Effets de l’incorporation de drèches d’orges locaux dans la ration sur la croissance de poulets de chair (Algérie)

Y Arbouche, H S Arbouche, F Arbouche, R Arbouche et A Mennani

Laboratoire Agriculture et fonctionnement des écosystèmes Université d’El Tarf
36000, Algérie.
yas.arbouche@yahoo.fr

Résumé

L’objectif de cette étude a été de déterminer les effets de l’incorporation de drèches d’orges locales dans la ration alimentaire sur les performances de croissance de poulets de chair. Au total, 250 poussins de souche F15 âgés de 1 jour ont été répartis en 5 groupes de 50 en fonction du taux de substitution du maïs par la drèche d’orge locale (0 %, 10%, 20 %, 30% et 40 %) pendant 48 jours.

Aucun cas de mortalité n’a été observé quel que soit le groupe. Les poids vifs, les gains moyens pondéraux, et les ingérés alimentaires ont été significativement diminués et de façon proportionnelle à la quantité de drèche d’orge incorporée durant les phases de démarrage (J1 à J20), de croissance (J21 à J33) et de finition (J34 à J48) pour des taux de substitutions de 30 % et 40 % alors que l’indice de consommation a significativement augmenté. Pour un taux de substitution de 20 %, ces paramètres n’ont pas été significativement altérés et ils ont connu une amélioration pour le taux de substitution de 10%. Ces résultats montrent que la drèche d’orge de variété locale incorporée dans la ration à 30 % ou plus retarde significativement les performances de croissance des poulets, et ce en raison du taux élevé de cellulose brute.

Mots - clés: croissance pondérale, drèche de brasserie, indice de consommation, maïs

Effect of the incorporation of brewers' grains on growth performance of broilers

Summary

The study aimed to evaluate the effects of brewers' grains incorporated to the broiler diets on growth performance. A total of 250 one day old F15 broiler chickens was randomly divided into 5 equal groups according to the substitution rate of maize with brewers' grains (0%, 10%, 20%, 30% and 40%) for 48 days.

No mortality was observed in any groups. The feed conversion was poorer, and the body weights, weight gains and feed intakes were  diminished proportionally to the substitution rates in birds receiving diets substituted with 30% or 40% brewers' grains during starting, growing and finishing periods. For a substitution rate of 20%, the parameters were not significantly altered while there was an improvement with a rate of substitution of 10%. These results show that the incorporation of brewers' grains beyond 20% into broiler diets delays growth probably because of the high crude fiber.

Keywords: Algeria, barley, byproducts, feed efficiency, maize, mortality

Introduction

Les rations destinées aux monogastriques notamment aux volailles, sont essentiellement composées de tourteaux de soja et de maïs qui sont des matières premières totalement importées par l’Algérie. Leur substitution par des matières premières locales ou leurs coproduits, constituerait une des alternatives intéressantes pour réduire le coup de revient des productions animales et la préservation de leur potentiel génétique (Arbouche 2012, Boudouma et Berchiche 2010). L’emploi des coproduits de variétés d’orges locales dans les formules alimentaires du poulet de chair aura pour avantage la réduction de l’importation du maïs et la valorisation de produits locaux.

Plusieurs auteurs s’accordent à dire que la valeur nutritive des drèches de distillerie ou de brasserie, est fonction du procédé de fabrication (Jie et al 2013, Cozannet et al 2011, Jacela et al 2010, Pahm et al 2009) et s’ils sont conditionnés en sec, du processus de séchage qui impliquerait des réactions de Maillard plus ou moins importantes, entraînant des compositions chimiques diverses. En Algérie, les matières premières pouvant être utilisées en brasserie sont essentiellement les orges de variétés locales (Tichedrett et Saida) dont la composition chimique moyenne est différente de celles de leurs homologues européens (Arbouche 2008, 2012). Les drèches qu’elles engendrent sont surtout utilisés pour l’alimentation des ruminants notamment pour la production laitière avec un impact économique conséquent. Pour la volaille dont l’alimentation est constituée d’une ration unique, son impact sur la substitution du maïs est à déterminer et demeurera certes partiel à cause du taux élevé en cellulose brute. Cependant, quel que soit le niveau de substitution atteint, il ne sera que bénéfique sur le prix de revient, vu que le maïs est importé dans sa totalité.

