Livestock Research for Rural Development 31 (7) 2019 Guide for preparation of papers LRRD Newsletter

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Stratégies d’adaptation des éleveurs bovins laitiers aux contraintes climatiques dans la région semi-aride de Sétif, Algérie

A Bir

Département d’Agronomie, Faculté SNV, Université Ferhat Abbas, Sétif 1. Algérie
birabdenour@univ-setif.dz

Résumé

Afin d’évaluer le niveau d’autonomie alimentaire et de discerner les stratégies d’adaptation des éleveurs bovins laitiers aux contraintes climatiques dans la région semi-aride de Sétif, une étude a été conduite dans 128 élevages répartis sur trois étages agro-bioclimatiques bien distincts. Leur autonomie globale est faible (30,3 % pour la MS, 22,5 % pour l'énergie et 18,0 % pour les matières protéiques) ; l'autonomie est plus élevée pour les fourrages (64,7 % pour la MS) que pour les concentrés (5,5 % pour la MS) dont la dépendance est beaucoup plus forte. Trois classes d’exploitations ont été identifiées en fonction de leur niveau d’autonomie alimentaire : autonomie élevée, autonomie moyenne et autonomie faible.

Plusieurs mécanismes et palliatifs conjoncturels et/ou stratégiques sont mobilisés par les éleveurs pour combler le déficit et atténuer l’impact des aléas climatiques sur leur niveau d’autonomie : -1 recours à l’achat et au stockage de fourrages, de pailles et d’aliments concentrés, - 2 adaptation de la taille du troupeau aux potentialités de l’exploitation, - 3 gestion et diversification des cultures fourragères, - 4 irrigation, - 5 valorisation des résidus des récoltes, - 6 déprimage des céréales et pâturage de la jachère.

Mots-clés: autonomie alimentaire, fourrage, alimentation, valeur alimentaire, vache laitière, semi-aride


Adaptation strategies of dairy cattle farmers to climatic constraints in the semi-arid region of Sétif (Algeria)

Abstract

In order to assess the level of feed autonomy and to discern the adaptation strategies of dairy cattle farmers to climatic constraints in the semi-arid region of Sétif, a study was conducted in 128 farms spread over three distinct agro-bioclimatic stages. Their overall autonomy is low (30.3% for MS, 22.5 % for energy and 18.0 % for proteins); autonomy is higher for fodder (64.7 % for DM) than for concentrate (5.5 % for DM) whose dependence is much higher. Three classes of farms were identified according to their levels of feed autonomy: high autonomy, average autonomy and low autonomy.

Several economic and / or strategic mechanisms and palliatives are mobilized by farmers to fill the gap and mitigate the impact of climate hazards on their level of autonomy: 1 purchase and storage of fodder, straw and concentrated feeds, 2 adaptation of herd size to the potentialities of exploitation, 3 management and diversification of forage crops, 4 irrigation, 5 exploitation of crop residues, 6 feeding green cereals and fallow pasture.

Keywords: dairy cow, feed autonomy, feeding, forage, feed value, semi-arid


Introduction

La problématique du développement durable des systèmes d’élevage en Algérie s’inscrit dans le mode de résolution de la question de l’écart grandissant entre offre fourragère et besoins d’un cheptel animal croissant. Même si une grande partie des fourrages consommés par le troupeau est généralement issue de l'exploitation, les concentrés (aliments industriels, orge, maïs, tourteau de soja et son de blé) sont pour la plupart achetés en quantité et composition variables selon la nature des fourrages produits, le niveau de production du troupeau et les possibilités de cultures sur l'exploitation (Chehat et Bir 2008).

L’écart entre les besoins du cheptel et les disponibilités fourragères à l’échelle nationale ne cesse de s’accentuer. De plus, l’essentiel de la production fourragère est très dépendante des conditions climatiques ce qui fait qu’on assiste à d’importantes fluctuations interannuelles. Le souci permanent des éleveurs consiste à rechercher des palliatifs permettant de compléter un tant soit peu la ration distribuée à leurs animaux (Bir 2015).

