Livestock Research for Rural Development 23 (9) 2011 | Notes to Authors | LRRD Newsletter | Citation of this paper |
L’approche méthodologique utilisée pour examiner le fonctionnement du marché des ovins est basée sur l’étude de la structure du marché, l’analyse du comportement commercial des différents opérateurs économiques, et enfin l’évolution de la performance économique du marché (Structure –Comportement - Performance).
Les principaux résultats dégagés révèlent une infrastructure modeste et un délabrement du marché, une multitude d’acteurs entrainant la confrontation d’une offre régionale avec une demande inter régionale. La quantité de la production ovine acheminée vers d’autres régions importatrices concerne 99 % de la production locale.
Les résultats obtenus témoignent aussi, de l’existence d’un manque de transparence qui s’opère au niveau du souk et concerne surtout l’information sur les prix ainsi que le poids des animaux. Enfin, l’analyse de la performance du marché, à travers l’examen des marges commerciales des acteurs, a révélé une répartition inégale des gains entre les différents acteurs au profit des maquignons.
Mots clés: Algérie, commercialisation, coûts et marges, ovins viande, pastoralisme
The methodological approach used in this study to examine the functioning of the sheep market was based on the study of market structure, analysis of commercial market behavior of individual traders, and finally the evolution of the market economic performance (Structure- Conduct - Performance). The main results released show a modest and dilapidated infrastructure market, a multitude of actors leading to a confrontation with a regional supply interrégional demand.
The main results released have shown a modest and dilapidated infrastructure market, a multitude of actors leading to a confrontation with a régional supply with an interrégional demand.
The amount of sheep production directed to other importing régions concern actually 99% of the local production.
The obtained results have also shown that there is a lack in transparency that occurs at the market area and relates particularly to information on prices and on the weight of the animals.
Finally, analysis of the market performance, through the examination of trade margins actors, has revealed an unequal distribution of gains between the different actors in favor of jobbers.
Keywords: Algeria, marketing, costs and margins, sheep meat, pastoralism
Les prévisions récentes établies par la FAO et l’OCDE indiquent que la consommation mondiale de viande ovine est appelée à augmenter à l’horizon 2017 (Pouch T 2008).
En Algérie, le secteur de l’élevage, notamment l’élevage ovin, occupe une place stratégique dans l’économie agricole du pays, et ce en raison de son poids économique et de ses implications et impacts sur l’emploi, l’environnement et les systèmes de production (Boutonnet 2003). La wilaya de Tiaret, zone ciblée par notre étude, est une zone mixte haute plaine/steppe mais où la région steppique domine avec 2/3 de la superficie totale de la wilaya, et où l’élevage ovin constitue la principale activité et la principale source de revenu et de subsistance pour les éleveurs de la région, option encouragée par l’existence d’un marché à bestiaux d’envergure nationale dans la commune de Sougueur. En effet, la wilaya de Tiaret occupe la troisième place en matière d’effectif avec 4,55% du cheptel national après Djelfa et El-Bayad (MADR 2006 cité par Belhouadjeb 2009).
L’objectif principal de cette étude est d’apporter des éléments de réponse à la question principale suivante : Quelles sont les contraintes du système de commercialisation des ovins dans la région de Sougueur ? La réponse à cette question suppose l’identification des différents acteurs du marché ainsi que l’analyse des comportements de ces agents économiques et de leur impact sur les performances du marché.
A cette fin, l’accent est mis sur :
L’étude de la structure du marché des ovins à travers l’analyse des différents circuits de commercialisation et de la concurrence existante.
L’analyse du comportement commercial des différents opérateurs économiques intervenant au niveau du marché des ovins.
L’évaluation de la performance économique du marché en analysant la formation des prix et des marges bénéficiaires tout au long des circuits de commercialisation.
Le choix de la région de Sougueur se justifie par le fait que celle-ci est une zone à fort potentiel de production d’ovins ; elle jouit également du fait d’abriter un marché à bestiaux d’envergure nationale, en matière de transit et de commercialisation d’ovins, au même titre que les marchés de Djelfa, de Sidi-Bel-Abbès, et d’El Harrach. En effet, l'effectif des ovins présents sur ce marché est estimé entre 6000 à 8000 têtes par jour de souk (samedi), il est également fréquenté par des clients de tout le pays.
