Livestock Research for Rural Development 31 (2) 2019 Guide for preparation of papers LRRD Newsletter

Citation of this paper

Qualité physicochimique du lait de vaches Prim’Holsteins et Montbéliardes dans l’Ouest algérien

M Bouamra1,2, L Doubbi Bounaoua3, M Si Djilali3 et F Ghozlane4

1 Centre universitaire Belhadj Bouchaib. Institut des sciences, Département des sciences de la nature et de la vie, Ain Temouchent, Algérie
bouamramohammed@yahoo.com
2 École Nationale Supérieure Vétérinaire (ENSV). Rue Issad Abbes, Oued Smar- Alger, Algérie
3 Université Abdelhamid Ibn Badis. Faculté des Sciences de la Nature et de la Vie, Département agronomie, Mostaganem, Algérie
4 École Nationale Supérieure Agronomique, Hacène-Badi, El-Harrach, Alger, Algérie

Résumé

L’objectif de l’étude est l’évaluation de la qualité physicochimique du lait de vaches de deux races (Prim’Holstein et Montbéliarde) et des effets de quelques facteurs d’influence. Dans 4 élevages bovins laitiers dans l’Ouest algérien, 174 lactations dont 79 pour la Prim’holstein (PH) et 95 pour la Montbéliarde (Mo) ont été suivies de juin 2017 à juin 2018. Deux échantillons de lait (traites du matin et du soir) ont été prélevés une fois par semaine et ont fait l’objet d’analyses physicochimiques.

Le taux protéique (TP) et le taux butyreux (TB) ont été estimés à 31,6 ± 0,19 g/L et 36,9 ± 0,35 g/L respectivement. Une influence significative de la saison de vêlage, la parité, la race, surtout et aussi le stade de lactation et l’élevage sur la qualité physicochimique du lait (p < 0,05) ont été révélées. Le taux protéique a été de 31,0 ± 0,27 g/L en race PH et 32,5 ± 0,19 en race Mo. Le taux butyreux a été de 35,5 ± 0,35 g/L en race PH et 38,9 ± 0,28 en race Mo. La race Mo produit moins de lait mais a un lait plus riche que la race PH. Ces résultats montrent aussi que la qualité physicochimique du lait des vaches importées en Algérie des races Prim’Holstein et Montbéliarde reste non satisfaisante et souvent inférieure à celle obtenue dans leurs pays d'origine qui était en moyenne de 32,0 (PH) et 33,1 (Mo) pour le taux protéique et 39,7 (PH) et 38,9 (Mo) pour le taux butyreux en 2017 en France. Ces études d’interaction génotype x milieu méritent d’être poursuivies.

Mots clés: lactation, parité, race, saison


Physicochemical quality of milk from Prim'Holstein and Montbéliarde cows in Western Algeria

Abstract

The objective of the study is the evaluation of the physicochemical quality of cow's milk of two breeds (Prim'Holstein and Montbéliarde) and the effects of some influencing factors. In 4 dairy cattle farms in Western Algeria, 174 lactations including 79 for Prim'Holstein (PH) and 95 for Montbéliarde (Mo) were followed from June 2017 to June 2018. Two milk samples (morning milkings and evening) were collected once a week and subjected to physicochemical analyses.

The protein content (TP) and the fat content (TB) were estimated at 31.6 ± 0.2 g / L and 36.9 ± 0.4 g / L respectively. A significant influence of the calving season, parity, breed, especially and also the stage of lactation and rearing on the physicochemical quality of the milk (p < 0.05) were revealed. The protein content was 31.0 ± 0.3 g / L in breed PH and 32.5 ± 0.2 in breed Mo. The fat content was 35.5 ± 0.4 g / L in breed PH and 38.9 ± 0.3 in the Mo breed. The Mo breed produced less milk but had a richer milk than the HP breed. These results also shows that the physicochemical quality of the milk of cows imported to Algeria from the Prim'Holstein and Montbéliarde breeds remains unsatisfactory and often lower than those obtained in their countries of origin, which averaged 32.0 (PH) and 33.1 (Mo) for the protein level and 39.7 (PH) and 38.9 (Mo) for the fat content in 2017 in France. These genotype x environment interaction studies are worth pursuing.

