Livestock Research for Rural Development 31 (10) 2019 | LRRD Misssion | Guide for preparation of papers | LRRD Newsletter | Citation of this paper |
La présente étude a pour objectif d’évaluer les facteurs influençant la mortalité des chevreaux Saanen et de leurs métis au Nord-Bénin pour réduire la mortalité élevée des chevreaux. La mortalité avant sevrage à 90 jours était de 54,6 % à la ferme d’élevage de l’Organisation Non Gouvernementale (ONG) «Fermiers Sans Frontière» (chevreaux Saanen). Des accouplements y ont été réalisés entre des chèvres Rousse de Maradi et des boucs Saanen d’une part (croisements) et entre chèvres et boucs Saanen pour produire lait, viande et peaux. D’autre part un rétrocroisement entre des chèvres métisses F1 et des boucs Saanen a été également réalisé afin d'obtenir des F2 back cross (F2 BC). Des vaccinations et une prophylaxie contre les maladies parasitaires ont été pratiquées. Les performances de viabilité de 316 chevreaux ont été collectées entre 2013 et 2017 dans cette ferme : 132 métis F1, 96 métis F2, 38 Saanen et 50 Rousses de Maradi. Les chevreaux Saanen ont été bien plus vulnérables (56,4% à 90 jours) que les métis (F1 et F2 BC : 21,4% et 24,5%) et les Rousses de Maradi (12,2%). Le poids à la naissance a eu un effet significatif sur le taux de mortalité des chevreaux à 0-10, 0-30 et 0-90 jours. La taille de la portée a aussi eu une influence sur le taux de mortalité des chevreaux ; ainsi, les parités simples ont eu des faibles taux de mortalité à 0-10, 0-30 et 0-90 jours. De même, la mortalité des chevreaux a été plus élevée en saison des pluies. Par contre, le taux de mortalité des chevreaux à 0-10, 0-30 et 0-90 jours n’a pas été influencé par le sexe des chevreaux. Le rétrocroisement réalisé entre des chèvres métisses F1 et les boucs Saanen a entrainé une légère augmentation du taux de mortalité des chevreaux avant sevrage, qui reste inférieure à la mortalité des chèvres Rousses de Maradi. Cette méthode est à déconseiller dans un environnement rempli de glossines tel que cette ferme. Il convient alors d’apporter à l’avenir un gène trypanotolerant (race Djallonké) dans ce dispositif de croisement afin de réduire les mortalités des chevreaux dans ce type de fermes.
Mots clés : croisement, élevage, numéro de lactation, mode de naissance, saison de naissance, race
The objective of this study is to evaluate the factors influencing the mortality of Saanen kids and their crossbreed in Northern Benin to reduce the high mortality of kids. Pre-weaning mortality at 90 days was 54.6% at the breeding farm of the Non Governmental Organization (NGO) "Farmers Without Borders" (Saanen kids). Crooses between Red Maradi goats and Saanen bucks on one hand and between Saanen goats and bucks were performed to produce milk, meat and skins. On the other hand, backcrossing between F1 crossbreed goats and Saanen bucks was also performed in order to obtain F2 back cross (F2 BC). Vaccinations and prophylaxis against parasitic diseases were practiced. The viability performance of 316 goats was collected between 2013 and 2017 on this farm: 132 F1 crossbreeds, 96 F2 crossbreeds, 38 Saanen and 50 Red Maradi goats. Saanen kids were much more vulnerable (56.4% to 90 days) than the crossbred (F1 and F2 BC: 21.4% and 24.5%) and the Red Maradi (12.2%). The birth weight had a significant effect on the 0-10, 0-30 and 0-90 day mortality rate for the kids. The size of the litter also influenced the mortality rate of the kids; thus, single parities had lower mortality rates at 0-10, 0-30 and 0-90 days. Similarly, the mortality of kids was higher during the rainy season. In contrast, the 0-10, 0-30, and 0-90 day mortality rate was not influenced by goat sex. Backcrossing between F1 crossbreed goats and Saanen goats resulted in a slight increase in preweaning pup mortality, which remained lower than the mortality of Red Maradi goats. This method is not recommended in an environment filled with tsetse flies such as this farm. A trypanotolerant gene (Djallonke breed) should be introduced in this cropping device in the future to reduce the mortality of goats in this type of farms.
