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Utilisation de l'argile chez les ruminants: Conséquences sur le métabolisme du rumen

N Kaboul et D Ouachem

Institut des sciences vétérinaires et des sciences agronomiques, Département d’Agronomie,
Université de Batna, 05000 Algérie
zagol2002@yahoo.fr

Résumé

L’argile est une substance naturelle, très abondante et bon marché ; sa consommation par les ruminants est un phénomène naturel. En effet, en broutant au pâturage, ces derniers consomment au fur et à mesure de la terre. Cette consommation varie en moyenne de 4 à 8 % de la matière sèche totale ingérée chez  les moutonset peut atteindre 14 % pour les bovins sur des pâturages à végétation très pauvre.Par ailleurs, des valeurs extrêmes aussi élevées que 18 %et 30 % ont été rapportées chez les bovins et chez les ovins respectivement. De même, il a été observé que les bovins recevant des rations à haut niveau énergétique, consommaient de la terre spontanément et que cette consommation facultative, diminue lors de l’addition de bentonite à la ration. L’ingestion de l’argile a également été observée chez différentes autres espèces animales ; il s’agit notamment de la poule et toutes les autres espèces aviaires, les palmipèdes, le lapin, le porc et les poissons. Profitant des propriétés physico-chimiques des argiles (échange de cations, adsorption et effet tampon), des travaux de recherches ont été réalisés dans le but d’étudier les effets de l’addition des argiles sur les performances zootechniques des ruminants. Les résultats des différents essais ont  montré que l’incorporation des argiles améliore les conditions physico-chimiques du rumen en stimulant  la digestion microbienne par ses multiples actions sur l’adhésion, la cellulolyse et le pouvoir tampon. Des effets positifs ont également été observés sur le métabolisme du rumen ; en particulier sur le profil des AGV, la concentration en ammoniacet la méthanogénèse. Le but de ce travail est de mettre à la disposition du lecteur une synthèse bibliographique sur les effets de l’emploi des argiles en tant qu’additif naturel dans l’alimentation des ruminants sur le métabolisme ruminal.

Mots clés: adsorption, argile, azote, digestion ruminale, pH, méthane



Use of clay in ruminants: Effects on the rumen metabolism

Abstract

Clay is a natural product that could be used as a natural feed as the consumption of clay by livestock often called by the term geophagy is a natural phenomenon; they actually consume some clay during the pasture. This consumption varies on average from 4 to 8 % of the total dry matter intake in sheep and up to 14% for cattle on pasture. Moreover, extreme values ​​as high as 18% and 30% have been reported in cattle and sheep respectively. Similarly, it was observed that cattle fed diets containing high levels of concentrate, consumed the soil spontaneously and this optional consumption, decreases when bentonite was added. Ingestion of clay was also observed in chickens and other avian species, waterfowl, rabbit, pork and fish. Taking into account of the physical and chemical properties of clay (cation exchange, adsorption and buffer effect), much research has been carried out to study the clay addition effects on ruminant performances. The results of various tests have shown that the incorporation of clay improves the ruminal physicochemical conditions and stimulates the digestion through the improvement of microbial adhesion, cellulolysis and buffer capacity. Positive effects were also observed on the ruminal metabolism, in particular on the volatile fatty acids profile, the ammonia concentration and the methanogenesis. The aim of this paper is to show through this bibliographical synthesis the positive effects of clay addition in ruminant diets.