Keywords: breed, lactation, parity, season


Introduction

En Algérie, le secteur laitier revêt un caractère stratégique eu égard à son impact sur le développement agricole et a sa place sur le plan socio-économique. Il constitue l’un des piliers de notre sécurité alimentaire. La consommation de lait occupe une place très importante dans l’alimentation journalière de la population afin de combler le manque en protéines d’origine animale et à cause du prix réduit, subventionné par l’état (Makhlouf et al 2015). Ainsi, les besoins de consommation de l'Algérie en lait et produits laitiers sont estimés à plus de 3 milliards de litres/an. Le niveau de collecte reste faible par rapport au potentiel de la production nationale, production estimée à plus de 2 milliards de litres de lait cru /an pour un cheptel de 900 000 vaches laitières ; cette productivité reste insuffisante. Par conséquent, 40% des besoins du pays proviennent de l’étranger sous forme de poudre de lait (près de 1,06 milliard de $ en 2007) (MADR 2007).

Face à ce constat et pour répondre aux besoins croissants de la population algérienne en lait, l'Algérie a lancé un programme important et ambitieux de modernisation de cette filière. Il s'agit entre autres de réduire la facture alimentaire, de consolider la sécurité alimentaire et d'offrir un produit de meilleure qualité. C’est à partir des années 1970 que l’orientation du secteur laitier a étévers l’importation massive de génisses de races reconnues pour leurs hautes performances laitières. Il s’agit de la Prim’Holstein (PH) et de la Montbéliarde (MB). Des génisses de races laitières ont été importées en gestation (entre les 5ème et 6ème mois de gestation). Elles ont été préparées à leurs carrières de futures laitières dans d’autres conditions d’élevage (particulièrement alimentaires et climatiques). Une fois déchargées en Algérie, ces génisses gestantes ont été confrontées à des conditions d’élevage et alimentaires variables. Leurs adaptations aux nouvelles conditions d’élevage, souvent contraignantes, particulièrement sur le plan alimentaire et les conditions environnementales, se sont répercutées sur leurs performances laitières.

Or, face à la demande continue du lait, une qualité constante doit être exigée (Bousselmi et al 2010). Cette qualité peut être jugée, entre autres, à travers deux paramètres constituants du lait, le taux butyreux (TB) et le taux protéique (TP), en raison de leur intérêt industriel (Chiofalo et al 2000). Cependant, l’aspect qualité est resté défaillant et plusieurs paramètres d’appréciation ne sont pas encore déterminés à l’échelle nationale. De plus, les caractéristiques climatiques varient d’une région à une autre ce qui génère, sans doute, une diversité au niveau de la composition physicochimique du lait. Dans cette optique, la présente étude vise l’évaluation de la qualité physicochimique du lait de vaches importées de races Prim’Holstein (PH) et Montbéliarde (MB) en régions de l’Ouest algérien et l’étude de quelques facteurs d’influence.


Matériels et méthodes

Présentation du site d’étude

Cette étude a été effectuée au sein de quatre exploitations agricoles de l’Ouest Algérien. La zone Ouest de l’Algérie constitue l’un des plus importants bassins laitiers du pays. Le climat est typiquement méditerranéen par l’alternance de deux saisons: une saison humide et fraîche en hiver et une saison sèche et chaude en été.

Au total 174 vaches laitières, 45,4% de race Prim’Holstein (PH) et 55,6 % de race Montbéliarde (MB) (toutes importées d’Europe) appartenant à quatre exploitations ont fait l’objet de la présente étude. Pendant la période allant de juin 2017 à juin 2018, des visites ont été réalisées dans chacun de ces élevages (chaque semaine). A l’occasion de chaque visite et pour chaque vache, des échantillons de lait ont été prélevés (le lait de mélange du matin et du soir d’une même journée). Ces échantillons ont directement été amenés au laboratoire (dans une glacière et conservés à 4°C) pour l’analyse physicochimique. Les échantillons du lait ont fait l’objet d’analyses physicochimiques par les méthodes classiques de détermination de la qualité physicochimique du lait à savoir la méthode de Gerber appliquée au lait pour le taux butyreux (TB) et la méthode Kjeldahl pour le taux protéique (TP).