Les voies d'amélioration de l'autonomie sont multiples (diversification et irrigation des cultures fourragères, conservation et stockage des fourrages et valorisation des résidus des récoltes) mais leur mise en œuvre est certainement différente d'une exploitation à l'autre selon leurs structures, leurs potentialités et les pratiques mises en œuvre (Paccard et al 2003). Améliorer les niveaux d'autonomie alimentaire globale, fourragère et protéique des élevages bovins laitiers de la région semi-aride de Sétif (Algérie), s’avère être un enjeu primordial pour limiter la vulnérabilité de ces exploitations. D’où notre questionnement qui porte sur l’identification des principaux mécanismes et palliatifs de régulation qui sont mobilisés par les éleveurs pour assurer une meilleure autonomie.


Matériel et méthodes

Nature et origine des données

Les données analysées sont celles collectées auprès de 128 éleveurs laitiers dans la région de Sétif, à l’est de l’Algérie, qui s’étend entre 36 et 36°30’ de latitude, et entre 5 et 5°30’ de longitude sur une superficie de 6 549 km². Elle se caractérise par un climat continental semi-aride. Les élevages enquêtés sont répartis sur trois étages bioclimatiques : la zone montagneuse au nord qui reçoit plus 450 mm de précipitations par an, la zone des hautes plaines au centre qui reçoit entre 300 et 450 mm/an et la zone des dépressions au sud qui reçoit moins de 300 mm/an. Les informations utilisées concernent le fonctionnement et les pratiques de conduite et de gestion des systèmes alimentaires et fourragers.

Définition et calcul de l'autonomie alimentaire

L'autonomie alimentaire (A) est définie comme le ratio entre les aliments produits sur l'exploitation (P) et la consommation totale (C) de fourrages et d’aliments, donc A = P / C où C = P + AA (aliments achetés). Ce calcul suppose de connaître de façon précise les aliments produits réellement consommés (Devun et al 2012).

La consommation peut également être estimée à partir des besoins alimentaires.

C'est ce mode de calcul qui a été retenu comme le plus pertinent dans la mesure où il est plus précis et plus facile d'estimer les ingestions totales que d'évaluer les quantités réellement valorisées de fourrages des exploitations. Dans ce cas l’autonomie A peut se calculer ainsi: A = 1 –AA / C.

Ces coefficients s’appliquent aussi bien à l’autonomie totale, fourragère et en concentrés (MS totale, MS fourrages, MS concentré), qu’aux composants alimentaires (énergétiques et azotés) que nous avons évalués sur la base de la MS, ce qui conduit à ajouter 6 autres critères d’autonomie (UFL totales, UFL fourrager, UFL concentré, PDI totales, PDI fourrages et PDI concentré). La valeur énergétique et protéique des fourrages et des concentrés achetés et celles de concentrés produits (autoconsommés) ont été évaluées à partir des tables rapportées par Chibani et al (2010) et celles de l’INRA (2010). Les variables non connues (consommations ou besoins annuels en MS, UFL et PDI) ont été calculées selon les recommandations de l’INRA (2010).

Typologie des exploitations agricoles en fonction de leurs niveaux d’autonomies

Afin de réaliser une typologie des exploitations en fonction de leurs niveaux d’autonomies alimentaire, une analyse factorielle en composantes principales (ACP) a été suivie d’une classification hiérarchique ascendante (CAH), qui a permis de traiter une base de données de 128 élevages et 9 variables variables continues actives (AMSt, AMSf, AMSc, AUFLt, AUFLf, AUFLc, APDIt, APDIf et APDIc) (Tableau 1) avec le logiciel SPAD Version 5.5 (Decisia, 92 Puteaux, France).

Traitement des données

Après le calcul des statistiques descriptives, des corrélations partielles ont été calculées entre les différentes autonomies. Les autonomies par type d’exploitations ont été estimées à l'aide d'un modèle d'analyse de variance en prenant en compte la classe typologique. Pour mesurer l’impact climatique sur l’autonomie alimentaire des exploitations enquêtées et discerner les différents mécanismes et palliatifs de régulation qui sont mobilisés par les éleveurs pour assurer leur autonomie et minimiser l’impact de cet aléa, une analyse de la variance a porté sur les valeurs des 9 critères d'autonomie pour l'ensemble des exploitations selon les différents étages agro-bioclimatiques. Les traitements ont été réalisés avec le logiciel statistique SPSS 18.