L’approche théorique utilisée pour analyser le système de commercialisation des ovins au niveau de la région de Sougueur est basée sur le modèle « Structure –Comportement - Performance » (S.C.P.). Cette approche a été développée par l’école de l’Organisation Industrielle, dans un but d’application sur les marchés dans les pays industrialisés (Bain, 1968 ; Gsanger, 1975 ; Clodius et Muller, 1968 : cité par CFSDA 1994). Sa mise en œuvre pour l’étude de la commercialisation des produits agricoles dans les pays en voie de développement a donné des résultats intéressants (CFSDA 1994). Comme son nom l’indique, l’approche « S.C.P » met en évidence trois composantes principales qui sont : la Structure, les Comportements et la Performance.
La structure est l’édification ou bien l’organisation d’un marché avec ses lieux de commerce et ses différents stades de commercialisation qui déterminent ou qui sont déterminés par les relations et les interactions entre les acteurs. Quant au comportement commercial, il se définit par toutes les activités et mesures qui sont entreprises par les acteurs. Enfin, la performance est définie comme étant le succès résultant du comportement des acteurs sur le marché (CFSDA 1994).
Selon Gsanger (cité par CFSDA 1994), les éléments de l’approche S.C.P sont liés par des relations causales à doubles sens. Ces éléments sont approchés par des indicateurs d’analyse comme le montre la figure ci-après :
Figure 1. Eléments de l’approche S.C.P (Source CFSDA 1994) |
Dans cette approche, la structure et le comportement peuvent être analysés directement, contrairement à la performance qu’on ne peut examiner qu’indirectement par les prix.
L’enquête a été menée sur deux sites où les divers acteurs de la commercialisation des ovins sont présents, à savoir : le Souk et l’abattoir. Le troisième site où l’on peut éventuellement rencontrer les acteurs est l’exploitation ou la ferme, mais la fréquentation de ce lieu n’est pas aussi importante que les deux autres.
La population mère ciblée par l’étude est constituée par tous les acteurs intervenant aux différents maillons de la chaîne commerciale des ovins. Il s’agit des éleveurs, des intermédiaires et des bouchers.
La méthode de sélection des éleveurs est basée sur un sondage stratifié en raison de l’hétérogénéité de la population des éleveurs. Les strates ainsi obtenues sont fonction de la taille du cheptel, du type d’élevage (nomade, sédentaire ou mixte) et de leur répartition géographique.
Il faut noter que dans la région de Sougueur il y a quelques 1000 éleveurs dont 20% ont des troupeaux de moins de 100 têtes et sont donc considérés comme petits éleveurs et ne sont pas concernés par notre enquête. Plus de 50% des éleveurs possèdent des troupeaux de tailles variant entre 100 et 300 têtes, alors que 4% des éleveurs de la région détiennent plus de 600 têtes. Le reste constitue la strate de 300 à 600 têtes.
Sur les 800 éleveurs qui constituent la population mère, 35 sont des nomades, 365 mixtes et 400éleveurs sont sédentaires. L’échantillon enquêté se trouve, en fait dans le groupe des sédentaires vu la facilité de leur suivi. En effet, sur les 400 éleveurs nous en avons pris 60 dont 5 propriétaires de plus de 600 têtes, 25 possédant un troupeau de taille 300-600 et 30 éleveurs ayant un troupeau de taille 100-300 têtes.
La région de Sougueur étant constituée de quatre communes, Sougueur, Feidja, Si abdelghani et Tousnina. La commune de Feidja est à 100% steppe est donc l’échantillon des gros éleveurs y appartienne (les 5 éleveurs enquêtés possèdent entre 600 et 4000 têtes). Tousnina est une zone mixte, haute plaines/steppe et les deux autres communes sont totalement hautes plaines. Les 55 éleveurs qui restent de l’échantillon sont répartis comme suit 25, 15 et 15 respectivement sur ces trois communes.
Le choix des maquignons est fait sur la base d’un sondage aléatoire au niveau du souk, celui des bouchers est basé sur la capacité d’abattage et de stockage. Ainsi, nous n’avons pris que les bouchers qui ont un registre de commerce et une boucherie bien équipée en présentoir et armoire de stockage.
