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Bilan anions-cations des rations distribuées dans des élevages bovins laitiers du nord-est de l’Algérie

L Merdaci et M Chemmam1

Université Chadly Bendjedid El-tarf, Faculté des sciences de la nature et de la vie, Département des sciences vétérinaires, Algérie
mabrouk.chemmam@yahoo.fr
1 Université 8 Mai 1945 Guelma, Faculté des sciences de la nature et de la vie et des sciences de la terre et de l’univers, Algérie

Résumé

L’équilibre ionique des rations et son impact sur l’état de santé et les performances zootechniques a fait l’objet de nombreuses études. Pour en tenir compte dans le rationnement, son évaluation préalable est nécessaire. L’objectif de ce travail a été de quantifier l'équilibre acido-basique des aliments et des régimes distribués aux vaches laitières dans différents élevages laitiers du nord-est algérien. La gamme utilisée est composée d’aliments grossiers : le trèfle d’Alexandrie (bersim), le sorgho, l’orge, le mélange vesce-avoine, les pailles de céréales et l’orge en grain. Les aliments ont été pesés 1 fois par semaine. Le dosage des minéraux à été effectué. Le bilan électrolytique alimentaire (BEA) est estimé à partir de l’équation BEA = Na + K - Cl, exprimé en mEq / kg-1 de matière sèche de la ration totale. Les teneurs en ions forts des aliments étudiés sont relativement élevées, de 1,9±0,42 % à 3,37±0,67 % et 0,2±0,01 à 1±0,04% ; respectivement pour K+ et Na+. Les BE des fourrages ont varié avec la forme d’utilisation de +114±13 pour l’orge à +776±151 en mEq / kg-1 de MS pour l’ensilage de sorgho. D’où les bilans des rations courantes des vaches taries à base de pailles de céréales (+400±110 mEq / kg-1 de MS) et à base de foin (+504±65 mEq / kg-1 de MS), sans l’apport de concentré et les bilans des rations de bases courantes distribuées aux vaches en lactation qui s’étalent entre 481±71 et 688±168 en mEq / kg-1 de MS. Le bilan électrolytique est fortement influencé par la teneur élevée en K+, or la plupart des sols du Nord algérien sont riches en cet élément. L’élevage laitier étant concentré dans le nord du pays, il faudra envisager de produire ces fourrages dans les terres intérieures et/ou d’en changer.

Mots-clés: Bilan électrolyte, fourrage, Na+, K+, Cl-



Anion-cation balance of diets fed to milking cows in North-East Algeria

Abstract

The ionic balance of the rations and its impact on the zootechnical health status and performances was the object of many studies. To take account in rationing of it, its preliminary evaluation is necessary. The objective of this work was to quantify the acido-basic balance of food and the modes distributed to the dairy cows in various dairy breedings of the Algerian North-East. The range used is made up of coarse food: the Egyptian clover (bersim), sorghum for the green and the ensilage, barley in green, the tare-oats mixture for the hay and the ensilage, straws of cereals and barley in grain for the concentrate. The estimate of the average quantities of food at summer realized 1 time per week by weightings. The proportioning of minerals at summer carried out by the classical methods of analysis. The dietary electrolytic balance (DEB) is estimated starting from equation (DEB)=Na + K - Cl, expressed in dry matter mEq / kg-1 of the total ration. The contents of strongions of studied food are relatively high, 1,9±0,42 vs 3,37±0,67 % and 0.2±0,01 vs 1±0,04 %; respectively for K+ and Na+. The FE of fodder varied with the form of use +114±13 for the straw at +776±151 mEq/kg-1 of DM for ensilage of sorghum. Balances of the current rations of the cows dried up containing cereal straws (+400±110 mEq / kg-1 of DM) and containing hay (+504±65 mEq / kg-1 of DM), without the contribution of concentrate. The balances of the current rations distributed to the cows in lactation are spread out between +481±71 and +688±168 mEq / kg-1 of DM. The dietary electrolytic balance is strongly influenced by the highly content of K+, out most grounds in the north of Algerian are rich in this element. The dairy breeding being concentrated in the north of the country, it will be necessary to plan to produce fodder in the grounds of interiors regions.

Key words: Electrolyte balance, fodder, Na+, K+, Cl-


Introduction

Dans la région de Guelma, au nord-est de l’Algérie, l’élevage des vaches laitières ne cesse d’être encouragé. Cependant l’alimentation reste basée sur des fourrages classiques. L’équilibre ionique des rations a un impact sur l’état de santé et les performances zootechniques. Pour en tenir compte dans le rationnement, son évaluation préalable est nécessaire.

