Livestock Research for Rural Development 27 (10) 2015 Guide for preparation of papers LRRD Newsletter

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Caractéristiques des élevages ovins de la steppe centrale de l’Algérie en relation avec l’aridité du milieu: cas de la wilaya de Djelfa

B Yabrir, A Laoun, N S Chenouf et A Mati1

Laboratoire d’Exploration et Valorisation des Ecosystèmes Steppiques, Université de Djelfa, Algérie
byabrir@yahoo.fr
1 Laboratoire de Biochimie Analytique et Biotechnologies, Université M. Mammeri de Tizi- Ouzou, Algérie

Résumé

Pour caractériser l’élevage ovin dans la steppe centrale de l’Algérie sous les conditions actuelles du milieu, 93 éleveurs ont été sélectionnés sur une zone naturelle steppique de la région de Djelfa (à 300 km au sud d’Alger), à vocation agro-pastorale. Ces élevages se répartissent inégalement entre les quatre étages bioclimatiques selon l’étendue de chaque étage et la concentration des populations nomades: semi-aride (12,9%), aride inférieur (17,2%), aride moyen (38,7%) et aride supérieur (31,2%).

Trois grandes catégories d’éleveurs ont été distinguées: les éleveurs moyens, semi-sédentaires à sédentaires, les petits éleveurs, sédentaires, et les gros éleveurs. La majorité était propriétaires et analphabètes et l’âge moyen dépassait la quarantaine. La bergerie était classique « zriba » ou semi-ouverte. L’hygiène de l’habitat était propre à plutôt propre.

Quel que soit le mode d’élevage, le recours au pâturage était inévitable malgré l’aridité du milieu steppique ainsi que le recours à la complémentation en concentré malgré son coût. La viabilité d’un tel système d’élevage sous les conditions ardues du milieu steppique repose sur la conciliation entre ses trois pôles: l’éleveur a besoin de la brebis, et la brebis de la nourriture fournie par le milieu.

Mots-clés: agro-pastoralisme, pâturage, sédentarisme, viabilité



Characteristics of sheep farms in middle Algerian area steppe in relationship with the aridity of the environment: case of the region of Djelfa

Abstract

To characterize the sheep farming in the central steppe of Algeria under current environmental conditions, 93 farmers were selected on a steppe natural area of Djelfa region (300 km south of Algiers), with agro-pastoral vocation. These farms were unevenly distributed between the four bioclimatic stages according to the extent of each floor and the concentration of nomads: Semi-Arid (12.9%), Inferior Arid (17.2%), Middle Arid (38.7%) and Superior Arid (31.2%).

Three main categories of farmers were identified: the means breeders, semi-sedentary to sedentary, small herders, sedentary and big breeders. The majority of farmers were illiterate and homeowners whose average age exceeded quarantines. The sheepfold was classic "Zriba" or semi-open. Hygiene of the habitat was proper to cleanish.

Irrespective of the farming method, the use of grazing was inevitable despite the arid steppe environment as well as the use of concentrate supplementation despite its cost. The viability of such breeding system under arduous conditions of steppe environment relies reconciliation between its three divisions: the breeder need the sheep and the sheep need the food provided by the environment.

Keywords: agro-pastoralism, grazing, sedentarism, sustainability


Introduction

La steppe algérienne s’intercale entre l’Atlas Tellien au nord et l’Atlas Saharien au sud. Elle couvre une superficie globale de 20 millions d’hectares. Elle se présente comme une vaste bande régionale s’étendant de la frontière tunisienne à la frontière marocaine sur 1000 km de long et 300 km de large à l’exclusion des Aurès, à l’est (Montchaussé 1972). C’est une zone de végétation basse et discontinue composée de petits plants, généralement en touffes ou en buissons plus ou moins dispersés. Elle est dominée par quatre grands types de formations végétales (Nedjraoui 2004): la steppe à alfa (Stipa tenacissima), la steppe à armoise blanche (Artemisia herba alba), la steppe à sparte (Lygeum spartum) et la steppe à remt (Arthrophytum scoparium) et dont les étages bioclimatiques s’étalent du semi-aride frais au aride supérieur frais. Les limites des étages bioclimatiques sont établies en fonction de la pluviométrie moyenne annuelle: le semi-aride de 600 à 400 mm, l’aride supérieur de 400 à 300 mm, l’aride moyen de 300 à 200 mm et l’aride inférieur de 200 à 100 mm (Le Houérou et al 1977). La répartition de la végétation est liée au climat, notamment en zone aride où l’eau reste le principal facteur limitant (Djellouli et Djebaili 1984). Ainsi, pour caractériser la réaction de la flore des steppes au bioclimat, Djellouli et Daget (1987) ont pu recenser 100 espèces indicatrices du climat réunies en cinq groupes bioclimatiques dont voici quelques exemples pour 4 des groupes: semi-aride (alfa ou Stipa tenacissima, thym cilié ou Thymus ciliatus), aride supérieur (armoise des champs ou Artemisia campestris, sauge verveine ou Salvia verbenaca), aride moyen (soude ou Salsola vermiculata, harmale ou Peganum harmala) et aride inférieur (steppe à remt ou Hammada scoparia, espèces psamophiles, plantain cilié ou Plantago ciliata).

La steppe algérienne recèle dans ses replis une diversité de ressources biologiques végétales et animales. Riche en strate herbacée, elle constitue ainsi un espace à vocation pastorale et un véritable berceau de l'élevage ovin. Elle abrite un cheptel ovin estimé à plus de 18 millions de têtes en 2009 (ONS) sur les 21,4 millions de l’Algérie. Les parcours steppiques constituent la principale source de l’alimentation du bétail, bien qu’ils soient très dégradés et difficiles à prévoir d’une année à l’autre (Kanoun et al 2013).