Résultats et discussion

Caractéristiques générales des exploitations

La surface agricole moyenne des exploitations enquêtées s’établit à 30,7 ± 46,9 ha dont 14,3 % des surfaces sont irriguées. Le mode d’appropriation privée est le statut foncier le plus représenté (61,7 %), mais certains agriculteurs sont établis sur des lots étatiques de la réforme agraire de 1971. La céréaliculture (blé et orge) constitue la spéculation végétale dominante qui occupe en moyenne 11,6± 23,2 ha soit 37,7 % de la SAU. La SFP est constituée essentiellement par les cultures fourragères (de l’avoine et/ou de la vesce - avoine, de l’orge en vert conduites en sec et parfois de la luzerne et/ou du sorgho en irrigué) présentes dans 85,9 % des exploitations et qui occupent une superficie moyenne de 4,92 ± 5,79 ha soit 16,0 % de la SAU. Les parcours naturels contribuent à l’alimentation des troupeaux dans 38,2 % des exploitations et occupent une superficie moyenne de 2,68 ± 8,90 ha.

Les éleveurs exploitent une ou plusieurs espèces de ruminants selon les possibilités qu’offrent les ressources alimentaires et les pratiques à l’échelle locale. En effet, 5,5 % des unités exploitent les trois espèces (bovin, ovin et caprin), 39,3 % n’ont que des bovins et des ovins alors que le bovin est exploité seul dans 55,3 % des exploitations. Le troupeau bovin est composé en moyenne de 24,6 ± 22,7 têtes dont 14,4 ± 12,8 vaches laitières. Il se répartit essentiellement entre 3 races : la Montbéliarde, la Holstein et la Brune de l’Atlas. Seulement 11 des exploitations enquêtées élèvent le bovin de population locale (appelé aussi Sétifienne selon son berceau) dont l’effectif total ne représente que 2,6 % de l’échantillon étudié soit 80 têtes. La race Montbéliarde qui répond parfaitement aux exigences économique des éleveurs et des transformateurs des filières lait et viande domine avec 2 033 têtes soit 65,1 % de l’effectif total. Enfin, la race Holstein constitue 32,3 % des effectifs soit 1 009 têtes. Le rendement laitier moyen par vache était de 4 054 ± 1 000 litres.

Le régime alimentaire de base des vaches laitières est déterminé par deux périodes bien distinctes: - La période de stabulation durant l’hiver, qui s’étale de décembre à février, pendant laquelle les animaux reçoivent soit de la paille des céréales, soit du foin de luzerne, d’avoine ou de vesce - avoine. - La période de pâturage : pâturage des prairies et des jachères au printemps, des chaumes en été et des repousses d’herbes en automne. Durant cette période, de mars à novembre, la ration est basée sur : l’herbe pâturée, l’orge en vert, la luzerne au printemps, les chaumes, la luzerne et le sorgho en été avec les repousses des prairies ainsi que de la luzerne en automne. De plus, les vaches reçoivent l’équivalent de la moitié de leurs besoins en ration de base en fourrages grossiers.

Cependant, en raison des carences en fourrages combinées à l’absence de rationnement, la ration de base est complémentée par des apports massifs de concentrés (aliments industriels, orge, maïs, tourteau de soja et son de blé) avec une moyenne quotidienne de 7,74 ± 1,52 kg par vache tout au long de l’année, sans prise en compte des particularités physiologiques des vaches par les éleveurs.

L'autonomie alimentaire des exploitations

Les valeurs des 9 critères d'autonomie pour l'ensemble de l'échantillon sont présentées dans le Tableau 1.

