résidus d’antibiotique (bêta-lactamines et tétracyclines).
| Livestock Research for Rural Development 30 (6) 2018 | Guide for preparation of papers | LRRD Newsletter | Citation of this paper |
Pour évaluer la présence de résidus d’antibiotiques dans le lait cru de vaches collecté par le circuit de ramassage d’une laiterie représentative des transformateurs de lait produit localement, 10 153 échantillons de lait cru issus de tous les tanks de livraison entre janvier et juillet 2017 ont été analysés. Le kit de détection rapide de résidus d’antibiotiques utilisé détectait les bêta lactamines et les tétracyclines. Par ailleurs, une enquête sur l’utilisation d’antibiotiques a été réalisée auprès de 36 vétérinaires qui ont déclaré utiliser des oxytétracyclines (23,6 %), des sulfamides (15,5%), des pénicillines (13,8 %) et de l’amoxicilline (8,0%), etc. La quantité de lait contenant des résidus des antibiotiques recherchés par le test représente 3,25 % de la quantité livrée (120 tanks). Cette proportion varie selon le mois : la plus élevée (p <0,05) était en hiver, en janvier (8,6 %), et la plus basse en juin (0,3 %). La contamination était variable aussi selon la zone : la proportion la plus élevée (4,2 %, p <0,05) concernait celle de Boussaâda, caractérisée par un élevage spécialisé et intensif. Les résultats de l’étude ont été communiqués aux vétérinaires de la région d’étude qui ont été sensibilisés pour mieux diffuser l’information auprès des éleveurs sur les risques pour les consommateurs des résidus. Les vétérinaires devraient préconiser le respect des délais d’attente recommandés, l’usage d’antibiotiques à faible délai d’attente et la sélection d’animaux plus résistants aux mammites.
Mots clés: bêta lactamine, lait cru, mammite, tétracycline
To evaluate the presence of antibiotic residues in raw milk from cows, collected by the network of a dairy collectors a milk processor representative of processors of local milk, 10 153 samples of raw milk from all the delivery tanks received between January to July 2017 were analyzed using a kit for rapid detection of some antibiotic residues in milk : beta lactamines and tetracyclines. Also, a survey was made with 36 veterinarians who said they utilised oxytetracyclines (23.6 %), sulfamides (15.5%), penicillines (13.8 %), amoxicilline (8.0%), etc. The quantity of milk containing the antibiotic residues looked for represents 3.25% of the quantity delivered. This proportion varies according to the month: the highest (p <0.05) was in winter, during January (8.7%), and the lowest in June (0.3 %). Antibiotic contamination also varied by region: the highest proportion (4.2%) was observed in the Boussaâda region (p <0,05), characterized by specialized and high input breeding systems. After communicating the results of the study to the veterinarians in the study area, the aim was to sensitize them to better disseminate the information to the breeders on the risks for the consumers of these residues. The veterinarians should recommend the respect of the recommended waiting times, the use of low-time antibiotics and the selection of animals being more resistant to mastitis.
Key words: beta lactamine, raw milk, mastitis, tetracycline
L’Algérie est le premier consommateur de lait au Maghreb, avec près de 6 milliards de litres par an. Cet aliment occupe une place prépondérante dans la ration alimentaire des Algériens, et apporte la plus grande part des protéines d’origine animale (Benhedane 2011).
Les antibiotiques restent parmi les molécules les plus utilisées en élevage bovin en Algérie. Leur usage, en traitement curatif, préventif ou en complémentation dans l'alimentation animale, conduit à la présence de leurs résidus dans les denrées alimentaires issues des animaux. Aujourd'hui, le problème causé par les résidus d’antibiotiques est à craindre car les quantités de laits frais produits localement réservés à la transformation sont encore insuffisantes pour que les laits contenant des antibiotiques n’arrivent pas au consommateur (Boultif 2014).
La consommation de résidus d’antibiotiques conduit à l’émergence d’une multitude de désagréments, aboutissant à titre d’exemple au déséquilibre de la flore intestinale, à des effets toxiques ou allergènes et la sélection de bactéries pathogènes résistantes aux antibiotiques (Mekademi 2008 ; Sander et al 2011).