Nul ne peut contester l’importance de l’élevage ovin en milieu steppique. Il constitue une ressource rémunératrice de premier choix pour les éleveurs de la région. Actuellement, cet élevage a complètement changé de visage. Les éleveurs qui pratiquaient la transhumance et ou le nomadisme tendent actuellement à réduire leurs déplacements (Nadjraoui 2003) ou encore à se sédentariser (Benidir et al 2008). Leur nombre a augmenté considérablement mais l’effectif moyen de leur troupeau se voit en régression. De tels bouleversements ont exercé une pression sur la steppe et les parcours se sont dégradés. Les causes de cette dégradation sont nombreuses (Aidoud 2001) mais généralement peu ordonnées (Montchaussé 1972) et les ressources alimentaires se sont raréfiées face à une demande croissante (Chehat et Bir 2008). Les systèmes d’élevage passent ainsi d’un mode type pastoral à un mode type agro-pastoral et la conduite alimentaire se généralise par la complémentation sur parcours. L’objectif de notre étude consiste à caractériser l’élevage ovin dans la région de Djelfa située au cœur même de la steppe centrale de l’Algérie, sous les conditions actuelles du milieu.


Matériels et méthodes

Caractéristiques de la zone d’étude

La wilaya de Djelfa (figure 1), localisée en plein cœur de la steppe, est la plus importante des wilayas steppiques de par son étendue et ses effectifs ovins. Cette wilaya constitue une zone de transition entre les hauts plateaux steppiques de l’Atlas tellien et les présahariennes de l’Atlas saharien. Elle est comprise entre 2° et 5°de longitude Est et entre 33°et 35° de latitude Nord. Elle est d’une superficie de 33 236 km² dont les parcours steppiques constituent 70 % de la superficie totale. Cette wilaya se distingue par quatre étages (sous-étages) bioclimatiques: semi-aride, aride inférieur, moyen et supérieur. Chaque étage est caractérisé par des types de formation végétale (forêts, steppes, cultures) et par plusieurs classes de parcours (Pouget, 1977). Djelfa possède un couvert végétal peu intense avec des vides entre les touffes de végétation sur des sols généralement maigres et des forêts claires et aérées par manque de sous-bois. Elle fait partie globalement de la steppe d’alfa.

Les hivers sont froids et rigoureux et les étés chauds et secs (Benrebiha, 1984). Djelfa connaît le gel en hiver et la canicule en été. Les précipitations sont irrégulières, peu abondantes, mal reparties dans l’espace (250 mm à 300 mm par an en moyenne au centre, 250 mm au nord et 150 mm ou moins au sud de la région). Elles sont souvent torrentielles. Les vents sont parfois violents et caractérisés par la fréquence du sirocco chaud et sec.

Figure 1. Délimitation bioclimatique de la région de Djelfa (zone d’étude)
Choix des élevages

Au total 93 éleveurs acceptant de collaborer à l’étude ont été sélectionnés au hasard sur une zone naturelle caractérisant le milieu steppique de la région de Djelfa (à 300 km au sud d’Alger), à vocation agro-pastorale. Ces élevages se répartissent inégalement entre les quatre étages bioclimatiques comme suit: semi-aride (12,9%), aride inférieur (17,2%), aride moyen (38,7%) et aride supérieur (31,2%). Ces différences reflètent l’étendue de chaque étage d’une part et la concentration des populations nomades d’autre part.

Enquête

L’homme, l’animal et les ressources, tels sont les trois pôles de tout système d’élevage (Landais 1992). Ainsi, L’enquête opérée auprès des éleveurs a porté sur plusieurs indications susceptibles de cerner ces trois aspects, notamment celles se rapportant aux profils des éleveurs, à la taille et à la composition des troupeaux, à la conduite de l’élevage, à l’alimentation et à l’habitat.

La fiche regroupe un ensemble de questions qui tentent d’explorer et de mieux comprendre le système d’élevage en milieu steppique et plus particulièrement dans la région de Djelfa, dont les caractéristiques géographiques et bioclimatiques sont citées ci-dessus. Celle-ci comprend plusieurs points:

Traitements statistiques

La typologie des éleveurs a été réalisée sur la base d’une Classification Ascendante Hiérarchique (CAH), construite à partir des résultats d’une Analyse en Composantes Principales (ACP). Les variables retenues concernent l’éleveur (profil de l’éleveur: PE, Age de l’éleveur: AE, niveau d’instruction: IE), le troupeau (taille du troupeau: TT, Age moyen du troupeau: AgT, pourcentage de brebis: %B, Age moyen des brebis: AgB, race: RO), la conduite du troupeau (mode d’élevage: ME, conduite d’élevage: EL), l’habitat (type de stabulation: TS, séparation en lot: SL, hygiène de l’habitat: HB), l’objectif de l’élevage (ObE) et le milieu physique défini par les étages bioclimatiques (EB). L’analyse de la variance (ANOVA) « test de Fisher-Snedecor » à un facteur est l’outil statistique utilisé pour distinguer les différentes classes issues de cette classification. STATISTICA (version 6.1 édition 2003) est le logiciel qui a été utilisé lors de cette étude.


