Répartition et phénotype de la race ovine Bleue de Kabylie ou Tazegzawt (Algérie)

R El Bouyahiaoui¹, F Arbouche², F Ghozlane, F Moulla¹, B Belkheir¹, A Bentrioua³, H Hidra¹, H Mansouri¹, M IguerOuada⁴, A Bellahreche¹ et A Djaout¹

Ecole Nationale Supérieure Agronomique, ENSA ex. INA, Alger, Algérie
el.bouyahiaoui@gmail.com
¹ Institut National de la Recherche Agronomique d’Algérie, INRAA
² Université africaine Ahmed Draya d'Adrar, Algérie.
³ Centre National de l’Insémination Artificielle et de l’Amélioration Génétique, Algérie
⁴ Université Abderrahmane Mira, Bejaïa, Algérie

Résumé

Cette étude s’est intéressée à la répartition géographique, à l’origine et à la description morphométrique de la race ovine locale à petit effectif Bleue de Kabylie ou Tazegzawt. Elle a porté sur l’analyse conjointe de 9 caractères qualitatifs et 7 caractères quantitatifs de 45 individus dont 36 femelles et 9 mâles âgés de 2,9±0,9 ans (1 à 5 ans) répartis sur 6 communes. Toutefois, le poids vif moyen a été obtenu en pesant 34 animaux (8 mâles, 26 femelles) en station de recherche.

Les résultats montrent que l’effectif total est très réduit avec environ 300 têtes, une taille des troupeaux très limitée (9±2,3), et des contacts avec d’autres races. Le territoire est petit, compris entre Akbou et Bouzeguéne, dans les régions de Béjaia et Tizi-Ouzou, entre 250 et 1000 m d’altitude. La race est parfaitement adaptée aux zones montagneuses de Kabylie. Les productions de laine (blanche) et de viande sont recherchées par les éleveurs.

La peau est blanche, la queue fine et courte. La présence constante de pigmentations à la tête, de couleur noire à reflets bleuâtres brillants et des tâches bleues fréquentes sur la langue, la distingue. Elle a un gabarit remarquable (hauteur au garrot femelle 79,4 ± 4,3 cm, mâle 87,1 ± 5,5 cm et un poids vif femelle de 54,6 ± 3,9 kg et pour le mâle de 78,5 ± 12,3 kg). Les femelles sont les plus hautes de l’ensemble des femelles des autres races algériennes. Seuls, les mâles ont des cornes. Toutefois, les résultats ont mis en évidence entre les variables corporelles mesurées, des différences significatives entre certains paramètres morphologiques liés au sexe (p < 0,001) et à l’âge (p < 0,01). Les caractères les plus discriminants sont la hauteur au garrot, la hauteur à la croupe, la hauteur au dos, la longueur du corps et le tour du canon. Ces variables ne semblent pas être influencées par la localité.

Mots-clés: laine, morphologie, sexe, viande

Distribution and phenotype of the sheep breed Blue of Kabylia called "Tazegzawt" (Algeria)

Summary

This study looked at the geographic distribution, origin and morphometric description of the local sheep species designated "Tazegzawt". It focused on the joint analysis of qualitative characteristics and 7 quantitative characters of 45 individuals, including 36 females and 9 males aged 1 to 5 years over 6 municipalities. Average live weight was obtained by weighing 34 animals in the research station.

The results of the first evaluation of the state of the species show that this species of sheep has a very small population of several hundred heads with a very limited size of herds. It is located in a small area between Akbou and Bouzeguène, geographically similar to regions of Bejaia and Tizi-ouzou, between 250 and 1000 m altitude. It is perfectly suited to the mountainous areas of the region of Kabylia. Wool production (white) and meat are sought by breeders.

The skin is white, the tail is fine and short. The presence of pigmentation on the head, black with shiny bluish reflections and frequent blue spots on the tongue distinguishes it. The specie has a remarkable size (height at withers of females 79.4 ± 4.3 cm, of males 87.1 ± 5.5 cm ; male and female live weights 54.6 ± 3.9 kg and 78.5 ± 12,3 kg). The females are the greatest of all females of other Algerian breeds. Only the males have horns. However, the results showed differences between some morphological parameters related to gender and age. The most discriminating characteristics are the height at the withers, the height at the rump, back height, body length and around the chest. These variables do not appear to be influenced by the region.