De façon globale, l'autonomie de la ration totale est faible pour la matière sèche ; elle est en moyenne de 30,3 %. Cette valeur est plus faible pour l'énergie (22,5 %) et surtout pour les matières azotées (18,0 %). Cette situation n’est pas propre à la région de Sétif. Au niveau national, Kadi et Djellal (2009) et Khelil (2012) rapportent respectivement les taux de 43,2 % et 36,6 % d’autonomie (MS) pour les élevages laitiers des régions de Tizi Ouzou et de Chélif. Dans les élevages laitiers performants, en France notamment, le degré d’autonomie descend rarement en dessous de 90 % (Huchon et al 2003, Paccard et al 2003, Lherm et Benoit 2003, Rubin et al 2003).

L'autonomie en fourrage est plus élevée et homogène sur les critères de MS, UFL et PDI. La moyenne se situe à environ 64,7 % ; 42,1 % des exploitations ont une autonomie de plus de 77,0 % et seulement 8,59 % se situent à moins de 17,0 %. Ces résultats sont similaires à ceux rapportés par Kadi et Djellal (2009) pour la région de Tizi Ouzou avec un taux de 65,4 %. Cependant, ils sont largement inférieurs à ceux rapporté par Khelil (2012) pour la région de Chélif avec un taux de 83,7 %. Ferrah (2000) signale une autonomie moyenne en fourrages de 27,0 % pour un échantillon de 80 exploitations réparties sur 8 wilayates d’Algérie. Aux USA, Jordan et Fourdraine (1993) rapportent que 63,3 % des éleveurs produisent 76 à 100 % de leurs fourrages.

Tableau 1. Valeurs moyennes des différents critères d'autonomie alimentaire pour les trois classes typologiques (%)
Variables Classe 1 Classe 2 Classe 3 moyenne
Autonomie totale AMSt 44,3*±9,6 14,6***±8,0 67,4±9,5 30,3±16,9
AUFLt 33,1**±7,9 10,9***±6,6 59,4±11,6 22,5±14,2
APDIt 37,7* ±9,5 13,5***±7,8 59,1±11,6 18,0±12,2
Autonomie en fourrages AMSf 84,2±14,9 28,0***±15,8 95,4±7,4 64,0±31,6
AUFLf 85,8±14,9 29,3***±15,8 95,5±7,2 65,4±32,5
APDIf 89,9±11,2 39,8***±20,6 95,6±8,7 64,7±31,9
Autonomie en concentrés AMSc 5,2***±5,6 2,5***±5,0 34,5±18,9 5,5±10,1
AUFLc 5,4***±5,8 2,5***±4,9 35,7±18,1 5,7±10,2
APDIc 3,7***±5,0 1,7***±3,5 28,0±18,5 4,7±8,4
* : p< 0,05 ; ** : p< 0,01 ; *** : p< 0,001
AMSt: Autonomie en matière sèche totale, AMSf: : Autonomie en matière sèche de fourrage, : AMSc Autonomie en matière sèche de concentré, AUFLt: Autonomie en unités fourragères lait totales, AUFLf : Autonomie en unités fourragères lait des fourrages , AUFLt: Autonomie en unités fourragères lait des concentrés, APDIt: Autonomie en en protéines digestibles dans l’intestin totales, APDIf: Autonomie en en protéines digestibles dans l’intestin des fourrages, APDIc: Autonomie en protéines digestibles dans l’intestin des concentrés

L'autonomie en concentrés se caractérise par sa très faible valeur moyenne : 5,5 % en MS, 5,7 % en énergie et seulement 4,7 % en matières azotées. De plus, près d'une exploitation sur 2 (47,7 %) achète la totalité de ses concentrés. Selon Kadi et al (2007), en plus de la dépendance presque totale des exploitations pour les aliments concentrés, s’ajoutent le gaspillage et la mauvaise valorisation (0,8 UFL d’aliment concentré par kg de lait). Pour un type d'aliment donné (ration totale, fourrage ou concentré), les autonomies sont très corrélées avec une liaison maximale entre la MS et les UFL, en particulier pour les concentrés (Tableau 2). La relation entre la MS et les PDI (de même qu'entre les UFL et les PDI) est linéaire pour l'autonomie totale et l'autonomie en fourrages avec une réduction de la dispersion des valeurs au fur et à mesure que l'autonomie augmente (la dispersion correspond à une évaluation globale de l’ensemble des variables étudiés). En revanche, la relation n'est pas linéaire pour les concentrés. En effet, plus les élevages achètent de concentré, plus ce concentré est azoté.