Résultats

Caractéristiques générales

L’élevage ovin en milieu steppique constitue une activité rémunératrice et une ressource de vie importante. La finalité de ce type d’élevage est la production d’agneaux et ou l’engraissement pour le marché national (plus de 48 % des éleveurs enquêtés) (tableau1). La laine, la viande et à un degré moindre le lait constituent un objectif secondaire.

Les éleveurs propriétaires-bergers représentent plus de 74 % de la population enquêtée. L’âge moyen de 30,1 % des éleveurs est compris entre 51 et 65 ans. 16,1 % des éleveurs sont âgés (plus de 65 ans) contre 15,1 % dont l’âge est inférieur à 35 ans. Le reste des éleveurs est considéré comme adulte pour un âge compris entre 35 et 50 ans. Plus de 80 % des éleveurs sont analphabètes, le peu qui reste ont un niveau qui oscille entre le primaire et le moyen.

Tableau 1. Caractéristiques générale des exploitations (n = 93)
Caractéristique Effectif
Nombre Pourcentage (%)
Profil de l’éleveur
propriétaire 71 74,3
berger 22 23,7
Age de l’éleveur
< 35 ans 14 15,1
35-50 ans 36 38,7
51-65 ans 28 30,1
> 65 ans 15 16,1
Niveau d’instruction
aucun 75 80,7
primaire 8 8,6
moyen 8 8,6
secondaire 2 2,2
Taille du troupeau
moins de100 32 34,4
100-300 54 58,1
plus de 300 7 7,5
Age moyen du troupeau
1 à 2 ans 6 5,4
3 à 4 ans 60 52,7
plus de 6 ans 27 42,0
Pourcentage de brebis
≤50% 5 6,5
50 à 80% 39 29,0
≥80% 49 64,5
Age moyen des brebis
1 à 2 ans 5 5,4
3 à 5 ans 62 66,7
plus de 6 ans 26 28,0
Objectif de l’élevage
viande 22 23,7
lait 4 4,3
les deux 22 23,7
autres 45 48,4
Mode d’élevage
sédentaire 62 66,7
semi-sédentaire 26 28,0
transhumant 5 5,4
Races ovines
une 70 75,3
deux 15 16,1
plusieurs 8 8,6
Conduite d’élevage
en pâture 49 52,7
en bâtiment 1 1,1
mixte 43 46,2
Type de stabulation
bergerie classique (zriba) 47 50,5
bergerie semi-couverte 41 44,1
bergerie couverte 5 5,4
Séparation en lots
oui 33 35,5
non 60 64,5
Hygiène du bâtiment
propre 45 48,4
plutôt propre 46 49,5
sale 2 2,2

Les éleveurs enquêtés peuvent être regroupés en trois classes selon l’importance de l’effectif ovin détenu. Les petits éleveurs possédant moins de 100 têtes et qui ne dépassent pas les 35 % de l’effectif total enquêté, les éleveurs moyens, dont la taille des troupeaux varie de 100 à 300 têtes, représentent 58,1 % et les gros éleveurs possédant plus de 300 têtes (jusqu’à 1000 têtes ou plus) ne représentent que 7,5 % de la population enquêtée.

Les deux tiers (66,7 %) des éleveurs possèdent un troupeau jeune (dont l’âge varie entre 3 et 5 ans) alors que un tiers (28,0 %) possède un troupeau âgé (entre 5 et 6 ans). Pour la majorité des éleveurs (64,5 %), l’effectif des brebis est entre 50 % et 80%, et dont l’âge moyen coïncide avec celui du troupeau. Le troupeau ovin est homogène et n’est formé que d’une seule race pour 75,3 % des éleveurs alors que pour le reste, le troupeau est constitué d’une population hétérogène qui résulte d’un brassage entre les ovins des berceaux de races limitrophe. La race Ouled-Djellal dite blanche domine en matière d’effectif, à laquelle s’ajoutent les races Rumbi et Taâdmit.

Les résultats de l’enquête montrent que l’utilisation des parcours est variée. Cette variété, due essentiellement à l’effectif du troupeau, est marquée par des conduites des troupeaux en trois modes (sédentarisme, semi-sédentarisme et transhumance). La transhumance n’est pratiquée que très rarement (5,4 % des éleveurs enquêtés et qui sont de gros éleveurs); le sédentarisme est dominant et est pratiqué par plus de 66 % des éleveurs qui représentent la totalité des petits éleveurs et une partie importante des éleveurs moyens. Le semi-sédentarisme est une pratique courante chez les éleveurs moyens (28,0 %).

Alimentation et habitat

Tous les éleveurs pratiquent le pâturage seul ou mixte (plus de 98 %) (figure 2a et tableau 2), le long du jour, durant toute l’année, à l’exception des périodes où il fait très froid. Pendant la période estivale les troupeaux sortent deux fois par jour, tôt le matin puis tardivement l’après-midi. La complémentation, à base de concentré (orge en grain et maïs ou encore concentré minéral vitaminé CMV) généralement acheté sur le marché informel ou auprès des offices de l’état tel que ONAB, CCLS et ERIAD, est pratiquée lorsque les parcours ne couvrent pas les besoins du cheptel, et pendant la période hivernale. La quantité distribuée varie de 0,5 à 1 kg/tête/jour. L’eau d’abreuvement est conditionnée par la disponibilité de cette dernière et la saison (eau de pluie stagnante: cas des oueds par exemple, abreuvoirs dont la source d’eau est un puits ou forage ou encore de l’eau achetée et ramenée par des camions citernes). L’eau est distribuée à volonté pour plus de 65 % des cas.

