Livestock Research for Rural Development 28 (4) 2016 Guide for preparation of papers LRRD Newsletter

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Valorisation de l’engraissement de la race ovine Hamra par les sous-produits de la datte

S Meradi, F Arbouche1 et R Arbouche1

Institut des Sciences vétérinaires et des Sciences Agronomiques, Université Hadj Lakhdar, Batna 05000, Algérie
meradisamira@yahoo.fr
Centre de Recherche Scientifique et Technique sur les Régions Arides. Campus universitaire BP n°1682 R.P Biskra 07000Algérie
1 Université Ahmed Draya Adrar, Algérie

Résumé

La présente étude répond à deux objectifs, celui de la valorisation des sous-produits de la transformation de la datte des régions arides et celui de la préservation de l’élevage de la race ovine Hamra dont les effectifs sont en déclin avec un risque de disparition à court terme, et proche des variétés marocaines Harcha et Tousint, en déclin aussi.

La substitution du maïs par 50 (n=32) et 100% (n=32) de sous-produits de la datte pendant 105 jours n’a eu aucun effet négatif sur les performances zootechniques, et s’est traduite par un gain moyen quotidien de 238 ± 120 g/j et 233 ± 100 g/j et un indice de conversion de 7,54 et 7,13 sur 2 mois. De plus, cette substitution a induit un moindre coût de l’aliment (4,0 et 7,9 dinars algériens (DA) de moins pour 50% et 100% de substitution au lieu de 31,5 DA par kg de concentré). Les sous-produits étudiés sont négligés, malgré leur disponibilité en quantité importante dépassant les 6 400 tonnes/an en moyenne, pour la seule wilayat de Biskra (Algérie). Il est à signaler que le maïs, matière première énergétique principale dans les formules alimentaires, est importé dans sa quasi-totalité. La substitution a permis un gain de 7 à 21 DA par kg de viande produite sur le prix moyen de 1300 DA par kg. Ces résultats justifient la valorisation de ces sous-produits dans l’alimentation de la race ovine Hamra, et contredisent la version selon laquelle cette race tend à disparaître de par sa faible valorisation alimentaire.

Mots-clefs: alimentation, biodiversité, déchet, maïs, palmier dattier, substitution



Fattening of the ovine Hamra breed with date by-products

Abstracts

This study has two objectives: one is the valuation of by-products from the processing of dates for fattening sheep in arid regions; and the second is the preservation of the sheep breed Hamra whose numbers are declining with a risk of extinction at short term, but being near the Moroccan varieties Harsha and Tousint.

The substitution of maize by 50 to 100% by-products of dates has had no adverse effect on animal performance, and resulted in an average daily gain of 230 g / d and a conversion index of 7.19. In addition, this substitution induces a lower cost of the feed (4.0 and 7.9 DZD less for 50% and 100% substitution in place of 31.5 DZD per kg of concentrate). The by-products studied are neglected despite their availability in large quantities in excess of 6400 tons / year on average for the only wilayat of Biskra (Algeria). It should be mentioned that the maize, main energy raw material in food formulas, is imported entirely. The substitution allowed a gain of 7 to 21 DZD per kg of meat produced on the average price of 1300 DZD/kg. These results justify the valuation of these by-products in the diet of the sheep breed Hamra, and contradict the version that this breed tends to disappear due to its low feed conversion.

Keywords: biodiversity, date palm, feeding, maize, substitution, waste


Introduction

Le palmier dattier constitue le pivot de l’économie des oasis en régions arides, non seulement pour le microclimat qu’il crée aux autres espèces arborescentes et/ou herbacées, mais aussi pour les produits et sous-produits qu’il génère et qui entrent dans l’alimentation humaine, animale et dans divers usages nécessaires à la vie oasienne. On peut citer notamment les sous-produits de la transformation des dattes en pâte, constitués de différents cultivars (deglet nor, Mech deglat, Litima…etc), qui représentent une valeur énergétique élevée (Arbouche et al 2009, Bastianelli et al 2009, El Gasim et al 1986 et Mahgoub et al 2005). Plusieurs auteurs ont étudié l’influence de leur incorporation dans les formules alimentaires (Bahman et al 1997, Bousdira 2007, El-Shaer 1996, Dovonou 2009, Genin et al 2004, Sayeda et al 2005).

En Algérie, le maïs est la principale matière première énergétique utilisée dans l’alimentation des animaux d’élevage. En 2010, elle en a importé pour 700 millions de dollars (MADR, Ministère de l’agriculture et du développement rural 2006). L’utilisation des sous-produits de la transformation de la datte, source alternative au maïs, semble être la solution la plus appropriée aux zones arides et sahariennes, caractérisées par des conditions économiques austères, se traduisant par des prix élevés des matières premières entrant dans la composition des régimes alimentaires vu leur éloignement des ports d’importation. Certains auteurs (Younis R A 1978, Khamis et al 1989, Kholif et Abo El-Nor 1998 et Kholif et al 2001) ont démontré que les rebuts de dattes pouvaient être utilisés en l’état chez les ruminants, avec cependant une supplémentation en protéines.