Keywords: breeding, crossing, lactation number, mode of birth, season of birth
Les flux génétiques d’animaux d’élevage se sont produits depuis les temps préhistoriques et ont été déterminés par différents facteurs. Au plan mondial, les flux génétiques les plus significatifs ont impliqué les cinq espèces principales d’animaux d’élevage : bovins, moutons, chèvres, porcs et volailles (FAO 2008). Au niveau mondial, 14 % des races sont transfrontalières dont 52% sont des races internationales et 48% sont régionales (FAO 2008). Les chèvres Saanen et Rousse de Maradi font partie de ces races transfrontalières. En effet, la Saanen est originaire de Suisse, et plus précisément de la haute vallée de la Sarine (Saane en allemand, commune de Gessenay ou Saanen) dans l'Oberland bernois (canton de Berne) à qui elle doit son nom (Babo 2000). Elle est une excellente laitière, et c'est pour cela qu'elle a été particulièrement bien exportée à travers le monde (Fournier 2006).
La chèvre Rousse de Maradi, originaire du Niger, est une bonne laitière qui peut donner une production journalière 0,6 l de lait pendant deux périodes de 3 à 4 mois par an en raison de la mise bas deux fois par an. Son lait est riche en vitamine A et parfaitement digestible notamment par les jeunes enfants. Mais, c’est la qualité de sa peau qui entraina sa diffusion hors du berceau d’origine (PPAAO 2015). Au cours de ces dernières décennies, l’écart entre l’offre en produits d’origine animale et la demande des populations ne cesse de s’accroître. Cette situation est imputable à la croissance démographique qui y est enregistrée. Les prévisions d’évolution démographique et de l’augmentation de la consommation individuelle des produits animaux montrent que d’ici 2020, il va falloir produire plus de 100 milliards de tonnes de viande dans les pays en voie de développement (Faye et Alary 2001). Face à ce défi, une prise de conscience en matière de production animale s’impose dans tous les pays du Sud. Mais très peu d’études scientifiques ont été conduites sur l’amélioration des performances zootechniques des chèvres locales en général et des chèvres Rousses de Maradi en particulier au Bénin. C’est conscient de cela que le promoteur de la Ferme de l’Organisation Non Gouvernementale « Fermier Sans Frontière Bénin » en partenariat avec les Belges ont décidé d’améliorer les performances de production laitière des chèvres Rousses de Maradi par le métissage avec des chèvres Saanen. Le choix de la chèvre Rousse de Maradi comme race locale n’est pas fortuit car, une autre race du pays, la chèvre naine (Djallonké) est mauvaise laitière (mais elle est trypanotolérante). La chèvre rousse de Maradi produit 4 à 5 fois plus de lait que la chèvre naine (Pagot 1985) et s’adapte assez bien aux conditions climatiques du Nord-Bénin.
Mais de fortes mortalités de chevreaux Saanen (40,4 % des nés vivants) ont été enregistrées avant le sevrage à 90 jours au Nord-Bénin avant 2016 (Bassossa, 2016). Cette mortalité avant sevrage à 90 jours était de 13,1 % chez la chèvre de Rousse de Maradi (Bassossa, 2016), et de 11,4 ou 23,2 % chez la chèvre Djallonké au Bénin (Bassossa, 2012 ; Idrissou, 2015). Ainsi l’objectif de la présente étude est d’évaluer les facteurs influençant la mortalité des chevreaux pendant les trois premiers mois de leur âge (entre 0 et 90 jours), selon la race, le poids à la naissance, le sexe des chevreaux, le mode de naissance, la saison de naissance des chevreaux et le rang de mise bas des chèvres. Cette étude s’inscrit alors dans la dynamique de l’évaluation des facteurs de risques d’adaptation des chèvres transfrontalières (chèvre Saanen) et régionales (chèvre Rousse de Maradi) dans le souci de diversifier la production laitière autrefois exclusivement bovine par métissage afin d’obtenir une bonne race laitière et adaptée aux conditions du Nord-Bénin et produire lait, viande et peaux.
