Livestock Research for Rural Development 35 (5) 2023 LRRD Search LRRD Misssion Guide for preparation of papers LRRD Newsletter

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Effets de la substitution de la farine de poisson par la farine de chenille (Imbrasia ertli) dans l’aliment sur les performances de croissance et la valeur nutritive de Clarias gariepinus

Fotso Kengne Georesse1,2, Songmo Berlin-Léclair2, Tiogué Claudine3, Ymele Dorlice2 et Kana Jean Raphaël4

1 Faculté d’Agronomie et des Sciences de l’Environnement de l’Institut Universitaire Evangélique du Cameroun
kanajean@yahoo.fr
2 Unité de Recherche d’Ichtyologie et Hydrobiologie Appliquée, Faculté d’Agronomie et des Sciences Agricoles, Université de Dschang
3 Institut Supérieur d’Agriculture, du Bois, de l’Eau et de l’Environnement, Université d’Ebolowa
4 Unité de Recherche en Production et Nutrition Animale, Faculté d’Agronomie et des Sciences Agricoles, Université de Dschang

Résumé

La présente étude avait pour but d’évaluer le potentiel de la farine de la chenille (Imbrasia ertli) à substituer la farine de poisson comme principale source de protéines dans le régime alimentaire des alevins de Clarias gariepinus. Les poissons ont été nourris avec 4 régimes isonitrogènes (36%) et isocaloriques (2900 Kcal MS) formulés pour remplacer 0, 25, 50, 75 et 100% de la farine de poisson par de la farine de chenille. Les régimes expérimentaux ont été testés en trois répétitions sur les performances de croissance et la composition de la carcasse de Clarias gariepienus. Après 12 semaines, aucune différence significative (p˃0,05) n'a été enregistrée entre les traitements pour les paramètres de croissance. Bien que non significatif, le taux de croissance spécifique (TCS) a diminué avec le taux de substitution croissant de la farine de poisson par la farine de chenille. Par ailleurs, l’indice de consommation des alevins est fortement (r=0,76) lié au taux de substitution, alors que le lien entre l’embonpoint des poissons (K) et le taux d’incorporation de la farine de chenille est plutôt très faible (r=0,17). La teneur en graisse de la carcasse du poisson a augmenté de manière significative (p<0,05) avec l'augmentation du taux de farine de chenille dans la ration (r=0,86). Les résultats suggèrent que la farine de poisson peut être efficacement et économiquement remplacée par la farine de chenille (Imbrasia ertli) sans effets négatifs sur les performances de croissance et la composition de la carcasse de Clarias gariepinus.

Mots clés : Clarias gariepinus, farine de poisson, farine de chenille, substitution, Imbrasia ertli, perfomances de croissance, composition de la carcasse


Effects of substituting fish meal with caterpillar (Imbrasia ertli) meal in feed on growth performance and nutritional value of Clarias gariepinus

Abstract

The present study was designed to evaluate the suitability of caterpillar meal (Imbrasia ertli) in substituting fish meal as the main protein source in Clarias gariepinus fingerlings diet. Fish were fed with 4 isonitrogenous (36%) and isocaloric (2900 Kcal DM) diets formulated to replace 0, 25, 50, 75 and 100% of fish meal with caterpillar meal (Imbrasia ertli). The experimental diets were tested in three replicates on growth performances and carcass proximate composition ofClarias gariepienus. After 12 weeks, no significant difference (p˃0.05) was found in growth parameters. Although not significant, the specific growth rate (SGR) decreases with increasing substitution rate of fishmeal for caterpillar meal. On the other hand, the feed to weight gain ratio was strongly (r=0.76) related to the substitution rate. On the other hand, the relationship between fish overweight (K) and the substitution rate of fish meal by caterpillar meal was very weak (r=0.17). The fat content of the fish carcass significantly (p<0.05) increased with the increasing level of caterpillar meal in the ration (r=0.86). The results suggest that fish meal could efficiently and economically be substituted by caterpillar meal (Imbrasia ertli) without adverse effects on growth performances and carcass composition of Clarias gariepinus.