Sur le plan quantitatif, ces sous-produits constituent un tonnage non négligeable, avec une moyenne de 25% de la production annuelle de dattes (Chehma et al 2000). Pour la seule région de Biskra (Sud algérien), la disponibilité est de l’ordre de 9 426 tonnes/an, ce qui justifie amplement une étude de leur valeur alimentaire et la détermination du taux d’incorporation dans les régimes alimentaires pour les petits ruminants, notamment dans les régions sahariennes et présahariennes.

Dans le but de maintenir la production de viande rouge et l’équilibre écologique fragile de ces zones, le choix de la race ovine El Hamra se justifie par le fait qu’elle est endémique et qu’elle tend à disparaître en Algérie. Elle est caractérisée par une bonne aptitude de croissance et une viande de bonne qualité mais elle est en nette régression du point de vue effectif (3%) (MADR 2006). Elle est passée en l’espace de deux décennies de 2 500 000 têtes dans les années 80 à 55 800 têtes en 2003 (Feliachi 2003). Les effectifs sont en déclin et un risque de disparition de cette race existe à court terme, comme pour la D’Man au Maroc selon Boujnane (2004). A cet effet, nous nous sommes appuyés sur des résultats d’enquêtes que nous avons effectuées pendant trois années afin de cerner l’état des lieux de cette ressource génétique pour comprendre les causes de son déclin et contribuer par la valorisation des sous-produits d’une production du terroir (dattes) à son maintien voire son éventuelle extension. Nous avons aussi cherché à vérifier si la réputation de cette race d’assurer une faible valorisation alimentaire est justifiée.


Matériel et méthodes

La caractérisation et la détermination des causes de la régression de la race ovine El Hamra, ont eu pour base une série d’enquêtes que nous avons menées durant trois années, auprès des Directions des Services Agricoles (DSA), des Chambres d’agriculture, des abattoirs, des Services Vétérinaires et des éleveurs potentiels au niveau de son aire géographique (Ouest algérien). Ces enquêtes ont eu pour axes :

L’historique et l’identification morphologique de la race,

Les liens ancestraux de cette race avec les éleveurs,

Les couloirs de déplacements des éleveurs transhumants,

Les habitats et les sources d’alimentation et d’abreuvement.

Régimes alimentaires, animaux et protocole expérimental

Les déchets de la fabrication de la pâte et du conditionnement des dattes provenaient de l’unité de conditionnement des dattes de la région des Ziban (Biskra, Algérie). Après le triage, trois catégories de produits subsistent : les dattes de bonnes conformation destinées à la vente en l’état, les dattes de mauvaise conformation utilisées pour la production de pates de dattes et les écarts de tri qui sont généralement des dattes parasités par les vers et les dattes non matures. L’ensemble des sous-produits est constitué par ces derniers ainsi que par l’ensemble des noyaux générés pour la transformation de la datte. Tous ces sous-produits ont été collectés, séchés au soleil et transformés en farine avec un broyeur à marteau pourvu d’un tamis de 5 mm. La composition chimique du produit en question et des régimes a été déterminée selon les méthodes de l’AOAC avec une répétitivité de 3. Les analyses ont porté sur la matière sèche, la matière azotée totale, la cellulose brute, la matière grasse, la matière minérale et l’énergie brute (Tableau 1).

Tableau 1. Composition chimique des rebuts de dattes.

Matière sèche (%)

93,4±0,8

Matière organique (% de MS)

97,4±1,2

Matière minérale (% de MS)

2,6±0,1

Matière azotée totale (% de MS)

5,2±0,1

Matière grasse (% de MS)

7,1±0,1

Cellulose brute (% de MS)

23,7±0,9

Energie brute (kcal/kg)

2 335±254

Trois régimes contenant 0, 50 et 100% de rebuts de dattes en substitution au maïs ont été comparés (Tableau 2)

Tableau 2. Formule de l’aliment en p.100 d’aliment et composition chimique en % de MS.