Keywords: adsorption, clay, methane, nitrogen, pH, ruminal digestion


Introduction

Au cours des dernières décades, les productions animales se sont développées partout dans le monde pour devenir une activité stratégique. Ce développement a été soutenu par les progrès réalisés dans les domaines de l’alimentation, de l’amélioration des conditions d’élevage, de la santé animale, de l’amélioration génétique et les nouvelles connaissances sur la flore du rumen. Parallèlement, les besoins croissants en protéines animales ont motivé le passage à l’intensification de cette activité qui a été accompagnée par un changement radical du modèle productif. Ainsi, pour répondre aux besoins de productions élevés et réaliser des performances optimales et économiques, beaucoup de produits ont été utilisés dans l’alimentation des animaux domestiques. Parmi ces produits, figurent principalement des farines animales, des matières premières renfermant des substances médicamenteuses, des facteurs de croissance, des OGM, des anticoccidiens, des conservateurs et autres.  Malheureusement, l’utilisation abusive de telles substances a été accompagnée par l’émergence de beaucoup de problèmes dans les élevages (maladie de la vache folle, antibiorésistance, fièvre vitulaire, pollution, …), fortement ressentis par les consommateurs et les scientifiques à cause des risques potentiels des résidus qui se trouvaient dans les produits animaux, dans les effluents d’élevage et les nappes d’eau.

Pour produire des protéines animales  qui répondent aux désirs des consommateurs  respectant le bien-être animal et l’environnement, les recherches zootechniques ont été focalisées durant les dernières années sur les possibilités de trouver des alternatives à travers l’utilisation d’additifs et de produits naturels possédant des propriétés équivalentes et permettant d’atteindre des niveaux de performances similaires. Ainsi, des probiotiques, des enzymes, des huiles essentielles, des extraits végétaux ont été mis à la disposition de l’industrie des aliments de bétail. Ces additifs ont pour missions d’agir au niveau du tube digestif et offrent des avantages sur les plans nutritionnel et environnemental.

L’argile est un additif naturel pouvant faire l’objet d’incorporation dans l’alimentation des animaux domestiques. Les études entreprises ces dernières années ont montré les opportunités intéressantes offertes aux productions animales grâce à ses propriétés nutritionnelles (Ouhida et al 2000a et 2000b, Rizzi et al 2003, Xia et al 2004,Ouachem et al 2008, Ouachem 2011), antibactériennes et détoxifiantes (Xia et al 2004, Xia et al 2005, Pasha et al 2007, Prvulovič et al 2007) et technologiques (Melcion 1995). Le présent travail a pour but de fournir une synthèse sur les différents travaux  relatifs aux effets des argiles sur les performances zootechniques des ruminants. 


Généralités sur les argiles

Selon Soltner (1986), l’argile possède un caractère hydrophile lui permettant de fixer l’eau et de gonfler, la bentonite serait plus apte à gonfler que l’illite et bien plus que la kaolinite. D’autre part, les argiles se caractérisent par un pouvoir absorbant et des mécanismes d’échange d’ions remarquables leur permettant de retenir, entre autre, l’ammoniac et d’échanger des minéraux avec le milieu. En effet, les ions fixés aux argiles sont échangeables selon la loi de l’échange de cations. Parmi les cations habituellement fixés sur les argiles, certains sont de nature métallique ; certains sont fixés en quantités importantes (Ca2+, Mg2+ , K, Na+), d’autres en quantités limitées (NH4+, Mn2+, Cu2+, Al3+, Fe2+ou Fe3+).

La capacité totale d’échange (T) ou capacité d’échange de cations (CEC)  est la quantité maximale de cations qu’un poids déterminé d’argile (100g) est capable de retenir. Elle est exprimée en milliéquivalents (meq) pour 100 g d’argile pure et dépend de la nature des colloïdes (montmorillonite : 80-150 meq ; illite : 10-40 meq ; kaolinite : 3-15 meq) (Soltner 1986).

L’équivalent d’un corps est le rapport : masse atomique / valence de ce corps. Ainsi, une argile qui a une capacité totale d’échange de 20 meq pourrait retenir :

-         en Ca : 20 meq x 40 / 2 = 400 mg de Ca / 100g d’argile ;

-      en Na: 20 meq x 32 / 1 = 640 mg de Na / 100g d’argile.