En effet, nous avons réalisé des entretiens avec 60éleveurs, soit 15% de la population totale, 22 maquignons, soit à peu près 18% du chiffre estimé de ces derniers et 18 bouchers soit 50% du total des bouchers de la zone urbaine de Sougueur.
NB: En raison de l'absence du chiffre réel des intermédiaires intervenant dans la région il est difficile de déterminer le taux enquêté de maquignons. Néanmoins, quelques 120 maquignons fréquentent quotidiennement le marché de Sougueur, mais en période de l‘aïd elkébir ce chiffre peut atteindre les 200 voire plus.
L’enquête, d’une durée de plus d’une année (septembre 2008 à décembre 2009) a été conduite à l’aide de questionnaires et d’entretiens semi directifs. Trois types de questionnaires ont été établis et adaptés aux particularités de l’activité de chaque acteur ; chaque questionnaire est constitué de plusieurs parties à savoir : identification de l’acteur, caractérisation de son activité, structure du marché, stratégie de vente et d’achat, comportement commercial, performance du marché et contraintes liées à la commercialisation des ovins. Pour ce qui est du suivi des prix sur le souk, au cours d'une journée les prix des ovins peuvent fluctuer en fonction de l'offre et de la demande, notamment quand le marché est bien animé tel qu’en période de fête. A cet effet, un relevé des prix de vente ou d'achat est effectué à chaque fois qu'une transaction est conclue. Cependant, ce prix n'est pas toujours ce que souhaitait l'acteur (éleveur ou maquignon). En effet, notre enquête sur le marché de Sougueur nous a permis de déterminer la rationalité de la transaction qui se déduisait de la différence entre le prix souhaité et le prix perçu.
La structure du marché étant la première composante de l’analyse, l’accent est mis principalement sur trois paramètres qui caractérisent la structure du marché des ovins et de la viande ovine et qui sont : les lieux de commerce, les circuits spécifiques des systèmes de distribution et le degré de la transparence du marché.
L’insuffisance de la couverture du réseau routier et l’éloignement des lieux de production du marché à bestiaux dans la région de Sougueur, mettent les éleveurs en difficulté pour se rendre au souk.
En effet, de notre enquête, il ressort que 95%, 100% et 90% respectivement des éleveurs, des maquignons et des bouchers jugent moyen à mauvais l’état du réseau routier ; ils jugent également la couverture du réseau insuffisante par rapport à l’étendue de la zone. Le marché de Sougueur, d’une superficie de 10 ha, souffre d’une infrastructure défaillante (manque d’aménagement et ensablement de l’enceinte du souk, manque d’eau d’abreuvement du bétail et non électrification. Quant à la tuerie de Sougueur, cette dernière ne dispose ni de clôture ni de chambre froide. Les animaux sont ramenés du souk passent directement à l’abattage (photos 1et 2) ; les carcasses ne pouvant pas être conservées, sont distribuées immédiatement aux bouchers après le contrôle vétérinaire, et sont transportées par des camionnettes.
Photo 1. Abattage des ovins | Photo 2. Dépouillement des animaux |
La gestion du marché à bestiaux et de la tuerie est confiée à la commune. La fonction de perception est concédée aux enchères à une personne privée.
Le pourcentage des abattages clandestins est estimé à environ 50% surtout dans les régions rurales et peut même atteindre 75% de l’abattage total pendant la fête de l'Aïd el Kébir.
Le poids moyen des carcasses (13kg/Tête) (DSA Tiaret 2009) est quasiment stable durant les dix années pour lesquelles les données sont disponibles (2000 à 2009) ; les animaux abattus sont généralement des agneaux ou des antenais.
Pour ce qui est du niveau des prix, le mécanisme de formation des prix des ovins s’opère à l’échelle du marché. Le marché de Sougueur est un marché de collecte et les prix qui s’y forment sont des prix d’offre, en général inférieurs à la moyenne nationale. L’analyse de l’attitude des acteurs de la filière ovine vis-à-vis du système des prix fait ressortir que 90% des éleveurs ne sont pas satisfaits des prix de vente pratiqués au niveau du souk. En effet, ils estiment que les charges engagées en matière d’aliments concentrés sont de plus en plus importantes et les prix perçus ne couvrent guère les coûts de production.