Tableau 2. Relations entre les différents critères d'autonomie selon la nature des aliments (coefficients de corrélation)
Autonomie
ration totale
UFLT PDIT Autonomie
fourragère
UFLF PDIF Autonomie
en concentrés
UFLC PDIC
MST 0,97 0,93 MSF 0,99 0,97 MSC 0,99 0,98
UFLT 0,93 UFLF 0,96 UFLC 0,99

Les fourrages représentent la majeure partie de la ration. Aussi, il est logique que l'autonomie en MS fourragère soit liée à l'autonomie en MS totale (Tableau 3). La liaison est moins marquée pour l'énergie et inexistante pour les matières azotées. La relation entre les autonomies en concentrés et en ration totale est pratiquement la même en termes de MS, d'énergie et de PDI. En revanche, entre l'autonomie en fourrages et celle en concentrés, la relation est faible. Pour une même forte autonomie en fourrages, certains élevages achètent peu de concentrés alors que d'autres sont très dépendants.

Tableau 3. Relations entre les différents critères d'autonomie selon la composition des aliments (coefficients de corrélation)
Autonomie
MS
MSF MSC Autonomie
UFL
UFLF UFLC Autonomie
PDI
PDIF PDIC
MST 0,92 0,58 UFLT 0,83 0,71 PDIT 0,83 0,57
MSF 0,33 UFLF 0,34 PDIF 0,26
MS: matières sèches - MST: matières sèchestotales - MSF: matières sèchesdes fourrages -MSC: matières sèches des concentrés
Typologie des exploitations en fonction de leurs niveaux d’autonomies

L’analyse comparative des exploitations en fonction de leurs différents niveaux d’autonomies (totale, fourragère et en concentré) nous a conduit à distinguer 3 grandes classes bien distinctes (Figure 1 et Tableau 4).

Cette classe est constituée de 63 exploitations soit 49,2% de l’échantillon d’étude ; elle est caractérisée par une autonomie moyenne (44,3±9,6%) pour la MS totale. Cependant, les autonomies sont relativement faibles pour l’énergie totale et les protéines totales avec respectivement des moyennes de 33,1±7,9 et 37,7±9,5%. Pour l’autonomie fourragère, elle est nettement plus importante que ce soit pour la MS, l’énergie et les protéines avec des taux moyens respectifs de 84,2±14,9, 85,8±14,9 et 89,9± 11,2%. Ces résultats sont liés d’une part à l’importance de la SFP et d‘autre part à la valorisation des sous-produits de la céréaliculture (paille et chaumes) notamment par le cheptel ovin. Cependant, l’autonomie est nettement très faible pour le concentré avec des taux respectifs inférieurs à 5,4 % (Tableau 1).

Les exploitations de cette classe possèdent une SAU moyenne importante (37,2 ha). La céréaliculture est la spéculation dominante avec une moyenne de 16,5 ha soit 44,4 % de la SAU. Les surfaces fourragères occupent aussi une place importante dans l’assolement avec une surface moyenne de 29,0 % de la SAU, essentiellement de l’avoine et de la vesce - avoine conduites en sec. L’irrigation touche 4,4 ha soit 11,8% de la SAU ; elle concerne essentiellement les cultures maraîchères et l’arboriculture. Le troupeau bovin, associé à l’élevage ovin, est de taille moyenne (21,0 têtes), essentiellement des vaches laitières (61,9 % de l’effectif total) avec une production laitière annuelle moyenne de 3 871 ± 910 litres/vache) (Tableau 4).

Figure 1. Répartition des exploitations enquêtées entre les 3 classes d’autonomies identifiées par l’ACP

Cette classe regroupe 55 exploitations caractérisées par des autonomies totales et en concentrés pour les matières sèches, énergétiques et azotées très faibles avec des taux respectifs inférieurs à 14,6%. Néanmoins, pour les fourrages, l’autonomie enregistre des taux nettement supérieurs. Cette situation rend leur durabilité très vulnérable et alourdit les charges de production du fait qu’une grande partie de l’alimentation est achetée (Tableau 1).

