Livestock Research for Rural Development 30 (3) 2018 Guide for preparation of papers LRRD Newsletter

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Localisation et distribution spatiotemporelle des effectifs de dromadaires en Algérie

A Meguellati-Kanoun, M Saadaoui1, S Kalli1, M Kanoun, J Huguenin2, M Benidir1 et A Benmebarek1

Institut National de la Recherche Agronomique Algérie
amelmeguellati@yahoo.fr
1 Ecole Supérieure Nationale de l’Agriculture (ENSA) El-Harrach Alger
2 CIRAD UMR SELMET Campus International de Baillarguet TA C-112 / A-34398 Montpellier Cedex 5 (France)

Résumé

En Algérie, l’élevage du dromadaire joue un rôle primordial dans l’optique de la sécurité alimentaire des communautés sahariennes et steppiques. Cet article a pour objectif d’étudier l’évolution des effectifs camelins dans les différents territoires correspondants aux Sahara, Atlas Saharien et Steppe et ce durant la période 2000-2015. Les données statistiques nationales recueillies auprès du Ministère de l’Agriculture, du développement Rural et de la pêche ont permis de localiser la distribution des effectifs camelins par zone agroécologique et de constater que les effectifs de dromadaires à l’échelle nationale ont connu une augmentation. La répartition des effectifs par zone bioclimatique a mis en exergue que les effectifs localisés au niveau des territoires Saharien et Atlas Saharien connaissent une évolution stable, voir une progression relativement lente. L’expansion des effectifs au niveau des territoires hyperarides s’explique d’une part par le développement des filières (lait et viande) liés à une forte demandes des populations autochtones et d’autre part par les politiques de subvention des aliments de bétail. Par contre, l’évolution dans les territoires steppiques permet d’observer une évolution en dents de scie. La conjonction des effets de sécheresses et des politiques agricoles semblent expliquer cette tendance à la régression.

Mots clés: élevage, évolution, sens, territoires


Location and spatiotemporal distribution of camel populations in Algeria

Abstract

In Algeria, camel breeding plays a key role in the food security of Saharan and steppe communities. This article aims to study the evolution of camel populations in the different territories corresponding to the Sahara, Saharan Atlas and Steppe during the period 2000-20015. The national statistics collected from the Ministry of Agriculture, Rural Development and Fisheries have made it possible to locate the distribution of Camels by agro-ecological zone and to observe that camel numbers at the national level have increased. The distribution of the population by bioclimatic zone has shown that the numbers located in the Saharan and Saharan Atlas territories are stable or even relatively slow. The expansion of the camel numbers in the hyper-arid territories is explained on the one hand by the development of the sectors (milk and meat) linked to a strong demand of the indigenous populations and on the other hand by the subsidy policies of the livestock feeds. However, the evolution in the steppe territories makes it possible to observe a saw tooth evolution. The combination of drought effects and agricultural policies seems to explain this downward trend.

Key words: breeding, evolution, sense, territories


Introduction

Le camelin occupe une place prépondérante dans la vie économique et sociale des communautés sahariennes et steppiques, il revêt une importance particulière du fait qu’il évolue dans des milieux où l'existence d'autres alternatives d'élevages seraeint aléatoires et onéreux (Senoussi et al 2017). Cet élevage suscite donc une activité socio-économique intéressante vu qu’il représente un atout incontestable dans la sécurisation alimentaire des régions désertiques et arides. Les productions (lait, viande, laine et cuir) ont permis aux populations de ces régions où la demande est en croissance continue de s’adapter aux rigueurs du climat.

En Algérie cette espèce autochtone compte prés de 354 465 têtes soit 1% de l’effectif national et environ 17 % de la population Maghrébine cameline et se trouve confinée sur trois grandes aires principales où sont relevés plusieurs types d’élevages (Ouled Laid 2008). En effet, le territoire joue un rôle important dans la localisation et la distribution de ces effectifs qui se traduit principalement par les conditions bioclimatiques. Le présent article fait ainsi le point pour éclairer les évolutions fondamentales qui se sont amorcées où poursuivies au niveau régional auxquel est implantée cette espèce animale au cours de la période 2000-2015.


