Effet d’une addition de rebuts de dattes sur les performances de brebis Ouled Djellal et leurs agneaux en milieu steppique

A Abaidia^1,2, L Mebirouk-Boudechiche¹ et K Chaker-Houd³

¹ Laboratoire d’épidémio-surveillance, santé, productions et reproduction, expérimentation et thérapie cellulaire des animaux domestiques et sauvages, Université Chadli Bendjedid d’El Tarf, BP 73, 36000, El Tarf, Algérie
boudechiche.lamia@gmail.com
² Université Abbas Laghrour, Khenchela, BP 1252 rue de Batna, Khenchela, 40004, Algérie
³ Laboratoire Agriculture et Fonctionnement des Ecosystèmes, Université Chadli Bendjedid d'El Tarf, BP 73, 36000, El Tarf,Algérie

Résumé

L’alimentation en fin de gestation influence le poids de naissance des agneaux et conditionne leurs performances zootechniques futures, d’où le recours à une complémentation en cette période critique, surtout si elle concorde avec la saison estivale dans les pays méditerranéens, déficitaire en offre fourragère. Dans cette optique, la valorisation d’un produit local, les rebuts de dattes, est intéressante à développer car ils constituent un appoint aux fourrages et peuvent s’avérer, en outre, économiques. A cet effet, 100 brebis ont été réparties aléatoirement en deux lots, un lot expérimental LE ayant subi un flushing pendant 1 mois en recevant une complémentation au parcours à base de rebuts de dattes, et un lot témoin LT n’ayant pas subi de flushing. L’impact de cette complémentation a été évalué par les paramètres de reproduction. Puis les femelles fécondées ont été suivies et ont bénéficié d’un steaming, encore à base de rebuts de dattes, durant les 2 derniers mois de leur gestation. L’impact de cette complémentation a été évalué par les notes d’état corporel (NEC), le poids des agneaux à la naissance et leur croissance. Le lait des 2 catégories de femelles a été analysé. Les paramètres de reproduction et les NEC à la mise bas ont été au profit des femelles du lot LE. Les poids des agneaux issus des femelles complémentées, de même que leur croissance ont été supérieurs. Ramené à 100 brebis, le poids des agneaux obtenus à 3 mois a été de 254 kg sans rebuts de dattes et de 335 kg avec rebuts, soit une augmentation de 31,5 %. Ceci confirme le grand intérêt des rebuts de dattes comme complément aux parcours steppiques.

Mots-clés : Algérie, alimentation, steaming, flushing, complémentation

Effect of date byproducts on performance of Ouled Djellal sheep and their lambs in a steppe environment

Summary

Feeding at the end of gestation influences the birth weight of lambs and conditions their future zootechnical performances, hence the use of supplementation during this critical period, especially if it is in the summer season in Mediterranean countries, known to be in forage supply deficit. In this perspective, the valorization of a local product of dates is interesting to develop because they constitute a significant addition to the fodder and can also prove to be economical. To this end, 100 ewes were randomly divided into two lots, an experimental batch LE having undergone a flushing for 1 month while receiving a supplement to the course based on dates byproducts and a control batch LT, not having undergone flushing. The impact of this supplementation was assessed by the reproductive parameters. Subsequently, the fertilized females were followed during the last 2 months of their gestation, during which they benefited from steaming still based on dates byproducts. The impact of this supplementation was evaluated by the body condition score (NEC) and the weight of the lambs at birth, as well as their growth. The milk of the 2 categories of females was analyzed. The reproductive parameters and the NEC at whelping were for the benefit of the females of the LE. The weights of lambs from supplemented females, as well as their growth were higher. Raised to 100 ewes, the weight of the lambs obtained at 3 months was 254 kg without dates bypruct and 335 kg with dates byproduct, an increase of 31.5%. This confirms the great interest in discarded dates as a complement to steppe routes.