Key-words: gender, meat, morpho-biometric, wool

Introduction

L’élevage des ovins, comme dans tous les pays du Maghreb, compte parmi les activités stratégiques les plus traditionnelles en Algérie. Il joue un rôle relativement important aussi bien dans l’économie agricole nationale que pour les éleveurs, offrant ainsi une réserve financière considérable. Son cheptel est constitué essentiellement de races locales rustiques réparties dans plusieurs régions du pays. La quasi-totalité de ces races sont inventoriées, caractérisées et standardisées (Ouled Djellal, Berbère, D’Man, Rembi, Hamra et Zoulay). C’est un élevage à double fin : viande et laine. On compte actuellement un cheptel ovin d’environ plus de 2 688 0000 têtes ovines (MADR 2013) qui assurent une production de viande rouge d’environ 60% de la production nationale totale.

Toutefois, certaines races ont vu leurs effectifs diminuer dramatiquement ces dernières années, notamment les races Hamra et Taadmit, de façon accentuée essentiellement par le phénomène d’extension de la race Ouled Djellal, la plus prisée par les éleveurs, en raison de ses qualités bouchères remarquables et sa bonne conformation. La plupart des races menacées ne bénéficient que de peu d’activité de conservation ou de gestion durable, et le rythme de leur disparition est en nette augmentation. Toutefois, il existe un autre type génétique à très faible effectif, signalé ces dernières années dans la région de la Kabylie (Tizi Ouzou et Bejaia), la Bleue de Kabylie, appelée communément par les éleveurs « Tazegzawt », ce qui signifie la couleur bleue en langue berbère. Il demeure à ce jour méconnu et ne figure même pas dans la nomenclature officielle des races ovines algériennes.

Selon notre propre perception de la situation sur le terrain, au travers des enquêtes que nous avons effectuées, sa pureté pourrait subir une altération, d’une part par des croisements anarchiques et par la menace de la consanguinité d’autre part. La conséquence en est une perte de variabilité génétique de la population au cours des générations (Verrier 1992) et une baisse des performances zootechniques (Wiener et Rouvier 2009).

Afin de mieux connaitre cette ressource génétique nationale en péril, nous avons procédé à sa géolocalisation et à sa caractérisation morphométrique en nous basant sur une large gamme de caractères mesurables et visuels.

Matériels et méthodes

Zone d’étude et animaux

L’étude a été menée dans la région de Bejaïa, située au nord est de l’Algérie entre - 36° 45' de latitude Nord et 5° 5' de longitude Est, durant une période de 3 années (de 2012 à 2014). Le choix de la zone est dicté par la présence des élevages de cette race. Au total 45 animaux adultes d’âge moyen de 2,89±0,87 ans, dont 36 femelles et 9 mâles répartis sur 6 communes ont fait l’objet de mesures et de description phénotypique. Les animaux ont été étudiés selon l'âge, le lieu et le sexe. Les classes d'âge (Tableau 1) ont été déterminées suivant la règle de Sturge (Scherrer 1984) :

NC = 1+ (3,3 log n) où n est le nombre total d’animaux et NC le nombre de classe. Au total, 6 classes ont été répertoriées avec un intervalle de 8 mois entre chaque classe.

Les animaux sont conduits en semi-bergerie. Durant la période hivernale, deux types de rations sont distribuées : le concentré commercial ou de l’orge avec du foin ou de la paille de blé. Par contre, durant les périodes printanière et estivale, ils bénéficient des pâtures (herbe de printemps), de jachère ou de pacage.

Localisation des exploitations d’élevage

L’étude de la répartition géographique des races fait ici partie intégrante de la caractérisation phénotypique (FAO 2013). Le géo-référencement des élevages a été réalisé sur le terrain à l’aide d’un GPS (Global Positionning System) différentiel (Garmin, Legend CX) qui offre une précision de 3 à 10 mètres (Decuq et al 1997). La réception des signaux émis d’au moins 4 satellites permet la localisation dans l'espace en 3 dimensions (longitude, latitude et altitude) de chaque exploitation d’élevage enquêtée. Les coordonnées géographiques sont exprimées en degré, minute et seconde.

Le positionnement des points acquis, une carte des élevages de la race « Tazegzawt » dans la zone d’étude a été faite par le bais d’un logiciel du Système d’Information Géographique (ArcGis 10.2 Développé par ESRI). Cette phase a permis d’obtenir une carte montrant la situation des élevages dans la région, sur un fond de carte communale Comgeo (INCT 2008).

