Livestock Research for Rural Development 25 (2) 2013 Guide for preparation of papers LRRD Newsletter

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Qualités physico-chimiques et microbiologiques du lait de deux races ovines (Comisana et Sicilo-sarde) élevées en Tunisie

A Gasmi-Boubaker, H Ben Ismail, I Ben Hmida et L Yahyaoui

Institut National Agronomique de Tunisie
azizaboubaker@yahoo.com

Résumé

Des  échantillons de lait cru de brebis de deux races laitières Comisana et Sicilo-Sarde ont été analysés pour leurs paramètres physico-chimiques et microbiologiques. Les résultats ont montré que les deux races ont produit du lait ayant des teneurs comparables en extrait sec total, en matière grasse, en matières azotées totales. Il en est de même pour  la densité, l’acidité titrable et le pH. Chez les deux races, le lait présente des coliformes thermotolérants, des Staphylocoques à coagulase positive et différents genre de levures. Certaines levures sont recherchées dans l’industrie fromagère pour leurs activités lipolytiques et protéolytiques et leur contribution à la maturité des fromages (Candida lipolytica candida fomta et Candida albidus ) et d’autres (genre Cryptococcus) peuvent causer des transformations nuisibles à la qualité du lait cru en  libérant  des composés indésirables. Par ailleurs, le dénombrement des colonies a montré que le lait des 2 races a été fortement contaminé particulièrement au mois de juin. Ceci pourrait réduire la qualité nutritive, les possibilités de transformation, le goût et la valeur marchande des produits laitiers.

Mots-clés: Comisana, lait, microbiologie, qualité, Sicilo-sarde



Physico-chemical and microbiological proprieties of milk from two sheep breeds (Comisana and Sicio-Sarde)

Summary

Samples of raw milk from dairy sheep of two breeds Comisana and Sicilio-Sarde were analyzed for their physicochemical and microbiological parameters. The results showed that the two breeds have produced milk with same density, acidity and pH and comparable levels of total solids, fat and total nitrogen content. In both breeds, the milk contained thermotolerant coliforms, Coagulase-positive staphylococci and various genus of yeasts. Some yeast are searched in the cheese industry for their lipolytic and proteolytic activities and their contribution to cheese ripening (Candida lipolytica, Candida fomta and Candida albidus) and others (genus Cryptococcus) can cause harmful changes in the quality of raw milk by releasing undesirable compounds. In addition, the colony count showed that the milk of two breeds has been heavily contaminated especially in June. This could reduce the nutritional quality, processing opportunities, taste and value of dairy products.

Key words: Comisana, microbiology, milk, quality, Sicilo-sarde


Introduction

La production mondiale de lait de brebis est évaluée à 8.2 000.000 tonnes, dont  trois quarts sont concentrés dans la zone méditerranéenne. La quasi-totalité du lait de brebis est transformée en fromages typiques facilement commercialisables. Par ailleurs, les consommateurs sont de plus en plus attentifs aux qualités sanitaires et sensorielles de produits laitiers et de fromages en particulier. Ces qualités dépendent en grande partie de la composition physico-chimique et microbiologique depuis la matière première jusqu’à la fabrication et l’affinage des fromages. L’objectif de ce travail est d’étudier les  caractéristiques physicochimique et microbiologique du lait de deux races ovines laitières, la Comisana (CS) et la Sicilo-sarde (SS) élevées en Tunisie.


Matériels et méthodes

Echantillonage

Les échantillons analysés sont des laits crus entiers prélevés chez  deux races ovines laitières, la Comisane (CS) et la Sicilo-sarde (SS). Ces deux races sont élevées dans la région de Mateur (Agro-Combinat Ghezala) située dans l'étage bioclimatique subhumide avec une pluviométrie moyenne annuelle de 550-600 mm. Le  lait a été prélevé chez une vingtaine de brebis de chacune des deux races à  raison d’une fois/mois durant 3 mois (avril, mai et juin). Les prélèvements ont eu lieu lors de la traite du matin et les échantillons ont été transportés directement au laboratoire de technologie de l'Institut national agronomique de Tunisie. 