Méthodologie et Analyse des données

Cette analyse basée sur la localisation des élevages camelins utilise comme base de données, les données recueillies au niveau du Ministère de l’Agriculture, du Développement Rural et de la Pêche et (MADRP). Les données de panels ont l’avantage de couvrir l’ensemble des wilayas sur un horizon temporel suffisamment vaste, sur une durée de 15 ans (2000 à 2015).


Résultats

Evolution du nombre des effectifs camelins dans les territoires désertiques

L’élevage camelin se trouve concentré dans trois principaux territoires agroécologiques à savoir Sahara, Atlas Saharien et Steppe (Figure 1). Ces territoires sont considérés comme espace vital pour l’élevage de cette espèce ruminante. Pour la période 2000-2015, le cheptel des dromadaires localisé dans le territoire Saharien occupe le premier rang, avec un effectif de l’ordre de 40 mille têtes en moyenne, suivis du cheptel situé dans les territoires de l’Atlas Saharien et Steppique respectivement de l’ordre de 11 mille têtes et 2 mille têtes.

Figure 1. Localisation et évolution des effectifs camelins en Algérie

Les données recueillies montrent que ces trois territoires correspondant bien à trois étages bioclimatiques dont semi-aride, aride et hyperaride. Ces derniers renferment des effectifs différents. En steppe, les troupeaux camelins sont majoritairement concentrés dans l’étage semi-aride plus qu’aride. Dans l’Atlas Saharien les troupeaux sont concentrés dans l’étage aride. Cependant, il apparait évident que, l’effectif camelins le plus important se trouve localiser dans l’étage bioclimatique hyperaride (Figure 2) où la pluviométrie est inférieure à 150 mm/an, ce qui montre la capacité de cette espèce à s’adapter aux conditions de production extrêmement difficiles notamment d’affouragement.

Figure 2. Localisation des effectifs camelins en fonction des étages bioclimatiques
Evolution des effectifs camelins au niveau des wilayas du territoire désertique

A l’échelle nationale la wilaya de Tamanrasset compte l’effectif de troupeaux le plus important soit de l’ordre de 79 mille têtes en moyenne pour la période allant de 2000 à 2015. Elle est classée au premier rang, suivie par la wilaya d’Adrar avec une dimension moyenne qui s’est stabilisée autour de 41 mille têtes pour cette même décennie. Vient en troisième rang la wilaya de Tindouf avec une moyenne de 38 mille têtes.

Pour les autres wilayas du territoire Saharien telles que (Ouargla, Illizi et Bechar) la taille moyenne des effectifs camelins est moindre et oscille réspectivement autour 29 mille, 25 mille têtes et 10 mille têtes. Ces taux sont relativement plus importants que ceux des wilayas du territoire steppique comme Elbayadh, Djelfa et Biskra, et dont la moyenne des effectifs varie entre 3 mille têtes et 9 mille têtes.

L’analyse des données recuiellies auprès des structures étatiques (Ministère de l’Agriculture, Chambres de l’Agriclture et Services Agricoles) nous permet de constater que la taille des effectifs a connu des variations différentes dans le temps. Dans l’espace désertique certaines wilayas classées aux premiers rangs telles que Tamenraset, Adrar et Illizi ont connu des variations inter-annuelles nettement plus faible comparées a certaines wilayas de l’atlas saharien telles que Msila, Naâma et Laghouat (figure 3), où d’autres espèces animales occupent une place importante notamment l’ovin et le caprin.

Figure 3. Classification et évolution des effectifs camelin par wilaya en Algérie
Analyse de l’évolution des effectifs des dromadaires à l’échelle régionale et territoriale

En définitif, il faut signaler que l’évolution des effectifs du cheptel au niveau régional, connaissent l’expansion, la stabilité ou même le déclin.

