Livestock Research for Rural Development 30 (4) 2018 | Guide for preparation of papers | LRRD Newsletter | Citation of this paper |
40 chèvres de race locale Arbia élevées en milieu steppique d’Algérie dans une exploitation privée et conduites en élevage semi-intensif ont été étudiées. L’étude microbiologique de 40 échantillons de lait de ces chèvres sans mammite et leurs 40 fromages obtenus avec l’extrait enzymatique de cardon (Cynara cardunculus) avec coagulation dans une hotte équipée d’une lampe UV, a révélé que les laits et les fromages ont présenté des qualités microbiologiques satisfaisantes à savoir des charges de FAMT respectives de 2,10 ± 0,35.104germes/ml et 2,31 ± 0,22.10 4 germes/ml et une absence totale des coliformes totaux et fécaux, de salmonelles et de clostridies. Ainsi, la coagulation du lait de chèvre avec le cardon (Cynara cardunculus) a permis d’obtenir sous UV un fromage de qualités hygiénique et sanitaire intéressantes ce qui donne une impulsion aux recherches sur cette enzyme de remplacement de la présure.
Mots clés: Algérie, qualité hygiénique, qualité sanitaire40 goats local of Arbia breed’s raised in intensive breeding situated in the Algerian steppe constitute the experimental material. The microbiological study of 40 milks and 40 cheeses of Arbia goat wich was prepared with the enzymatic extract Cynara cardunculus showed that the milks and the cheeses presented a good microbiological quality with respective FAMT loads of 2,10± 0,35.104germ/ml and 2,31 ± 0,22.104 germe/ml. An absence of total coliforms, fecal coliforms, Salomonellas and clostridiums was noted. The coagulation of the goat’s milk with the Cynara cardunculus permit to have a cheese with good hygienic and sanitary qualities.
Keywords: Algeria, hygienic quality, sanitary quality
L’élevage de la chèvre se pratique dans des régions défavorisées ou marginales (montagnes, steppes, zones sahariennes) en raison de son adaptation aux milieux difficiles. Elle est réputée pour sa rusticité qui lui permet de tirer profit de ces régions pauvres (Feliachi 2013). La race Arbia est la population dominante en Algérie : elle est localisée surtout dans les hauts plateaux, les zones steppiques et semi-steppiques. Elle se caractérise par une production laitière moyenne de 1,5 litre par jour (Manallah 2012). Le lait de chèvre, par sa valeur nutritionnelle et son aptitude à la transformation notamment en fromage de qualité, est très recherché (Park 2012) ; sa transformation industrielle est souvent très restreinte voire inexistante en Algérie.
Un déficit en présure animale nous a incité à utiliser un coagulant d’origine végétale, le cardon (Cynara cardunculus) qui est largement distribué dans la steppe et qui présente des caractéristiques coagulantes comparables à celles de la présure. L’influence de cet extrait végétal sur les caractéristiques microbiologiques des fromages caprins constitue notre objectif. Dans ce contexte, une analyse de la microflore de laits et de fromages de la chèvre Arbia réalisés sous ultra-violet avec l’extrait enzymatique de Cynara cardunculus a été effectuée.
La zone d’étude se caractérise par un climat semi-aride et des parcours assez pauvres et dont la principale activité pastorale est l’élevage. Les chèvres utilisées étaient élevées dans une exploitation privée située dans la wilaya de Djelfa localisée dans la partie centrale de l’Algérie du Nord. Cette exploitation est divisée en 2 aires : une aire de repos pourvue d’auges et d’abreuvoirs et une aire de traite (manuelle).
40 chèvres appartenant à la race Arbia ont constitué le matériel expérimental. Elles étaient caractérisées par un même stade de lactation et conduites en un élevage semi-intensif. Elles ont été vaccinées contre la brucellose avant leur puberté, et étaient négatives à la tuberculination et issues d’un troupeau indemne de maladies contagieuses.