Keywords: Algeria, complementation, flushing, steaming

Introduction

L’élevage du mouton est une pratique ancestrale en Algérie qui compte actuellement plus de 26,4 millions de têtes ovines, dont la race Ouled Djellal qui est dominante (Dehimi 2005, Benyounes et Lamrani 2013) avec plus de 78% de l’effectif total (MADR 2017).

La couverture des besoins alimentaires du cheptel, surtout en système extensif est un problème pour chaque éleveur. Parmi la catégorie d’animaux la plus touchée est celle des brebis en fin de gestation, dont les besoins énergétiques sont élevés, et qui ne se contentent, dans ce genre de système d’élevage, que des ressources offertes par les fourrages naturels pâturés, dont l’offre et la valeur nutritive fluctuent d’une saison à l’autre. Cela nécessite souvent de les complémenter surtout en période estivale, saison sèche, qui n’offre que de maigres pâturages surtout en région steppique semi-aride confrontée à des conditions climatiques très sévères. L’élevage des ruminants y est à prédominance ovine ; son maintien et son extension sont sous la dépendance de l’alimentation (Yabrir 2011).

Les rebuts de dattes, qui sont les écarts de tri de dattes, ou des dattes de faible valeur marchande et impropres à la consommation humaine peuvent atteindre 25% de la production totale de dattes (Chehma et al 2000 in Meradi et al 2016). Ils ont fait l’objet de plusieurs études quant à la détermination de leur valeur nutritive (Boudechiche et al 2008, Boudechiche et al 2009) ou de leur incorporation en alimentation animale (Mebirouk-Boudechiche 2008, Boudechiche et al 2010, Mebirouk-Boudechiche et Araba 2011), mais pour la race Berbère en milieu humide (extrême Nord-Est algérien).

La présente étude se propose d’étudier :

• L’effet de la complémentation des brebis Ouled Djellal, pâturant les parcours steppiques de la région de Tébessa par les rebuts de dattes (Hachef ghars) durant le flushing, sur leurs paramètres de reproduction,
  
  
• L’effet de cette complémentation sur les mêmes brebis arrivées en fin de gestation sur leur note d’état corporel (steaming),
  
  
• L’effet de cette complémentation sur la croissance de leur conception à travers son influence sur la qualité chimique et physico chimique du lait des mères.

Matériel et méthodes

Zone d’étude

Cette étude a été réalisée au niveau d’une ferme située dans la région rurale de la wilaya de Tébessa qui se situe au Nord-Est de l’Algérie (34° 28’50 latitude Nord ; 7° 28’5 longitude Est), reconnue pour regrouper une vaste étendue steppique de l’Algérie.

Le climatogramme d’Emberger montre que la région d’étude appartient au bioclimat semi-aride inférieur à hivers frais. Il est à noter que suite à la tendance climatique marquée par des sécheresses récurrentes, l’étage bioclimatique qui se trouve à la limite de l’étage bioclimatique semi-aride inférieur, penche vers une tendance en direction de l’étage bioclimatique aride (Rekik 2015).

La végétation naturelle de la zone d’étude se caractérise par des espèces qui s'adaptent aux conditions pédo-climatiques de la région. Les différentes espèces qui la composent correspondent à l'étage semi-aride. On y trouve aussi bien des espèces arborées, arbustives qu’herbacées : le pin d'Alep (Pinus halepensis Mill) (Apiacées), le chêne vert (Quercus ilex L) (Fagacées), le genévrier de Phénicie (Juniperus phoenicea L) (Cupressacées), le romarin (Rosmarinus officinalis) (Lamiacées), l'alfa (Stipa tenacissima L) (Graminées), le genévrier cade (Juniperus oxycedrus L) (Cupressaceae), la camomille (Matricaria chamomilla) (Asteaceae), le pistachier de l'Atlas (Pistacia atlantica) (Anacardiaceae), l’astragale vulnérant (Astragalus armatus) (Leguminosae), Anabasis articulata ( Amaranthaceae) et l'armoise blanche (Artemisia herba alba) (Asteraceae). Ces espèces sont dominantes dans cette zone, représentative des territoires steppiques agropastoraux, correspondant à des parcours souvent dégradés mais fréquentés tout de même par les troupeaux, d’où la nécessité de complémenter les animaux à hauts besoins qui y pâturent.