Keywords: Clarias gariepinus, fish meal, caterpilar meal, substitution, Imbrasia ertli, growth perfomances, carcass composition


Introduction

La farine de poisson est l’une des ressources les plus utilisées dans la formulation des rations pour poisson. Cette ressource halieutique étant la principale source de protéines, le coût des rations aquacoles en dépend fortement. Outre ses qualités gustatives, sa richesse en vitamines et en macroéléments, cet ingrédient contient, dans les proportions idéales, des protéines et des lipides de hautes valeurs nutritionnelles et essentielles pour presque toutes les espèces aquacoles. Obtenue presque exclusivement des pêches de capture, la disponibilité de cette farine est de plus en plus réduite en raison de la stagnation des pêches (Cashion et al 2017) et du développement exponentiel de l’aquaculture, ce qui a entraîné, sa raréfaction et une augmentation de son prix du simple au triple en moins d’une décennie (Pauly et Zeller, 2017; Kamili et Doukkali, 2019). Dès lors, pour soutenir la croissance de l’industrie aquacole et maintenir la productivité de ses exploitations, dans un environnement sain, il est impératif de rechercher des alternatives à la farine de poisson et qui soient riches en protéines et localement disponibles en plus d’être moins onéreux.

De nombreux travaux scientifiques ont porté sur la possibilité d’incorporer des insectes dans l’alimentation des poissons (Sogari et al 2019; Alfiko et al 2022). L’alimentation de différentes espèces de poissons avec la farine des larves d’insectes, ont donné des résultats plus ou moins acceptables. Ainsi, l’incorporation de la farine d’asticots (Fasakin et al 2003; Olaniyi et Salau 2013; Ye et al 2022), des sauterelles (Grace 2015; Tsado et al 2021), et plusieurs autres insectes (Alfiko et al 2022) ont permis d’envisager le remplacement partiel ou total de la farine de poisson sans impact sur les performances de croissance et l’état sanitaire des poissons. D’autres sources non conventionnelles de protéines, notamment les chenilles, sont utilisées en raison de leur qualité nutritionnelle élevée et variée (Solomon 2012; Ngalya et al 2020; Thavamani et al 2020).

Imbrasia ertli est un lépidoptère de la famille des saturniidae, disponible et facile d’accès en zone forestière; cette chenille peut constituer, de par ses qualités nutritives et sa teneur en protéines (Nsevolo Miankeba et al 2022; Malasi et al 2023), une alternative à la farine de poisson. Utilisée avec succès comme alternative à la farine de poisson dans l’alimentation des poulets de chair, Diomande et al (2018) ont rapporté sa teneur en protéine de 53,57%. Cette chenille contient 16 acides aminés dont 9 essentiels et une diversité de minéraux selon Foua Bi et al (2016).

Poisson très rustique, Clarias gariepinus est fortement recommandé pour renforcer la pisciculture en Afrique en raison, de sa croissance rapide, son régime alimentaire omnivore, sa vitesse de croissance rapide et sa capacité d’adaptation à des conditions d’élevage difficiles (De Graaf et al 1996). La présente étude a été initiée à l’effet d’évaluer l’impact du remplacement partiel ou total, de la farine de poisson par la farine de chenilles dans son alimentation, sur ses performances de croissance et la qualité nutritionnelle de sa carcasse.


Matériel et méthodes

L'étude s’est déroulée de mars à mai 2022 à la Ferme d’Application et de Recherche de la Faculté d’Agronomie et des Sciences de l’Environnement (FASE) de l’Institut Universitaire Évangélique du Cameroun (IUEC).

Matériel animal

Un total de neuf cent alevins (900), de Clarias gariepinus âgés d’environ deux mois de poids moyen 11±0,46 g et de longueur 9±0,3 cm, obtenus des reproducteurs issus d’une reproduction artificielle et acquis auprès du groupe d’éleveurs dénommé GIC-AIO (Groupement d’Initiatives Communes pour une Aquaculture Intégrée de l’Ouest). Lesdits alevins ont été transportés de leur lieu d’acquisition au lieu de l’expérience à l’aide des sacs plastiques oxygénés et contenant de l’eau dans les proportions de 2/3 de l’eau et 1/3 d’oxygène.