La présente étude s’est déroulée dans la ferme de l’ONG « Fermiers Sans Frontière-Bénin » dans la commune de N’Dali au Nord-Bénin. La ferme est située à 40 km au nord de Parakou sur l’axe Parakou-Bembérèké. Des chèvres Saanen ont été importées en 2012. Cette ferme est située dans la zone soudanienne du Bénin avec un climat de type tropical, caractérisé par une grande saison de pluies (avril à octobre) et une grande saison sèche (novembre à mars). La pluviométrie moyenne varie entre 1100 mm et 1200 mm, pouvant descendre jusqu’à 900 mm. Pendant la saison sèche, l’harmattan, vent chaud et sec, souffle du nord- est. Il est responsable de la baisse brutale de l’humidité relative à compter du mois de novembre. La végétation est composée de savanes boisées, arborées et arbustives. Les espèces fréquentes sont : Combretum nigricans, Detarium microcarpum, Gardenia erubescens et Gardenia ternifolia. La composition floristique de la strate herbacée varie avec l’âge de la formation. Les espèces dominantes sont : Pennisetum polystachion, Indigofera spp et Tephrosia pedicellata.
Le matériel animal était constitué du noyau de reproducteurs de la ferme de l’ONG « Fermiers Sans Frontière » (8 boucs Saanen et 115 chèvres mères primipares et multipares dont 39 chèvres Rousses de Maradi, 58 Métis F1 et 18 chèvres Saanen). Les chèvres mères étaient des chèvres âgées de 7 mois à 6 ans, des chèvres élevées à la Ferme « Fermiers Sans Frontière-Bénin » depuis 2012. Les boucs Saanen, âgés de 2 ans, ont été importés de Belgique en 2012 à l’âge de 1 mois. Les chevreaux de cette étude sont issus de cinq accouplements organisés de 2013 à 2017 afin de voir les facteurs influençant la survie des chevreaux entre un bouc Saneen (Figure 1) et des chèvres Rousses (chevreaux métis), d'une part, entre chèvres métisses F1 (Figure 2) et boucs Saanen (F2 back cross), et entre des boucs Saanen et des chèvres Saanen d'autre part. Les accouplements ont été faits de nuit au parc. Ils ont eu lieu dans un enclos fait de claies où ont été introduits 20 chèvres et un bouc Saanen. Au total 132 chevreaux métis F1, 96 chevreaux métis F2 BC, 38 chevreaux Saanen et 50 Rousses de Maradi soit 316 nés vivants ont été enregistrés. Les effectifs des chevreaux selon certains paramètres étaient : paramètre sexe, 184 mâles et 132 femelles ; paramètre type génétique, 132 métis F1, 96 métis F2 BC (Figure 3), 38 Saanen et 50 Rousses de Maradi ; par rapport au mode de naissance : 101 chevreaux nés simples, 146 chevreaux nés doubles, 37 chevreaux nés triplets et 32 chevreaux nés quadruplets. L'identification des chevreaux a été faite dans les 24 heures avec une boucle auriculaire pré-numérotée. Les chevreaux étaient nourris exclusivement au lait maternel pendant le premier mois d'âge.
Dès le démarrage des activités de la ferme, les animaux ont été conduits en élevage intensif avec séparation des sexes et des groupes génétiques pour assurer le contrôle de la parenté. Les chèvres ont reçu une alimentation à l’auge composée de 2 à 3 kg de fourrage. Pendant la saison pluvieuse, ces fourrages étaient constitués de légumineuses comme le Leuceana leucocephala, le Glyricidia sepium et autres et des graminées comme le Panicum maximum C1, l ’Andropogon gayanus, le Pennisetum purperum plus une quantité de foin qui variait de 0,2 à 0,5 kg/tête/jour. En période de sècheresse la composition et l'évolution de la valeur nutritive des pâturages variait. Ainsi, l'émondage des arbres fourragers (Afzelia africana, Khaya senegalensis, et Leucaena leucocephala) et les résidus de récoltes ont participé à l'alimentation des animaux en cette période de soudure. L’ensilage fabriqué pendant la saison pluvieuse a permis l’alimentation des chèvres en lactation pendant cette période. En plus, 5 kg de concentré mélangé au son de maïs, de sorgho et de l’okara (pulpe de soja) a été distribué pour toutes les chèvres par jour. Les chèvres de choix ont reçu en plus, une complémentation d’environ 0,2 kg par chèvre en fin de gestation et au début de la lactation. Le complément alimentaire était composé de maïs grain, de drêche de brasserie, de poudre de néré et de soja torréfié. Dans tous les cas, un cornadis a permis d'individualiser la distribution des aliments. De plus, l’eau, de bonne qualité, était disponible à volonté. Les aliments n’étaient ni moisis ni souillés. Une "pierre à lécher" (apport de sel et de minéraux) était en libre-service.
