspondent globalement aux données rapportées par Oregon St Univ (2017).

La baisse continue de la glycémie constatée à partir du dernier mois de gestation jusqu’aux premiers jours de lactation est due probablement au changement hormonal qui coordonne la parturition et le déclenchement de la lactation d’une part, et la demande excessive du glucose pour la synthèse du lactose d’autre part. Ainsi, la balance énergétique négative est inévitable durant le début de la lactation, d’autant plus que la suralimentation n’a pas été effectuée au tarissement, amenant la vache à un état de lipomobilisation et d’accumulation de lipides au niveau hépatique ; cela engendre une diminution de la néoglucogenèse et l’établissement d’une hypoglycémie (Drackley 1999 ; Filipejova et Kovacik 2009).

Evolution de la cholestérolémie au cours du péripartum

Les valeurs de la cholestérolémie (tableau 2) correspondent aux valeurs indiquées par Oregon St Univ (2017) et Penn St Univ (2017).

Cette diminution de la concentration du cholestérol plasmatique durant les derniers jours de la gestation pourrait être expliquée par l’accroissement des besoins du fœtus ainsi que celles des glandes maternelles pour la synthèse des hormones stéroïdes (Turk et al 2005).

Cette baisse pourrait être attribuée aussi à un état cétosique des vaches suite à un manque d’approvisionnement en énergie ce qui amène à une mobilisation intense des réserves lipidiques et prédispose à l’infiltration graisseuse du foie (Quiroz-Rocha et al 2009).

En début de lactation, on assiste à une augmentation graduelle de la cholestérolémie. Cette constatation va dans le même sens des résultats de (Atheer, 2011). L’élévation des concentrations sanguines en cholestérol après vêlage est due probablement à un déficit énergétique des vaches laitières qui entraîne une mobilisation des réserves lipidiques.

Evolution de la triglycéridémie durant le péripartum

La triglycéridémie des vaches laitières au péripartum se rapproche des données de la littérature (tableau 2).

Les variations de ce paramètre avant et après le part, sont en accord avec les résultats de Sobiech et al (2008) qui ont démontré que les triglycérides plasmatiques ont tendance à augmenter de la mise-bas jusqu'à la cinquième semaine du postpartum.

La baisse du taux plasmatique des triglycérides, pourrait être liée soit à un bilan énergétique négatif qui provoque une diminution de la synthèse des triglycérides à cause d’un manque en glucose (Herdt 2000), soit à l’utilisation accrue de ce dernier comme source énergétique par les tissus périphériques (Djokovic et al 2010).

L’augmentation de la triglycéridémie après vêlage témoigne également du déficit énergétique des vaches laitières en début de lactation dû à une mobilisation des réserves lipidiques (Kouamo et al 2011).

Evolution de l’urémie au cours du péripartum

Les variations de l’urée plasmatique sont enregistrées au tableau 2.

Nos résultats sont semblables à ceux de Ghanem et al (2012) qui notent également une augmentation de l’urémie avec l’avancement de la gestation. Cette élévation pourrait être liée d’une part, aux besoins croissants du fœtus mettant en jeu l’effet catabolique du cortisol et des hormones thyroïdiennes (Silanikove 2000), d’autre part, au déficit glucidique par manque d’appétit qui pourrait conduire à une augmentation de la concentration de l’urée sanguine suite à un stress nutritionnel ; ainsi les protéines catabolisées sont utilisées pour la synthèse du glucose (la néoglucogenèse) (Hagawane 2009).

La forte diminution du taux d’urée sanguin après vêlage pourrait être qualifiée d’une hypo-urémie du moment où les taux enregistrés sont inférieurs à 0,15 g/l (Brugere-picoux et Remy 1995). Cette baisse de l’urémie au post partum est liée probablement à un dysfonctionnement hépatique plutôt qu’à un déficit azoté de la ration, qui ne peut être marquée que si la carence azotée alimentaire est très prononcée. Cette atteinte hépatique semble être une conséquence d’une acétonémie avec accumulation de graisse au niveau du foie. D’un autre côté, l’urémie moyenne obtenue dans cette étude témoignerait d’une ration alimentaire ne présentant pas un excès d’azote non dégradable.

Conclusion

• Les valeurs moyennes enregistrées dans cet élevage du nord de l’Algérie sont plus au moins conformes aux normes physiologiques. La forte variation de la cholestérolémie et la triglycéridémie autour du vêlage, de même que la diminution de la glycémie en début de lactation révèlent un déficit énergétique des vaches durant cette période, et témoignent aussi de la mobilisation des réserves graisseuses pour faire face à la forte demande d’énergie, d’autant plus qu’aucune suralimentation (steaming up) n’est pratiquée pendant le tarissement dans l’élevage.
• D’un autre côté, la baisse de la cholestérolémie et celle de la triglycéridémie au tarissement pourraient être attribuées à un état cétosique des animaux par manque d’apport énergétique ce qui entraine une mobilisation intense des réserves lipidiques qui prédisposerait à une infiltration graisseuse du foie et par conséquent une réduction de sa fonction de synthèse. La baisse des taux d’urée plasmatique après vêlage conforte l’idée d’un dysfonctionnement hépatique.
• Les résultats obtenus montrent l’utilité de surveiller le profil métabolique des animaux (et la note d’état corporel), afin d’appréhender leur état nutritionnel, et prendre des mesures préventives afin d’améliorer l’efficacité de la gestion alimentaire.

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Received 19 September 2017; Accepted 9 November 2017; Published 1 December 2017

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