Tableau 2. Calendrier alimentaire
Rouge: moins de 20 % des éleveurs qui utilisent ce type d’aliment
Bleu: entre 20 et 50 % des éleveurs qui utilisent ce type d’aliment
Vert: plus de 50 % des éleveurs qui utilisent ce type d’aliment

Selon l’enquête, les éleveurs mènent leur troupeau soit en bergerie classique « zriba » (figure 2b) soit en bergerie semi-ouverte. L’hygiène de l’habitat est propre à plutôt propre. Le nettoyage du bâtiment est fréquent et la désinfection avec la chaux est périodique (2 à 4 fois par an). Le changement de place pour la « zriba » est de pratique plus ou moins courante. Les animaux ne sont pas séparés en lot pour 65 % des cas alors que le reste pratique cette technique (soit entre espèces différentes: ovin/caprin, soit entre ovins: agneaux/autres).

Figure 2. Elevage en milieu steppique (a: pâturage, b: bergerie classique «zriba»)
Typologie des exploitations ovines

L’information expliquée par le plan principal formé par les axes 1 et 2 est de 35,33% (figure 3). Le premier axe, en expliquant 21,57% de la variation totale oppose les variables liées au troupeau (âge moyen du troupeau et des brebis ainsi que la représentativité de ces dernières dans le troupeau) aux variables de l’espace (étage bioclimatique) et de conduite d’élevage (pâture et pâture-bâtiment, finalité d’élevage). Le deuxième axe, ne représentant que 13,76% de la variation totale, oppose l’âge de l’éleveur à son niveau d’instruction et la taille de son troupeau à son type de stabulation.

Sept classes ont été identifiées à partir du dendrogramme de l’analyse (figure 4). Les caractéristiques de chaque classe sont résumées dans le tableau 3. Ces 7 classes peuvent être regroupées en 3 classes principales dont les caractéristiques sont résumées dans le tableau 4.

Figure 3. Représentations des variables de structure sur le premier plan de l’ACP

Figure 4. Dendrogramme de la classification hiérarchique

Tableau 3. Caractéristiques des élevages en fonction des classes
Classe des éleveurs C1 C2 C3 C4 C5 C6 C7
Effectifs 12 16 11 12 11 20 11
Profil de l’éleveur
propriétaire 9 12 8 11 8 14 9
berger 3 4 3 1 3 6 2
Age de l’éleveur
-35ans 2 0 0 3 2 7 0
35-50ans 9 6 4 3 3 11 0
51-65ans 1 7 7 1 5 2 5
+65ans 0 3 0 5 1 0 6
Niveau d’instruction
aucun 0 14 11 7 6 12 11
primaire 3 2 0 4 3 5 0
moyen 7 0 0 1 2 3 0
secondaire 2 0 0 0 0 0 0
Taille du troupeau
moins de100 4 1 3 7 2 10 5
100-300 8 12 6 4 8 10 6
plus de 300 0 3 2 1 1 0 0
Age moyen du troupeau
1 à 2 ans 2 0 1 2 1 0 0
3 à 5 ans 9 15 5 8 10 13 0
plus de 6 ans 1 1 5 2 0 7 11
Pourcentage des brebis
≤50% 0 3 0 2 0 0 0
50 à 80% 8 11 7 5 5 3 0
≥80% 4 2 4 5 6 17 11
Age moyen des brebis
1 à 2 ans 1 1 1 1 1 0 0
3 à 5 ans 11 14 5 9 10 13 0
plus de 6 ans 0 1 5 2 0 7 11
Objectifs de l’élevage
viande 7 15 0 0 0 0 0
lait 0 1 0 0 0 3 0
les deux 0 0 3 11 7 12 7
autres 5 0 8 1 4 5 4
Mode d’élevage
sédentaire 9 11 9 8 7 8 11
semi-sédentaire 3 5 1 2 2 12 0
transhumant 0 0 1 2 2 0 0
Races ovines
une 10 13 10 9 9 14 6
deux 2 2 1 1 2 4 3
plusieurs 0 1 0 2 0 2 2
Conduite d’élevage
en pâture 10 15 11 12 0 1 0
en bâtiment 1 0 0 0 0 0 0
mixte 1 1 0 0 11 19 11
Type de stabulation
bergerie classique (zriba) 5 15 11 6 5 3 2
bergerie semi-ouverte 5 1 0 5 4 17 9
bergerie couverte 2 0 0 1 2 0 0
Séparation en lots
oui 2 7 5 1 4 13 1
non 10 9 6 11 7 7 10
Hygiène du bâtiment
propre 5 10 2 6 0 16 6
plutôt propre 7 6 8 6 10 4 5
sale 0 0 1 0 1 0 0

Les classes 1 et 2 (grande classe A) représentent les éleveurs propriétaires, âgés et qui disposent d’un troupeau de taille moyenne, composé de plus de 50 % de reproductrice et conduit en mode sédentaire. Les éleveurs de ces deux classes ne disposant que d’une seule race, voient l’élevage comme un moyen de subsistance en adoptant l’engraissement comme moyen de production de viande. L’élevage est conduit en pâture avec une stabulation complètement en bergerie classique pour la classe 1 ou en bergerie classique ou en bergerie semi-ouverte pour la classe 2 et dont l’hygiène du bâtiment est parfois contesté. Les éleveurs de la classe 2 sont tous (à l’exception de deux éleveurs ayant un niveau primaire) analphabètes et dont plus de la moitie pratiquent la séparation en lot des animaux; le reste avec ceux de la classe 1 ne pratiquent pas cette technique bien que les éleveurs de cette dernière classe sont tous instruits et ont un niveau supérieur au moyen.