Conduite de l’alimentation

Les élevages suivis sont caractérisés par une grande diversité, à la fois dans la gestion fourragère et dans la conduite des vaches. Les vaches sont conduites en stabulation libre et parfois entravée. Les vaches sont alimentées par une ration de base qui est variable selon les périodes. La ration alimentaire distribuée aux vaches laitières est toujours adaptée à leur stade physiologique et au niveau de production. Elle est essentiellement composée de fourrages verts ou conservés en foin. Ainsi, les fourrages cultivés dans ces exploitations sont essentiellement la vesce avoine, l’orge, le sorgho, le maïs fourrager et la luzerne avec des superficies irriguées. La disponibilité et la faible valeur nutritive de la ressource fourragère obligent ainsi la quasi-totalité des éleveurs à incorporer dans la ration quotidienne une proportion d’aliments concentrés (parfois supérieure à 50%) pour couvrir les besoins des animaux.

Traitements statistiques

Après avoir rassemblé et trié toutes les données disponibles, nous avons constitué une base de données finale contenant tous les paramètres nécessaires pour le traitement statistique. Le traitement statistique des données a été effectué avec le logiciel «SPSS» version 20 et Microsoft Office Excel 2007. L’analyse des facteurs de variation des performances laitières a été effectuée avec le modèle linéaire suivant:

Yijklm= µ+ Ri+ Pj+Ek+ Sl+ SLm+ eijklm

Yijklm = lamième performance laitière.
µ = moyenne générale.
Ri = Effet fixe de la iième race (Prim’Holstein (PH), Montbéliarde (MB))
Pj = Effet fixe dujième parité (primipare, multipare).
Ek = Effet fixe du kième élevage (elevage 1, élevage 2, élevage 3, élevage 4).
Sl = Effet fixe de lalième saison de vêlage (automne, hiver, printemps, été).
SLm = Effet fixe du mième stade de lactation (1ere stade de lactation (moins de 3 mois), 2eme stade lactation (entre 3 et 6 mois), 3eme stade de lactation (supérieur à 6 mois).
eijklm= Erreur résiduelle aléatoire avec eijklm ~ N (0, σ2).


Résultats et discussion

Performances moyennes

Les moyennes et les écarts-types du taux butyreux et du taux protéique sont présentés dans le Tableau 1. La composition moyenne du lait enregistrée était de 36,9 ± 0,4g/L pour le taux butyreux et de 31,6 ± 0,2g/L pour le taux protéique.

Les performances moyennes enregistrées dans cette étude ne sont pas en accord avec celles rapportées par plusieurs études dans d’autres régions d’Algérie. Les moyennes du taux butyreux et du taux protéique enregistrées durant notre étude sont nettement supérieures à celles trouvées dans le centre de l’Algérie en race Holstein par Ouchene-Khelifi et al (2017) qui ont été, respectivement, de 31,0 g/L et de 29,1 g/L. Ainsi, elles sont aussi supérieures à celles trouvées dans le nord-est de l’Algérie par Mtaallah et al (2015) en race Holstein qui ont été, respectivement, de 31,4 g/L et de 32,2 g/L. Le taux butyreux est supérieur aux résultats obtenus en Tunisie par Bousselmi et al (2010) et Houchati et al (2016) en race Holstein qui ont été, respectivement, de 34,4g/L et de 36,4g/L. Un tel taux est inférieur à la norme européenne qui était de 4,07% et aux moyennes trouvées en France par Hurtaud et al (2010) et Boutry et al (2014) qui ont été, respectivement, de 39,6g/L et 39,0g/L. Par ailleurs, le TP est inférieur aux valeurs rapportées par Bousselmi et al(2010) en race Holstein et Houchati et al (2016) en race Holstein, estimées respectivement à 31,3g/L et 29,4g/L. Il est aussi inférieur aux normes européennes (31,5g/L) et aux moyennes obtenues en France par Hurtaud et al (2010) et Boutry et al (2014) qui étaient, respectivement, de 32,3g/L et 32,0 g/L. Ces faibles performances pourraient être expliquées par le problème d’adaptation aux conditions climatiques contrastées et des disponibilités alimentaires limitées sur les plans quantitatif et qualitatif en Algérie. En conséquence, les vaches importées ne peuvent pas extérioriser leur potentiel génétique. En outre, les races à haut rendement introduites dans des conditions écologiques différentes de celles de leur pays d'origine voient leur performance diminuer, une grande partie de leur métabolisme étant utilisée pour s'adapter aux facteurs environnementaux (Nedjraoui 2003). Ainsi, le rendement laitier d’une vache laitière est le résultat de la combinaison du génotype et des facteurs non-génétiques (Çilek 2009), puisque l’interaction environnement- génotype joue un rôle important dans l'expression de la valeur génétique complète des bovins laitiers (Cienfuegos-Rivas et al 2006, Hammami et al 2009, Scholtz et al 2010), d’où l'expression du mérite génétique varie d'un état environnemental à un autre et elle est fortement influencée par des facteurs non-génétiques (Javed et al 2001).