0%

50%

100%

Maïs

45

22,5

0

Orge

17

17

17

Rebuts de dattes

0

22,5

45

Issues de meunerie

20

20

20

Tourteau de soja 46 %

15

15

15

Carbonates de calcium

1

1

1

Sel

1

1

1

Complément minéral vitaminé ovin

1

1

1

Teneur en nutriments calculée en %

Matière sèche

87,18

88,75

90,33

Matière grasse

10,48

10,42

10,15

Protéines brutes

76,26

85,55

70,48

Cellulose brute

21,95

24,64

20,85

Matières minérales

14,98

20,26

25,53

Les aliments grossiers (foin de vesce avoine) totalisant 0,2 UFV/kg de MS et 40 g/kg de MS en PDI) ont été fournis en limitant les refus à un taux de 10-15 p. 100. Les régimes ont été offerts sur la base de 2 kg de matière sèche (MS) pour 100 kg de poids vif, lequel taux a été progressivement réajusté jusqu’à 4,5 p. 100 en fin d’expérimentation. L’eau a été distribuée à volonté. Une pierre à lécher a été mise à la disposition pour chaque lot. Les quantités d’aliments offertes et refusées ont été contrôlées quotidiennement par lot.

L’expérimentation a été réalisée au niveau de l’Institut Technique d’Elevage de Saida (Ouest algérien). Quatre vingt seize jeunes béliers de race El Hamra (7-8 mois), d’un poids moyen de 38,5 ± 0,5 kg ont été répartis aléatoirement en trois lots de 32 et élevés en stabulation entravée dans une bergerie. Chaque groupe a été affecté au hasard à un régime. Tous les animaux ont été déparasités avant le démarrage de l’essai. Les pesées ont eu lieu une fois par mois à 7 h 00 du matin après 12 heures de jeûne. L’essai a duré 105 jours y compris une période d’adaptation comportementale de 30 jours (transition d’un élevage extensif vers une stabulation entravée) et une autre alimentaire de 15 jours.

Analyses statistiques

La statistique descriptive et l’analyse de variance du modèle linaire général univarié (ANOVA), ont été effectuées avec le logiciel SPSS (version 18, 2008). Le modèle linaire général a été utilisé pour tester les effets du facteur (ration) sur les variables, le test post Hoc par l’application du test S.N.K (Student-Newman-Keules) et Duncan, pour estimer la signification ou l’homogénéité entre les différents sous-ensembles (test de comparaison entre les moyennes). Les différences ont été considérées comme significatives avec un risque d’erreur de 5 %.


Résultats et discussion

La race El Hamra
Figure 1.

Elle a disparu au niveau de tout l’Ouest Algérien et également au niveau des zones frontalières Algéro- Marocaines (Aricha : 10 km du Maroc, Sfisifa : 40 km du Maroc) dont elle est originaire. Elle n’existe plus qu’au niveau des institutions étatiques de préservation de l’institut technique d’élevage (I.T.ELV), du centre national d’insémination et d’amélioration génétique (CNIAAG) et chez les éleveurs conventionnés avec l’ITELV (Figure 1).

La race El Hamra appelée aussi Hamra et Beni Iguil, est de taille moyenne (65-70 cm au garrot), sa tête et ses pattes sont marron foncé, sa langue est d’un bleu noirâtre, sa laine est blanche, ses cornes un peu petites et spiralées (souvent absentes chez la femelle), et sa queue est fine et de longueur moyenne (El Bouyahaiaoui et al. 2005, tableau 6) (Figure 2 et 3).

Figure 2. Male d’un an de la race El Hamra

Brebis de la race El Hamra de Mechria
Brebis de la race El Hamra d’ El Bayadh
Figure 3. Deux types de brebis EL HAMRA

La race El Hamra est concurrencée dans son aire de prédilection en raison de sa meilleure rentabilité par le mouton Ouled Djellel dont on ignore l’époque de son introduction et qui serait située au début des années 60, selon les déclarations de plusieurs éleveurs. Le phénomène s’est accéléré à la fin des années 70. La disparition de la race El Hamra revient essentiellement aux politiques de subvention de l’orge, aliment de disette qui assure les besoins d’entretien durant les années de sècheresse et face à la dégradation des parcours.

De plus, l’esprit purement commercial des éleveurs a accentué la disparition de la culture et de la tradition de l’élevage de la race El Hamra. Afin de concurrencer le prix de la viande de la race Ouled Djellel, ces derniers ont baissé le prix de vente de viande de la race El Hamra sans prendre en considération la notion de qualité, ce qui a favorisé et encouragé l’abattage anarchique et excessif de la race ovine El Hamra. A l’ensemble de ces phénomènes, vient s’ajouter l’ouverture des marchés locaux aux produits importés (viandes congelées) qui sont proposés aux consommateurs à des prix très concurrentiels, ce qui entraîne un désintéressement économique de la viande fraîche par les couches à faible revenu. L’effectif de la race a été estimé à 55 800 têtes en 2013 (El Bouyahaiaoui et al 2015, tableau 6).