Les classes 3, 4 et 5 (grande classe B) se ressemblent sur plusieurs aspects. Les éleveurs de ces classes possèdent en effet un troupeau de petite taille à moyenne et dont l’âge moyen est compris entre 3 à 5 ans et est constitué de brebis en majorité des cas. Le sédentarisme est le mode d’élevage le plus pratiqué dans ces classes avec le recours au pâturage pour les deux premières classes. La bergerie classique est une spécificité de la classe 3 avec parfois séparation des animaux en lots. Cette dernière n’est cependant pas observée pour les deux autres classes lesquelles l’habitat est jugé plutôt propre. Les éleveurs de ces classes ne disposent que d’un seul type de race et dont l’objectif d’élevage est la viande et le lait bien que 100% des éleveurs sont analphabètes pour la classe3 et plus ou moins instruits pour les deux autres classes.

Les classes 6 et 7 (grande classe C) renferment des petits à moyen éleveurs qui pratiquent l’élevage en pâture et en bâtiment, généralement en bergerie semi-ouverte dont l’hygiène est plus ou moins acceptable. Le troupeau de ces éleveurs est composé d’une seule race (pour plus de 54%) et d’un brassage de deux ou plusieurs races pour les autres cas. Les éleveurs de ces classes sont généralement les propriétaires et l’objectif de leur élevage est essentiellement la reproduction et la vente de la laine avec parfois du lait et de la viande. La classe 7 se singularise par le taux d’analphabétisme le plus élevé (100%) pour une population la plus âgée (supérieure à 65 ans pour plus de la moitie) contrairement à la classe 6 qui renferme une population plus moins jeune et plus ou moins instruite. Entre autres les éleveurs de la classe 7 détiennent le plus vieux troupeau (plus de 6 ans) mené en mode sédentaire et composé essentiellement de brebis et la séparation en lot n’est jamais observée alors que les éleveurs de la classe 6 possèdent un troupeau plus ou moins jeunes conduit en majorité en mode semi-sédentaire et pratiquent la séparation en lot pour 65% des cas.

Tableau 4. Caractéristiques des élevages en fonction des grandes classes
Classe des éleveurs Classe A Classe B Classe C P Total
Effectifs 28 34 31 93
Profil de l’éleveur a a a 0,871
propriétaire 21 27 23 71
berger 7 7 8 22
Age de l’éleveur a a a 0,664
-35ans 2 5 7 14
35-50ans 15 10 11 36
51-65ans 8 13 7 28
+65ans 3 6 6 15
Niveau d’instruction a bc bc 0,016
aucun 14 24 23 61
primaire 5 7 5 17
moyen 7 3 3 13
secondaire 2 0 0 2
Taille du troupeau a abc bc 0,024
moins de100 5 12 15 32
100-300 20 18 16 54
plus de 300 3 4 0 7
Age moyen du troupeau a a c 0,000
1 à 2 ans 2 4 0 6
3 à 5 ans 24 23 13 60
plus de 6 ans 2 7 18 27
Pourcentage des brebis a a c 0,000
≤50% 3 2 0 5
50 à 80% 19 17 3 39
≥80% 6 15 28 49
Age moyen des brebis a a c 0,000
1 à 2 ans 2 3 0 5
3 à 5 ans 25 24 13 62
plus de 6 ans 1 7 18 26
Objectifs de l’élevage a bc bc 0,000
viande 22 0 0 22
lait 1 0 3 4
les deux 0 21 19 40
autres 5 13 9 27
Mode d’élevage a a a 0,553
sédentaire 20 24 19 63
semi-sédentaire 8 5 12 25
transhumant 0 5 0 5
Races ovines a a a 0,065
une 23 28 20 71
deux 4 4 7 15
plusieurs 1 2 4 7
Conduite d’élevage a b c 0,000
en pâture 25 23 1 49
en bâtiment 1 0 0 1
mixte 2 11 30 43
Type de stabulation a a c 0,003
bergerie classique (zriba) 20 22 5 47
bergerie semi-ouverte 6 9 26 41
bergerie couverte 2 3 0 5
Séparation en lots a a a 0,385
oui 9 10 14 33
non 19 24 17 60
Hygiène du bâtiment a b a 0,000
propre 15 8 22 45
plutôt propre 13 24 9 46
sale 0 2 0 2
abc: sur une même ligne, les valeurs suivies de lettres différentes sont significativement différentes à p<0,05
Et l’aridité du milieu?

Les éleveurs enquêtés se distribuent inégalement entre les quatre sous-étages bioclimatiques de la région d’étude. Ces étages contribuent significativement (p<0,001) à la formation des classes prédéfinies par cette classification (tableaux 5 et 6). Ainsi les classes 1, 2 et 3 sont en majorité constituées des éleveurs de l’aride moyen, les classes 4 et 7 de l’aride supérieur et du semi-aride, la classe 5 de l’aride inférieur et la classe 6 de l’aride supérieur.