La collecte du lait a été étalée sur une période de deux mois où nous avons pris des laits individuels. Notons que la traite était effectuée dans de très bonnes conditions hygiéniques.
Les 40 échantillons obtenus (de 250 à 500 ml) ont été prélevés le matin manuellement dans des flacons stériles et bien fermés suivant les conditions stérilisantes de Hogan et al (1999) dans le but de réduire tout risque de contamination. Les prélèvements de lait ont été placés dans une glacière munie d’accumulateurs de glace et ont été acheminés au laboratoire afin de les analyser.
Des l’arrivée des 40 échantillons de lait au laboratoire, une prise de pH a été faite à l’aide d’un pH mètre. L’évaluation de la qualité microbiologique du lait de chèvre et des 40 fromages obtenus après la coagulation par le Cynara cardunculuss, était basée sur la recherche et le dénombrement de :
-La flore mésophile aérobie totale (FAMT) qui est un bon indicateur de contamination et de la qualité des produits (propreté) ; cette flore été dénombrée sur gélose PCA incubée 72 h à 30°C.
-Les coliformes totaux et fécaux indicateurs de contamination fécale ; ils ont été recherchés sur gélose lactosée et citratée au désoxycolate (DCL) incubée 24 heures à 37°C pour les coliformes totaux et à 44°C pour les coliformes fécaux.
-Les streptococcus fécaux dénombrés en milieu liquide par la technique du NPP (nombre le plus probable) qui se fait en deux étapes :
• test de présomption (recherche des streptocoques sur milieu de Rhothe avec incubation à 37C° pendant 24 à 48 h),
• et test de confirmation (sur milieu Eva Litsky incubé à 37C° pendant 24 h).
Les staphylocoques dorés (S. aureus) ont été dénombrés sur de la gélose de Baird Parker additionnée au jaune d’oeuf et au tellurite de potassium et incubée 48 heures à 37°C.
Pour les salmonelles, on a réalisé un pré-enrichissement sur milieu sélénite-cystéine 18 heures à 37°C, suivi d’un enrichissement sur bouillon sélénite-cystéine 18 heures à 37°C, puis l’isolement a été réalisé sur une gélose Hektoen et l’identification sur un milieu incliné TSI avec une incubation de 24 heures à 37°C.
Les clostridiums sulfitoréducteurs ont été dénombrés en utilisant de la gélose Viande foie avec une incubation à 37C° pendant 16 h.
Chaque analyse a été répétée 3 fois et sa moyenne a été retenue. Rappelons que pour les produits liquides, dans notre cas le lait de chèvre, celui-ci a constitué d’emblée la solution mère ; après on a procèdé aux dilutions décimales. Pour les produits solides (fromage de chèvre), on a pris 25 g, on les a introduit aseptiquement dans un bocal stérile contenant au préalable 225 ml de TSE (tryptone sel eau), et après homogénéisation, la suspension a constitué la première dilution. Pour l’interprétation des résultats des analyses microbiologiques nous nous sommes référés à l’arrêté interministériel du 24 janvier 1998 modifiant et complétant l’arrêté du 23 juillet 1994 du Journal officiel de la république Algérienne n° 035 du 27-05-1998 fixant les spécifications microbiologiques auxquelles doivent satisfaire certaines denrées alimentaires.
Le mode d’extraction suivi lors de notre étude est celui décrit par Tsouli (1974). Nous avons pris 10 g de fleurs séchées que nous avons broyé dans 50 ml d’une solution de NaCl à 0,9 %. Nous avons ajouté deux gouttes d’acide borique à 0,2% comme antiseptique. Après la congélation de la préparation pendant 24 heures à -18°C et décongélation, on a porté la matière végétale en macération pendant 24 heures avec une agitation douce ce qui a favorisé le passage de l'enzyme de la cellule vers la solution. La préparation a été filtrée ensuite à travers une gaze stérile ; les déchets ont été écartés. Nous avons centrifugé la solution à 700g pendant 45 minutes, filtré sur papier filtre et récupéré le surnageant. Enfin, nous avons ajusté la solution enzymatique brute obtenue à un pH de 5, ce qui favorise une bonne stabilité de l’enzyme (Morsli et al 1985) au moyen d’un pH mètre étalonné en ajoutant la quantité nécessaire d’une solution de soude.