Figure 1. Bouc Saanen de la ferme | Figure 2. Chèvres métisses F1 |
Figure 3. Chevreaux métis F2 Back cross |
Les animaux ont été identifiés dès la naissance. Un programme d’hygiène a été rigoureusement appliqué par le technicien de la ferme. Les maladies parasitaires ayant fait objet de traitement au cours de l’étude étaient de deux ordres, les parasites internes et les parasites externes. En ce qui concerne les parasites internes (helminthes), les animaux ont été déparasités avec de l’albendazole (Zentel®) par voie orale à la dose de 1,6 ml/10 kg PV et administré une fois par mois. En ce qui est du traitement des parasites externes, les animaux ont été traités à titre préventif contre les infestations suivantes : mouches, tiques, poux, mélophages et gales. Il a été utilisé le Butox® qui est une solution externe à base de deltaméthrine à diluer pour application cutanée à la dose de 1 ml/L d’eau. Il a aussi été utilisé le Cypertop qui est une association de deux molécules insecticides : la cyperméthrine et le chlorpyriphos ayant une action complémentaire. Celui-ci a été administré par pulvérisation et bain d’immersion à la dose 10 ml/100kg une fois par mois. Les mammites chez les femelles en lactation ont été les plus signalées. La chèvrerie a été régulièrement badigeonnée d’insecticides, désinfectée et a connu des changements fréquents de litière.
Quant au programme prophylactique des animaux, les jeunes et les adultes ont été vaccinés contre les maladies contagieuses telles que la fièvre aphteuse, la brucellose et la peste des petits ruminants. Pour la prévention contre la trypanosomose, le Trypamidium-Samorin (principe actif : chlorhydrate de chlorure d'isométamidium 100%) en poudre pour solution injectable a été utilisé. L’administration a été faite par injection intramusculaire (IM) à la dose de 0,50 à 0,75 mg/kg PV.
Les histogrammes ont été réalisés avec le tableur Excel. L’analyse statistique des données a été réalisée avec le logiciel R3.3.2 (R Core Team 2017). Les tests multivariés des facteurs ont permis de faire les comparaisons entre les données.
La Figure 4 montre l’influence de la race sur le taux de mortalité des chevreaux.
Figure 4. Variation des taux de mortalité des chevreaux selon la race et l’âge |
Les barres d’un même lot portant les mêmes lettres sont identiques au
seuil de 5 % d’après le test de Student-Newman-Kheul. La probabilité associée à F des analyses de la variance de l’effet du poids des chevreaux à la naissance sur leur mortalité à 0-10, 0-30 et 0-90 jours après naissance sont respectivement 0,04 ; 0,01 et 0,001 |
L’analyse de cette figure montre que le taux de mortalité des chevreaux était significativement plus élevé (p<0,05) chez les chevreaux Saanen par rapport aux autres races à 0-10, 0-30 et 0-90 jours après la naissance. A 0-10 jours le taux de mortalité des chevreaux Saanen était de 23,2 %, celui des chevreaux Métis F2 de 12,2 %, celui des chevreaux Métis F1 de 11,7% alors que celui des chevreaux Rousse de Maradi plus faible (6,2 %). A 0-30 jours, le taux de mortalité des chevreaux Saanen (46,6%) était toujours plus élevé comparativement aux chevreaux Métis F1 (17,8%), Métis F2 (23,5 %) et Rousse de Maradi (10,1 %). A 0-90 jours, le taux de mortalité des chevreaux Saanen était de 56,4%, celui des chevreaux Métis F1 de 21,4%, celui des chevreaux Métis F2 de 24,5 % et celui des Rousse de Maradi de 12,2%.
La Figure 5 montre le taux de mortalité des chevreaux entre 0 (nés vivants) à 10 (M10), 0 à 30 (M30) et 0 à 90 jours (M90) à la ferme d’élevage « Fermiers sans Frontières Bénin » au Nord du Bénin.
Figure 5. Taux de mortalité des chevreaux en fonction du nombre de jours après la naissance |
Le taux de mortalité augmente progressivement du 10ème jour au 90ème jour. Ce taux était élevé au sevrage (38,6 %).