 

Des travaux récents ont montré que la modulation de l’équilibre ionique des rations peut être un facteur d’optimisation des performances des ruminants laitiers (Apper-Bossard et al, 2004, Peyraud et apper-Bossard, 2006 ; Sauvant et Peyraud, 2010). Il existe plusieurs équations pour évaluer l’équilibre ionique des aliments, les plus couramment utilisées sont le bilan électrolytique alimentaire (BEA) = Na + K - Cl et le bilan alimentaire «cations anions» (BACA) = (Na + K) - (Cl + S), les deux s’exprimant en mEq/kg-1 de matière sèche de la ration totale.

 

Pour les fourrages qui sont la principale source d’apports en ions forts, Meschy et Peyraud ont publié en 2004 une table des valeurs du BACA et du BEA des principaux fourrages tempérés sous forme de vert, d’ensilage ou de foin.

 

Pour les fourrages produits dans la région d’étude, il ne semble pas qu’à ce jour ces valeurs soient connues et c’est pourquoi il nous a paru utile de les déterminer.

 

L’objectif de ce travail a été de quantifier l'équilibre acido-basique des aliments et des rations distribués aux vaches laitières dans différents élevages laitiers du nord-est algérien.


Matériels et méthodes

Aliments

 

La gamme utilisée dans le rationnement est composée d’aliments grossiers : le trèfle d’Alexandrie (bersim, Trifolium alexandrinum) et le sorgho pour le vert et l’ensilage, l’orge en vert, le mélange vesce-avoine pour le foin et l’ensilage, les pailles de céréales et l’orge en grain concassé et le son de blé pour les concentrés.

 

Les échantillons des différents types d’aliments ont été prélevés dans plusieurs zones. Dans trois élevages laitiers, nous avons suivi les différentes périodes alimentaires et estimé les quantités moyennes d’aliments distribués, une fois par semaine, par des pesées.

 

Nous avons considéré comme période alimentaire le temps défini par la distribution des mêmes aliments de base, autrement dit la durée pendant laquelle les vaches reçoivent la même ration collective.

 

L’estimation des quantités moyennes d’aliments composant chaque ration type a été faite à partir des mesures et pesées effectuées sur les quantités totales distribuées pendant chaque période et de l’effectif des vaches.

 

Analyses

 

Sur des échantillons représentatifs de chaque aliment, nous avons dosé les concentrations en Na+, K+ et Cl- par les méthodes d’analyses classiques. La détermination de la matière sèche des échantillons de fourrage moulus a été faite par la méthode à chaud à 105 oC   pendant 16 heures sur 2 g d’échantillon (Miller, 1998a).

 

Pour chaque élément apparaissant dans l’équation du BEA et à au moins tous les 5 échantillons, un échantillon a été analysé une deuxième fois. Si la variation entre les deux analyses était supérieure à 10 % pour le sodium (Na) ou supérieure à 5 % pour le K et le Cl, l’analyse de l’élément considéré était répétée pour les 5 échantillons concernés et la moyenne des deux analyses a été prise en compte.

 

L’extraction du Na a été réalisée par calcination à chaud sur 0,5 g d’échantillon. Les cendres ont ensuite été récupérées et mises en solution dans 10 ml d’acide chlorhydrique (HCl 1 N) et 40 ml d'eau déminéralisée. Cette méthode de minéralisation par voie sèche est une adaptation de Miller (1998b). Le Na a été dosé par spectrométrie d'émission atomique avec un appareil d’absorption atomique.

La minéralisation pour extraire les quantités totales de K, des tissus végétaux s’est faite par digestion acide d’après la méthode originale de Isaac et Johnson (1976). Un échantillon de 0,1 g était utilisé. Le dosage du Cl a été effectué par chromatographie ionique.

 

Le bilan électrolytique alimentaire des aliments et des rations a été calculé à partir des résultats en mg / g de matière sèche en utilisant l’équation BEA = Na + K - Cl, exprimé en mÉq / kg-1 MS.


Résultats et discussion

La production de lait moyenne varie entre 10±2 et 23±3 kg par jour de lactation.  Dans cette étude des éléments influents sur la teneur des fourrages en ions forts comme la zone géographique et l’apport de fertilisants n’ont pas été considérés.