Les chenilles (Imbrasia ertli) utilisées pour la fabrication de la farine de chenilles ont été achetées au marché de Mvog Mbi (Yaoundé). Ladite farine a été obtenue en broyant à l’aide d’une machine à moudre des chenilles séchées au soleil (Photo 1).

Structure d’élevage

L’essai s’est déroulé dans des cubitainers en PVC de 1000 litres de contenance disposés en circuit fermé dans une salle couverte et ventilée et chacun a été équipé d’un dispositif d’alimentation et de vidange en tuyau PCV de diamètre 32mm. Dans chaque unité expérimentale, le volume d’eau était maintenu à 0.6 m3 grâce à un système de trop plein. L’approvisionnement en eau était fait à partir du pompage d’une eau de forage stockée dans un bac. Les eaux usées issues du dispositif expérimental ont été recyclées grâce à un système de filtration mécanique et réinjectées dans le circuit grâce à une pompe électrique immersible. L’eau était entièrement renouvelée tous les 10 jours. Chaque Cubitainer était muni d’une vanne et d’un air stone qui maintenaient le débit d’eau à 0,75 litres/min.

Photo 1. Image des chenilles (Imbrasia ertli) séchées
Rations expérimentales

Cinq rations iso protéiques et iso énergétiques ont été formulées. Dans ces rations, la farine de poisson (FP) a été remplacée graduellement par de la farine de chenille Imbrasia ertli à 0 (contrôle, T0), 25% (T1), 50% (T2), 75% (T3) et 100% (T4). La composition bromatologique des rations expérimentales, et de la farine de poisson et de chenilles sont respectivement consignées dans les tableaux 1 et 2.

Tableau 1. Composition centésimale et bromatologique des rations expérimentales

Ingrédients

Taux de substitution de la farine de poisson par la farine de chenille (%)

0

25

50

75

100

Farine de poisson

23

17

11,5

6

0

Farine de chenille

0

6

11,5

17

23

Tourteau de soja

40

41

42

43

44

Maïs

23

22

21

20

19

Son de blé

8

8

8

8

8

Huile de palme

2

2

2

2

2

Prémix

2

2

2

2

2

Sel

1

1

1

1

1

Coquillage marin

1

1

1

1

1

Total (kg)

100

100

100

100

100

Composition chimique calculée

Protéine Brute (%)

36,5

36,4

36,5

36,5

36,5

Énergie Métabolisable
Lipide

2896
7,0

2900
7,5

2903
9,3

2905
9,3

2909
12,9



Tableau 2. Composition bromatologique de la farine de poisson et de chenilles

Sources de
protéines

MS
(%)

Cendre
(%MS)

MO
(%MS)

PB
(%MS)

MG
(%MS)

CB
(%MS)

EB
(Kcal/kg MS)

EM
(Kcal/kg MS)

Lipides
(%MS)

FP 1

93,3

14,1

85,9

56,5

12,7

5,2

5051

3606

23,9

FP 2

95,8

56,2

43,9

19,6

4,0

7,3

2196

1303

21,6

Farine de chenille

93,4

2,19

97,8

49,6

17,6

11,8

5798

3779

23,8

MS=matière sèche, PB= protéine brute, MO= matière organique, MG= matière grasse, CB= cellulose brute, EB= énergie brute et EM= énergie métabolisable, FP1 et FP2=Farine de Poisson commerciale

Conduite de l’essai

Les neuf cent (900) Clarias gariepinus précédemment décrits ont été acclimatés dans les structures d’élevage pendant 3 semaines, puis, répartis au hasard en cinq lots comparables en poids et en taille avec trois répétitions par lots dans 15 cubitainers. A chaque lot a été attribuée au hasard une des rations expérimentales. La densité d’élevage a été d’un (1) alevin par 10 litres.