Matériels et méthodes

Animaux, régimes alimentaire et protocole expérimental

Notre expérimentation s’est déroulée au niveau de la coopérative avicole de la wilaya d’EL TARF, au cours des mois de juin et juillet 2013. Cette période était caractérisée par une température moyenne de 28°C et un taux d’hygrométrie moyen de 76%.

Deux cent cinquante poussins d’un jour; de souche HUBBARD F15, pesant en moyenne 45 g, ont été répartis en cinq parquets homogènes d’une surface de 5 m² chacun et constitué de 50 sujets chacun, dans un bâtiment fermé avec ventilation statique. La litière était constituée de sciure de bois. La drèche de brasserie constituée d’orge, provenait de l’unité de fabrication de la bière de la wilaya de Annaba. Le séchage a été effectué par exposition à l’air libre et au soleil afin d’éviter les inconvénients signalés par Fritzch et Abadjieff (1977) lors de leur distribution en frais. La composition chimique des drèches de brasserie a été déterminée par la méthode de l’AOAC (1990) avec une répétitivité de 3 (Tableau 1).

Les analyses ont porté sur la matière sèche, la matière azotée totale, la cellulose brute, la matière grasse et la matière minérale. L’énergie brute a été déterminée par calorimétrie adiabatique. Cinq rations iso énergétiques ont été conçues, contenant 0% (aliment témoin), 10, 20, 30, et 40% de drèche de brasserie en substitution au maïs durant les différentes phases d’élevage (Tableau 2).

Durant les dix premiers jours, l’éclairage continu a été maintenu dans le poulailler puis a été réduit à 18 h de durée diurne pour 6 h nocturne. Une température variant entre 36 et 38°C a été maintenue durant les dix premiers jours grâce à des éleveuses à gaz. L’eau et l’aliment ont été distribués ad libitum. Les poulets ont été vaccinés contre la maladie de Newcastle et la bronchite infectieuse au cinquième et vingt quatrième jours d’élevage et contre la maladie de Gumboro à 123 et 128 jours d’âge ; un anticoccidien a été administré par voix buccale à 15 et 28 jours durant 3 jours successifs.

Les animaux ont été individuellement pesés à 10 et 20 jours d’âge durant la phase démarrage, à 33 jours et à 42 et 48 jours d’âge pendant la phase finition. Pendant toute la phase d’élevage, l’aliment a été distribué à volonté et le refus pesé quotidiennement. Le taux de mortalité à été recueilli tous les jours sur l’ensemble de l’expérimentation.

Analyses statistiques

La statistique descriptive et l’analyse de variance du modèle linaire général univarié, ont été effectuées avec le logiciel SPSS (version 18, 2008) pour l’analyse du poids vif (PV), du gain de poids quotidien (GMQ), de l’ingéré alimentaire et de l’indice de consommation (IC). Le modèle linaire général a été utilisé pour tester les effets des facteurs sur les variables, le test post Hoc par l’application du test S.N.K (Student-Newman-Keules) et Duncan, pour estimer la signification ou l’homogénéité entre les différentes sous ensembles (test de comparaison entre les moyennes). Les différences ont été considérées comme significatives avec un risque d’erreur de 5 %.

Résultats

Durant toute la période expérimentale, aucune mortalité n’a été enregistrée pour l’ensemble des lots. Durant la phase de démarrage (Tableau 3), on a noté un poids significativement supérieur pour le lot 10% avec 294 g à 10 jours et 579 g à 20j (P<0,005) ; le lot contrôle présentant un poids de 283 g à 10 jours et 565g à 20 jours identique au lot 20%. La vitesse de croissance exprimée par le GMQ (gain moyen quotidien), suit cette évolution entre 1 et 10 jours (27,71g pour le lot 10) mais pas pour la période entre 10 et 20 jours où les vitesses de croissance sont identiques pour les lots 0% ; 10% et 20% à P<0,005. Les lots 30% et 40% de substitution du maïs par des drèches de brasserie ont eu des poids et des vitesses de croissance significativement moins importants durant cette phase. Le lot 10% est resté dominant par rapport aux lots 0%, 20%, 30% et 40% durant l’ensemble de cette phase.