 

Les teneurs en ions forts des aliments analysés (Tableau 1) sont variables et relativement élevées : de 5,6 à 33,7 g / kg-1 de MS et de 0,2 à 1 g / kg de MS ; respectivement pour K+ et Na+. Les BEA des fourrages ont varié avec la forme d’utilisation +114 mEq / kg-1 pour l’orge en grains à +776 mEq / kg-1 de MS pour le sorgho en vert, ce qui est en adéquation avec la tendance des résultats rapportés par Meschy et Peyraud, 2004).

 

Les bilans des rations de bases courantes distribuées aux vaches en lactation (Tableau 2) s’étalent entre +481 au printemps et +688 en mEq / kg-1 de MS en hiver. Les bilans des rations des vaches taries à base de pailles de céréales (+400 mEq / kg-1 de MS) et à base de foin de vesce-avoine (+504 mEq / kg-1 de MS), sont positifs, ce qui expose fortement ces dernières aux risques d’accidents vitulaires lors du vêlage suivant, en particulier dans les élevages où les problèmes de fécondité sont fréquents, ce qui rallonge les durées de tarissement.

 

Le bilan électrolytique est très influencé par la teneur en K+, or la plupart des sols du nord algérien sont riches en cet élément. La teneur en Na+peut être due au fait que la majorité des prélèvements ont été effectués dans des zones situées dans la bande des 100 km par rapport à la mer. Le foin et les pailles sont conservés généralement sur des périodes excédant une année. Les proportions du mélange vesce-avoine sont respectivement, 40 % de vesce / 60 % d’avoine pour le foin et 20 % de vesce / 80 % d’avoine pour l’ensilage. Ces données doivent être prises en considération. L’élevage laitier étant concentré dans le nord du pays, il faudra envisager de produire des fourrages pauvres en ions forts dans les terres intérieures.

Tableau 1. Concentrations en minéraux des aliments utilisés dans le rationnement en g / kg de MS et bilan électrolytique alimentaire en mEq / kg-1 de matière sèche

Type de fourrage

n

Na+

K+

Cl-

BEA

Ensilage de vesce-avoine

6

0,7±0,3

30,6±4,4

5,0±1,0

670±97

Foin de vesce-avoine

12

0,8±0,2

25,3±3,1

6,2±0,8

504±65

Paille

18

1,0±0,4

19,0±4,2

4,5±0,5

400±110

Sorgho en vert

3

0,4±0,1

33,7±6,4

3,6±0,6

776±151

Sorgho ensilage

3

0,3±0,1

25,7±4,9

4,2±0,6

550±112

Trèfle en vert

4

1,0±0,4

23,7±3,8

6,5±0,5

463±100

Orge en vert

5

0,2±0,1

33,6±6,2

5,6±0,6

707±146

Orge en grain

15

0,2±0,1

5,6±0,8

1,3±0,4

114±13


Tableau 2. Concentrations en minéraux des régimes de base distribués aux vaches en lactation au cours de l'année en g/kg de MS et bilan électrolytique alimentaire en mEq / kg-1 de matière sèche, sans l'apport complémentaire d'aliments concentrés

Rations types distribuées aux vaches en lactation

Na+

K+

Cl-

BEA

Janvier-Février

Trèfle en vert

Ensilage de sorgho

Foin de vesce-avoine

 

0,7±0,8

 

30,9±6,2

 

4,7±0,9

 

688±168

Mars-juin

Trèfle en vert

Foin de vesce-avoine

 

0,6±0,1

 

23,5±3,5

 

5,2±0,8

 

481±71

Juillet-Septembre

Sorgho en vert

Foin de vesce-avoine

 

0,4±0,1

 

27,6±4,4

 

3,7±0,7

 

619±97

Octobre-Décembre

Ensilage de vesce-avoine

Foin de vesce-avoine

 

0,5±0,2

 

29,0±4,8

 

4,6±0,6

 

634±127

Les régimes proposés aux vaches taries ont des valeurs de BEA supérieures à +200 mEq / kg de matière sèche ou plus (+ 504 et + 400 mEq / kg-1 de matière sèche, Tableau 3). Il faudrait d'abord envisager de modifier le régime des vaches taries et leur servir des fourrages à faible teneur en potassium. La réduction de la prise alimentaire avant la mise bas peut créer des problèmes plus graves que la fièvre du lait, comme le déplacement de la caillette et la cétose. Pour contrôler efficacement la fièvre du lait et la carence en calcium dans le sang, le BEA devrait se situer entre - 100 mEq / kg-1 et - 200 mEq / kg-1 de matière sèche dans un régime de transition.