Selon les bonnes pratiques, l’antibiothérapie ne doit être qu’une solution au cas par cas de contrôle d’un épisode infectieux, et en aucun cas un palliatif systématique à des défauts techniques. Cela exige une stratégie d’utilisation adaptée aux besoins sanitaires de l’élevage après un passage en revue de l’ensemble des options de contrôle des infections (vaccination, biosécurité, pratiques zootechniques, etc.) assurant la meilleure prévention (Sander et al 2011).
L’objectif de ce travail est d’évaluer la prépondérance des résidus de certains antibiotiques dans les laits produits localement en Algérie et leur variabilité selon les systèmes d’élevages et les saisons. Pour arriver à cet objectif nous avons réalisé le dépistage de résidus d’antibiotiques (bêta-lactamines et tétracyclines) dans le lait collecté dans la région de M’sila (Algérie), et nous avons réalisé une enquête sur les pratiques d’utilisation des antibiotiques par les vétérinaires.
Le contrôle des résidus d’antibiotiques à été réalisé au niveau du laboratoire de la laiterie Hodna à l’aide d’un test rapide, Beta star Combo 25, sensible aux bêta-lactamines et aux tétracyclines. La base de données a regroupé les résultats des tests d’antibiotiques pour la période de collecte de janvier à juillet 2017. Le nombre total des tests a été de 10 153 échantillons de lait cru issus de tous les tanks de livraison sur la période étudiée (10 153 tanks). Une enquête a été réalisé par ailleurs auprès de 36 vétérinaires praticiens de la région de M'sila, dans le but de connaitre la situation de l’antibiothérapie : identifier et décrire les pratiques mises en œuvre par les vétérinaires lors des traitements à base d’antibiotiques. L’enquête visait aussi à recueillir des informations sur les pathologies les plus rencontrées et leur traitement à base d'antibiotiques.
Les données ont été regroupées dans une base de données. L’analyse statistique descriptive et l’analyse des variances ont été réalisées à l’aide du logiciel SPSS version 20.
Sur une quantité globale de 8,9 millions de litres collectés dans la wilaya de M’sila (10 153 tanks) pour la période d’étude, durant le premier semestre de l’année 2017, la quantité de lait refusé à cause de la présence des résidus d’antibiotique a été de 0,29 millions de litres (120 tanks), soit 3,25 % de la quantité totale. Nos résultats sont proches de ceux rapportés par Benmahdi et Ouslimani (2009) dans le lait de vache produit dans l’Algérois, dont la proportion se situait à 2,67%.
Par ailleurs, environ 29 % des échantillons de lait produit dans l’Ouest algérien contiennent des résidus d’agents antibactériens (Aggad et al 2009) en utilisant un autre test sensible aux bêta lactamines, tétracyclines, sulfonamides, macrolides et aminoglycosides. Dans d’autres études 89,1 % des laits provenant des élevages des Wilayas de Blida, Alger, Tipaza et Médéa ont donné des résultats positifs lors du contrôle de résidus de tétracyclines et 65,5 % lors du contrôle de résidus de bêta-lactamines (Tarzaali et al 2008).
Les résultats présentés dans le tableau n°1, montrent qu’il y une différence significative entre la période janvier-février par rapport à la période mars-juillet. Le taux de lait contaminé par les résidus d’antibiotique était supérieur à 8,2% en saison hivernale, alors qu’il était inférieur à 3,3% au printemps et en été. Selon Faye et al (1994), la saison représente un facteur de variation statistiquement significatif au seuil de 1 % pour toutes les pathologies, ce qui explique la différence entre saisons concernant le taux de lait contaminé par les résidus d’antibiotiques.