La SAU moyenne s’établit à 17,4 ha. La céréaliculture et les cultures fourragères occupent respectivement 22,9 et 17,8 % de la SAU. L’irrigation touche 3,1 ha soit 17,8%, elle concerne essentiellement les cultures maraîchères (1,6 ha), l’arboriculture (1 ha) et quelques cultures fourragères. Le troupeau bovin, associé à l’élevage ovin, est de taille importante (30,7 ± 29,1 têtes), essentiellement des vaches laitières (56,7 % de l’effectif total) ce qui témoigne de l’orientation de l’élevage vers la production laitière (production moyenne annuelle de 4 304 ± 1 111 litres/vache). L’importance des effectifs des animaux conjuguée à l’étroitesse des surfaces fourragères rend le chargement animal très élevé (12,5 UGB/ha SFP) et accentue le déficit alimentaire (Tableau 4).

Tableau 4. Caractéristiques générales des 3 classes identifiées (moyennes, écarts types)
Types identifiés Classe 1 Classe 2 Classe 3
Nombre d’exploitations 63 55 10
SAU (ha) 37,2**±46,5 17,4***±21,9 62,6±104,1
SAU irriguée (ha) 4,4*±6,2 3,1*±5,8 11,4±15,1
Céréales (ha) 16,5±28,8 4,0**±5,9 22,4±32,0
Maraîchage (ha) 1,11±2,69 0,96 ±1,90 1,40±1,58
Arboriculture (ha) 1,46±5,31 1,60±2,61 1,33±3,14
Cultures fourragères (ha) 6,36±6,40 3,05±4,38 6,10±6,26
Prairie (ha) 4,47±12,3 0,50*±1,02 3,40±3,98
SFP (ha) 10,8±12,6 3,55*±4,80 9,50±9,24
Bovins (têtes) 20,9*±15,4 30,7±29,1 11,1**±4,9
Vaches laitières (têtes) 13,0±8,4 17,4±16,7 7,0*±3,7
Ovins (têtes) 22,7±41,9 22,1±55,8 10,1*±22,6
UTH 3,76±2,12 3,33±1,63 3,86±2,27
UGB total 19,5*±13,4 27,2±25,4 10,1**±4,4
Chargement/SFP 3,6**±4,5 12,5±15,2 1,8**±1,5
Lait/vache (l) 3871*±910 4304±1111 3840*±578
*: p< 0,05 ; **: p< 0,01 ; ***: p< 0,001

Les 10 exploitations de cette classe sont caractérisées par un niveau élevé pour l’autonomie totale, elle est de l’ordre de 67,4±9,5 ; 59,4±11,6 et 59,1±11,6 % respectivement pour la MS totale, l’énergie totale et les en protéines totales. Elle enregistre des scores beaucoup plus importants pour l’autonomie fourragère pour la MS, l’UFL et les PDI avec des moyennes respectives supérieures à 95,0 %. Néanmoins, leur autonomie en concentré est relativement faible avec une moyenne de 34,5±18,9 % pour la matière sèche (Tableau 1).

Ces performances s’expliqueraient à la fois par la structure, l’assolement et le mode de conduite de l’élevage au sein des exploitations. En fait, les exploitations de cette classe possèdent une SAU moyenne importante (62,6 ha). La spéculation dominante est la céréaliculture (22,4 ha soit 35,8 % de la SAU) dont la paille et les chaumes sont souvent valorisés par les troupeaux. Les surfaces fourragères occupent 15,2 % de la SAU, essentiellement de l’avoine, de la vesce – avoine, de la luzerne et du sorgho. L’irrigation est pratiquée sur une grande échelle avec une surface moyenne de 11,4 ha ; elle concerne les cultures maraîchères, l’arboriculture et quelques cultures fourragères comme le sorgho et la luzerne. Le chargement animal semble relativement faible avec une moyenne de 1,8 UGB/ha SFP, mais il faut tenir compte des apports en concentrés, ce qui limite la pression de pâturage. Le troupeau bovin (effectif moyen de 11,1 têtes, dont 63,0 % de vaches laitières) est nettement orienté vers la production laitière (production laitière annuelle moyenne de 3 840 litres/vache) (Tableau 4).