Analyses physicochimiques

Les mesures du pH, de la densité et de l’acidité titrable ont eu lieu immédiatement après la traite alors que l'analyse de la composition chimique a eu lieu sur les échantillons conservés. Le pH est mesuré à l’aide d’un pH-mètre après étalonnage aux pH 7,00 et 4,00. L’acidité titrable est mesurée par titrage avec la soude (NaOH 1 N) en présence de phénophtaléine et est exprimée en pourcentage d’acide lactique (AFNOR 1980). La densité est mesurée à l’aide d’un thermo-lactodensimètre. La teneur en matière grasse (MG) est déterminée par la méthode acidobutyrométrique de Gerber (AFNOR 1993) et celle des matières azotées totales (MAT) selon la méthode Kjeldahl, La teneur en extrait sec total (EST) est estimée par évaporation  à 70°C puis dessiccation de l’échantillon pendant 3 h  à 103°C (AFNOR 1980).  

Analyses microbiologiques

Pour chaque échantillon de lait prélevé et après homogénéisation et dilution dans le bouillon tryptone-sel (ISO 8261, 2001), les dénombrements décrits ci-dessous ont été effectués en double par ensemencement dans des boites de Pétri de 1 ou 0,1 ml de lait dilué. 

La flore aérobie mésophile totale  a été dénombrée après ensemencement de 1ml de lait dilué sur gélose Plate Count Agar PCA et incubation pendant 72± 3h à 33°C. Le dénombrement de la flore psychrotrophe a été réalisé sur gélose standard Count Agar PCA  (NF ISO 17410,  2001) après incubation à 6,5°C pendant 10 jours (NF. V08. 051,1999).

Les levures et moisissures ont été dénombrées dans du lait incubé dans le Chloramphénicol Glucose Agar CGA à 25°C pendant 5 jours (NFV 08-058, 2002). Le dénombrement des coliformes totaux  et  thermotolérants  a été effectué sur des échantillons de lait incubé dans un milieu Violet Red Bile Agar (NFV 08-060, 1999) pendant 24h  à 30°C pour les coliformes totaux et à 44°C pour les thermotolérants.  Le dénombrement de la flore lactique (lactobacilles) a été réalisé sur 1ml de lait dilué et ensemencé sur gélose de Man Rogosa et Sharpe (Luquet et Beerens 1987) à 37°C pendant 48h en anaérobiose. Le dénombrement de E.coli est effectué à la suite d’un ensemencement en profondeur sur milieu solide tryptone bile glucuronide TBX (NFV 08-053, 2002). Les staphylocoques à coagulase positive sont dénombrés sur 1 ml de lait dilué et ensemencé en  milieu Baird-Parker (NFV 08-057, 2004) à 37°C, en aérobiose pendant 24 à 48h.  

Isolement, dénombrement et identification des levures 

 Les levures ont été isolées et purifiées sur le lait dilué et ensemencé sur gélose CGA à 25°C pendant 3 à 5 jours. L’identification des levures a été effectuée selon les caractères morphologiques (aspect, forme, taille, couleur), physiologiques et biochimiques décrits par Luquet et Beerens (1987). Lors de la purification des souches, la morphologie des colonies apparues sur gélose CGA a été notée. Les caractères physiologiques ont été mis en évidence à la suite d’un examen microscopique à l’état frais. Les levures ont été identifié à l’aide des plaques miniaturisés API ID 32 après incubation à 37°C±1°C pendant 24 à 48h (Mthara et al 2004). L’interprétation des résultats obtenus par les plaques API a été réalisée  avec le logiciel API LAB plus  version 3,33 (Biomérieux, France). 


Résultats et discussion

Caractéristiques physico-chimiques

Les valeurs moyennes du pH, de  la densité et de l’acidité titrable  du lait provenant des brebis des deux races (Tableau 1) sont en accord avec ceux rapportées par Rouissi et al (2007). 

La teneur moyenne en MG du lait des ovins laitiers en Tunisie est de l’ordre de 7,0% (Rouissi et al 2006).  Cette teneur varie en fonction des conditions zootechniques et surtout du régime alimentaire. Dans cette étude, le taux de MG enregistré en Avril a été de 81±0,9g/l et 90±1,8 g/l, respectivement, pour CS et SS. Ce taux a chuté au cours du mois de juin de 28 unités pour la CS et de 35 unités pour la SS.  La teneur moyenne des MAT du lait de brebis a été  de l’ordre de 70,5 ± 5,45 g/l pour la CS et légèrement supérieure (72,16 ± 5,88 g/l) pour la SS au cours des 3 mois. Une légère chute des teneurs en MAT a été enregistrée en juin dans le lait des deux races. Ces valeurs concordent avec les résultats avancés par Atti et Rouissi (2003). Une chute remarquable de la teneur du lait en extrait sec total a été enregistrée en allant du mois d’avril au mois de juin chez les 2 races. Ces teneurs sont passées de 202 à 176 g/l pour la CS et de 215 à 174 g/l pour la race SS (Tableau 1). 