D’aprèsSoltner (1986), dans le cas de la montmorillonite, l’intensité d’absorption par ordre  décroissant avec laquelle ces ions sont retenus est en général la suivante :

Al et oligo-éléments > Ca  > Mg  > H  > K  > NH4> Na

Cette intensité et cet ordre préférentiel de fixation est fonction de la valence et de l’hydratation des ions. C’est ainsi que les ions bivalents (Ca2+ et Mg2+) sont plus énergiquement retenus que les ions monovalents (K+, Na+, NH4+) et que les ions entourés d’une faible couche d’eau ou faiblement hydratés (Mg2+ et surtout Ca2+) sont mieux fixés que les ions fortement hydratés (Na+et K+).

 L’intensité de fixation dépend aussi de l’état de saturation de l’argile. Ainsi,  une argile dont le complexe contient 80% de Ca et 10% de Mg, fixera plus facilement l’élément dont elle est pauvre.

Le pouvoir absorbant, élément fondamental des argiles, est par définition,  la propriété que possède une argile de retenir à sa surface des ions provenant du milieu. Selon Soltner (1986), deux expériences ont permis de mettre en évidence le pouvoir absorbant des argiles :


Modes d’action des argiles

Les deux principales catégories d’argiles utilisées en alimentation animale sont les argiles à feuillets ou phyllosilicates (bentonites dont la montmorillonite, sépiolite, kaolinite, vermiculites et attapulgite), et les argiles à architecture de tétraèdres ou tectosilicates (zéolites dont la clinoptilolite) ; (Wolter et al 1990, Melcion 1995).

D’après Quiniou et al (2005), les argiles n’ont pas de valeur alimentaire ; elles ne sont pas absorbées au niveau du tractus digestif et se retrouvent dans les fèces. Elles sont utilisées comme additifs technologiques dans les aliments complets pour animaux pour améliorer la stabilité du mélange et la qualité des granulés et sont généralement utilisées en dilution avec l’aliment, à l’état pur à des doses allant de 0,5 à 2,5%, voire plus dans le cas où l’argile n’est pas pure. Outre cet aspect technologique, elles présentent également des intérêts en alimentation animale compte tenu de leurs capacités d’absorption spécifiques de molécules et d’ions. L’efficacité zootechnique dépend de ces spécificités mais aussi du stade physiologique de l’animal, de l’âge, de l’espèce animale, de la pureté de l’argile etla composition de l’aliment.

Certaines argiles sont également recommandées pour leurs propriétés pro digestives leur permettant d’augmenter l’efficacité alimentaire et l’hygiène digestive. Leurs effets sont généralement observés au niveau du ralentissement du transit digestif qui permet un accroissement de la digestibilité de la ration ; leur rôle de pansement digestif est particulièrement intéressant en cas d’inflammation intestinale ; leur pouvoir de rétention de l’eau facilite l’exonération intestinale et leur pouvoir détoxifiant permet d’adsorber les substances toxiques (amines biogènes, mycotoxines, endotoxines) présentes dans la lumière du tube digestif  (Melcion 1995).

Sur le plan de l’ammoniogenèseruminale, Visek (1978) a rapporté quela présence d’une forte concentration d’ammoniac dans le rumen provoque une accélération du renouvellement cellulaire au niveau de la muqueuse intestinale. Cela est coûteux en énergie et contribue à accroître le besoin d’entretien de l’animal et réduit la quantité d’énergie disponible pour la croissance et la production. La forte affinité de l’argile avec les ions ammonium, permet d’atténuer ce phénomène et conduit à la protection des muqueuses et l’amélioration de l’efficacité alimentaire.

Enfin, l’adsorption des enzymes digestives contre les feuillets des argiles permet de les protéger vis à vis des variations du pH du tube digestif. Même si l’activité des complexes ainsi formés est moins élevée que celle des enzymes natives (Cabezas et al 1999), cela résulte en une meilleure utilisation digestive des aliments (Quiniou et al 2005).