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Tableau 1. Variation des quantités collectées et des pourcentages de laits contaminés par des antibiotiques (bêta-lactamines ou tétracyclines). |
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Quantité |
Laits contaminés par des |
Pourcentage |
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Janvier |
770 969 |
66 817 |
8,67 |
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Février |
691 013 |
56 637 |
8,20 |
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Mars |
1 500 248 |
34 028 |
2,27 |
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Avril |
1 564 910 |
39 378 |
2,52 |
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Mai |
1 482 528 |
48 858 |
3,30 |
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Juin |
1 395 998 |
4 393 |
0,31 |
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Juillet |
1 530 870 |
40 609 |
2,65 |
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Total / Moyenne |
8 936 536 |
290 720 |
3,25 |
La répartition des quantités de lait détecté contaminé par les résidus d’antibiotiques selon les régions de collecte, montre une absence dans deux zones, Ain El Melh et Hammam Dalaa, situées en montagne. Par contre, la zone de Boussaâda, située en plaine, était la provenance de la majorité du lait contaminé, soit une quantité totale de plus de 189 000 litres, ce qui représente 65,2 % du lait total refusé pour cause de contamination par les résidus d’antibiotiques (Figure 1). Selon Meddouri et al (2013) la zone géographique peut être un facteur de variation de degré de contamination des laits par les résidus d’antibiotiques. Ce résultat nous semble avoir plusieurs causes qui interagissent entre elles :
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| Figure 1.
Répartition selon la région des pourcentages de lait contaminé par des résidus d’antibiotique (bêta-lactamines et tétracyclines). |
Pour analyser cette cause nous avons procédé à l’étude des variations des quantités de lait contenant des antibiotiques selon le collecteur. Les collecteurs ont été numérotés de 1 à 29. Nous avons observé que les antibiotiques étaient présents dans le lait de 20 collecteurs, soit chez 68,9 % de l’échantillon, mais à des niveaux variables d’un collecteur à l’autre (Figure 2). Les valeurs les plus significativement (p = 0,05) élevées (6,89 et 6,54) en termes de pourcentage de lait contaminé par des résidus d’antibiotiques par rapport au lait total collecté ont été observées chez deux collecteurs de la même région (Boussaâda), respectivement les collecteurs 15 et 4. Les autres collecteurs ayant livré des laits avec des antibiotiques étaient répartis sur d’autres régions, mais avec des pourcentages variables (entre 0,23 % et 4,08%).
A partir de ces observations, on peut poser l’hypothèse suivante. La différence entre zones se confirme et est accentuée par un effet collecteur. Alors que dans la même région, la différence entre collecteurs pour le taux de lait contenant des antibiotiques est liée principalement à la différence des pratiques de collecte : séparation de lait douteux, pénalisation des éleveurs ne déclarant pas les traitement avec des antibiotiques, répartition de la quantité sur plusieurs tanks de refroidissement pour minimiser les risques et l’effet de dilution exercé par le mélange du lait lors de la collecte. Cela confirme l’effet conjugué des pratiques et systèmes d’élevage d’un côté, et les pratiques des collecteurs de l’autre côté.
En effet, les collecteurs exigent dans les ‘contrats informels’ avec les éleveurs que le lait acheté soit exempt de résidus d’antibiotique, mais l’absence de matériel de détection des résidus d’antibiotiques chez la plupart des collecteurs pour le contrôle peut leur causer des pertes économiques significatives. Mais comme la demande sur le lait est plus importante que l’offre, et que les collecteurs disposent de circuits informels pour commercialiser les laits contaminés, les collecteurs comme les éleveurs sont généralement peut affectés économiquement par la variabilité de la qualité du lait.
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| Figure 2. Répartition des pourcentages de lait contaminé par des résidus d’antibiotiques selon le collecteur |
En pratique vétérinaire plusieurs antibiotiques sont utilisés. Dans l’échantillon étudié, les antibiotiques les plus utilisés ont été les oxytétracyclines, les sulfamides, les pénicillines et l’amoxicilline, avec les pourcentages respectifs suivants : 23,6 %, 15,5%, 13,8 % et 8,0%, qui représentent environ 60,9 % de tous les traitements utilisés. Ces résultats sont proches de ceux observés par Sander et al (2011).