Tableau 3. Concentrations en minéraux des régimes de base distribués aux vaches taries en g/kg de MS et bilan électrolytique alimentaire en mEq / kg-1 de matière sèche, sans l'apport complémentaire d'aliments concentrés

Aliments

Na+

K+

Cl-

BEA

Foin de vesce-avoine

1,0±0,4

19,0±4,2

4,5±0,5

400±110

Paille

0,8±0,2

25,3±3,1

6,2±0,8

504±65

D'après les résultats d'Apper-Brossard et al, 2009, l’accroissement du BE de la ration accroit fortement la matière sèche ingérée (MSI) ; la relation est curvilinéaire, l’effet du BE étant surtout important lorsqu’il s’accroit depuis des valeurs négatives vers des valeurs légèrement positives. Ainsi, l’accroissement du BE de -200 à +100 mEq / kg MS s’accompagne d’un accroissement de la MSI de 4,7 kg chez la vache. L’ingestion maximale est obtenue pour un BE de la ration égal à +600 mEq / kg de MSI chez les vaches en milieu lactation. Dans les cas étudiés l’accroissement existe (tableau 4) mais, il se fait à partir de valeurs positives induites par les rations distribuées au cours du tarissement (tableau 3 et 4), en plus tout dépend de la date du vêlage par rapport aux périodes alimentaires (tableau 2).

Tableau 4. Performances moyennes des vaches en lactation pour une durée moyenne de 290± 26 jours

Stade physiologique

n

MSI (kg)

PL (kg)

TP (%)

TB (%)

Début de lactation

78

13±3

15±2

3,0±0,2

3,8±0,3

Milieu de lactation

86

17±3

23±3

2,5±0,2

3,2±0,3

Fin de lactation

58

14±1

10±2

2,8±0,1

3,5±0,1


Conclusion


Références

Apper-Bossard E, PeyraudJ L et Dourmad J Y 2009 : Effet du bilan électrolytique de la ration sur l’équilibre acido-basique et les performances zootechniques des animaux domestiques à fort niveau de production INRA Prod. Anim., 22 (2), 117-130 http://www6.inra.fr/productions-animales/content/download/3211/32274/version/1/file/Prod_Anim_2009_22_2_05.pdf 

Apper-Bossard E et Peyraud J L 2004 : Effet du bilan électrolytique sur l’ingestion et la production de lait des vaches laitières : approche bibliographique Renc. Rech. Ruminants, 11 266 http://www.journees3r.fr/IMG/pdf/2004_alimentation_10_Apper.pdf 

Isaac A R and Johnson W C 1976 : Determination of total nitrogen in plant tissue using a block digestion J AOAC 59-98-100 

Meschy F et Peyraud J L 2004:  Teneurs en ions forts des fourrages et calcul de la valeur de leur bilan alimentaire cations anions et de leur bilan électrolytique Renc. Rech. Ruminants, 11, 255-258 http://www.journees3r.fr/IMG/pdf/2004_alimentation_02_Meschy.pdf 

Miller R O 1998a: Determination of dry matter content of plant tissue. Dans: Hand book of reference methods for plant analysis. Yash P. Kalra (Ed.). Soil and Plant Analysis Council, CRC Press, Boca Raton, USA.51-52. 

Miller R O 1998b: High temperature oxidation. Dans: Hand book of reference methods for plant analysis. Yash P. Kalra (Ed.). Soil and Plant Analysis Council, CRC Press, BocaRaton USA. 53-61 

Peyraud J L et Apper-Bossard E 2006 : L’acidose latente chez la vache laitière. INRA Prod. Anim., 19 (2), 79-92 http://www6.inra.fr/productions-animales/content/download/3497/36072/version/2/file/Prod_Anim_2006_19_2_03.pdf 

Sauvant D et Peyraud J L 2010 :  Calculs de ration et évaluation du risque d’acidose INRA Prod. Anim., 23 (4), 333-342 http://www6.inra.fr/productions-animales/content/download/3223/32318/version/1/file/Prod_Anim_2010_23_4_03.pdf


Received 25 November 2014; Accepted 2 December 2014; Published 1 January 2015

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