Caractérisation morphométrique

Les variables et les caractères utilisés pour caractériser phénotypiquement cette espèce ovine sont ceux recommandés par la FAO (2013), mais inspirés également des travaux sur les races ovines algériennes (Chellig 1992 ; Benyoucef et al 1995 ; Djaout et al 2015) et à travers le monde (Desta 2009 ; Esquivelzeta et al 2011 ; Khaldi et al 2011 ; Ravimurugan et al 2012 ; Yakubu 2013). Les mesures morphométriques ont été effectuées à l’aide d’un ruban mètre et d’une canne- toise graduée.

Caractères qualitatifs ou ordinaux

Neuf caractères qualitatifs ont été étudiés pour comparer des groupes d’animaux de cette espèce ayant certaines caractéristiques phénotypiques en commun et d’autres différentes : la longueur de l'encolure (longue ou moyenne), la longueur des membres (longs ou moyens), la présence ou l’absence de pigmentations noires bleuâtres au niveau du paturon, la présence ou l’absence de tâches bleues au niveau de la langue, la présence ou l’absence des cornes chez le mâle, la présence ou l’absence de pendeloques, le tassé (laine fermée ou semi-fermée), le profil du chanfrein (busqué ou légèrement busqué) et la longueur de la queue (moyenne ou longue).

Une approche participative qui associe certains éleveurs a été adoptée pour déterminer les spécificités phénotypiques d’appartenance de l’animal à la race « Tazegzawt ».

Poids vif et caractères quantitatifs ou mesurables

Sept mensurations ont été réalisées pour la caractérisation phénotypique (Figure 1) : La longueur diagonale du corps (LDC), la hauteur au garrot (HG), la hauteur au dos (HD), la hauteur à la croupe (HC), le périmètre thoracique (PT), le tour du canon (TC) et la longueur de l'oreille (LO).

En raison de l’absence de moyens de pesée chez les éleveurs, les résultats du poids vif ont été obtenus chez 26 brebis et 8 béliers du troupeau expérimental de la station de recherche INRA Algérie à l’aide d’une bascule Marshall de portée 200±0,5 kg.

Figure 1. Position des mensurations corporelles effectuées

Traitements statistiques

Les données morphométriques ont été traitées en utilisant les statistiques descriptives à savoir les fréquences pour les variables qualitatives (type discontinu) et les valeurs pour les variables quantitatives (type continu).

Les différences observées au niveau des variables quantitatives ont été étudiées par le modèle linéaire suivant: Y_ijk =µ+ Lieu_i+ Sexe _j + Age_k + £_ijk

Avec y_ijk= les mensurations corporelles étudiées (LDC, HG, HD, HC, PT, TC, LO), µ = moyenne générale de la population; Lieu_i= effet du ième lieu (Akbou, Chellata, Akhnaq, Oued Ghir, Ighrem, Amizour); Sexe_j= effet du jème sexe (Mâle ou Femelle); Age_k= effet du kème âge ; et £_ijk= erreur résiduelle de moyenne = 0 et de variance constante. Une analyse de variance a été utilisée afin de déterminer la différence des paramètres étudiés chez les individus selon le sexe, l'âge et le lieu par le test de comparaison multiple "Newman–Keuls" à l’aide du logiciel d’analyse statistique SPSS (Statistical Packages for Social Sciences, Version 19).

Les variables quantitatives ont été traitées par l’analyse factorielle des correspondances principales (ACP) ; les variables qualitatives ont été traitées par l’analyse factorielle des correspondances multiples (AFCM) et la classification ascendante hiérarchique (CAH). Ces tests ont été utilisés grâce au logiciel SPSS afin de construire une typologie qui consiste à identifier des individus assez semblables entre eux pour présenter des caractéristiques communes quantitatives et qualitatives (longueur de l'encolure, longueur des membres, présence ou absence de pigmentations noires bleuâtres au niveau du paturon, présence ou absence de tâches au niveau de la langue, présence ou absence de cornes, présence ou absence de pendeloques, tassé, profil du chanfrein et longueur de la queue). Les moyennes et les écarts-types du poids vif ont été calculés avec le logiciel Excel 7.0.