En ce qui concerne l’information sur les prix, il s’avère que les éleveurs sont relativement moins bien informés que les maquignons et les bouchers (Tab 1). Cependant, tous ces acteurs s’entendent sur le fait que les écarts entre les prix maximum et minimum enregistrés au cours de l’année sont importants.
Tableau 1. Degré d’information des acteurs sur les variations des prix des ovins au cours de l’année, en pourcentage par rapport au total. |
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Information sur les prix |
Eleveurs |
Maquignons |
Bouchers |
Disposant d’information |
80% |
100% |
90% |
Ne disposant pas d’information |
20% |
0% |
10% |
Ecarts entre les prix au cours de l’année Faibles |
2% |
3% |
0% |
Moyens |
13% |
8% |
25% |
Importants |
85% |
89% |
75% |
Source : Enquête 2008/2009. |
Système de distribution: Le système de commercialisation des ovins englobe plusieurs types de circuits particuliers. Tenant compte de la particularité du marché des ovins durant la période de la fête de l’Aïd el Kébir, on distingue deux schémas de commercialisation différents (Hors et au cours de la période de l'Aïd el Kébir) (Dalil 1997). Fig. 2 et 3.
Figure 2. Circuit de commercialisation des ovins hors période de l’Aïd el Kébir à Sougueur |
Où 1 : Vente éleveur/boucher, c’est le circuit court ;
2 : vente éleveur/maquignon, puis maquignon/boucher, c’est le circuit long ;
3 : vente éleveur/consommateur, c’est le circuit très court.
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Durant la période de l’Aïd, la commercialisation des ovins connaît à la fois une augmentation du volume transitant par le souk de Sougueur et une diversité des circuits de distribution. Ceci se traduit par une multitude d’intervenants et surtout par la présence massive d’intermédiaires venus d’autres régions.
En effet, durant cette période, l’effectif des ovins présents sur le marché est estimé à plus de 10000 têtes par jour de souk (le samedi), alors qu’en dehors de cette période de pointe, c’est juste la moitié de cet effectif qui fait l’objet de transactions chaque semaine.
Le souk de Sougueur se distingue par la forte présence de maquignons de la région et d’autres régions qui font leurs transactions sur place. Ce marché représente un carrefour de commercialisation entre les régions du Sud et celles du Nord du pays.
La transparence du marché est le degré d’information des participants au marché sur les critères importants pour leurs décisions en matière de commercialisation (Schubert, 1983 cité par CFSDA, 1994). Les besoins en information sont spécifiques à chaque type d’acheteurs. En effet, les éleveurs ont davantage besoin de données sur les prix des animaux sur pied et leur évolution au cours de l’année, tandisque les maquignons cherchent à s'informer sur l'évolution des prix au niveau des souks locaux et régionaux, en plus de la connaissance du poids vif et du poids de la carcasse des ovins. Quant aux bouchers, leurs besoins en information sont multiples : prix des ovins, prix de la viande, poids et qualité. Les outils ou critères indiqués pour assurer une transparence suffisante du marché ovin dans la région de Sougueur sont la fréquentation des souks par les différents acteurs, leur degré d'information sur l'évolution jounalière et annuelle des prix, les différences et les normes relatives au poids vif et à la qualité des animaux échangés.
Sur les marchés se confrontent différents opérateurs : éleveurs, maquignons, bouchers et consommateurs. Les uns et les autres, pour satisfaire leurs propres objectifs, développent des stratégies en fonction de leurs moyens financiers, de transport et d’engraissement. Un rapport de force s'établit entre ces intervenants et conditionne leurs gains et/ou leurs pertes. Ce rapport de force dépend de leur statut social, de leur pouvoir d'action dans l'espace et dans le temps et des moyens financiers mobilisés lors de l'échange.
A cet effet, l'analyse du comportement commercial des acteurs de la filière ovine se fait à travers l'étude des quatre principales étapes de la transaction commerciale, à savoir, la pré négociation, la négociation, le transfert de propriété et la post négociation.
Les résultats de notre enquête révèlent que 80% de l'échantillon des éleveurs déterminent le nombre d'ovins à commercialiser en fonction de leurs besoins de trésorerie. Cependant, 20% de l'échantillon rapportent le nombre d'animaux en transaction à la situation des prix prévalant sur les souks. Pour ce qui est des maquignons, la quasi-totalité détermine le volume à proposer à l'échange en fonction des prévisions faites sur la situation des prix au niveau du marché. Enfin, pour 76% des bouchers de l'échantillon, l'achat d'animaux est opportun en cas de prix bas.