Sur 36 vétérinaires exerçant dans la région d’étude, 24 utilisaient des antibiotiques pour d’autres causes que celles relatives aux pathologies nécessitants l’utilisation d’antibiotiques (facteur de croissance administré sous forme d'additifs à l'alimentation animale, prévention des maladies) soit 66,7 %, dont 33,3 % utilisaient des antibiotiques pour la prévention contre les maladies respiratoires.
Tous les vétérinaires ont déclaré informer les éleveurs sur la durée d’attente nécessaire à la consommation ou la commercialisation des produits animaux suite à chaque traitement. Mais, comme les contrôles ne sont pas systématiques, le respect des délais est tributaire de la conscience de chaque éleveur. Les vétérinaires confirment aussi qu’il existe des éleveurs ne respectant pas les délais d’attente et qui commercialisent des produits contenant des résidus d’antibiotiques.
Pour faire face à ce problème, nous préconisons les propositions suivantes pour motiver des éleveurs à respecter les délais d’attentes des antibiotiques :
Aggad H, Mahouz F, Ahmed A-Y et Kihal M 2009 Évaluation de la qualité hygiénique du lait dans l’Ouest algérien. Revue de Médecine Vétérinaire, 160 (12) : 595p. https://www.revmedvet.com/2009/RMV160_590_595.pdf
Benhedane N 2011 Qualité microbiologique du lait cru destine à la fabrication d’un type de camembert dans une unité de l’est Algérien. Thèse de Magister, Université Mentouri, Constantine, 123p. https://bu.umc.edu.dz/theses/agronomie/BEN6202.pdf
Benmahdi M-H et Ouslimani S 2009 Mise en évidence de résidus d’antibiotiques dans le lait de vache produit dans l’Algérois. European Journal of Scientific Research, 36 (3) : 362p.
Boultif L 2014 Détection et quantification des résidus de terramycine et de pénicilline dans le lait de vache par chromatographie liquide haute performance (HPLC)-optimisation des paramètres d’analyse – adaptation des méthodes d’extraction des molécules d’antibiotiques- comparaison de quelques résultats obtenus sur le lait de la région de Constantine et le lait importé (reconstitué). Thèse de Doctorat d’état, Université Mentouri, Constantine, 156p. https://bu.umc.edu.dz/theses/veterinaire/BOU6674.pdf
Faye B, Landais E, Coulon J B et Lescourret F 1994 Incidence des troubles sanitaires chez la vache laitière: bilan de 20 années d’observation dans 3 troupeaux expérimentaux. INRA Productions animales.7 (3), pp.191-206. <hal-00896086> https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00896086/document
Meddouri D, Mamine F et Madi S 2013 Contrôle des résidus d’antibiotiques dans le lait cru dans la région de Souk Ahras : Quelques renseignements pour assurer l’efficacité de dépistage. Rencontres Qualiméditerranée 2013 : la sûreté alimentaire. Les 13 et 14 novembre 2013, à Montpellier (SupAgro -INRA) France. http://agris.fao.org/agris-search/search.do?recordID=FR2014012945
Mekademi K 2008 Les résidus d'antibiotiques dans le lait de vache. Le médicament vétérinaire : Nouvelles approches thérapeutiques et impact sur la santé publique. 20 avril 2008, Département des Sciences Vétérinaires, Laboratoire de microbiologie, Université Saad Dahlab Blida, Algérie, 25-26p.
Sander P, Bousquet-Mélou A, Chauvin C et Toutain P L 2011 Utilisation des antibiotiques en élevage et enjeux de santé publique. INRA Productions animales, 24 (2), pp.199-204. <hal-00939567> https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00939567/document
Tarzaali D, Dechicha A, Gharbi S, Bouaissa M K, Yamnaine N et Guetarni D 2008 Recherche des résidus des tétracyclines et des bêta-lactamines dans le lait cru par le MRL Test (Rosa Test) à Blida, Algérie. In 6e Journées scientifiques vétérinaires sur le médicament vétérinaire : nouvelles approches thérapeutiques et impact sur la santé publique, École nationale vétérinaire, Algérie, 23–24p. www.oie.int/fileadmin/Home/eng/...%26.../10062014-00034-FR-Mensah.pdf
Received 11 April 2018; Accepted 28 April 2018; Published 1 June 2018