Traitement de synchronisation et d’induction des chaleurs des brebis Ouled Djellal

L’étude a porté sur cent (100) brebis de race Ouled Djellal, saines, pubères, non gravides et multipares (30 à 40 mois d’âge). Elles ont été identifiées par des boucles au niveau des oreilles puis traitées contre les parasitoses internes et externes au début du printemps et à l’automne, puis vaccinées contre les clostridioses animales et les principales maladies des petits ruminants conformément au programme national de vaccination.

L’activité sexuelle des brebis Ouled Djellal est continue, mais on constate une diminution en automne (anoestrus léger) et une augmentation en printemps/ été (Zidane et Abadou 2017).

Exploitées pour la production de viande (Dekhili et Mahnane 2004), les brebis Ouled Djellal enregistrent un rendement laitier par lactation de 70 à 75 kg (environ 1,5 à 1,7 kg par jour) (Meyer et al 2004).

Dans le but de regrouper les mises-bas, les femelles ont été synchronisées durant la période de lutte printanière correspondant au mois de mars. A cet effet, elles ont reçu un traitement d’acétate de fluorogestone sous forme de pose d’éponges vaginales pendant 14 jours ; chaque éponge à libération contrôlée contient 20 mg d’acétate de flugestone imprégnée. L’acétate de fluorogestone est un analogue synthétique de la progestérone ; il est 20 fois plus puissant que la progestérone et présente une activité progestative ainsi qu’une légère activité glucocorticoïde, mais pas de propriétés anti-progestative, anti-androgénique ou androgénique.

Le jour correspondant au retrait de ces éponges, des injections intramusculaires de PMSG (2 UI/brebis) ont été effectuées avant d’introduire les mâles reproducteurs, préalablement isolés de tout contact physique, visuel ou olfactif des brebis pendant 2 mois afin de bénéficier de l’effet bélier. Le sex-ratio a été d’un bélier pour 10 brebis.

Essai d’une complémentation alimentaire des brebis au flushing et au steaming par des rebuts de dattes

Essai de la complémentation au flushing

Afin d’estimer l’effet de la complémentation par les rebuts de dattes sur les paramètres de reproduction des femelles mises à la reproduction, ces dernières ont été réparties équitablement en deux lots : un lot témoin dont les 50 femelles s’alimentaient uniquement des parcours steppiques, et un lot expérimental dont les 50 femelles recevaient quotidiennement en complément des parcours une ration constituée de rebuts de dattes grossièrement hachés (Hachef ghars qui sont des dattes déshydratées de variété ghars) ad libitum. Cette supplémentation a duré un mois (dont les 14 jours de synchronisation des chaleurs), au bout duquel, les béliers, eux-mêmes soumis au flushing à raison de 600 g d’orge en grain par jour, ont été introduits auprès des femelles en monte naturelle.

Les paramètres de reproduction mesurés ont été : les taux de fertilité, fécondité et prolificité.

Essai de la complémentation au steaming

Quarante (40) femelles du lot expérimental et trente-sept (37) du lot témoin, confirmées gestantes ont fait l’objet d’une autre expérience. Elles ont été suivies deux mois avant leurs mise-bas, coïncidant aux deux derniers mois de gestation. Ainsi, elles ont été réparties en deux lots, un lot témoin et un lot expérimental. Les animaux des deux lots ont été alimentés par pâturage des parcours steppiques et des chaumes de céréales (principalement orge) durant la période estivale correspondant à la fin de leur gestation, à la différence que les femelles du lot expérimental ont reçu au retour du parcours une complémentation quotidienne par des rebuts de dattes Hachef ghars à raison de 400 g/animal/jour, en s’assurant de respecter une période de transition de 15 jours au cours de laquelle les proportions des rebuts de dattes ont été progressivement augmentées. La complémentation a duré jusqu’à 15 jours après la mise bas.