Pendant l’essai, l’aliment a été distribué quotidiennement à 5% de l’ichtyiobiomasse et servi deux fois par jour à intervalle de 7 heures (10h et 17h). L’ajustement des quantités d’aliment distribuées a été fait tous les 14 jours après les pêches de contrôle. Pendant cet exercice (pêches de contrôle), quinze (15) poissons, de chaque lot, ont été prélevés au hasard, pesés, individuellement à l’aide d’une balance électronique et mesurés à l’aide d’un ichtyiomètre. Chaque bac était inspecté pour déceler des cas de mortalités et d’éventuelles anomalies ; les morts n’étaient pas remplacés. Les paramètres physico-chimiques de l’eau (température : 18,5 C° à 20 C°), le pH : 6,5 et 7) ont été obtenus des mesures effectuées dans chaque unité expérimentale. La concentration en NO2-, effectuée tous les 7 jours, a varié entre 0,015 et 0,03 mg/l tout au long de l’essai. Au cours de cette période, les poissons ont été soumis à une photopériode de 12 heures de lumière et 12 heures d’obscurité.

Paramètres évalués et collecte des données
Paramètres de croissance et de survie

Les paramètres zootechniques et indices utilisés au cours de l’essai ont été les suivants : Gain de poids (GP), gain moyen quotidien (GMQ), taux de croissance spécifique (TCS), facteur de condition (K), indice de consommation (IC), poids initial (Pi), poids final (Pf) et la biomasse nette (Bn).

Gp (g) = Poids final (g) - Poids initial (g)

GMQ (g)= (Pmf-Pmi)/Δt où Δt= durée de l’essai (j)

IC = Consommation alimentaire (g)/Gain de poids (g)

TCS (%/j)= [ ln (poids final) - ln (poids initial)] x 100/Duré e de l'expérience en jours

K = (Pt / Ltb) x 100 ; avec p= poids du poisson(g), L= longueur totale du poisson (cm) et b = coefficient d’allométrie

Bm = biomasse finale - biomasse initiale

Tous ces paramètres ont été utilisés pour l’évaluation de la croissance et du contrôle de l’efficacité d’utilisation des aliments distribués pendant toute la période de l’essai.

Composition de la carcasse

À la fin de l’essai, un échantillon de 3 poissons a été prélevé au hasard de chaque unité expérimentale. Ces poissons ont été analysés pour déterminer leurs teneurs en protéines brutes, Matières grasses et cendres suivant la procédure décrite par AOAC (1990).

Analyses statistiques des données

Les données collectées ont été soumises à l’analyse de la variance à un facteur dans un dispositif complètement randomisée selon le modèle mathématique suivant:

Yij = µ + αi + εij

Yij = observation

µ = Moyenne générale de la population

αi = Effet moyen du facteur Ration alimentaire (i = 5)

εij = Erreur résiduelle de moyenne m et de variance σ2

En cas de différences significatives entre les traitements, le test de la plus petite différence significative de Duncan (Littell, 1989) a été appliqué pour la comparaison des moyennes au seuil de signification de 5%. Le logiciel statistique SPSS 20.0 (Statistical Package for Social Sciences, 2020) a été utilisé pour les analyses des données statistiques.


Résultats

Caractéristiques de la croissance

La variation des caractéristiques de croissance de Clarias gariepinus est résumée dans le Tableau 3. Il est en ressort que, bien non significative toutes les caractéristiques de la croissance étudiées à savoir l’ingestion alimentaire, le gain de poids, l’indice de consommation, le taux de croissance spécifique ont une tendance à baisser avec le taux croissant de la farine de chenille dans la ration.