Résultats

Répartition géographique et effectifs de l’espèce « Tazegzawt »

L’aire originale d’expansion est représentée principalement par deux wilayas (Départements) Béjaia et Tizi Ouzou, mais la grande concentration des effectifs est observée dans la zone d’Akbou et ses environs ; par ailleurs même certains agriculteurs l’appellent communément race d’Akbou (Hambli et Tazarat 2003). En dehors de cette localité, elle n’est présente qu’à un faible pourcentage.

Neuf exploitations ont été identifiées et détiennent chacune quelques têtes de la dite race. Une carte de répartition des élevages a pu être réalisée lors de cette étude ; la zone délimitée en rouge est considérée comme le cœur du « berceau d’origine » de la race « Tazegzawt » (figure 2). Les éleveurs sont présents généralement dans des zones montagneuses élevées, à proximité des agglomérations d’habitat.

Figure 2. Localisation géographique des éleveurs de la race « Tazegzawt »

C’est une race bien adaptée aux zones de montagnes, sur des pentes assez accentuées et fortes pouvant atteindre les 30%. L’étage bioclimatique se situe entre 250 et 1000 m d’altitude et compris entre 36° 27′ 27″ N et 36° 38′ 07″ N de latitude, 4° 30′ 11″ E et 4° 53′ 34″ E de longitude.

 La « Tazegzawt » est une race à petit effectif, ce qui résume l’essentiel des enjeux en matière de sa conservation. Son effectif a diminué à tel point qu’elle pourrait officiellement être considérée parmi les espèces en danger d’extinction en Algérie. On dénombre à peine 300 têtes. L’étude a confirmé qu’il est devenu rare de voir ces moutons paître dans les montagnes de la Kabylie. Suite aux enquêtes réalisées, il nous semble que des croisements anarchiques sont à l’origine de cette situation. La composition raciale de la majorité des élevages est hétérogène (elle est élevé avec d’autres races, rarement seule).

Les caractères qualitatifs

Les individus de cette race sont unicolores ; ils ont une peau blanchâtre avec des pigmentations noires à reflets bleuâtres autour des yeux, au niveau du museau et du lobe inférieur des oreilles. La tête est longue et allongée ; les yeux sont grands et légèrement exorbités, les oreilles sont longues et tombantes, la poitrine large et profonde bien marquée chez le mâle. La toison est blanche, elle couvre tout le corps de l’animal y compris la partie inférieure du cou et elle descend jusqu’aux jarrets (Figures 3a, 3b et 3c). Les femelles de la« Tazegzawt » sont toutes mottes. Les mâles peuvent avoir des cornes dont l’importance est variable.

Figure 3a. Brebis Tazegzawt	Figure 3b. Bélier Tazegzawt	Figure 3c. Agneau et agnelle Tazegzawt

L'analyse des variables étudiées chez les animaux de cette espèce montre que les deux axes factoriels 1 et 2 expriment respectivement 30% et 19% de l'inertie totale (Figue 4). L’inertie dans notre étude représente le degré de distinction entre les individus.

L’axe 1 exprime 30,10% de l’inertie, représentée par les variables suivantes : longueur des membres (longs ou moyens), longueur de l'encolure (moyenne ou longue), toison tassée (fermée ou semi-fermée) et le chanfrein (busqué ou légèrement busqué). 50% de ce groupe ont des cornes longues, annelées et enroulées en spirale.

L’axe 2 exprime 19% de l’inertie, représentée par les variables suivantes : la présence ou l’absence de cornes et de pendeloques, longueur de la queue (longue ou moyenne), présence ou absence de pigmentations noires à reflets bleuâtres au niveau du paturon, présence ou absence de tâches bleues au niveau de la langue.

Figure 4. Présentation des variables par ACM

Figure 5. Représentation graphique des groupes identifiés par AFCM

 L’analyse a permis de déterminer deux groupes (Figure 5). Le groupe 1 constitue 20% de la population. Les animaux de ce groupe sont caractérisés par une laine fermée, une encolure longue, des membres longs, la présence de pendeloques ou parfois de bourgeons de pampilles, les extrémités de couleur noire (Figure 6a) et des pigmentations au niveau du paturon (Figure 6b). Ils ont une queue longue et des tâches bleues au niveau de la langue (Figure 6c).