La Figure 6 présente le taux de mortalité des chevreaux selon le poids à la naissance. Il ressort des résultats de l’analyse que le poids à la naissance a eu un effet significatif (p<0,05) sur la mortalité des chevreaux à 0-10, à 0-30 et à 0-90 jours. Ainsi, les taux de mortalité les plus élevés ont été observés chez les chevreaux ayant un poids à la naissance p <2 kg.
Figure 6. Variation des taux de mortalités des chevreaux selon le poids à la naissance et l’âge |
Les barres d’un même lot portant les mêmes lettres sont identiques au
seuil de 5 % d’après le test de Student-Newman-Kheul. La probabilité associée à F des analyses de la variance de l’effet du poids des chevreaux à la naissance sur leur mortalité à 0-10, 0-30 et 0-90 jours après naissance a été respectivement 0,001 ; 0,04 et 0,03 |
La Figure 7 présente le taux de mortalité des chevreaux selon le sexe à 0-10, 0-30 et 0-90 jours à la Ferme d’Elevage « Fermiers Sans Frontières » au Nord-Bénin.
Figure 7. Variation des taux de mortalité des chevreaux selon le sexe et l’âge |
Les barres d’un même lot portant les mêmes lettres sont identiques
au seuil de 5 % d’après le test de Student-Newman-Kheul. La probabilité associée à F des analyses de la variance de l’effet du poids des chevreaux à la naissance sur leur mortalité à 0-10,0- 30 et 0-90 jours après naissance sont respectivement 0,82 ; 0,94 et 0,93 |
L’analyse statistique de la figure montre que le taux de mortalité des chevreaux en fonction du sexe ne présente aucune différence significative. La mortalité des chevreaux n’est pas liée au sexe (p>0,05).
La Figure 8 montre l’évolution du taux de mortalité des chevreaux selon le mode de naissance à 0-10, 0-30 et 0-90 jours à la Ferme d’Elevage « Fermiers Sans Frontières » au Nord-Bénin.
Figure 8. Taux de mortalité des chevreaux selon le mode de naissance |
Les barres d’un même lot portant les mêmes lettres sont identiques au
seuil de 5 % d’après le test de Student-Newman-Kheul. La probabilité associée à F des analyses de la variance de l’effet du poids des chevreaux à la naissance sur leur mortalité à 0-10, 0-30 et 0-90 jours après naissance sont respectivement 0,001 ; 0,001 et 0,001 |
L’analyse statistique montre que le mode de naissance a eu un effet significatif (p<0,05) sur le taux de mortalité des chevreaux quelle que soit la période de naissance. Ce taux de mortalité a évolué progressivement selon que la taille de la portée devenait plus importante. Ainsi le taux de mortalité des chevreaux nés simples était de 14,2% ; ceux nés doubles de 25,2% ; quant à ceux nées triples ce taux de mortalité était de 52,3% et le taux de mortalité des chevreaux nés quadruples était de 65,4% à 90 jours après la naissance. A 0-10 jours les chevreaux nés simples et doubles ont eu des taux de mortalité respectivement de 8,5 et de 10,2% mais par contre les taux de mortalité des chevreaux nés triples et quadruples étaient respectivement de 18,2 et 50,2%. A 0-30 jours après la naissance, les taux de mortalité des chevreaux nés simples, doubles, triples et quadruples ont été respectivement de 12,3 ; 17,9 ; 48,3 et 60,2 %.
La Figure 9 présente l’effet de la saison de naissance sur la mortalité des chevreaux.
Figure 9. Variation des taux de mortalités des chevreaux selon la saison de naissance et l’âge |
Les barres d’un même lot portant les mêmes lettres sont identiques au
seuil de 5 % d’après le test de Student-Newman-Kheul. La probabilité associée à F des analyses de la variance de l’effet du poids des chevreaux à la naissance sur leur mortalité à 0-10, 0-30 et 0-90 jours après naissance sont respectivement 0,001 ; 0,001 et 0,001 |
Les résultats de l’analyse de la Figure 9 montrent que la saison de naissance des chevreaux a un effet très significatif (p<0,05) sur leurs taux de mortalité à 0-10 (M10), 0-30 (M30) et 0-90 jours (M90). Ce taux est significativement plus élevé (P<0,05) pendant la saison pluvieuse que la saison sèche. Ainsi, le taux de mortalité des chevreaux à 0-10 jours après la naissance est de 22,3 % en saison pluvieuse et 7,6 % en période de sèche ; à 0-30 jours on a un taux de 48,6% de chevreaux morts en saison pluvieuse et 22,4% de chevreaux morts en saison sèche. Enfin, à 0-90 jours après la naissance le taux est de 52,2 % des chevreaux morts en saison pluvieuse contre 30,4% en période sèche.