Un échantillon représentatif des rebuts de dattes à fait l’objet d’une analyse de sa composition chimique selon les méthodes AOAC (1990). Pour prévoir leurs teneurs énergétiques (UFV et UFL) et azotées (PDIE et PDIN), nous avons utilisé les équations INRA (2007) (Baumont et al 2007) et INRA France (1981).

Notation d’état corporel

Dans l’essai steaming, toutes les femelles du troupeau ont été soumises à des notations périodiques d'état corporel à deux reprises : deux mois avant la mise-bas (NEC I, Note d’Etat Corporel Initiale) puis au moment des mises bas (NEC F, Note d’Etat Corporel Finale), ce qui correspond à la période avant et après la complémentation. Cette notation a été estimée aux niveaux lombaire, sternal et caudal selon le protocole et la méthodologie établis au cours de la réunion Agrimed - CIHEAM FAO du groupe de travail sur l’état corporel des petits ruminants (Hervieu et al 1989, Morand et al 1990), qui attribue des notes à 0,25 point près.

Effet de la complémentation au parcours des brebis au steaming sur la croissance de leurs agneaux

Afin d’étudier l’effet de la supplémentation en rebuts de dattes des brebis durant les deux derniers mois de gestation sur la croissance de leurs agneaux, des mesures pondérales des agneaux au fur et à mesure des naissances, survenues en fin d’été, début d’automne, et jusqu’à 90 jours de vie ont été réalisées en passant par des pesées à 28 jours (J28) et à 63 jours (J63).

Analyses chimiques et physico-chimiques du lait des brebis

En complément aux essais précédemment détaillés et afin de juger de l’effet de la complémentation par les rebuts de dattes sur la qualité du lait des brebis, nous avons procédé, durant la période de lactation, le soir, au retour du parcours pour le LT et après complémentation des femelles du LE, à la traite de 5 brebis de chaque lot afin d’analyser les paramètres chimiques et physico-chimiques des échantillons de leurs laits. Ces analyses ont porté sur la détermination du pH, la viscosité et l’acidité titrable pour les paramètres physico-chimiques. La composition chimique a été caractérisée par la détermination de la matière organique et minérale, l’évaluation du taux protéique, le taux butyreux, l’extrait sec total et dégraissé. La détermination du pH du lait a été effectuée par pH- métrie, La viscosité a été mesurée en utilisant un viscosimètre, l’acidité Dornic par titrage acido-basique à l’aide de la soude Dornic (AFNOR 1985). L’extrait sec total a été estimé par étuvage à 103°C +/- 2°C pendant 3 heures (AFNOR 1985). La détermination de la teneur en matière minérale a été effectuée selon la méthode décrite par Lecoq (1965). La matière grasse a été déterminée selon la méthode de Rose-Gottlieb qui correspond à un dosage des lipides par pesée après extraction éther-ammoniacale. L’extrait sec dégraissé a été calculé par différence entre l’extrait sec total et le taux de matière grasse, et le taux protéique par la méthode de Bradford (1976).

Traitement statistique

L’analyse des résultats des performances de reproduction des brebis, exprimés en pourcentage (%), a été réalisée suivant le test de Khi-Carré (χ2) avec ou sans la correction Fisher-Yates, basé sur le travail de Brown (1988).

Les résultats des performances zootechniques et des analyses physico chimiques des laits ont été exprimés par la moyenne ± l’écart-type de la moyenne (m ± ECTM). L’effet de l’addition de rebuts de dattes a été testé à l’aide du modèle général linéaire (GLM) du logiciel SAS (2004). Les comparaisons entre les deux groupes ont été faites par le test de Student Newman-Keuls.

Une analyse de la régression a permis de mettre en évidence la relation entre la note d’état corporel des femelles à la mise bas et le poids des agneaux à la naissance, entre la note d’état corporel finale des brebis et les poids des agneaux à J28 et J63 et J90, de même qu’entre les poids initiaux des agneaux J0 et ceux à J28 et J63 et J90.