Protection contre les acidoses

Il est admis que l’équilibre de la flore du rumen peut être perturbé accidentellement par un apport excessif d’amidon très fermentescible (maïs, orge, avoine) ou de céréales finement broyées ; il s’en suit une augmentation de la concentration des ions (H+) avec une production importante d’acide lactique qui entraîne une diminution du pH du rumen (Bertin 1995). L’addition d’argile permet de stabiliser le pH au voisinage de la neutralité par échange de cations (entre autres, Ca et Mg contre les ions H+ en excès dans le milieu). En conséquence, le pH se neutralise et le milieu ruminal s’enrichit en calcium ou en magnésium; ces deux éléments étant importants pour l’adhésion de la flore ruminale aux particules végétales et la pour la cellulolyse.

En étudiant l’effet de la bentonite sur des régimes qui avaient tendance à acidifier le milieu ruminal et perturber l’activité de la flore cellulolytique chez des vaches laitières, Slanina (1974) a conclu qu’en présence de bentonite, le pH du rumen se stabilise au voisinage de la neutralité. La même tendance a été constatée in vivo par Ouachem et Nouicer (2006)  chez des ovins alimentés avec une  ration à base  de fourrages traités à l’urée additionnée  de 5% d’argile ; ceci a entrainé une stabilité du  pH dans une zone proche de la neutralité (6,45 vs 6,19 ; soit une augmentation de l’ordre de 4,2%). Selon ces derniers auteurs,  cet effet  serait  favorable à la dégradation des fibres de la ration et cette valeur de pH serait attribuable à l’échange de cations effectué entre l’argile et le milieu ruminal et à l’effet tampon que possède les argiles dans le cadre de la loi générale d’échange cationique où des cations, généralement bivalents  (Ca2+ et Mg2+) sont échangés contre des ions qui se trouvent en excès (H+). L’argile tamponneainsi le milieu et l’enrichit en minéraux très utiles pour l’adhésion de la flore cellulolytique aux particules végétales. En effet, Fonty et al (1995) ont rapporté que l’attachement des bactéries et la dégradation de la cellulose nécessite la présence de Ca et Mg. D’autres part, Filippidis et Kantiranis (2007) ont rapporté également que l’usage de la zéolite serait un excellent moyen pour prévenir les situations d’acidose ou d’alcalose.

L’efficacité de l’argile peut être améliorée par un enrichissement préalable de l’argile par des minéraux non métalliques (Na, Ca, Cu) ou par l’addition d’une base.L’illustration de ces effets se trouve dans les travaux de Dunn et al (1979) sur l’importance de la bentonite sodique dans la protection des effets négatifs de l’acidose. Ces auteurs ont montré que les régimes très concentrés acidifient le milieu ruminal en provoquant des mortalités chez les ovins pouvant atteindre 19% chez le groupe témoin et que le traitement à la bentonite contribue à la neutralité du pH en limitant les mortalités à 3%. Selon les mêmes auteurs,  l’associationde la bentonite au bicarbonate de sodium avait écarté  les mortalités au sein du groupe expérimental etd’aprèsXia et (2005), le traitement de la montmorillonite au cuivre, assure une protection du tube digestif contre la flore pathogène qui se traduit par une amélioration del’utilisation digestive et de la croissance du porcelet.


Protection contre les alcaloses

Comme pour les pH acides, l’alcalinité du milieu n’est pas profitable à la flore du rumen. En effet, La mauvaise utilisation de l’ammoniac conduit à son accumulation dans le rumen ; provoquant une élévation du pH ruminal (alcalose si pH > 7,2) qui agit négativement sur l’activité de la flore, réduit l’appétit et favorise le développement de bactéries pathogènes. Le ruminant frappé d’alcalose météorise et en cas d’intoxication suraigüe, la mort peut survenir.

 Il existe des formes d’alcalose plus insidieuses et économiquement lourdes. En effet, l’excès d’ammoniac est une cause prédisposante majeure de diverses maladies : syndrome de la vache couchée, infertilité, mortalités embryonnaires et avortements (Baudet 1994). Par ailleurs, Fonty  et al (1995) ont démontré que les pH élevés causés par les fortes concentrations ruminales d’ammoniac, réduisent la disponibilité du magnésium en affectant la croissance des micro-organismes.