Tableau 1. Moyennes et écarts-types des taux protéique et taux butyreux
Source de
variation
Effectifs Taux protéique (TP) Taux butyreux (TB) P
Moyenne ± écart-type (g/L) Moyenne ± écart-type (g/L)
Saison de vêlage
Hiver 52 28,9±0,2a 34,9±0,3a **
Printemps 45 33,3±0,2b 39,3± 0,4b
Été 35 29,8±0,4a 35,4± 0,3a
Automne 42 32,8±0,2b 36,8± 0,1a
Élevage
Élevage 1 42 32,2 ± 0,2a 35,6 ± 0,5a *
Élevage 2 52 29,9 ± 0,2b 38,5 ±0,2b
Élevage 3 35 32,8 ± 0,3a 34,9 ± 0,2a
Élevage 4 45 31,0 ± 0,5b 37,9 ± 0,4b
Parité
Primipares 79 30,4±0,5a 34,8± 0,8a **
Multipares 95 32,7±0,4b 38,4± 0,6b
Race
Prim’Holstein 79 31,0±0,3a 35,5± 0,4a **
Montbéliarde 95 32,5±0,2b 38,9± 0,3b
Stade de lactation
Stade de lactation 1 80 30,9±0,3a 37,9± 0,2a *
Stade de lactation 2 65 29,9±0,1b 35,9± 0,4b
Stade de lactation 3 29 32,8±0,2c 39,8± 0,1a
Moyenne totale 174 31,6±0,2 36,9± 0,4
Les résultats dans la même colonne suivis de lettres distinctes sont différents au seuil de P.P : degré de signification,
* : p < 0,05 ;** : p < 0,01 ;*** : p < 0,001, NS (P > 0,05)
Facteurs de variation des taux protéique (TP) et taux butyreux (TB)

L’effet de la saison de vêlage sur le taux butyreux et le taux protéique est hautement significatif (P < 0,01) (Tableau 1), ce qui suggère que la qualité de lait est très sensible aux variations saisonnières.

Le taux butyreux et le taux protéique inscrivent leurs valeurs les plus élevées auprintemps 39,3 ± 0,4 g/L et 33,3 ± 0,2g/L et les plus basses en hiver34,9 ± 0,3 g/L et 28,9 ± 0,2g/L. Ces résultats concordent avec les résultats rapportés par Dubeuf et al (1991) et Mtaallah et al (2015). Dubeuf et al (1991) rapportent que la mise à l’herbe s’est accompagnée de modifications importantes de la composition du lait: en moyenne, les taux butyreux et protéique ont augmenté respectivement de, 0,8 ± 3,5 g/kg et 1,4 ± 1,9g/kg entre la semaine (-3) et la semaine (+3) par rapport à la mise à l’herbe. Ainsi, Mtaallah et al (2015) en race Holstein rapportent que la mise à l’herbe est accompagnée par une amélioration du taux protéique (en moyenne +1,25 g/L et +1,35g/L). De même, les taux butyreux ont augmenté (+0,15 g/L et +0,65 g/L).