Pour ce qui est du paiement, après avoir conclu l'accord sur le prix d'achat ou de vente, la totalité des acteurs paient en espèces, jamais par chèque. 10% des éleveurs et 18% des maquignons font des ventes à crédit, à des maquignons ou des bouchers qu'ils connaissent, pour une durée allant d'une à deux semaines.
67% des bouchers affirment pouvoir faire des achats à crédit auprès des éleveurs ou des maquignons de la région, le délai ne pouvant, cependant, dépasser une semaine.
Pour le transfert des animaux vers le souk, la tuerie et/ou la boucherie, notre enquête montre que 85% des éleveurs, 73% des maquignons et 100% des bouchers ne possèdent pas de moyens propres de transport et font recours à la location de camions ou de camionnettes.
C'est une évaluation des marges bénéficiaires. Pour cela, nous nous sommes basés sur les prix d'achat et de vente déclarés par les opérateurs lors des entretiens, les coûts de production engagés dans l'activité et les charges de commercialisation (Tab 2).
Tableau 2. Niveaux des marges brutes et nettes dégagées par les éleveurs : |
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Catégorie d’âge |
Prix de vente DA/tête (102) |
Coûts de Production (DA/tête) (102) |
Marge commerciale brute DA/tête (102) |
Marge commerciale nette DA/tête (102) |
Agneaux |
50.0 |
22.5 |
27.5 |
26.5 |
Agnelle |
48.0 |
22.5 |
25.5 |
24.5 |
Antenais |
75.0 |
52.5 |
22.5 |
21.5 |
Antenaises |
65.0 |
50.0 |
15.5 |
14.0 |
Béliers |
98.0 |
69.0 |
29.0 |
28.0 |
Brebis |
68.0 |
67.5 |
50.0 |
-0.05 |
Prix moyen |
67.3 |
47.3 |
20.0 |
19.0 |
Ecart type |
16.7 |
18.9 |
8.4 |
13.4 |
Source : nos enquêtes et nos calculs, 2008/2009. |
La marge commerciale nette est obtenue en soustrayant les coûts de commercialisation de la marge commerciale brute. Les coûts de commercialisation des ovins pour les éleveurs sont constitués des taxes d’entrée aux souks et des charges de transport.
Comme la taxe d’entrée au souk est de 60 DA/tête et le coût du transport de 40 DA/tête, le coût de commercialisation pour les éleveurs de notre échantillon est de 100 DA/tête. La marge commerciale nette des éleveurs est donc évaluée à 1900 DA/tête.
Dans l’élevage ovin, la marge de l’éleveur est augmentée des recettes tirées de la vente de la laine après la tonte au printemps, à raison de 1,70 kg/tête et à un prix moyen de 100 DA/Kg de laine dont il faut, cependant, déduire le coût de la tonte qui s’élève à 30 DA/tête. D’autre part, le jour de la tonte, l’éleveur doit sacrifier un ovin parce que tous les voisins mangent chez lui du couscous et de la viande selon une tradition de la région. C’est donc une charge supplémentaire qui représentera environ 8000 à 10 000 DA selon la bête abattue, généralement une brebis réformée ou, à défaut, un agneau de lait. Un simple calcul montre qu’un petit éleveur (avec un effectif de 100 têtes) ne tire qu’une marge supplémentaire de 4000 DA de la vente de la laine des 100 têtes. Les produits sont constitués de la vente de la laine, soit 1700Da /100têtes. Les charges constituées de 3000Da frais de tonte et 1000Da prix de la brebis abattue. Cela fait un total de charges de 13000Da qu’on doit ôter des produits ça donne une marge de 4000Da/100têtes
Par ailleurs, il faudrait tenir compte de deux produits supplémentaires issus de l’élevage : le lait et le beurre. Pour déterminer la production laitière, on a pris comme base 20% de l’effectif des brebis pour une moyenne de 0,6 l/tête sur une durée de 150 jours/an. Si la quantité de lait produite est limitée et reste destinée à un usage familial, le beurre conservé peut être vendu et son prix atteint 800 à 1200 DA/kg. Un petit éleveur pourra vendre au minimum 5kg de beurre/an à raison de 1000 DA/kg en moyenne, ce qui fera une recette additionnelle de 5000 DA/an pour les 100 têtes.