Tableau 1 : Caractéristiques physicochimiques du lait cru des brebis Comisana (CS) et Sicilo-Sarde (SS)

 

Avril

Mai

Juin

 

CS

SS

CS

SS

CS

SS

pH

6.65±0.1

6.72±0.1

6.62±0.1

6.56±0.1

6.65±0.1

6.66±0.1

Acidité dornic

20.5±1.1

20.7±1.9

21.6±1.5

22.3±2.6

21.3±1.5

21.4±1.9

MG* (g/l)

81±0.9

90±1.8

107±0.9

110±1.5

79±1.6

75±1.4

MAT** (g/l)

75.4±0.8

76.8±3.5

73.3±0.9

75.8±3.6

62.9±0.1

63.9±4.5

E.S.T*** (g/l)

202±0.9

215±1.1

224±1.6

229±1.6

176±0.6

174±1.7

*MG : matière grasse ; **MAT : matières azotées totales ; ***EST : extrait sec total

Caractéristiques microbiologiques du lait cru de brebis Sicilo-Sarde et Comisana

Les résultats relatifs à l’identification et aux dénombrements des flores microbiennes du lait cru de brebis au cours des mois d’avril, mai et juin sont indiqués dans le tableau 2. La moyenne de germes totaux du lait cru de la CS et la SS est inférieure à 106 UFC./ml, limite fixée par la norme Tunisienne NT14.141(1992). Il en est de même pour le lait prélevé au mois de Mai. Toutefois, le nombre de germes totaux mésophiles est relativement élevé au cours du mois de Juin (moyenne de 2,1x 105 UFC/ml) et serait attribué, en partie, à l’augmentation de la température ambiante. 

La flore psychrotrophe dénombrée dans le lait des  deux races représente 1%, 1,33% et 11% de la flore totale, respectivement au cours du mois d’Avril, Mai et Juin. Le taux des coliformes totaux présents dans le lait prélevé en avril est de 96 UFC/ml chez les 2 races.  Ce taux tend à augmenter par la suite pour dépasser la norme fixée par la législation française relative au lait cru pour boisson et vente directe (102UFC/ml au jour de conditionnement et 103 UFC/ml à la date de consommation). En effet, la présence de ce taux élevé de coliformes est un indice de contamination fécale mais aussi d’un manque d’hygiène. Ceci est confirmé par la présence des coliformes thermo-tolérants, d’Echerchia coli et de Staphylocoques à coagulase positive (Tableau 2). 

Tableau 2 : Caractéristiques microbiologiques du lait cru des brebis Comisana et Sicilo-Sarde

 

Avril

Mai

Juin

Comisana

Sicilo-sarde

Comisana

Sicilo-sarde

Comisana

Sicilo-sarde

FTM

3,7x104

1,4x104

1,4x104

3,1x104

1,7x105

2,6x105

FP

3,5x103

5,7x102

2,4 x103

4,1x103

3x105

4,7x105

FL

4,6x104

1,9x102

54 x103

4,6x104

2,4x105

2,2x105

L+M

5,7x102

56

1,5x102

2,4x102

2,1x103

2,2x103

CT

1,3x102

60

<1

3,9x103

7,3x103

2,6x104

CTT

63

34

<1

1,3x103

89

2,1x104

E. coli

70

17

<1

20

1,6

1,3x105

S. aureus

102

63

10

8x103

1,6x104

4,7x104

FTM: flore totale mésophyle, FP :flore psychrotrophe, FL : flore lactique, L+M : levures et moisissures, CT : coliformes totaux, CTT : coliformes thermo-tolérants, S.aureus : staphylococcus aureus.