Pour l’emprésurage du lait de chèvres Arbia avec l’extrait enzymatique de cardon Cynara cardunculuss, nous avons chauffé 200 ml de chaque essai à 42 °C, et on a additionné 2 gouttes de l’extrait enzymatique placé sur un agitateur magnétique chauffant jusqu’à coagulation (à la même température). Après 24 heures, une synérèse naturelle a permis la séparation des coagulums et des lactosérums donnant le fromage.
Les résultats des analyses microbiologiques effectuées sur les 40 échantillons de lait caprin et les 40 fromages (avec 3 analyses par échantillon de lait et 3 par échantillon de fromage) sont portés sur le tableau 1.
Tableau 1. Résultats de analyses microbiologiques des laits et des fromages caprins. |
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Echantillons Germes |
Laits crus (n =40) |
Fromages (n =40) |
Limites microbiologiques (JORA 1998) |
Flore aérobie mésophiles totale (FAMT) |
2,10 ± 0,35.104 |
2,31 ± 0,22.104 |
105 pour le lait cru |
Coliformes totaux |
Absence |
< à 10 |
10 pour le fromage frais |
Coliformes fécaux |
Absence |
Absence |
103 pour le lait cru Absence pour le fromage frais |
Streptocoques fécaux |
Absence |
Absence |
Absence |
Clostridiums sulfito-réducteurs. |
Absence |
Absence |
50 pour le lait cru |
Staphylococcus aureus |
Absence |
Absence |
Absence pour le lait cru et 10 pour le fromage frais |
Salmonella |
Absence |
Absence |
Absence |
Le dénombrement de la flore aérobie mésophile totale reflète la qualité microbiologique générale d’un produit naturel (Guiraud 1998). Cette flore dénombrée est de 2,10± 0,35.1044 germes /ml pour nos échantillons de laits, ce qui est inférieur aux taux publiés par les normes Algériennes. Farris (2009), rapporte qu’un lait de chèvre est de très bonne qualité microbiologique s’il contient moins de 105 germes/ml de lait, ce qui montre que nos résultats sont acceptables. Pour les fromages caprins analysés nous avons enregistré une moyenne 2,31 ± 0,22.104 germes/ml. Il faut noter cependant que les FAMT ne font pas partie des critères interprofessionnels de la qualité du fromage frais et que le législateur algérien ne définit pas le seuil de limites pour apprécier la qualité de ce produit.
Un bon indice de contamination fécale se fait par le dénombrement des coliformes. Pour nos échantillons de lait nous avons enregistré l’absence de coliformes totaux et fécaux ; de même après la coagulation. L’amélioration des conditions de transformation (coagulation dans une hotte équipée d’une lampe UV) a contribué à éliminer tous genres de coliformes fécaux d’une part et à diminuer la charge en coliformes totaux jusqu'à un taux inférieur aux normes Algériennes ce qui nous permet de dire que nos fromages présentent alors une qualité hygiénique acceptable. Magnusson et al (2007) rapportent que les litières fortement souillées contiennent plus de coliformes et la prévalence de mammites augmente dans ce cas, suggérant une contamination des trayons et du lait plus importante. D’autres sources de contaminations sont également à considérer telles que les mauvaises conditions de transport et le manque d’hygiène pendant la traite, ce qui n’était pas notre cas.
Les autres germes dénombrés étaient absents dans nos échantillons de lait et de fromage caprin. Nos résultats s’avèrent satisfaisants par l’absence de streptocoques fécaux dans nos échantillons. Ces germes sont très répandus dans la nature et ils n’indiquent pas toujours une contamination fécale ; ce sont des germes fréquents dans les produits ˝manipulés˝, le lait en particulier.