La saison a aussi un effet indirect sur la composition du lait. Elle agit essentiellement par l’intermédiaire de la durée du jour ; par le biais de l’alimentation (disponibilités alimentaires et caractéristiques de la ration). Cependant, l’effet propre de la saison (climat: température, humidité, etc.) sur les performances d’une vache laitière est difficile à mettre en évidence compte tenu de l’effet du stade physiologique et des facteurs alimentaires (Coulon et al 1991). La plupart des travaux ont en effet montré qu’une durée d’éclairement expérimentale longue (15 à 16 h par jour) augmentait la production laitière et diminuait parfois la richesse du lait en matières utiles (TB, TP) (Peters et al 1981, Phillips et Schofield 1989). Les taux butyreux et protéique du lait sont plus faibles en été et plus élevés en hiver (Bony et al 2005).

Le taux protéique et le taux butyreux enregistrés dans cette étude sont significativement très élevés chez les vaches multipares (32,7 ± 0,4g/L et 38,4 ± 0,6 g/L) par rapport aux vaches primipares (30,4 ± 0,5 g/L et 34,8 ± 0,8 g/L). Ces résultats concordent avec les travaux de Legarto et al (2014) qui rapportent que les vaches multipares ont des performances différentes des vaches primipares. Les vaches multipares produisent jusqu’à 0,6 g/kg de TB et 0,8 g/kg de TP de plus que les vaches primipares.

L’analyse de l’effet de l’élevage montre des différences du taux protéique et taux butyreux d’un élevage à l’autre avec un effet hautement significatif (P < 0,01). La comparaison des moyennes montre que les meilleurs taux de protéines ont été obtenus au niveau des élevages 1 et 3 (32,2 ± 0,2 g/L et 32,8 ± 0,3 g/L respectivement). Ainsi, les valeurs les plus faibles pour les taux butyreux ont été enregistrées au niveau des élevages 1 et 3 (35,6 ± 0,5 g/L et 34,9 ± 0,2 g/L respectivement), qui se détachent significativement des autres élevages. Ces résultats analogues à ceux trouvés au niveau de ces deux fermes et peuvent être expliqués par une conduite d’élevage semblable et le système d’alimentation (pratique du pâturage) qui un ont eu un effet significatif sur la richesse du lait en matières protéiques et matières grasses. Selon Coulon (1991) la mise à l’herbe s’accompagne d’une augmentation remarquable du taux protéique (+ 3g/L).

Au niveau des élevages 2 et 4 on observe les plus faibles taux protéiques (29,9 ± 0,2g/L et 31,0 ± 0,5 g/L). Au contraire on remarque les taux butyreux les plus élevés chez ces deux élevages (élevage 2 et élevage 4) avec respectivement 38,5 ± 0,2 g/L et 37,9 ± 0,4 g/L.

Les variations du taux butyreux et du taux protéique entre les différentes exploitations sont expliquées par les stratégies de production et de conduite alimentaire adoptées pour chaque exploitation. Les faibles taux protéiques enregistrés aux niveaux des élevages 2 et 4 sont dus à la mauvaise gestion de la conduite l’élevage et la pauvreté de la ration en énergie (faible quantité de concentré) (Coulon et Rémond 1991), et les taux butyreux élevés peuvent être expliqués par la mobilisation des réserves corporelles des vaches pour combler le déficit énergétique surtout en début de lactation. De plus, la particularité de ces deux élevages c’est leur investissement en fourrage qui explique le taux butyreux élevé de leurs échantillons. En effet, le taux butyreux semble le plus variable, suite à sa très forte corrélation à la teneur en fourrages, à la nature des fibres et des concentrés utilisés dans les rations pour les vaches laitières (Hoden et al 1988). En effet, la matière grasse du lait est produite principalement à partir d’acides gras volatils qui sont eux-mêmes formés à partir des glucides pariétaux des fourrages (cellulose) et des glucides fermentescibles (amidon). En conséquence plus la fibrosité de la ration est importante, plus la production d’acide acétique est élevée et le taux butyreux dans le lait aussi.