L’analyse suivie de la comparaison des coefficients de variation permet d’appréhender le sens de l’évolution des effectifs des dromadaires à l’échelle régionale et territoriale. L’analyse de la Figure 4, montre que le coefficient de variation est très variable d’une wilaya à une autre et varie de 9 à 49 %. Il ressort de cette analyse que certaines wilayates accusent une instabilité des effectifs en termes d’évolution supérieur à 40 %. Il s’agit des wilayas liées majoritairement à l’espace steppique telles que Biskra ; Batna, El-Bayad et M’sila. Il convient de signaler que la courbe en dents de scie représentée en Figure 5 dénote davantage l’instabilité des effectifs pour cette dernière wilaya. Tout semble confirmer la tendance à l’instabilité des effectifs des Wilayas dont les Coefficient de Variation (CV) sont élevés.

Figure 4. Classification des Wilayates en fonction des Coefficients de variation


Figure 5. Evolution des effectifs de la Wilaya de Biskra (courbe aux dents de scie)

D’autres wilayas telles que Adrar, Bechar et Ghardaïa connaissent au contraire une stabilité voir même une augmentation des effectifs; leur coefficient de variation est faible, et est inférieur à 12 % (Figures 4 et 6).

Figure 6. Wilayates ayant une évolution stable des effectifs

En dépit, de leur localisation favorable au développement de l’élevage des dromadaires les wilayas à espace ouvert et à faible densité humaine enregistrent de faibles coefficients de variation qui oscillent entre 20 et 35 %. Ceci illustre sans doute une «rupture» de la courbe d’évolution des effectifs passant d’une instabilité à une progression lente. La figure 7 montre que l’évolution des effectifs reste marquée par une phase relativement stable avant 2006 suivi d’une phase d’augmentation.

En définitif et sur la base des résultats recueillies, il s’avère évident que le coefficient de variation est plus faible dans les zones agroécologiques du territoire désertique en comparaissant aux zones des territoires steppiques et présahariens. Les résultats consignés dans la figure 8 illustrent bien cette différence. La steppe enregistre le coefficient de variation le plus élevé de l’ordre de 162,7 % ; ce qui signifie qu’au cours de ces deux dernières décennies dans ce territoire, les effectifs de dromadaires ont connu une tendance à l’instabilité voir même une régression (Figure 9).

Figure 7. Wilayates à deux phases de développement des effectifs : instabilité et expansion


Figure 8. Coefficient de variation des effectifs Figure 9. Variation des effectifs camelins de Djelfa par territoire agroécologique


Discussion

Ces résultats constituent une base de réflexion pour la mise en place de programmes de développement. Ils permettent de tenir compte des spécificités de cet élevage selon le lieu de leur territoires agro-écologiques et de ce fait de la diversité des modalités des outils d’aides à la décision pour assurer un développement des systèmes d’élevage durable, à la fois productifs, économes en intrants, respectueux de l’environnement et vivables pour les éleveurs.

Nos résultats confirment que l’effectif national a connu une augmentation au cours des années 2000 à 2015. Senoussi et al (2017), signalent une nette croissance à l’aube des années 2000. Néanmoins l’analyse statistique a révélé des variations d’un territoire à l’autre et d’une wilaya à l’autre. Il faut signaler que les régions steppiques ont connu une forte instabilité des effectifs. A ce sujet la conjonction des effets des programmes nationaux de développement agricole et rural : PNDA, APFA [Note 1] ou du CALPI [Note 2] et des sécheresses récurrentes semblent constituer les principaux éléments expliquant les fortes variations des effectifs camelins dans les régions arides et semi-arides (Adamou, 2008 ; Bedda et al 2015).

Ce processus de développement des terres de parcours a été particulièrement intensif durant les décennies 1990 et 2000 ce qui a engendré une forte compétition entre agriculteurs et éleveurs pour l’espace (Kanoun, 2016). Ces événements qui se sont traduits par des nouvelles règles d’accès aux fonciers basées sur une fermeture de l’espace à la suite de la mise en place du "Gdel" [Note 3] sont désormais contraignantes à l’élevage camelin. Ces règles ont contribué à la régression des effectifs de dromadaire du paysage steppique voir même à sa délocalisation vers les régions présaharienne et sahariennes (Kanoun et al 2013).