Impact climatique sur l’autonomie alimentaire des exploitations enquêtées

La comparaison des performances moyennes des 9 critères d’autonomie pour l’ensemble des exploitations selon les trois étages agro-bioclimatiques de la région d’étude, ne laisse apparaitre aucune différence significative (p>0,05%) (Tableau 5). Ce constat nous a amené à nous interroger sur les causes de ces similitudes pour trois régions très contrastées surtout sur le plan pluviométrique. C’est pourquoi, une analyse approfondie pour discerner les différents mécanismes et palliatifs de régulation qui sont mobilisés par les éleveurs des trois régions pour assurer leur autonomie et minimiser l’impact de cet aléa est indispensable.

Tableau 5. Valeurs moyennes des différents critères d'autonomie alimentaire pour les 3 types de systèmes étudiés (%)
Régions Autonomie totale Autonomie en fourrages Autonomie en concentrés
AMSt AUFLt APDIt AMSf AUFLf APDIf AMSc AUFLc APDIc
Nord 29±17 20±13 16±10 62 ±32 63±32 62±33 3±5 3±5 2±3
Centre 33±18 25±17 21±15 68±32 69±32 68±32 7±15 8±15 6±13
Sud 29±16 22±13 18±11 61±30 63±30 64±32 6±7 6±7 4±5
Mécanismes et palliatifs des éleveurs pour combler le déficit fourrager

Afin d’atténuer les conséquences des contraintes climatiques et de combler leur déficit fourrager, les éleveurs mobilisent certains mécanismes et palliatifs conjoncturels et/où stratégiques. Ces derniers, sont à l’origine des similitudes observées entre les trois étages agro-bioclimatiques de la région d’étude.

  1. Achat et stockage de fourrages, de pailles et d’aliments concentrés

Le recours à la complémentation sous forme d’aliments concentrés concerne l’ensemble des exploitations enquêtées est constitue la solution la plus couramment pratiquée. C’est ainsi qu’aujourd’hui, la quasi-totalité de la production laitière en Algérie en dépend. Les données de l’enquête révèlent que tous les éleveurs distribuent quotidiennement une moyenne de 7,74 ± 1,52 kg de MS/j et par vache. Autrement dit, en moyenne, les vaches reçoivent annuellement 2 825 ± 554 kg de concentré dont près de 91,0 % sont achetés. Ces résultats ne sont pas spécifiques à la région de Sétif. En effet, dans la région de Tizi-Ouzou (Algérie), Bouzida et al (2010), rapportent que 76% des éleveurs distribuent quotidiennement entre 8 et 14 kg/VL/j soit une moyenne annuelle de 2 979 kg. Ces niveaux d’utilisation du concentré sont plus faibles que ceux rapportés par Srairi et Lyoubi (2003) pour les exploitations périurbaines de la région de Rabat où chaque vache laitière reçoit en moyenne plus de 3 700 kg.

A cela, s’ajoute le recours à l’achat et/ou le stockage de fourrages et/ou de pailles qui se fait le plus souvent durant la période des moissons où les prix sont au plus bas. En effet, sur les 128 éleveurs, seuls 27 (11 au Nord, 11 au Centre et 5 au Sud) ont affirmé qu’ils sont autonomes en fourrages et qu’ils ne procèdent à leur achat qu’occasionnellement. Cependant, les 79,0% des éleveurs restants, déclarent qu’ils achètent une partie de l’alimentation en fourrages grossiers sous forme de foins ou de pailles soit en moyenne 1 259 ± 1540 kg de MS/UGB et par an.

  1. Adaptation de la taille du troupeau aux potentialités de l’exploitation

La taille des troupeaux est plus importante dans les régions Centre et Nord où la SAU moyenne est plus importante (37,9 ha), avec respectivement une moyenne de 25,3±24,2 et 22,4±18,8 UGB contre une moyenne de 17,2±12,1 UGB pour les exploitations de la région Sud dont la SAU moyenne est moins importante (10,8 ha). Cette situation implique des besoins alimentaires de loin moins importants pour les exploitations de la région Sud.