En interprétant l’origine de l’alcalose, Wolter(1994) rapporte qu’une dangereuse accumulation ruminale d’ammoniac est la résultante d’une dysharmonie entre une ammoniogenèseà tendance explosive et une protéosynthèse microbienne relativement lente et limitée.Dans de pareilles situations, le pouvoir tampon assez rémanent des argiles et leur capacité d’adsorber et de stocker l’ammoniac en excès, permettent d’atténuer ou de faire disparaître de tels risques en favorisant une activité protéolytique microbienne meilleure (Abdelbaki et Nowar 1986, Ouachem 2011).

Ces dernières années, l’utilisation de rations riches en azote soluble dans les élevages intensifs (Portejoie et al 2002)ou les mauvaises conditions d’utilisation des fourrages traités à l’urée et à l’ammoniac (Ouachem et Nouicer 2006,  Ouachem 2011) ont été à l’origine de l’émergence de situations d’alcalose et d’intoxication avec des conséquences lourdes sur l’environnementsous forme de rejets azotés.

Face à cette situation, plusieurs auteurs ont mis l’accent sur l’utilisation de la bentonite qui possède une capacité d’adsorber et de stocker l’ammoniac en excès et d’empêcher les risques d’alcalose. Ainsi, Martin et al (1969), Rindsig et Schultz (1970) avaient constaté que la bentonite ralentit l’ammoniogenèseau niveau du rumen chez des vaches laitières nourries à partir de rations riches en azote soluble. Abdelbaki (1977) a indiqué que l’addition de zéolite dans des rations renfermant de l’urée, augmente les quantités d’azote et de calcium retenues par l’organisme.

Par ailleurs, Collings et al (1980) ont constaté que l’usage de la bentonite permettait de réduire d’une manière significative l’azote fécal. Il en est de même pour Abdelbaki et Nowar (1981), Ouachem (1997) qui confirment les conclusions précédentes et montrent respectivement que l’addition de 8% et 5% d’argile à un régime renfermant de l’urée, améliore le bilan azoté chez les ovins. De même, dans l’étude réalisée in vivopar Ouachem et Nouicer(2006) ou in vitro  par Abdel-Rahman (2010), il a été rapporté chez les lots recevant l’argile une diminution dans la concentration de l’azote ammoniacal du liquideruminalde  31% et 33,6% respectivement.

Dans des essais de digestibilité apparente de fourrages riches en fibres, Zid (2009) a montré que l’addition de 4% de marne accroît de 24%  l’utilisation digestive de l’azote du foin de luzerne et de 65 % celle du foin d’avoine. Ce résultat confirme le rôle de l’argile dans l’optimisation de l’utilisation de l’azote et la prise en charge de l’azote ammoniacal par les grandes capacités d’adsorption caractérisant les argiles.


Effets sur la population microbienne du rumen et la digestion ruminale

Les micro-organismes du rumen ont des besoins simultanés d’énergie et  d’azote sans possibilité de stockage. Cette indispensable simultanéité des approvisionnements microbiens en énergie et en azote, impose la synchronisation des apports de glucides fermentescibles et de protéines dégradables ou solubles (Wolter1994). L’importance des minéraux dans l’équilibre, la croissance et l’activité de la population microbienne du rumen a été signalée, notamment par les auteurs suivants :