Durant la phase de croissance, les lots 0%, 10% et 20% présentent des poids et des vitesses de croissance identiques à p<0,005. Les lots 30% et 40% ont des poids et des vitesses de croissance moins performants.

Durant la phase de finition, les poids à 48 jours et les gains moyens quotidien entre 34 et 48 jours (GMQ g/jour/sujet) sont similaires (p<0,05) pour les lots 0%, 10% et 20%. Les lots 30% et 40% ayant des poids et des GMQ inférieurs. Le GMQ sur l’ensemble de la période expérimentale (0-48 jours) est identique à p<0,05 pour les lots 0%, 10% et 20%.

Les ingérés alimentaires entre 1 et 10 jours et entre 11 et 20 jours sont significativement inférieurs (p<0,05) pour le lot de substitution à 10% du maïs par la drèche de brasserie (Tableau 4). Pour les mêmes périodes, les lots 0% et 20% ont des ingérés alimentaires similaires à p<0,05. Les périodes de 21 à 33 jours et de 34 à 48 jours sont caractérisées par des similitudes de l’ingéré alimentaire pour les lots 0%, 10% et 20%. Durant les phases de démarrage, croissance et finition, les lots 30% et 40% ont eu des ingérés alimentaires bien supérieurs aux lots 0%, 10% et 20%.

Au même titre que les ingérés, le meilleur indice de consommation est à attribuer au lot 10% de substitution du maïs par la drèche de brasserie et ceci pour toutes les périodes d’élevage. De même que, les lots 0% et 20% se voient attribuer des indices de consommation identiques (p<0,05) pour l’ensemble des périodes. Les lots 30% et 40% ont des indices de consommation supérieurs aux lots 0%, 10% et 20%.

Discussion

Au travers de cette étude, il est intéressant de constater que l’incorporation de drèche de brasserie en remplacement partiel du maïs, induit chez le poulet de chair un retard de la croissance pondérale ainsi qu’une diminution de l’ingéré alimentaire et une altération de la conversion alimentaire pour des quantités ajoutées de 30% et 40%.

Il apparaît également que les jeunes poussins (en phase de démarrage) se sont révélés moins sensibles à l’addition de 10% de drèche de brasserie dans la ration, un taux de substitution de 20 % n’entraînant pas des effets significatifs sur les performances mesurées dans les 20 premiers jours. En phase croissance et finition, les sujets ne présentent pas de sensibilité aux taux de substitution de 10% et 20% en drèches de brasserie comme le souligne Metayer et al (2009), Branckaert (1967) et Branckaert et Vallerand (1970). Plusieurs auteurs ont signalé une utilisation des drèches d’orge à des niveaux très faibles de l’ordre de 5 et 10 % (Goto et al 1974; Eldred et al 1975).

Les lots 30% et 40% ont répondu négativement aux performances zootechniques de par le taux de cellulose brute élevé comme le soulignent Morrison (1956),  Borgioli (1962), Simmons (1965) et Ademosson (1973).

Pour les ingérés alimentaires et l’indice de consommation, les taux de substitution de 10% et 20% n’ont pas entrainé de chute de l’ingestion et une augmentation de l’indice de consommation contrairement à Metayer et al (2009) qui constatent une baisse de ces paramètres à partir d’un taux de substitution de 5%. Skiba et al (2009) constatent une dégradation de l’indice de consommation des poulets pour un taux d’incorporation de 15% de drèches, et de 20% pour Bouvarel et al (2009).

Conclusion

• L’utilisation de drèche d’orges locaux peut entrer jusqu’à 20 % en substitution du maïs dans les formules alimentaires du poulet de chair. A 30% et au-delà, les performances de croissance des poulets chutent.

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Received 13 August 2014; Accepted 19 September 2014; Published 3 October 2014

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