Les résultats obtenus montrent que le facteur race affecte significativement le taux protéique et le taux butyreux (p < 0,01). Les moyennes du taux protéique et du taux butyreux sont respectivement de 31,0 ± 0,3 g/L contre 32,5 ± 0,2 g/L et 35,5 ± 0,4 g/L contre 38,9±0,3 g/L pour la race Prim’Holstein et la race Montbéliarde. Ces résultats montrent une supériorité de la Montbéliarde par rapport à la Prim’Holstein. Ceci n’est pas en accord avec les résultats rapportés par Martin et al (2000), et Piacere et Elsen (1992) qui ont souligné la richesse en matières grasses du lait de vache de race Prim’Holstein par rapport à celui de la Montbéliarde. Ainsi, au Maroc, le taux butyreux par lactation des Holstein a été en moyenne de 37,0 g/L etcelui des Montbéliardes a été de 38,1g/L (Boujenane et Aïssa, 2008).

Ces résultats montrent aussi que la qualité physicochimique du lait des vaches importées en Algérie de race Prim’Holstein et Montbéliarde reste non satisfaisante et souvent inférieure à celle obtenue dans leurs pays d'origine qui étaient en moyenne en France de 32,0 (1 572 614 lactations de PH) et 33,1 g/kg (430 186 lactations de Mo) pour le taux protéique et 39,7 (PH) et 38,9 g/kg (Mo) pour le taux butyreux en 2017 (IDE, 2018). Ces résultats sont aussi en concordance avec plusieurs études qui ont montré que les facteurs génétiques ont aussi un effet significatif sur le taux protéique. Des comparaisons effectuées par Rémond et Chilliard (1991) ont montré que la race Montbéliarde se distingue par des laits très riches en protéines, par rapport aux laits produits par la race Holstein qui sont plus dilués.

La génétique explique une grande part des variations de taux butyreux, et l’on observe des écarts importants entre les races. Ainsi, les laits des vaches de race Montbéliarde possèdent la particularité d’avoir un taux protéique élevé et un faible taux butyreux, tandis que les laits produits par les vaches des races Holstein sont relativement plus dilués (FAO, 1998).

D’après nos résultats (Tableau1), le stade de lactation a montré des effets significatifs pour les TB et TP (p < 0,05). Le TB et TP du lait augmentent avec l’avancement de la lactation. Les taux les plus élevés sont enregistrés au dernier stade avec un TB de 39,8±0,1g/L et un TP de 32,8 ± 0,2 g/L, alors que les plus faibles taux sont enregistrés au deuxième stade de lactation : en moyenne,les taux butyreux et protéique ont été respectivement de 35,9 ± 0,4 g/L et 29,9 ± 0,1 g/L. D’après Boujenane (2010), les taux butyreux et protéique suivent une évolution inverse à celle de la quantité de lait, en passant par un minimum au pic de lactation avant de s’enrichir jusqu’au tarissement. En effet, au début de la lactation des vaches Holstein, les taux butyreux et protéique étaient en moyenne respectivement de 37 et 34 g/kg. Au fur et à mesure que la quantité de lait augmente, les taux diminuaient en deçà respectivement de 33 et 29 g/kg pour augmenter par la suite au-delà respectivement de 37 g/kg et 34 g/kg.Les variations de la composition chimique du lait sous l’effet du stade de lactation ont fait l’objet de très nombreux travaux (Schultz et al 1990). Il en ressort que les teneurs en matières grasses et en protéines évoluent de façon inverse à la quantité de lait produite. Elles sont maximales au cours des premiers jours de lactation, minimales durant les 2eme ou 3eme mois de lactation, et s’accroissent ensuite jusqu’à la fin de la lactation. Cette augmentation est due en partie à l’avancement du stade de gestation, qui diminue la persistance de la production laitière. C’est la raison pour laquelle il faut penser à estimer les taux en fonction du mois moyen de lactation (Coulon et al 1991). Une non remontée du TB peut être expliquée par un état acidosique (Otz 2006).


Conclusion

Au terme de cette étude et à la lumière des résultats obtenus, nous pouvons conclure que la qualité physico-chimique de laits de vaches importées en Algérie des races Prim’Holstein et Montbéliarde en régions de l’Ouest algérien reste souvent non satisfaisante et inférieure à celle obtenue dans leurs pays d'origine. Ces résultats peuvent être expliqués par l’incompatibilité entre le potentiel génétique de la race et le milieu difficile qu’elle subit (stress thermique, conditions d’élevage, rendements fourragers réduits, manque d’aliments composés aux prix élevés, …). L’interaction Génotype et Milieu d’élevage devrait faire l’objet d’investigations complémentaires touchant un effectif plus important et d’autres zones de l‘Algérie. Ainsi, cette étude a montré que le taux protéique et le taux butyreux des vaches suivies dans la région de l’Ouest algérien ont été influencés significativement par les facteurs suivants: surtout la saison de vêlage, la parité (primipare ou multipare) et la race (Prim’Holstein ou Montbéliarde), et aussi le stade de lactation (début, milieu ou fin de lactation) et l’élevage.