Levures et Moisissures

La concentration moyenne du lait en levures et moisissures a varié entre 3,1x 102 UFC/ml en avril,  2x 102 UFC/ml en mai et 2,1x 103 UFC/ml en juin. Cinquante sept souches de levure ont été isolées à partir des cultures jeunes  sur milieu CGA et 35 souches représentatives ont été choisies pour le test d’identification à l’aide des plaques API ID32 (Figure 1). Les résultats des tests métaboliques indiquent que toutes les souches sont capables d’assimiler le sucre tels que le galactose, le sorbitol, à l’exception de Candida lipolytica. Mise à part Candida krusei , toutes les souches sont capables d’assimiler le glucose. En revanche, la plupart des souches ne peuvent pas hydrolyser le RIB sauf Cryptococcus laurentii..  Après avoir subi les tests biochimiques métaboliques et physiologiques, 2 genres  de levures ont été identifiés : Candida (82,35%) et Cryptococcus (17,64%). Les espèces  rencontrées sont : 17,6% Candida lipolytica , 17,6% Candida fomata, 11,7% Candida parapsilosis, 11,7 % Candida krusei, 11,7% Candida albidus, 17,6% Candida guiellermondii % e t Cryptococcus laurentii (Figure 1). Ces résultats confirment ceux de Roostita et al (1996) qui démontrent que Candida lipolytica est généralement reconnue comme l’espèce dotée de l’activité lipolytique la plus importante dans le lait cru. Chez Candida lipolytica, une lipase exocellulaire et une lipase liée aux enveloppes ont été caractérisées. Cette  enzyme hydrolyse  préférentiellement la tricapryline. Certains travaux ont révélé que candida fomta et Saccharomyces cerevisaee métabolisent le lactose, présentent une faible activité protéolytique et lipolytique et conduisent à la production d’éthanol, de glycérol et d’acide lactique. Une activité lipasique sur lait cru a été notée chez Candida valida et Debaromyces hansenii, la première libérant moins de C12 et de14 que la seconde. L’étude de la levure Candida albidus dans le lait cru   a mis en exergue son aptitude à métaboliser le lactose, les protéines et les lipides et aboutit à la production du glycérol, acide lactique,  acide propionique, ce qui conduit à l’augmentation du taux d’acides gras et aminés libres dans le lait (Lopanic et al 2005 ). En revanche, le genre Cryptococcus, en se multipliant dans le lait cru, provoque des transformations nuisibles à la qualité du lait par dégradation de la  MG se traduisant par élévation du taux d’acides gras libres dans le lait, d’une augmentation du pH et de  libération de produits volatils indésirables causant la rancidité (Vivignis et al 1998).

Tableau 3 : Reponses des souches de levures du lait cru de brebis aux tests de fermentation des sures sur plaques API 32 ID


Conclusion


Références

AFNOR Association Française de Normalisation 1980 - Lait. Détermination de la matière sèche. NF VO4 207, In AFNOR (Ed.), Recueil de normes françaises. Laits et produits laitiers. Méthodes d’analyse. Paris : Normalisation française, 1980, p. 33-34. 

Atti N and Rouissi H 2003 Effets de la complémentation sur la production laitière des brebis Sicilo-sardes en pâturage de l'orge en vert et de la vésce. Annales de l'INRAT (76) : 209-224. 

Lopanic K, Zelger S, Bansbky L K and Eliskazes F 2005 Identification of yeasts associated with products milk, traditional and modern technics. Journal of Food Science and Technology pp. 913-919. 

Luquet F M and Beerens H 1987  Guide pratique d’analyse microbiologique des laits et produits laitiers. Tec. Et Doc., Lavoisier, Paris.269p. 

Mathara J M, Schillinger U, Kutima M P, Mbuga H and Wilhem K 2004 Isolation, identification and characterization of the dominant microorganoisms of Kule noato: the Maasi traditional fermented milk in Henya. Journal of microbiology 16(4): 269-278. 

Roostita R, Fleet G, Galeego C, Rojas F and Bentabol A 1993 Growth of yeasts in milk associated changes to milk composition. Journal of Food microbiology.189-16. 

Rouissi H, Kammoun M, Rekik B, Tayachi L, Hammami S and Hammami  M 2006  Etude de la qualité du lait des ovins laitiers en Tunisie. 2eme Séminaire du Réseau Méditerranéen Elevage, Saragosse, 18- 20 Mai. http://www.iamz.ciheam.org/gmed2006/A_78_PDFS/2_24_A-78.pdf 

Rouissi H, Rekik B, Maamouri O, Kammoun M and Ben Gara A  2007  Replacing soya by field beans improves milk production and affects milk quality in Sicilo Sarde ewes fed concentrate during the suckling period. 12th seminar of the FAO-CIHEAM Sub-Network on sheep and goat nutrition.11-13 October, Thessaloniki (Greece). 

Vivignis J, Dubois C, Nicolay L, Mairy F, Jacob C, Piraux F, Lioui M and Decallone J 1998 Qualités micro-biologiques des fromages artisanaux fabriqués au lait cru en région Wallone. Biotech. Agro. Soc. Envir.2 (4) : 248-255.  


Received 26 September 2012; Accepted 13 January 2013; Published 5 February 2013

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