La vente des animaux, surtout ceux destinés à l’engraissement semble une pratique courante des éleveurs surtout en période de disette. Elle touche essentiellement les bovins dont les revenus sont directement réinjectés à l’achat d’aliments pour couvrir les besoins du troupeau. Néanmoins, certains éleveurs déclarent qu’ils profitent des périodes de disette pour renouveler leur cheptel par des races plus performantes avec des prix relativement plus bas.

  1. Gestion et diversification des cultures fourragères

Les prairies naturelles contribuent à l’alimentation des troupeaux dans 38,3% des exploitations enquêtées. Sur le plan géographique, les exploitations du Centre détiennent plus de superficies prairiales en raison des reliefs plats et de la présence de cours d’eau permanents. En effet, la prairie occupe en moyenne 5,29± 14,1 ha soit 12,3% de la SAU dans les exploitations de la région Centre comparativement aux exploitations du Nord (1,92 ± 3,47 ha soit 5,8% de la SAU) et à celles du Sud (0,22 ± 0,64 ha soit 2,05% de la SAU).

Quant aux cultures fourragères, les superficies cultivées sont semblables, elles sont présentes dans 85,9% des exploitations enquêtées avec en moyenne de 4,92±5,79 ha soit 16,0% de la SAU. Néanmoins, les exploitations de la région Sud sont nettement plus orientées vers les productions fourragères en irriguées et enregistrent le plus important pourcentage du rapport cultures fourragères/SAU avec une moyenne de 37,8%. Les fourrages cultivés correspondent au total à six espèces différentes qui sont classées selon l’ordre d’importance suivant : l’avoine, la luzerne, le sorgho, l’orge, le trèfle et enfin le maïs.

  1. Recours à l’irrigation

Afin d’atténuer les effets de l’insuffisance des précipitations et d’améliorer les rendements, 66,4% des agriculteurs irriguent une partie de leurs terres. La part de la superficie irriguée diminue avec l’augmentation de la SAU. Les exploitations de la région Sud totalisent en moyenne 4,70 ha comme surfaces irriguées soit 43,7% de leur SAU (essentiellement les cultures maraichères et fourragères) alors que les exploitations des régions Centre et Nord totalisent respectivement 6,26 et 2,37 ha comme surfaces irriguées soit 14,5 et 7,0% de leurs SAU. Benniou et al (2014) constatent pour la même région que l’irrigation est surtout utilisée sur les céréales secondaires à vocation fourragère (avoine, orge, un peu sur le blé dur).

  1. Valorisation des résidus des récoltes

L’ensemble des exploitants des trois étages agro-bioclimatiques notamment ceux qui pratiquent la céréaliculture (99 exploitants), affirment qu’ils ont souvent recours à la valorisation des chaumes, des pailles et des résidus de récoltes ce qui contribue significativement à l’amélioration de leur niveau d’autonomie et réduit considérablement leur dépendance.

  1. Déprimage des céréales et pâturage de la jachère

Le déprimage est une pratique ancienne considérée comme un appoint fourrager obtenu en fin d’hiver et début du printemps. Sur l’orge en vert, une partie de cette céréale est pâturée par les animaux. Cette pratique est rencontrée au sein de 49 exploitations soit 38,3 % de l’ensemble exploitations enquêtées. En année sèche, certains éleveurs préfèrent laisser les animaux pâturer d’importantes surfaces céréalières et valoriser le peu d’unités fourragères à la place du grain. Rondia (2006), affirme que le déprimage est une pratique couramment utilisée dans les pays du Maghreb.

A cela, s’ajoute la valorisation des surfaces laissées en jachère par les pâturages dans 62,5% des exploitations enquêtées, ce qui contribue significativement à mieux sécuriser l’alimentation des troupeaux. Selon Abbas (2004), cette pratique ancestrale constitue une composante majeure dans la conduite alimentaire, notamment des systèmes mixtes.


Conclusion


Références bibliographiques

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Received 4 May 2019; Accepted 12 June 2019; Published 2 July 2019

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