La Figure 10 présente l’effet du numéro de lactation des chèvres sur le taux de mortalité des chevreaux
Figure 10. Variation des taux de mortalités des chevreaux selon le rang de mise bas et l’âge |
Les barres d’un même lot portant les mêmes lettres sont identiques au
seuil de 5 % d’après le test de Student-Newman-Kheul. La probabilité associée à F des analyses de la variance de l’effet du poids des chevreaux à la naissance sur leur mortalité à 0-10, 0-30 et 0-90 jours après naissance sont respectivement 0,00 ; 0,03 et 0,01 |
Le résultat de l’analyse de la Figure 10 indique que le rang de lactation des chèvres a un effet très significatif (p<0,05) sur le taux de mortalité des chevreaux à 0-10 jours, à 0-30 jours et 0-90 jours après la naissance. Ainsi, 10,3 % des chevreaux issus des chèvres dont le rang de lactation de 1 à 2 sont morts contre 17,2 % des chevreaux issus des chèvres dont le rang de lactation est supérieur ou égal à 3.
Dans le cadre de cette étude, le taux de mortalité de l’ensemble des chevreaux avant sevrage (à 90 jours) dans la ferme d’élevage fermiers sans frontières Bénin est de 38,6%. Cette valeur est très largement supérieure à la norme de 20% tolérée chez les petits ruminants. Les taux de mortalité élevés des jeunes chèvres Saanen et métisses peuvent s’expliquer par des maladies diarrhéiques, des difficultés respiratoires et de la paralysie des membres qui surviennent souvent avant l’âge du sevrage chez ces chevreaux.
Toutefois, cette valeur est inférieure au taux de 42% obtenu à la station de Kolokopé au Togo chez les chevreaux Djallonké et des croisés Djallonké et Sahélien (Djagba et al 2017). Cette différence des résultats peut s’expliquer par le type de race, la variation de la zone d’étude et les modes d’élevages.
Le poids à la naissance a eu une incidence très significative sur le taux de mortalité des chevreaux avant le sevrage. En effet, les chevreaux nés avec un faible poids sont morts avant l’âge de 3 mois. Ces résultats sont conformes à ceux obtenu par Djagba et al (2017) à la station de Kolokopé au Togo chez les chevreaux Djallonké et les croisés Djallonké et Sahélien. Cette forte mortalité s'explique par l'immaturité des chevreaux à la naissance. Des résultats similaires ont été obtenus chez les chevreaux créoles en Guadeloupe (Chemineau et Grude 1985), chez les chevreaux au Mali (Traoré 1985) et chez les chevreaux guinéens au Sénégal (Ndiaye et al 1994). Ces chercheurs sont unanimes sur ce que les chevreaux nés avec un entrain faible meurent avant 3 mois.
Par ailleurs, le mode de naissance a eu un effet significatif sur les taux de mortalité des chevreaux. Les taux de mortalités chez les chevreaux nés multiples ont été supérieurs à ceux nés simples. Cela pourrait s’expliquer par le fait que les nés multiples sont moins lourds et plus vulnérables que ceux nés simples. Ces résultats sont conformes à ceux obtenus chez les chevreaux Abergelle en Ethiopie (Petros et al 2014), chez les chevreaux créoles en Guadeloupe (Chemineau et Grude 1985) et en Syrie chez les chevreaux de race Shami (Al-Najjar et al 2010). Toutefois, Djagba et al (2017) n’ont obtenu aucun effet significatif des modes de naissance sur le taux de mortalité des chevreaux Djallonké et des croisés Djallonké et Sahélien au Bénin.