Résultats et discussion

Analyse de la composition chimique et valeurs nutritives des rebuts des dattes

Dans le Tableau 1 sont consignées les teneurs en % MS la matière minérale (MM) et matière organique (MO), cellulose brute (CB), matière grasse (MG) et matière azotée totale (MAT).

Les résultats en MM et en CB sont légèrement supérieurs à ceux rapportés par Mebirouk-Boudechiche et Araba (2011) pour Hachef de la variété « Mech Degla » (8,0 et 5,7 %). En revanche, les teneurs en MG et MAT sont légèrement inférieures à celles rapportées par les mêmes auteurs (2,8% et 3,2% respectivement). Les rebuts de dattes demeurent des aliments déficitaires en protéines, par contre, ils possèdent une bonne valeur énergétique. Nos résultats sont plus élevés que ceux obtenus par Chehma et al (2002) pour des rebuts de dattes entiers 0,84 UFL et 0,81 UFV. Cependant, ils sont comparables à ceux avancés par Mebirouk-Boudechiche et Araba (2011), à savoir 1,06 UFL et 1,05 UFV.

Les rebuts de dattes étudiés sont plus pauvres en PDIN qu’en PDIE. Nos résultats concordent avec ceux de plusieurs auteurs, notamment ceux de Mebirouk-Boudechiche et Araba (2011).

Paramètres reproductifs des brebis Ouled Djellal

L’effet de l’incorporation des rebuts de dattes comme complément aux parcours des 50 brebis mises à la reproduction, indique que sur l’ensemble des femelles synchronisées, 40 ont agnelé, dont 12 ont donné des naissances doubles et 4 des naissances triples. Par ailleurs, nous avons noté 6 avortements et 4 mort-nés.

Ainsi, à travers ces données, les taux des critères techniques sont de (80%), (120%) et (150%) respectivement pour la fertilité, la fécondité et la prolificité (Tableau 3).

La fertilité des femelles qui ont été complémentées par des rebuts de dattes a été meilleure que celles non complémentées (80 vs. 74%). La littérature rapporte que la distribution d’une ration plus énergétique avant l’accouplement (flushing), permet un meilleur taux d’ovulation et une augmentation du nombre d’agneaux nés et, par conséquent, de la productivité.

Cependant, ces taux de fertilité demeurent plus élevés par rapport à ceux obtenus par Harkat et Lafri (2007) pour la même race en saison d’œstrus (60%).

Les résultats de prolificité, définie par le nombre de petits nés rapporté au nombre de femelles ayant mis bas sont supérieurs pour les femelles complémentées (150%), sans doute à cause de l’amélioration de la NEC de ces dernières (Tableau 4) qui reflète un meilleur état des réserves corporelles. En effet, l’intérêt de ces dernières est connu chez les femelles reproductrices ; Dedieu et al (1989) et Torre et al (1991) ont noté une relation positive entre les réserves corporelles et les taux d’ovulation, de fertilité et de prolificité chez les ovins.

Les résultats du taux de prolificité sont légèrement supérieurs à ceux enregistrés par Mefti et al (2017) qui ont trouvé un taux de 143% pour la même race, par contre, ils sont légèrement inférieurs comparativement à ceux avancés par Harkat et Lafri (2007) : 156 % et 175% pour des doses de PMSG de 600 UI et 500 UI respectivement.

Effet de la complémentation par les rebuts de dattes sur les performances zootechniques des femelles en période de steaming

L'évolution des notes d'état corporel (NEC) entre la période de fin de gestation (2 mois avant la mise-bas), correspondant au début de la complémentation et la mise bas, correspondant à la fin de la complémentation a été significativement différente entre les deux lots (P = 0,0001) (Tableau 4). Les femelles du lot expérimental ont présenté un léger gain (+ 0,09 point) contre une perte en NEC des brebis du lot témoin (-0,29 point) (Tableau 4).

Le même constat a été rapporté par Mebirouk-Boudechiche et Araba (2011) pour les brebis de race Berbère.