La race Hamra est proche des variétés Harcha et Tousint de la race "mouton des plateaux de l'Est" du Maroc décrite par Meyer (2016) et qui sont aussi en déclin. Elle en diffère par la présence peu fréquente de petites cornes chez les femelles et d’une laine tassée.

Performances d’engraissement

Durant l’ensemble de la période expérimentale, aucune mortalité n’a été enregistrée. Des diarrhées ont apparues au début de la phase d’adaptation sur une durée de trois jours dans le lot 100% de substitution. L’ensemble des animaux a été traité avec un antidiarrhéique commercial composé de bicarbonate de soude, de poudre de gousses de caroubier (Ceratonia siliquam L.) et de levure de bière.

La quantité ingérée durant l’expérimentation n’a pas varié significativement pour l’ensemble des lots (tableau 3). Les poids finaux ne sont significativement pas différents (<0,05). Le même résultat a été obtenu par Al-shanti et al (2012) qui ont constaté des différences non significatives des poids finaux pour une substitution de 100% de maïs par des rebus de dattes. Cependant, pour le lot 50%, le poids non significativement différent trouvé par ces auteurs par rapport au lot témoin ne correspond pas à notre résultat. Il semblerait qu’à forte dose de substitution (100%), l’effet des rebuts de dattes soit plus valorisé par un apport plus conséquent de sucres fermentescibles.

Tableau 3. Performances d’engraissement des agneaux Hamra en 2 mois en fonction du taux de substitution

0 %

50 %

100 %

ESM

P

Poids vif initial (kg)

38,5±0,86a

37,5±1,30a

38,4±2,54a

2,32

0,09

Poids vif final (kg)

52,6±2,03a

51,8±3,05a

52,4±0,12 a

1,80

0,05

Gain Moyen Quotidien (kg)

(0-1 mois)

0,80±0,027a

0,77±0,042b

0,75±0,022b

0,92

0,01

Gain Moyen Quotidien (kg)

(1-2 mois)

0,62±0,03a

0,55±0,06b

0,57±0,08ab

0,83

0,03

Gain Moyen Quotidien (kg)

(0-2 mois)

0,235±0,090a

0,238±0,100a

0,233±0,120a

0,89

0,02

Quantité ingérée (g/animal/jour)

894±54a

890±62a

892±48a

36,4

0,32

Indice de conversion (g MS/g)

10,6±0,9a

7,54±1,10b

7,19±1,60b

1,20

0,01

Sur une même ligne, les nombres suivis des mêmes exposants ne diffèrent pas significativement à P<0,05.

Le gain moyen quotidien entre 0 et 1 mois (GMQ 0-1mois) est significativement différent entre le lot témoin et les deux lots expérimentaux, les lots 50 et 100 pour cent étant non significatifs entre eux avec une valeur moyenne de 0,56 kg par jour et par animal. Les GMQ 1-2mois sont significativement différents avec une valeur intermédiaire pour le lot 100%. On ne constate aucune différence significative entre les lots pour les GMQ0-2mois.

Pour les indices de conversion, les lots 50 et 100% sont significativement non différents avec une meilleure expression que pour le lot témoin. Ces résultats sont en contradiction avec ceux rapportés par Al-shanti et al (2012). Il semblerait qu’il y ait un effet génétique (nature de la race) qui valoriserait mieux la substitution du maïs par les rebus de dattes. Selon Arbouche et Arbouche 2009, le palmier dattier peut fournir les deux formes alimentaires de bétail en même temps, comme fourrage grossier par les palmes sèches et les pédicelles de dattes, qui ont une composition chimique voisine de celle de la paille, avec une digestibilité de 38,5%. Selon Chehma, and Longo (2001), ces produits contiennent beaucoup de sucres cytoplasmiques qui sont facilement fermentescibles, provoquant une diminution du pH du rumen qui engendre un milieu défavorable au développement de la microflore.

Bilan économique

La différence de prix entre les régimes (4,0 à 7,9 DA/ kg) est nettement inférieure entre le lot témoin et les lots expérimentaux 50 et 100% de substitution du maïs par les rebuts de dattes (tableau 4). Il induit un net abaissement du prix de la viande de 7 à 21 DA / kg entre les lots. Comme l’a signalé Barreveld (1993), l’incorporation des rebuts de dattes dans le régime alimentaire des agneaux à l’engraissement apporte une amélioration des paramètres organoleptiques à travers la tendreté, la jutosité et la saveur.

Tableau 4. Coût économique des différentes rations

Témoin

Lot 50 %

Lot 100 %

Coût de 1 kg de concentré (D.A.)

31,5

27,5

23,6

Coût de 1 kg de viande (D.A.)

130

123

109

D.A.: Dinar Algérien


Conclusion


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Received 23 December 2015; Accepted 4 March 2016; Published 1 April 2016

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