Références bibliographiques

Bony J, Contamin V, Gousseff M, Metais J, Tillard E, Juanes X, Decruyenaere V et Coulon J B 2005 Facteurs de variation de la composition du lait à la Réunion. Institut National de la Recherche Agronomique-France (INRA), Productions Animales. 18, 255-263.

Boujenane I et Aïssa H 2008 Performances de reproduction et de production laitière des vaches de race Holstein et Montbéliarde au Maroc. Revue d'Elevage et de Médecine vétérinaire des Pays tropicaux, Volume 6 (3-4), Article 556170, fromhttp://remvt.cirad.fr/revue/notice_fr.php?dk=556170

Boujenane I 2010 La courbe de lactation des vaches laitières et ses utilisations. Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II, L’Espace Vétérinaire n° 92 mai -juin 2010.

Bousselmi K, Djemali M, Bedhiaf S et Ethamrouni A 2010 Facteurs de variation des taux de matière grasse et protéique du lait de vache de race Holstein en Tunisie. Rencontres Recherches Ruminants 17:399.http://www.journees3r.fr/IMG/pdf/2010_12_17_Bousselmi.pdf

Boutry A, Martin B, Botreau R et Laurent C 2014 Prediction of bulk milk protein and fat content based on herd characteristics and farming practices. Rencontre Recherche Ruminants 21:396. http://www.journees3r.fr/IMG/pdf/Texte_8_affiche_Modele_A-Boutry.pdf

Chiofalo V, Maldonato R, Martin B, Dupont D and Coulon J B 2000 Chemical composition and coagulation properties of Modicana and Holstein cows’milk. Ann. Zootech., 49, 497 – 503.

Çilek S 2009 Milk yield traits of Holstein cows raised at Polatli state farm in Turkey. Journal of Animal and VeterinaryAdvances, Volume 8 (1), article 6.10, fromhttp://medwelljournals.com/fulltext/?doi=javaa.2009.6.10

Cienfuegos-Rivas E, Blake R, Oltenacu P and Castillo-Juarez H 2006 Fertility responses of Mexican Holstein cows to US sire selection. Journal of dairy science, Volume 89(7), from http://www.journalofdairyscience.org/article/S0022-0302%2806%2972352-9/fulltext

Coulon J B and Remond B 1991 Variations in milk output and milk protein content in response to the level of energy supply in the dairy cow. Livestock Production Science. 29:31-47.

Coulon J B, Chilliard Y et Remond B 1991 Effets du stade physiologique et de la saison sur la composition chimique du lait de vache et ses caractéristiques technologiques. INRA Productions Animales 4, 19-228.

Dubeuf B, Coulon J B et Landais E 1991 Mise à l’herbe des vaches laitières en zone de montagne: 3-Descriptions des pratiques et liaison avec les performances laitières. Institut National de la Recherche Agronomique-France (INRA), Productions Animales 4 (5):373-381.

FAO 1998 Le lait et les produits laitiers dans la nutrition humaine. Alimentation et nutrition n° 28.pp. 30-40.

Hammami H, Rekik B and Gengler N 2009 Genotype by environment interaction in dairy cattle. Biotechnologie Agronomie Société et Environnement, volume 13(1), from http://www.pressesagro.be/base/index.php/base/article/view/387

Hoden A, Coulon J B et Faverdin P 1988 Alimentation des bovins, ovins et caprins. In Jarrige R. (Ed), INRA, Paris, France, 135-158.

Houchati A, Aloulou R et M’sadak Y 2016 Caractérisations quantitative et qualitative des performances laitières des troupeaux bovins menés en hors-sol dans une zone littorale semi-aride (Tunisie). Rev. Mar. Sci. Agron. Vét. (2016) 4 (3):78-85. file:///C:/Users/user/Downloads/451-Texte%20de%20l'article-1160-1-10-20161209.pdf

Hurtaud C, Agabriel C, Dutreuil M and Rouille B 2010 Characterization ofmilk composition regarding feeding systems in various dairy areas in France. Rencontre Recherche Ruminants 17:381-384.