Le groupe 2 constitue 80% de la population. Les animaux de ce groupe sont caractérisés par une laine semi-fermée, une encolure de longueur moyenne, un chanfrein légèrement busqué. Ils ont des pendeloques et les mâles ont des cornes, mais 83,3% de ce groupe ont une queue longue et 72,2% ont des pigmentations au niveau de la partie antérieure de la langue. L’ensemble des animaux quelque soit le sexe ont des taches bleues sur la tête.

Figure 6a. Pendeloques	Figure 6b. Pigmentations noires au niveau du paturon	Figure 6c. Tâches bleues au niveau de la langue

Poids vif et mensurations corporelles

Les résultats montrent que les poids vifs des ovins « Tazegzawt » à l’âge adulte ont été de 78,55 ± 12,33kg et 54,60 ± 3,91kg pour les mâles et les femelles, respectivement (Tableau 2).

Les tableaux 3a et 3b présentent les valeurs des mensurations (moyennes et écarts-types) des animaux mâles et femelles adultes qui ont un âge moyen de 2,77 ± 1,30 an et 3,03 0,73 an, respectivement.

Le tableau 4 donne l'ensemble des résultats issus des différentes mensurations corporelles effectuées sur les animaux selon l'âge, la région et le sexe.

Une analyse en composante principale a été utilisée afin de regrouper les individus homogènes qui portent les mêmes caractères étudiés (la longueur du corps, la hauteur au garrot, le périmètre thoracique, le tour du canon et la longueur de l'oreille).

L'analyse des paramètres étudiés montre que les deux axes présentent respectivement 55,76% et 14,75% de l'inertie totale. Le premier axe est représenté par les variables suivantes : HG, HD, HC, TC, PT et LDC, alors que le deuxième axe représenté par LO (Figure 7). Cette analyse permet de faire ressortir trois groupes (Tableau 5).

Figure 7. Présentation des variables par ACP

Il ressort du tableau 5 que le premier groupe est constitué par des animaux longilignes avec une longueur du corps de 100±7 cm en moyenne, hauts sur patte avec une hauteur au garrot de 91±4cm ; ils ont un périmètre thoracique et un tour du canon plus importants que ceux des autres groupes.

Les animaux des deuxième et troisième groupes ont une longueur de corps, une longueur des oreilles et un périmètre du canon similaires, mais les animaux du 3ème groupe sont plut hauts sur pattes avec un périmètre thoracique supérieur par rapport aux animaux du 2ème groupe.

Figure 8. Représentation graphique des groupes identifiés par ACP

La figure 8 représente graphiquement les groupes identifiés par ACP.

Discussion

Les particularités phénotypiques qui caractérisent la « Tazegzawt » sont : la présence de pigmentations noires avec reflets bleuâtres autour des yeux, au niveau du museau et au niveau du lobe inférieur des oreilles, l’encolure de longueur moyenne ; les membres sont nus, de longueur moyenne avec de bons aplombs ; la toison est semi-fermée, la queue est fine, longue et s’arrête au jarret (environ 30 cm de longueur). Le profil et le chanfrein sont busqués chez les mâles, légèrement busqués chez les femelles. Cette description est comparable à celle réalisée par Hambli et Tazarat (2003). L’autre spécificité observée chez la majorité des sujets est la présence de tâches bleues au niveau de la partie antérieure de la langue (89%) ; Hambli et Tazarat (2003) ont observé ce caractère chez 90 % du troupeau.

Néanmoins, l’étude des caractères qualitatifs a permis de déterminer une variabilité morphologique concernant les pendeloques, les pigmentations noires au niveau du paturon et la présence des cornes chez les mâles. Bien que la présence de pendeloques dans la région du cou chez les ovins soit un critère esthétique, ce caractère n’apparaît que chez 64% du troupeau, alors que les tâches noires au niveau du paturon et parfois au niveau du genou et du jarret sont présentes chez seulement 19 % du troupeau. Ces caractères pourraient être récessifs et doivent être vérifiés sur un échantillon plus important pour mettre en évidence cette hypothèse. Cependant et paradoxalement, le caractère présence de pendeloques chez la race ovine laitière Sarde d’Italie semble être déterminé par un gène autosomal dominant à pénétrance totale ou subtotale (Casu et al 1970). En revanche, nous constatons dans notre échantillon un rapprochement des proportions concernant les béliers cornus et non cornus (44% vs 56 %, respectivement).