Le sexe n’a pas eu d’influence sur le taux de mortalité des chevreaux dans le cadre de cette étude. Le même constat a été aussi fait au Ghana chez les chevreaux Djallonké (Hagan et al 2014), en Ethiopie chez les chevreaux Abergelle (Petros et al 2014) et au Zimbabwe (Combhe 1985). Mais, des résultats contraires ont été observés au Sénégal par Ba Diao et al (1994) où les effets du sexe sur la mortalité des chevreaux ont été signalés. Les mâles restent selon leurs résultats plus vulnérables que les femelles pendant toute l’année.
Les résultats obtenus sur le taux de viabilité des chevreaux (F1 et F2 BC) étaient meilleurs par rapport aux chevreaux Saanen. Cela témoigne du progrès dont ont fait l’objet des races de chèvre rousse de Maradi et Saanen, ainsi le taux de mortalité qui était élevé chez les chevreaux Saanen a été revu en baisse par les chèvres rousses de Maradi à travers les métissages. La hausse de mortalité des F2 BC par rapport aux F1 pourrait s’expliquer par la fragilité des Saanen à cet environnement (climat, maladies, etc.) et génétiquement les chevreaux F2 se rapprochent des Saanen. Ce même résultat a été signalé pour le taux de mortalité des chevreaux de Djallonké de race pure (35,5%) et celui des Métisses (46,9%). Ces taux sont inférieurs à celui de 55,1% trouvé en milieu peul au Sénégal par Ba Diao et al (1994). En Ethiopie, il a été constaté l’amélioration du taux de survie des chevreaux après croisement entre la race locale Abergelle avec une race lourde, la race Boer (Belay et al 2014).
La saison a eu un effet très significatif sur le taux de mortalité des chevreaux. La supériorité du taux de mortalité des chevreaux nés en saison pluvieuse par rapport à la saison sèche peut s’expliquer car la période de la saison pluvieuse coïncidence avec de fortes infestations de tiques et une pullulation des mouches tsé-tsé causant des maladies (cowdriose et trypanosomiase animale) aux animaux. Alkoiret et al (2016) ont remarqué que malgré une abondance de fourrages, les intempéries (forte humidité et prolifération d’insectes) ont un effet négatif sur l’apport alimentaire des mères et donc sur la production de lait, principale source de nutrition des jeunes durant cette première phase de leur vie. L'effet de la saison reflète l'alternance de conditions environnementales physiques favorables ou défavorables au comportement des animaux.
L’allaitement des chevreaux se fait de façon groupée et manuellement dans des récipients, ce qui crée une compétition chez les chevreaux pouvant entrainer des malnutritions causant les mortalités contrairement à certaines observations où les chevreaux sont abandonnés par leur mère après la mise bas et même attaqués par des rapaces, élevant ainsi le taux de mortalité des chevreaux ce qui a été signalé chez les chevreaux Angora en Afrique du Sud où 39% des mortalité sont dues aux prédateurs et 18% à la faiblesse du poids à la naissance et aux naissances avant terme (Snyman et al 2010).
Les auteurs remercient les techniciens agricoles de l'ONG «Fermier Sans Frontière Bénin» pour leur collaboration franche et précieuse au cours de cette étude. Nous remercions également le directeur de la ferme, M. Ouorou Bare Chamsdine, qui a donné son autorisation pour la réalisation de cette étude. Nos remerciements vont aussi à l’endroit des relecteurs anonymes qui ont lu et amélioré la qualité de ce travail.
Al-Najjar K, Salhab S, Al Merestani R, Kaem M, Al Azzawi W, Dawa M, Omed H and Saatci M 2010 Environnemental factors affecting kid mortality in Shami Goats. Journal of the Faculty of Veterinary Medicine, Kafkas University, 16, 3, 431-435.
Alkoiret I T, Gbangboche A B, Toukourou Y et Toure F Z 2016 Performances de croissance des bovins Borgou et N’Dama à la Ferme d’Élevage de l’Okpara au Nord-Bénin. Journal of Animal & Plant Sciences. Vol.29, Issue 3: 4638-4650
Ba Diao M, Gueye A et Seck M 1994 Facteurs de variation de la production laitière des caprins en milieu peul. In : S.H.B. Lebbie & E. Kagwini : Proceedings of the third biennal conference of the African small ruminant research and development in Africa. Uicc, Kampala, Uganda, 1996. ILRI (International Livestock Research Institute) Nairobi, Kenya. 326 pp.
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Received 4 April 2019; Accepted 23 August 2019; Published 2 October 2019