La capacité de l’argile lui permettant d’échanger des minéraux tels que le Ca, le Mg, le Co, ainsi que ses effets sur le pH et la concentration ruminale d’ammoniac sont autant de facteurs favorables pour accroitre la croissance microbienne dans le rumen. En effet, cette dernière, dépend selon Fonty et al (1995) de la disponibilité du substrat énergétique préférentiel, de la concentration en ammoniac et du pH. Par ailleurs, L’action positive des minéraux contenus dans les argiles serait intéressante pour la dégradation des parois végétales. A ce propos, l’effet  du magnésium sur les cellulases a été décrit par Roger et al (1990) et celui du Calcium sur la cellulolyse par Meschy (1993). Enfin, l’effet défaunant des argiles n’est pas exclu, puisque Jouany (1994) rapporte que l’emploi des substances tampons diminue le nombre de protozoaires en augmentant le nombre de bactéries (autres que les méthanogènes), diminue le taux d’acide butyrique au profit des acidesacétique et propionique et contribue à la réduction des pertes énergétiques sous forme de méthane. En effet, les protozoaires vivent en symbiose avec les bactéries méthanogènes et l’élimination des protozoaires entraîne le départ de ces bactéries (Wallace et Newbold 1991).Des constatations similaires ont été rapportées  chez les ovins par Ivan et al (1992a), selon ces auteurs, la bentonite diminue le nombre de protozoaires et améliore le rendement énergétique de la ration.


Effets sur le mélange des AGV

Le mélange d’acides gras volatils issus des fermentations ruminales comporte principalement de l’acide acétique (C2) : 40-70%, de l’acide propionique (C3) : 15-25% et de l’acide butyrique (C4) : 5-15%. L’acide lactique ne s’accumule dans le rumen qu’à partir d’un pH inférieur à 5,5. Les proportions des différents acides gras volatils sont dépendantes du pH du rumen qui commande l’orientation des fermentations (Wolter1994).

Travaillant sur des régimes riches en concentré et pauvres en aliments cellulosiques, Colling et al (1979), ont montré que la présence de bentonite dans ces régimes accroît les proportions des acides propionique et butyrique, tout en diminuant celle de l’acide acétique. De même, une réponse positive a été observée sur le profil des fermentations ruminales chez les ovins par Walzet al (1989).

A travers l’essai mené sur ovins par Ouachem et Nouicer (2006), l’effet de l’argile sur le profil des fermentations a été marqué par une orientation de ces dernières et une optimisation de la digestion ruminale se traduisant par un accroissement du propionate (+15%) accompagné de baisses dans les taux d’acétate (-5,6%) et du rapport acétate / propionate (-18%) suivies d’une chute dans la proportion molaire de méthane (-7,9%). Selon les mêmes auteurs, l’impact de ces effets est appréciable sur le rendement énergétique, du moment où le propionate stimule la néoglucogenèse et que les besoins en glucose du ruminant, sont corrigéspar des précurseurs de glucose, comme le propionate. Bien plus, une baisse d’acétate dans le mélange des acides gras volatils est favorable pour  le bilan énergétique du ruminant puisqu’elle entraine des pertes énergétiques par extra chaleur moins importantes. La baisse marquée du rapport C2/C3 avec argile peut être favorable à l’amélioration de l’ingestibilité et la digestibilité. L’action de ce rapport sur ces deux paramètres a été démontrée antérieurement par Van Nevel et Demeyer (1976).

Les effets de la bentonite sur le métabolisme du rumen cités ci-dessus viennent d’être confirmés in vitro par  Abdel-Rahman (2010). Cet auteur a constaté des réponses positives dans les proportions molaires de propionate (+33,9%), d’acétate (-10%), dans le rapport acétate/propionate (-32,8%) ainsi qu’une baisse considérable dans la proportion molaire de méthane (-6,7%).  

Cependant, il semble pour Fisher et Mackay (1983) que la bentonite n’oriente pas les fermentations du rumen de façon positive chez des vaches en lactation nourries à base d’ensilage de graminées.

Ainsi, au vu de ces informations, il semble que dans les élevages intensifs basés sur une alimentation riche en concentré et en ensilage, ou encore dans le cas de fourrages pauvres riches en fibres végétales, traités avec l’azote non protéique,  l’apport d’argile  est susceptible d’orienter de façon positive les fermentations et d’optimiser les performances(Ouachem et  Nouicer 2006, Ouachem 2011).


Conclusion


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Received 14 August 2011; Accepted 22 November 2012; Published 2 December 2012

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