Cette étude a aussi révélé que le poids vif moyen est nettement supérieur à celui estimé par Moula et al (2013) en utilisant des équations barymétriques (46,71 kg et 40,72 kg pour le mâle et la femelle, respectivement) mais se rapproche relativement de celui d’autres races locales Ouled Djellal (60,9 ± 4,3 kg chez les femelles (Dekhili et Aggoun 2013)), Rembi (78,69±14,00 kg chez les mâles et 51,37±9,80 kg chez les femelles (Djaout et al 2015) et Hamra (71 kg chez les mâles et 40 kg chez les femelles (Benyoucef et al 1999).

L’examen des données recueillies sur l'ensemble des mesures linéaires effectuées indiquent que les moutons dit «Tazegzawt » ont un grand gabarit. La taille moyenne au garrot chez la brebis est de 79±5 cm et 87± 6 cm chez le bélier. Cette taille dépasse celle des principales races ovines locales algériennes, notamment celle de la race Ouled Djellal, la plus répandue en Algérie et considérée comme haute sur patte (74 et 82 cm chez la brebis et le bélier, respectivement (IANOR 2007)). Les valeurs de la longueur moyenne du corps (LDC) et du périmètre thoracique (TC) sont également en dessus de celles des races Ouled Djellal, Hamra et Rembi (67 cm, 70 cm et 76 cm chez la brebis et 84 cm, 71cm et 81cm chez le bélier, respectivement (Chellig 1992)). Cette conformation du corps indique de bonnes aptitudes bouchères de cette race. La longueur moyenne des oreilles est relativement importante (19,29±1,66 cm), elle peut atteindre une valeur maximale de 23 cm.

Toutefois, l’analyse de la répartition des mensurations corporelles en fonction des classes d’âge révèle des différences significatives exceptées pour la longueur des oreilles (LO) qui peut être expliqué par la croissance corporelle de l’animal en fonction de l’âge.

De nos résultats, il ressort aussi que les mesures biométriques des individus étudiés varient avec le sexe. On observe des différences significatives entre le mâle et la femelle pour les caractères HG, HC, HD et TC. Par contre, les variables PT et LO n’ont pas un effet discriminant entre les deux sexes.

D’après les résultats de l’analyse de variance, nous constatons que le facteur « lieu» n’a pas eu un effet significatif hormis sur deux paramètres biométriques (HC et LO). Les variables quantitatives sont presque les mêmes au niveau des 6 communes étudiées, ce qui indique qu’il existe une homogénéité entre les troupeaux dans la région d’origine de la Tazegzawt.

A travers le tableau 6, il ressort que les femelles «Tazegzawt » sont les plus grandes femelles ovines des races algériennes.

Une analyse moléculaire est indispensable pour une caractérisation rigoureuse de la diversité génétique intra espèce suite à l’apparition dans cette étude de groupes d’individus avec des caractères qualitatifs peu différents.

Conclusion

• La race Bleue de Kabylie ou « Tazegzawt » est un ovin typique de la montagne et de la vallée de la Soummam, parfaitement adapté aux conditions naturelles de la région. Elle présente d’excellentes caractéristiques morphologiques et de rusticité remarquables qui la distinguent nettement d’autres races ovines algériennes.
  
  
• Néanmoins, cette race autochtone en danger d’extinction, mérite d’être classée comme prioritaire dans la liste des races à préserver en Algérie. Très bien adaptée à sa région, elle peut représenter, dans certains cas, un potentiel de développement économique important pour sa région d’origine (la Kabylie) et assurer ainsi une subsistance et un revenu aux communautés rurales. En outre, elle contribue à l’enrichissement de la diversité du patrimoine génétique ovin national.
  
  
• Cette étude préliminaire sur la caractérisation phénotypique mérite être poursuivie par une connaissance des aptitudes zootechniques et de caractérisation génétique moléculaire afin de pouvoir élaborer une première base de données nationale qui aboutira, enfin, à mettre en place un standard de la race Tazegzawt.

Remerciements

Au terme de ce travail, nous tenons à exprimer vivement nos remerciements avec une profonde gratitude à toutes les personnes qui ont contribué de près ou de loin à sa réalisation. Cette étude a été financée par le MESRS (Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche/PNR projet 1/CRA02/3066).

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Received 10 July 2015; Accepted 20 July 2015; Published 1 October 2015

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