Tableau 5. Contribution des étages dans la formation des classes d’éleveurs
Classes C1 C2 C3 C4 C5 C6 C7
Effectifs 12 16 11 12 11 20 11
aride inférieur 2 1 3 0 9 0 1
aride moyen 10 15 8 2 1 0 0
aride supérieur 0 0 0 5 0 19 5
semi-aride 0 0 0 5 1 1 5

Tableau 6. Contribution des étages dans la formation des grandes classes d’éleveurs
Classes d’éleveurs Classe A Classe B Classe C Total
Effectifs 28 34 31 93
aride inférieur 3 12 1 16
aride moyen 25 11 0 36
aride supérieur 0 5 24 29
semi-aride 0 6 6 12

Les caractéristiques des élevages enquêtés rapportés aux étages bioclimatiques s’entrecroisent entre les classes 4 et 7 pour le semi-aride, se distribuent inégalement entre les classes 1, 2 et 3 pour l’aride moyen, majoritairement représentées par la classe 5 pour l’aride inférieur et la classe 6 pour l’aride supérieur. L’âge de l’éleveur, la composition du troupeau (âge moyen du troupeau, taux de présence des brebis ainsi que leur âge moyen), la conduite de l’élevage, le type de stabulation, l’hygiène du bâtiment et l’objectif de l’élevage varient significativement d’un étage à l’autre.

Le semi-aride renferme les éleveurs les plus âgés, possédant des troupeaux âgés conduits en pâture et ou en pâture/bâtiment. Les éleveurs de cet étage pratiquent l’élevage uniquement pour l’engraissement ce qui justifie la stabulation en bergerie semi-ouverte dont l’hygiène est jugée plutôt propre. L’aride inférieur est caractérisé par des éleveurs d’âge moyen, ayant aussi des troupeaux d’âge moyen conduit de la même manière que ceux de l’étage précédent. Certains éleveurs pratiquent l’élevage pour la production du lait, d’autres pour l’engraissement ayant tous recours à la bergerie classique dont l’hygiène est considérée comme plutôt propre. Les éleveurs de l’étage aride moyen sont plus ou moins adultes et détiennent un troupeau d’âge moyen. La production de viande est l’objectif principal de leur activité et conduisent leur troupeaux en pâture pour une stabulation en bergerie classique presque exclusive. L’hygiène est jugée propre pour certain et plutôt propre pour d’autres. Les éleveurs de l’aride supérieur sont les plus jeunes comparativement à leur homologues des autres étages mais qui détiennent des troupeaux plus ou moins âgés. La majorité des éleveurs pratiquent l’élevage pour leurs produits (lait/ viande/ laine), voire pour la reproduction pour d’autres toute en conduisant leur élevage en pâture et en bâtiment et en adoptant la bergerie semi ouverte comme habitat dont l’hygiène est satisfaisante.


Discussion

Partant de la définition même établie par Lhoste (1984) d’un système d’élevage comme étant «l’ensemble des techniques et des pratiques mises en œuvre par une communauté pour exploiter, dans un espace donné, des ressources végétales par des animaux, dans des conditions compatibles avec ses objectifs et avec les contraintes du milieu» et considérant comme Landais (1992) que l’homme, l’animal et les ressources constituent les trois pôles d’un tel système et si on retient la définition émise par Benlekhal (2004) du pastoralisme comme «un système d’élevage où les pâturages comptent pour plus de 50 % du temps d’alimentation des animaux», notre discussion portera sur l’éleveur comme étant le pilote du système, le troupeau et à travers l’ovin comme l’unité de base du système et le milieu physique (ici la steppe) comme support des ressources végétales.

Dans la région de Djelfa, la production de viande (engraissement) et d’agneaux (reproduction) constituent l’activité principale des éleveurs (plus de 72 %). En effet, elle possède le plus gros marché à bestiaux de l’Algérie (Atchemdi, 2008). Autrefois et pendant la colonisation française de l’Algérie, la viande ovine algérienne était largement exportée vers la métropole (Bencherif, 2011).

L’éleveur: pilote du système élevage

L’élevage ovin en milieu steppique constitue un héritage familial, de père en fils. C’est une tradition liée au terroir. Aussi la majorité des éleveurs, âgés et analphabètes définissent un élevage de type traditionnel. L’analphabétisme constaté est une conséquence de longues années de colonialisme. Dans l’oriental du Maroc, Bechchari et al (2005) décrivent les éleveurs comme étant eux aussi âgés et analphabètes. L’âge plus ou moins avancé des éleveurs enquêtés a été aussi observé dans une autre zone steppique algérienne (Douh 2012) et dans toutes les régions du territoire libanais (Srour et al 2006). Aussi Hadbaoui (2013) a constaté un taux d’analphabétisme de 60 % chez les éleveurs enquêtés de la région de M’sila (région steppique limitrophe de la nôtre) bien que plus de 40 % des éleveurs sont considérés comme jeunes. Entre autre, les éleveurs enquêtés sont eux même les propriétaires des troupeaux et n’ont recours aux bergers que pour garder les troupeaux lorsque la taille de ces derniers est grande et/ou l’état de santé du propriétaire ne le permet pas. Selon Bencherif (2011), les petites unités d’élevage de la région de Djelfa sont gardées et pratiquées par l’éleveur-berger lui-même alors que les grandes unités sont conduites par des bergers salariés, qui peuvent posséder quelques brebis et chèvres au sein même du troupeau.

Troupeau: taille et composition

Les trois classes (petits, moyens et gros éleveurs) ont été aussi constatées par Kanoun-Meguellati et Yakhlef (2008) dans la région de Djelfa en Algérie, par Anjar et al (2013) dans la zone centre-est du Maroc et par Jemaa et al (2013) dans le gouvernorat de Siliana en Tunisie. Déjà à l’aube de l’indépendance, Plus de 70% des propriétaires possédaient moins de 100 têtes (Regazzola 1968 cité par Le Houérou 19975). Actuellement, en milieu steppique algérien la taille des troupeaux est généralement moyenne (Laoun 2007, Hadbaoui 2013) contrairement aux zones montagneuses (Mouhous et al 2015) où celle-ci ne dépassait pas les 75 têtes. Dans les oasis du Sud, l’élevage des petits ruminants est représenté par des effectifs très réduits caractérisant ainsi un élevage familial (Boubekeur et Benyoucef 2013). Au Liban, la taille des troupeaux est généralement moyenne (79 % des élevages enquêtés) contre 9 et 12 % considéré comme de petite et de grande taille respectivement (Srour et al 2006). D’autre part, il semble que plus l’éleveur est âgé, plus est son troupeau. Ce résultat confirme celui de Le Houérou (1975) pour qui les animaux sont trop âgés, réformés trop tard.