IDE 2018 Résultats de Contrôle Laitier - France 2017. Institut de l'Elevage, France Conseil Élevage et CNBL. http://idele.fr/no_cache/recherche/publication/idelesolr/recommends/resultats-de-controle-laitier-france-2017.html

Javed K, Mohiuddin G and Akhtar P 2001 Heritability estimates of some productive traits in Sahiwal cattle. Pakistan Veterinary Journal, volume 21, fromhttp://www.pvj.com.pk/abstract/21_3/1.htm

Legarto J, Gelé M, Ferlay A, Hurtaud C, Lagriffoul G, Palhière I, Peyraud J L, Rouillé B et Brunschwig P 2014 Effets des conduites d’élevage sur la production de lait, les taux butyreux et protéique et la composition en acides gras du lait de vache, chèvre et brebis évaluée par spectrométrie dans le moyen infrarouge. Institut National de la Recherche Agronomique-France (INRA), Productions Animales27 (4), 269-282.

Makhlouf M, Montaigne E and Tessa A 2015 La politique laitière algérienne : entre sécurité alimentaire et soutien différentiel de la consommation. New Méditerranéenne, 14(1) : 12-23. http://newmedit.iamb.it/share/img_new_medit_articoli/1005_12makhlouf.pdf

Martin B, Pradel P, Verdier-Metz I 2000 Effet de la race (Holstein/Montbéliarde) sur les caractéristiques chimiques et sensorielles des fromages. Rencontre Recherche Ruminants, 7 : 317. http://www.journees3r.fr/IMG/pdf/2000_lait_16_martin.pdf

Matallah S, Bouchelaghem S et Matallah F 2015 Variations de la composition chimique du lait de vache Holstein dans le nord-est de l’Algérie. Livestock Research for Rural Development 27. http://www.lrrd.org/lrrd27/1/mata27016.html

Otz P 2006 Le suivi d’élevage en troupeau bovin laitier : approche pratique. Thèse de docteur vétérinaire. École Nationale Vétérinaire de Lyon, pp113.

Ouchene-Khelifi N A, Lafri M, Ferrouk M and Ouchene N 2017 Physicochemical analysis of raw milk of Prim'holstein cows in the region of Mitidja in Algeria. Livestock Research for Rural Development 29 (6). http://www.lrrd.org/lrrd29/6/nakh29113.html

Peters R R, Chapin L T, Emery R S and Tucker H A 1981 Milk yield, feed intake, prolactin, growth hormone and glucocorticoid response of cows to supplemental light. Journal of Dairy Science 64, 1671-1678.

Philips C J C and Schofield S A 1989 The effect of supplementary light on the production and behaviour of dairy cows. Animal Production, 48, 293-303.

Piacere A et Elsen J M 1992 Aptitude fromagère du lait et polymorphisme des protéines : perspectives d’utilisation en sélection. Production Animale, hors série (Eléments de génétique quantitative et application aux populations animales) : 123-128. https://www6.inra.fr/productions-animales/.../1/.../Prod_Anim_1992_hs_hs_18.pdf

Rémond B et Chilliard Y 1991 Effet du stade physiologique et de la saison sur la composition chimique du lait de vache et de ses caractéristiques technologiques. Institut National de la Recherche Agronomique-France (INRA), Productions Animales. 4 (3), 219-228. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00895941/document

Schultz M M, Hansen L B, Steuernagel G R and Kuck A L 1990 Variation of milk, fat, protein and somatic cells for dairy cattle. Journal of Dairy Science 73, 484-493.

Scholtz M, Furstenburg D, Maiwashe A, Makgahlela M, Theron H and Van der Westhuizen J 2010 Environmental-genotype responses in livestock to global warming: A Southern African perspective. South African Journal of Animal Science, Volume 40 (5), fromhttp://www.ajol.info/index.php/sajas/article/view/95890


Received 22 October 2018; Accepted 26 December 2018; Published 1 February 2019

Go to top