Les pertes en NEC des femelles qui se sont contentées des parcours steppiques seulement peuvent probablement être expliquées par la mobilisation d’une partie des réserves corporelles, eu égard au rôle plus ou moins important des réserves lipidiques dans l’ajustement de l’insuffisance alimentaire (Purroy et al 1987). En effet, durant cette période critique, pendant laquelle les besoins des brebis augmentent notablement et leur capacité d’ingestion diminue, conséquence de la croissance du ou des fœtus, les brebis, dont l’alimentation à base des parcours steppiques n’est pas ajustée, puisent inévitablement de leurs réserves corporelles.

Par contre, les gains en NEC des femelles complémentées par les rebuts de dattes reflètent l’effet marquant exercé par ce complément énergétique encourageant ainsi son utilisation en alimentation animale.

Relations entre les notes d'état corporel et les performances de croissance des agneaux

Le poids moyen des portées à la naissance issues du lot expérimental (4,07± 0,25 kg) est significativement supérieur à celui des agneaux du lot témoin (3,90± 0,22 kg) (Tableau 4). L’étude de la corrélation de Pearson entre la NEC à la mise bas et le poids vif des agneaux à J0 a révélé une très forte corrélation (P = 0,0001 ; R² = 93% pour le lot témoin et P = 0,0001 ; R² = 98% pour le lot expérimental).

Par contre, Mebirouk-Boudechiche et Araba (2011) n’avaient pas enregistré de différence significative entre les poids des agneaux à la naissance du lot témoin et ceux du lot expérimental dont les mères de race berbère ont été complémentées par des rebuts de dattes en complément du pâturage d’une prairie permanente du Nord-Est algérien. Ils n’ont pas en outre enregistré d’effet significatif de la NEC F des brebis sur le poids des agneaux à la naissance (P = 0,215 ; R² = 8,4 %). Le même constat a été rapporté par Molina et al (1991) pour d’autres races et dans des systèmes d’élevage différents.

Ainsi, dans la présente étude et dans les conditions d’élevage en milieu steppique, la complémentation en rebuts de dattes a permis non seulement l’amélioration de l’état de chair des brebis Ouled Djellal, mais aussi du poids de leurs agneaux à la naissance.

La même tendance est retrouvée à 28, 63 et 90 jours, à savoir une croissance significativement plus élevée des agneaux du lot expérimental (Tableau 4) et une très forte corrélation entre la NEC F et les poids vifs des agneaux à J28 et J63 (P = 0,0001 ; R² = 83,5% et P = 0,0001 ; R² = 80% respectivement, pour le lot témoin ; P = 0,0001 ; R² = 88,5% et P = 0,0001 ; R² = 77,7% respectivement, pour le lot expérimental). Mebirouk-Boudechiche et Araba (2011) ont aussi rapporté que le régime alimentaire des brebis de race Berbère complémentées en fin de gestation par des rebuts de dattes a eu un effet significatif sur la croissance de leurs agneaux, à savoir sur les poids moyens des agneaux aussi bien à J20 qu’à J30.

L’alimentation en fin de gestation à base de rebuts de dattes a influencé positivement le poids de naissance des agneaux et a conditionné leurs performances zootechniques. Une meilleure production laitière pourrait être à l’origine de cet écart de vitesse de croissance. En effet, un apport énergétique en rebuts de dattes aurait permis aux femelles du lot expérimental une constitution des réserves corporelles qui ont tendance à se mobiliser en fin de gestation, ce qui s’est répercuté positivement sur leurs NEC F et la croissance de leurs agneaux en aidant les femelles à mieux « démarrer » la lactation d’autant plus que la croissance des agneaux ne dépend, à ce stade, que de la valeur laitière des mères. Par contre, les femelles qui n’ont pas bénéficié d’un apport supplémentaire en rebuts de dattes ont dû mobiliser leurs réserves corporelles qui interviennent en fin de gestation pour le démarrage de la lactation et ainsi assurer la croissance fœtale.