Tableau 3. Influence du taux de substitution de la farine de poisson par la farine d’Imbrasia ertli sur les caractéristiques de croissance de Clarias gariepinus

Caractéristiques

Taux de substitution de la farine de poisson par la farine de chenille (%)

0

25

50

75

100

CA(g)

129±2

126±3,5

125±4,7

120±5,1

121±3

Pi

11,5±0,62

11,8±0,8

11,6±0,8

11,5±0,82

11,5±0,86

Pf

64,8±11,2

61,5±11,1

59±10,4

59±10,4

56,9±7,65

Gp(g)

53,4±5,6

49,7±5,8

49,3±2,47

47,4±3,27

45,3±4,64

GMQ (g/j)

0,76±0,22

0,70±0,85

0,69±0,36

0,67±0,05

0,64±0,64

TCS (%/j)

2,45±0,12

2,37±0,13

2,34±0,58

2,32±0,11

2,26±0,11

K

0,83±0,12

1,06±0,18

1,07±0,83

1,04±0,20

0,97±0,86

Bmf

64,6±5,60

61,6±5,81

59±3,80

60,3±2,44

56,9±4,64

IC

2,8±0,35

2,53±0,3

2,66±0,15

2,5±0,1

2,26±0,1

CP(FCFA)

298±48,3

268±39

289±13,4

270±47,3

219±18,8

CA= consommation alimentaire ; Bmf= biomasse finale ; GP = gain de poids ; GMQ= Gain Moyen Quotidien, Tcs= Taux de croissance spécifique, K= facteur de condition, Pi= poids initial ; Pf=poids finale, IC= Indice de consommation, CP= coût de production

La relation entre le taux d’incorporation de la farine de poisson dans l’aliment et le facteur K est illustrée par la Figure 1. Le lien entre ces deux paramètres est très faible (r=0,17) avec seulement 17% des variations du facteur de condition des alevins liées au taux substitution de la farine de poisson dans l’aliment par la farine de chenille.

Figure 1. Évolution du facteur de condition K en fonction du taux de substitution de
la farine de poisson dans l’aliment par la farine de chenille Imbrasia ertli

La relation entre le taux substitution de la farine de poisson dans l’aliment par la farine de chenille et l’indice de consommation est illustrée par la figure 2. Il existe une forte relation (r=0,76) entre ces deux paramètres avec 76% des variations de l’indice de consommation liées au taux de substitution. Par ailleurs, l’allure descendante de la courbe traduit le fait que l’indice de consommation est étroitement lié à l’augmentation du taux d’incorporation de la farine de cette chenille dans l’aliment.

Figure 2. Évolution de l’IC en fonction taux de substitution de la farine de poisson
par la farine de chenilles dans l’aliment des alevins de Clarias gariepinus
Composition bromatologique de la carcasse

L’effet du taux de substitution de la farine de poisson par la farine d’Imbrasia ertli sur la composition bromatologique de la carcasse de Clarias gariepinus est résumé dans le Tableau 4. Il en ressort que la teneur en cendres, en matière organique, en protéines et en matière grasse varient significativement (p<0.05) avec le niveau de substitution de la farine de poisson par la farine d’ Imbrasia ertli. Le cas le plus marquant a été le taux du gras du poisson qui a augmenté de façon linéaire et significative (p<0.05) avec le taux croissant de la farine de cette chenille dans l’aliment.

Tableau 4. Effets du taux de substitution de la farine de poisson par la farine dImbrasia ertli sur les caractéristiques de la carcasse des alevins de Clarias gariepinus

Constituants
 (%MS)

Taux de substitution de la farine de poisson par la farine de chenille (%)

0

25

50

75

100

Cendres

5,35b±0,00

5,90c±0,12

5,00a±0,16

4,86a±0,00

5,26b±0,00

Matière organique

94,6b±0,00

94,1a±0,12

94,9c±0,16

95,1c±0,00

94,7b±0,00

Protéines brutes

77,3b±0,11

81,5d±0,11

77,4b±0,21

76,2a±0,00

79,5c±0,00

Matière grasse

7,00a±0,07

7,54b±0,07

9,32c±0,28

9,32c±0,00

12,9d±0,00

a,b,c,d: Les moyennes affectées de la même lettre ne diffèrent pas significativement (p˃0,05)

La relation entre le taux de substitution de la farine de poisson dans l’aliment par la farine de chenille et le taux de matière grasse de la chair est très forte (r=0,86) et est illustrée par la Figure 3. Cette forte relation indique que le taux de la matière grasse de la chair du poisson varie en fonction du taux de la farine de chenille de la ration. La courbe de régression a une allure croissante traduisant l’augmentation de la matière grasse en rapport avec le taux croissant de cette farine dans la ration.