Par ailleurs, la progression des effectifs dans les territoires hyperarides s’explique d’une part par le développement des filières (lait et viande) liées à une forte demandes des populations autochtones et d’autre part par les politiques de subvention des aliments de bétail (Ouled Laid, 2008). Faye et al (2014) signalent à ce sujet que «la remontée des effectifs peut être associée à un changement d’objectifs de la part des producteurs, la demande en lait et en viande de dromadaire ayant augmenté dans le même temps». Mais, cela ne signifie nullement que ces effectifs aient connu un développement de leur production et/ou une amélioration de leurs performances zootechniques car d’après certains auteurs il semble bien que les pays du Maghreb en l’occurrence l’Algérie sont des pays importateurs de dromadaires (Alary et Nouhine Dieye, 2006 ; Faye et al 2014).


Conclusion

Ce travail a permis de contribuer à éclairer les évolutions fondamentales qui se sont amorcées ou poursuivies dans le domaine des productions camelines au niveau National, territorial et régional (wilaya). Les tendances constatées sont dans l'ensemble suffisamment nette. Elles montrent dans quel sens au cours des années qui s’échelonnent depuis 2000 à 2015 se sont orientées les évolutions des effectifs camelins en Algérie. D’une façon générale, on peut conclure que :


Références

Adamou A 2008 L’élevage camelin en Algérie : quel type pour quel avenir ? Sécheresse vol. 19, n° 4 : 253-60.

Alary V et Nouhine Dieye P 2006 Etude du commerce régional de bétail entre le Mali et l’Algérie. Rapport CIRAD, Field review STDF 13. P 31.

Bedda H, Adamou A et Babelhadj B 2015 Systèmes de production camelins au Sahara Algérien : Cas de la région de Ouargla. Algerian journal of arid environment, vol. 5, n° 1, Juin 2015: 115-127.

Faye B, Jaouad M, Bhrawi K, Senoussi A et Bengoumi M 2014 Elevage camelin en Afrique du Nord : état des lieux et perspectives.  Revue d’élevage et de médecine vétérinaire des pays tropicaux, 2014, 67 (4) : 213-221.

Faye B, Senoussi H et Jaouad M 2017 Le dromadaire et l’oasis : du caravansérail à l’élevage périurbain. Cah. Agric.26: 14001.

Kanoun M, Meguellati-Kanoun A, Abdelali-Martini M, Huguenin J, Cherfaiui M L, Ouzzane A, Benmebarek A, Maamri M et Fodil S 2013 Marginalisation de savoir-faire des femmes en milieu éleveurs liée aux changements des sociétés pastorales et à l’altération des ressources naturelles. Colloque,Toulouse 13 et 14 décembre 2012, INRA/CIRAD France. https://www.sfer.asso.fr/source/jrss2012/d2_kanoun.pdf

Kanoun M 2016 Adaptation des éleveurs ovins face aux incertitudes générées par de multiples changements d’ordre environnementaux et socioéconomiques dans les territoires steppiques. Cas des agropasteurs de la région d’El-Guedid Djelfa. Thèse ENSA, El-Harrach-Algérie, 209 p.

Ouled Laid A 2008 Conduite de l’élevage camelin (région de Ghardaia) : les paramètres de production et reproduction. Mémoire de fin d’étude, Université de Kasdi Merbah, Ouargla. P 112.

Snoussi A, Brahimi Z et Beziou S 2017 Portée de l’élevage camelin en Algérie et perspectives de développement. Revue des BioRessources Vol 7 N° 1 Juin 2017, 29- 38


Notes:

[Note 1] Accession à la propriété foncière agricole (APFA).

[Note 2] CALPI quelle est la signification de l’acronyme Ce projet a concerné l’attribution des terres de parcours à des personnes étrangères à la tribu pour la création d’exploitations arboricoles.

[Note 3] Gdel : est une forme de clôture informelle pratiquée par les ayants droits pour marquer leur territoire et interdire son exploitation.


Received 18 January 2018; Accepted 24 January 2018; Published 1 March 2018

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