La composition raciale des troupeaux est généralement homogène et est constituée d’une seule race. Ce constat fut aussi observé au Liban par Srour et al (2006) où la totalité des ovins enquêtés est de type Awassi. En Tunisie, Mohamed et al (2008) ont identifié trois systèmes d’élevage : éleveurs d’animaux croisés, éleveurs intermédiaires possédant un mélange d’animaux purs et croisés et éleveurs de race pure. Les petits éleveurs, très attachés à leurs animaux et ne disposant que de moyens limités contribuent à la sauvegarde des races d’animaux domestiques (Piquet 2008). Au contraire et lors de son étude menée en milieu steppique algérien, plus particulièrement dans la région de Djelfa, Laoun (2007) estime les éleveurs ayant deux races à 50%, ceux disposant de plus deux races à 34,62% et le reste ne dispose que d’une seule race.

Troupeau: mobilité et alimentation

La transhumance était une pratique courante chez les gros éleveurs. Elle consiste en un double déplacement, l’un vers le Tell au Nord pendant l’été dit « Achaba », l’autre vers le Sahara au sud pendant l’hiver dit « Azzaba » permettant ainsi une meilleure rationalisation de l’espace et du temps. Actuellement elle a cédé sa place au sédentarisme bien que l’élevage sédentaire sur parcours ne l’est en réalité jamais vraiment (Bourbouze et Donadieu 1987). La distance moyenne parcourue par les troupeaux d’ovin est de 7 km selon Benabdelli (2000). La taille des troupeaux se voit ainsi en réduction et la mobilité sur les parcours a régressé. Les systèmes de production en milieu steppique ont tendance à la sédentarisation comme stipulent Benidir et al (2008) dont les causes et les conséquences sont multiples. Cette tendance a été aussi observée au Moyen Atlas au Maroc (Chergaoui et Boulanouar 2005). Selon Bourbouze et Donadieu (1987), seuls les petits troupeaux qui profitent des résidus de récolte et du soutien d’une main-d’œuvre familiale attentive, peuvent être sédentaires; les autres troupeaux doivent se déplacer. Ces déplacements ont été mis en évidence par Medouni et al (2004), dans la région d’Ain-Oussera au Nord et par Kanoun-Meguellati et Yakhlef (2008) dans les communes d’El-Guedid et d’Ain El Ibel situées respectivement à l’ouest et au sud de la région de Djelfa. Hadbaoui (2013) ne distingue que deux types d’éleveurs qu’il qualifie de sédentaires et semi-sédentaires transhumants et qui représentent respectivement 53,33 et 46,67% des éleveurs enquêtés de la région de M’sila dans la steppe algérienne.

Zouyed (2005) énumère les régions telliennes, la steppe et les régions sahariennes comme les grandes zones d’exploitation du cheptel ovin. Les élevages sont conduits en pâture et/ou en bâtiment. Les petits éleveurs utilisent des bergeries classiques type « zriba » alors que les éleveurs moyens ont recours aux bergeries semi-ouvertes. Les éleveurs craignent les aléas climatiques: le froid en hiver et la chaleur sèche avec parfois du sirocco en été. Le bâtiment constitue ainsi un abri et aussi un lieu de visite et de contrôle vétérinaire; quoique son hygiène laisse généralement à désirer et peut être à l’origine de maladies.

Selon Belaid (1993), la quête de l’herbe, la recherche de l’eau et la reproduction du troupeau constituent les trois préoccupations essentielles de l’éleveur. L’alimentation sur parcours, jachères et chaumes représente la principale forme d’alimentation du troupeau ovin (Yakhlef et Taherti 1999). Qu’ils soient en milieu steppique (Kanoun et al 2007, Mouhous 2007, Hadbaoui 2013) ou en zone montagneuse (Mouhous et al 2015), les pâturages sont utilisés pendant toute l’année. Les pâturages sont utilisés en pâture continue, sans rotation et sans réserves fourragères constatait déjà Le Houérou (1975). Durant l’année, les pâturages de plein hiver, le pâturage sur orge en vert et les pâturages de printemps, d’été et d’automne sont utilisés par les troupeaux de la zone semi-aride de Chlef en Algérie (Yakhlef et Taherti 1999). Le recours à la complémentation est accentué surtout pendant la période de faible disponibilité fourragère et obéit aux opportunités aussi bien écologique qu’économique (Kanoun et al 2007, Khaldi et Dahane 2011). Celle-ci est de pratique courante chez les gros éleveurs de la région semi-aride de Chelef (Yakhlef et Taherti, 1999). En milieu steppique, la complémentation en orge et en son est de pratique courante et devient plus importante en automne et hiver (Mouhous 2007, Douh 2012, Hadbaoui 2013). La complémentation à base de concentré (orge, son et parfois maïs) devient nécessaire lorsque les parcours ne couvrent pas les besoins alimentaires du cheptel (Medouni et al 2004) et s’étale sur toute l’année (Hadbaoui 2013). En zone montagneuse, la stratégie alimentaire se base sur l’usage presque exclusif des pâturages (de forêt et de maquis) alors que le concentré est utilisé principalement pour l’engraissement des animaux destinés au ventre, en particulier pendant les périodes qui précèdent le mois de jeûne et la fête religieuse de sacrifice du mouton (Mouhous et al 2015). Au Maroc, les éleveurs ont recours à la supplémentation (orge en grain, son et aliment composé) surtout en période de disette tout en favorisant les animaux sensibles (Bechchari et al 2005a). Les quantités de concentré distribuées mensuellement sont irrégulières et varient de 0,07 à 0,75 kg/tête/jour (Mouhous et al 2015). Kanoun et al (2007) l’estiment en moyenne à 0,7 kg; cette quantité varie en fonction de la catégorie d’animaux (brebis suitée par exemple). Yakhlef et Taherti (1999) ont aussi signalé une variabilité dans la distribution, aussi bien de fourrages que de concentré et de l’aliment composé, en fonction du type d’élevage.