Figure 3. Évolution du taux de matière grasse dans la chair des alevins de Clarias gariepinus
en fonction taux de substitution de la farine de poisson par la farine de chenille


Discussion

Dans la présente étude, et de manière générale, les performances de croissance ont été influencées par le niveau de substitution croissant de la farine de poisson par la farine de chenille dans l’aliment des alevins de Clarias gariepinus. La consommation alimentaire a diminué avec le niveau de substitution croissant de la farine de poisson par la farine de chenille. L’appétibilité semble diminuer avec le niveau d’incorporation croissant de la farine de chenille. Cette réduction de la consommation observée lors de la substitution graduelle de la farine de poisson par la farine de chenille est semblable à celle observée dans plusieurs autres études relatives à la substitution de la farine de poisson par d’autres sources de protéines dans l’alimentation de Clarias gariepinus ( Djissou et al 2016; Shapawi et al 2007). Cette réduction de la consommation pourrait être due à la présence de certaines impuretés dans cette farine à l’exemple des poils de chenilles dont les propriétés irritantes pourraient réduire l’ingestion de l’aliment. En outre, durant toute la durée de l’essai, la température a été ≤ 20°C, ce qui est en dessous de la température optimale pour une bonne croissance du poisson chat africain (Hogendoorn et al 1983; Romanova et al 2020). Cette température, en dessous de ce qui est requis, pourrait aussi être à l’origine de la sous consommation alimentaire. En effet, selon (Volkoff et Rønnestad 2020), une température en dehors de la marge optimale requise, entraînerait entre autres, une modification à la baisse du désir de consommer de l’aliment.

Durant toute la durée de l’essai, le gain de poids a évolué indépendamment du traitement, c’est la preuve que les poissons ont réagi positivement à toutes les rations. Cependant, les lots de poissons n’ayant pas reçu de farine de chenilles ont présenté un gain de poids supérieur à celui des poissons ayant consommé des rations contenant de la farine de chenilles. Ces résultats prouvent qu’une substitution partielle ou totale de la farine de poisson, par la farine de chenille, entraîne une réduction du gain de poids. En effet, Henry et al (2015) ont montré que la présence de chitine dans l’exosquelette d’insectes adultes entraînait une réduction des performances de croissance et de l’utilisation de protéines chez les poissons chats nourris avec des niveaux élevés de ces insectes. La chitine inhibe une bonne digestion, une bonne absorption et, par conséquent, entraîne un retard de croissance (Toviho et Bársony 2020). Par ailleurs, la faible teneur en cendres de la farine de chenilles de cette étude, comparativement à la teneur en cendres de la farine de poisson suppose qu’il serait nécessaire de supplémenter la farine de chenilles en minéraux pour espérer avoir des performances de croissance comparables à celles obtenues avec la farine de poisson (Diomande et al 2018) .

Le taux de croissance spécifique diminue également avec le niveau de substitution croissant de la farine de poisson par la farine de chenilles. Cependant, la valeur la plus élevée obtenue avec T0 reste inférieure à 4,97%/j obtenu par Djissou et al (2016) dans le cadre d’un essai de 5 rations iso protéiques (40%) chez des alevins Clarias gariepinus avec substitution de la farine de poison par la farine de vers de terre dans l’aliment. De manière générale, dans le cadre de cet essai, quel que soit le traitement, les taux spécifiques de croissance sont relativement bas et pourrait s’expliquer par les conditions environnementales prévalues durant l’essai. En effet, durant toute la durée de l’essai, la température est restée inférieure à celles (26-34°C) recommandées par Van Weerd (1995) et qui ont permis d’obtenir un TCS de 6%/j chez des alevins de Clarias gariepinus dans une classe de taille variant entre 17 et 49 g. Par ailleurs, la consommation de la chitine a été associée à la fois à une réduction du niveau de rétention de l’eau du contenu intestinal et à une réduction de la durée d’évacuation du tube digestif et, selon Hoffmann et al (2020) et Weththasinghe et al (2021) cela entraînerait ainsi une baisse du niveau d’efficacité des enzymes digestives sur les substrats alimentaires. En outre, la réduction du TCS avec les niveaux d’incorporation croissant de la farine de chenille dans l’aliment pourrait s’expliquer par la faible digestibilité de la farine de chenilles et son profil en acides aminés qui pourrait ne pas convenir aux besoins des alevins de Clarias gariepinus (Médale et Kaushik 2009).