Cet état de fait est d’autant plus marquant que les femelles du lot expérimental se sont montrées plus prolifiques que celles du lot témoin et que la taille de la portée est un facteur de mobilisation des réserves corporelles en fin de gestation, ce qui confirme l’intérêt des rebuts de dattes comme complément en fin de gestation.

L’analyse de régression a montré que les poids vifs des agneaux à J28 et J63 sont fortement tributaires des poids à la naissance J0 (P= 0,001 ; R ²= 66,7% ; P= 0,001 ; R²= 60,7%, respectivement pour les deux périodes) (Tableau 5), ce qui expliquerait la différence de croissance des agneaux des deux lots. Plus lourds sont les agneaux à la naissance, meilleure est leur croissance.

Ainsi, rapporté à 100 brebis, le poids des agneaux obtenus à 3 mois a été de 254 kg sans rebuts de dattes et de 335 kg avec rebuts de dattes (flushing de 1 mois et steaming de 2 mois), soit une augmentation de 31,5 %.

Caractéristiques chimiques et physico-chimiques du lait des brebis

Le Tableau 6 renseigne sur la qualité nutritionnelle des échantillons de lait des brebis analysés, par leur composition chimique et physico-chimique. Statistiquement, la complémentation par les rebuts de dattes n’a pas eu d’influence significative sur tous les paramètres mesurés hormis la matière minérale, dont les teneurs ont été beaucoup plus importantes dans le lait des femelles complémentées par les rebuts de dattes.

Les deux paramètres les plus importants, à savoir les taux protéique et butyreux pour les deux lots, sont inférieurs à ceux avancés par Yabrir et al (2011) (53,8 et 61,9 g/l respectivement) pour la même race en région steppique. La saison de pâturage pourrait expliquer ces écarts, du fait que la composition chimique du lait soit, d’une part, sous la dépendance des effets saisonniers qui s’accompagnent d’une diminution des taux lors de jours longs et d’autre part du niveau d’alimentation caractérisé par un faible taux protéique en période de pénurie fourragère estivale (Hoden et Coulon 1991).

Ces résultats confirment l’intérêt des rebuts de dattes comme complément alimentaire aux parcours pour les brebis Ouled Djellal en fin de gestation, leur avantage dans l’amélioration de leur condition corporelle et de leur valeur laitière, se répercutant ainsi sur une meilleure croissance de leurs agneaux en début de lactation.

Conclusion

• La complémentation par des rebuts de dattes Hachef ghars s’avère efficace en période de flushing chez les brebis Ouled Djellal puisqu’elle a permis une amélioration notable de la fertilité, la prolificité et la fécondité de ces brebis.
  
  
• Les parcours steppiques de la région de Tébessa s’avèrent insuffisants surtout en été d’un point de vue alimentaire pour les brebis Ouled Djellal en fin de gestation et surtout en début de lactation, période critique durant laquelle les femelles ont tendance à puiser de leurs réserves corporelles pour subvenir à leurs besoins et surtout ceux des/du fœtus, ce qui se répercute négativement sur leur état de chair caractérisé par une perte en NEC.
  
  
• L’apport de rebuts de dattes (Hachef ghars) en complément du parcours a permis une reconstitution des réserves corporelles des femelles en améliorant leur NEC, d’où l’intérêt de cette ressource énergétique.
  
  
• Cette complémentation a permis, non seulement une amélioration de l’état physique des mères mais aussi un meilleur poids de leur portée à la mise bas, ce qui a permis aux agneaux de bénéficier d’une meilleure croissance pondérale durant les trois premiers mois de vie. Ceci serait probablement dû à une meilleure production laitière des mères tant quantitativement que qualitativement. Pour 100 brebis, le poids des agneaux obtenu à 3 mois a été de 254 kg sans rebuts de dattes et de 335 kg avec rebuts de dates (flushing de 1 mois et steaming de 2 mois), soit une augmentation de 31,5 %. Ces rebuts s’avèrent ainsi très intéressants pour ces femelles en complément des parcours steppiques.

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Received 10 December 2019; Accepted 21 December 2019; Published 2 March 2020

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