Pour ce qui de l’abreuvement, il est assuré par les forages agricoles et ou des citernes mobiles (Bencherif 2011, Hadbaoui 2013). Pour certains éleveurs, l’approvisionnement en eau d’abreuvement pose un problème, car la majorité des puits sont accaparés par des individus qui possèdent des parcours mis en gdal (c'est-à-dire en voie d’appropriation marquant ainsi leur origine de façon délibérée) avoisinants les puits selon une stratégie d’encerclement tout à fait délibérée comme soulignent Medouni et al (2004).

Atti et al (2010) concluent qu’en région méditerranéenne, les pâturages cultivés en espèces fourragères, avec de faibles apports en concentré, engendrent plus de lait que le système bergerie, ce qui permet de réduire le cout de l’alimentation. A l’inverse, Mohamed et al (2008) considèrent que la non disponibilité en aliment concentré spécial pour les ovins laitiers contribue à la réduction des performances des troupeaux

L’aridité du milieu steppique

En Algérie, le cheptel ovin est dominé par trois races principales, bien adaptées aux conditions du milieu. Parmi ces races, Ouled Djellal, la plus importante, environ 58 % du cheptel national, s’adapte mieux au milieu steppique et présente des qualités exceptionnelles pour la production de viande et de laine (Nedjraoui 2003). Selon Nedjraoui (2003), la nature des troupeaux est fonction de l’altitude; dans la steppe ou l’altitude peut atteindre jusqu’à 1500 m, on rencontre des ovins et des caprins.

Un système d’élevage repose sur trois pôles: l’éleveur a besoin de la brebis, celle-ci de la nourriture que le milieu lui fournit. La viabilité d’un tel système s’appuie sur la conciliation entre ses trois pôles. Déjà, la définition elle-même de la steppe, établie par Le Houérou (1975), en tant que formation végétale liée aux étages bioclimatiques arides et désertiques met en exergue le rôle de l’aridité du milieu steppique dans la distribution du couvert végétal. En effet, une steppe aride est définie par Mohammedi et al (2006) comme étant un milieu qui n’offre que des conditions extrêmes pour l’établissement et le maintien d’une végétation pérenne. C’est ainsi que, l’aridité des régions steppiques impose aux troupeaux de longs déplacements journaliers à la recherche d’aliments dans les écosystèmes bien que ces déplacements soient réduits (Benidir et al 2008). En se basant sur l’aridité du milieu, Florte et al (1981) ont mis l’accent sur la dynamique de la végétation, des sols et des usages qu’en fait l’homme. El Hamrouni (1978) in Benabdelli (2000) a établi une relation entre la pluviométrie (étages climatiques) et la production moyenne en unités fourragères par hectare ainsi que la charge pastorale possible.

Il est mis en évidence que quel que soit le mode d’élevage, le recours au pâturage est inévitable, indépendamment de l’aridité du milieu steppique. Celle-ci conditionne en effet le recours à la complémentation en concentré qui semble être entre les griffes de la pauvreté des éleveurs et le coût de ce dernier. Par voie de conséquence, les éleveurs n’ont eu d’autre choix que de fuir vers les villes en quête d’un improbable emploi, soulignent Khaldi et Dahane (2011). L’épuisement des ressources fourragères et la dégradation du milieu naturel, tel est le constat actuel de la situation des parcours steppiques. L’éleveur, bien qu’il soit la cause principale sans s’en rendre compte, en est aussi la victime.

L'aridification du milieu, liée aux perturbations naturelles (sécheresse prolongée) et anthropiques (sédentarisation, surpâturage, mise en culture, déboisement, etc.) est un phénomène qui tend à se généraliser dans les zones arides (Floret et al 1992). Le couvert végétal y régresse et les ressources deviennent de plus en plus rares. Celle-ci est la résultante des actions du milieu environnemental (aridité climatique et édaphique) et anthropogènes (homme et animal) (Floret et al 1981, Floret et Pontanier 1984, Foret et al 1992). Au sud de la Tunisie, beaucoup d’éleveurs (âgés et jeunes) se posent la question de la rentabilité de l’élevage ovin dans un milieu aussi aride et difficile (Ben salem 2011).


Conclusion


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Zouyed I 2005 Engraissement des ovins. Caractéristiques des carcasses et modèles de classification. Thèse Magister. Université Mentouri de Constantine, Algérie, 102p.


Received 27 July 2015; Accepted 27 August 2015; Published 1 October 2015

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