Le facteur de condition K, indicateur de l’embonpoint des poissons, a varié d’un traitement à un autre. Or, Uys et Hecht (1985) ont montré que la valeur de K≥1 est synonyme d’un bon état des poissons. Dans le présent essai, la valeur la plus élevé de 7% à celle de cet auteur a été obtenue avec la ration contenant 50% de farine de poisson et 50 % de farine de chenille. Cet embonpoint est en accord avec les résultats de Djissou et al (2016). Ces auteurs ont montré qu’un mélange de sources de protéines animales, en remplacement de la farine de poisson, améliore l’embonpoint et les performances de croissance des poissons. Cependant, au-delà d’un certain niveau, cette substitution entraîne une diminution de l’embonpoint et de la croissance chez les poissons. En effet, outre les conditions expérimentales dans lesquelles s’est tenu le présent essai, ce taux de croissance spécifique pourrait s’expliquer par le fait que, le profil en acides aminés de la farine de chenilles ne correspondrait pas aux besoins de Clarias gariepinus, le catabolisme de l’azote augmenterait ainsi la pollution de l’environnement aquatique et, par conséquent, réduirait l’embonpoint des poissons (Médale et Kaushik 2009).

Le coût de production a diminué avec le niveau de substitution croissant de la farine de poisson par la farine de chenilles dans l’aliment. De cette observation, on peut déduire que la substitution de la farine de poisson par la farine de chenilles contribue à la réduction du coût de l’alimentation des alevins de Clarias gariepinus. C’est à ce même constat que sont parvenus les auteurs des études antérieures et relatives à la substitution de la farine de poisson par d’autres sources de protéines dans l’alimentation des poissons (Shapawi et al 2007; Monentcham et al 2010; Kolawole et Ugwumba 2018).

La composition de la carcasse du poisson permet d’avoir des informations sur son état sanitaire, d’évaluer l’efficience du processus de transfert des nutriments de l’aliment au poisson et de prédire les modifications éventuelles dans la composition de la carcasse (Shearer 1994). Dans le présent essai, il est noté que les caractéristiques de la carcasse sont sous l’influence directe du taux de farine de chenille dans la ration. Ce constat pourrait être le résultat de l’effet de la teneur élevée en matières grasses de la farine de chenilles qui augmente dans l’aliment avec le taux croissant de cette farine. Ce résultat est conforme à celui de Djissou et al (2016); dans un essai de remplacement total de la farine de poisson par la farine d’autres protéines animales dans l’alimentation des alevins de Clarias gariepinus.


Conclusion

Les résultats de la présente étude révèlent que dans l’alimentation des alevins de Clarias gariepinus, il est possible de remplacer partiellement la farine de poisson par la farine de chenilles ( Imbrasia ertli). Le taux optimal de substitution est de 25% et au-delà de ce niveau de substitution, le gain de poids diminue avec le niveau d'incorporation croissant de la farine de chenilles. S’il est vrai que le remplacement graduel de la farine de poisson par la farine de chenille permet de réduire le coût de production, il n'en demeure pas moins qu'elle affecte négativement les performances de croissance des alevins de Clarias gariepinus. En outre, un remplacement graduel de la farine de poisson par la farine de chenilles, augmente graduellement la teneur en gras de la carcasse des alevins de Clarias gariepinus.


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