Les Clostridium sulfito-réducteurs sont responsables de gastro-entérites ; ils se retrouvent dans le sol, les eaux et dans l’intestin de l’homme et des animaux. Les clostridiums sont donc capables de survivre dans l’environnement et de contaminer n’importe quel type d’aliment ou de matériel si les conditions d’hygiène et de stérilisation ne sont pas respectées (Lebres 2002). Le seuil de conformité du lait cru fixé par le législateur algérien est de 50 germes/ml ; ces germes étaient absents dans nos échantillons de laits et de fromages.
Le staphylocoque doré, Staphylococcus aureus, d’après Dodd et Booth (2000), est considéré comme une bactérie pathogène majeure, causant des infections mammaires ; ces dernières s’accompagnent d’une augmentation de la perméabilité entre le compartiment sanguin et le lait qui a pour conséquence des modifications de la composition du lait. L’absence de Staphylococcus aureus dans les échantillons de lait caprin analysés nous conduit à dire que le lait étudié a présenté une bonne qualité sanitaire. C’était un lait recueilli dans de très bonnes conditions d’hygiène de traite et provenant de chèvres en bonne santé (absence de mammites) parce que la principale source de contamination est, en premier lieu la mamelle. Les infections mammaires à staphylocoques sont à l’origine de la contamination du lait ; d’autres sources de contaminations sont également à considérer telles que la machine à traire (Thieulon 2005). Florand (1988), rajoute à ce propos que d’autres germes pathogènes peuvent être présents originellement dans le lait suite à la traite d’un animal malade. Pour les échantillons des fromages, nous avons noté la présence de troubles dans les tubes, ce qui nous a conduits à faire un test de confirmation par l’ensemencement sur la gélose Chapman. Les résultats obtenus étaient négatifs ce qui confirme que les Staphylococcus aureus étaient aussi absents dans les fromages.
Concernant les salmonelles (Salmonella), la principale source de contamination serait l’excrétion fécale, avec dissémination de la bactérie dans l’environnement, puis contamination de la peau des mamelles et du matériel de traite (Guy 2006). L’analyse microbiologique de ce groupe de microbes pathogènes montre leur absence dans les laits et dans les fromages analysés ce qui nous a permis de dire que le lait caprin ainsi que et le fromage coagulé par l’extrait à base de cardon ( Cynara cardunculus) sous UV ont présenté une bonne qualité sanitaire.
L’extrait enzymatique de cardon Cynara cardunculus utilisé comme coagulant n’a pas influencé la qualité sanitaire du produit. Cette plante a été mentionnée comme une plante médicinale notamment par l’huile de ses graines qui, comme le chardon-Marie (Silybum marianum), contient de la silymarine qui est hépatoprotectrice et détoxifiante. Lahsissene et al (2009) rajoutent à ce propos que la consommation des côtes, crues ou cuites de cette plante, est considérée comme excellente pour le foie. Hmamouchi (1999) note aussi que le cardon est utilisé comme cholagogue, cholérétique et diurétique.Mouzali (2001) indique aussi d’après son étude microbiologique sur Cynara cardunculus, que cette qualité est fortement dépendante du mode de récupération de la matière première utilisée, de l’hygiène tout au long de l’expérience (transformation fromagère) et du type d’extraction mis en jeu.
Dodd and Booth 2000 Mastitis and milk production in the health of dairy cattle. Ed Andrews A.H, London, pp 21 3-255.
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Hmamouchi M 1999 Les plantes médicinales et aromatiques marocaines. Utilisations, biologie, écologie, chimie, pharmacologie, toxicologie. Imprimerie de Fédala, Mohammedia (Maroc), 389pp.
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Received 28 December 2017; Accepted 14 March 2018; Published 1 April 2018