De ce fait, le calcul de la marge totale d’un éleveur fait ressortir un gain de 40DA/tête/an pour la laine et un gain de 50 DA/tête/an pour le beurre en plus des 1900DA/tête provenant de la vente des ovins. Cela donne une marge totale de 1990 DA/tête/an. Il faut noter que les excréments qui forment un fumier de bonne qualité pour l’agriculture sont d’une importance non négligeable. On obtient une moyenne de 1,5 m3 de fumier (soit 18 brouettes) pour 20 têtes pendant une durée de un mois soit 0,9m3/tête/an. Cette quantité peut servir comme fumier pour une superficie de 0,03 ha de maraîchage ou pour une superficie de 0,05 ha de céréaliculture. Le prix d’une tonne de fumier est de 250 DA environ. La recette espérée de la vente du fumier est d'environ 22,5DA/tête/an, ce montant étant très faible n'a pas été compté dans le calcul. Il faut noter que les prix utilisés dans le calcul des marges sont à prendre avec précaution puisqu’ils peuvent être plus bas pendant certaines périodes de l’année (beaucoup d’herbe sur parcours) comme ils peuvent être plus élevés (sécheresse et maladies). Le coût de la commercialisation étant très faible par rapport à la charge brute des éleveurs, les marges dégagées de l’activité de l’élevage ovin sont donc tributaires des prix de vente au niveau des souks ainsi que des coûts de production et non pas des coûts de commercialisation.
Tableau 3. Marges commerciales brutes et nettes des maquignons |
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Catégorie d’âge |
Prix moyen de vente (DA/tête) (102) |
Prix moyen d’achat (DA/tête) (102) |
Coût moyen D’engraissement (DA/tête) (102) |
Marge commerciale brute (DA/tête) (102) |
Marge commerciale nette (DA/tête) (102) |
Agneaux |
110.0 |
50.0 |
19.6 |
40.4 |
39.4 |
Agnelle |
100.0 |
48.0 |
19.6 |
32.4 |
31.4 |
Antenais |
160.0 |
75.0 |
35.3 |
49.7 |
48.7 |
Antenaises |
130.0 |
65.0 |
35.3 |
29.7 |
28.7 |
Béliers |
120.0 |
68.0 |
47.2 |
48.0 |
38.0 |
Brebis |
180.0 |
98.0 |
47.2 |
34.8 |
33.8 |
Moyenne |
133.3 |
67.3 |
34.0 |
31.9 |
30.9 |
Source : Nos enquêtes, 2008/2009 |
La marge commerciale nette des maquignons est obtenue en soustrayant les charges de commercialisation de la marge commerciale brute (Tab 3). Ces charges sont constituées du coût du transport des ovins vers le marché et de la taxe d’entrée. Elles sont évaluées à 100 DA/tête au maximum puisque les maquignons qui habitent la commune de Sougueur amènent leurs animaux au souk sans avoir recours à un moyen de transport.
De ce fait, la marge commerciale nette est d’environ 3100 DA/tête. Les coûts de transport représentent à peu près 3% de la marge commerciale nette des maquignons. Cependant, ces coûts peuvent être très élevés si la vente se fait dans d’autres souks à des distances importantes qui engendrent des coûts de transport et des frais de séjour aussi importants (cas de l’Aïd el Kébir).
La marge commerciale des bouchers est influencée par le rendement carcasse qui est de 48 à 50 % du poids vif de l’animal ; elle est surtout influencée par les prix des moutons sur le souk. La chose la plus évidente est qu’une source importante de revenus supplémentaire est la vente du 5e quartier : les abats et la tête.
Lors de nos entretiens avec les différents acteurs de la commercialisation des ovins et de la viande ovine, nous avons appris que la totalité des bouchers mélangent quelques morceaux de viande caprine avec la viande ovine et qu’ils vendent les carcasses juste après l’abattage sans respect du temps nécessaire pour la rigidité cadavérique ; il peut y avoir des erreurs sur le poids qui peuvent aller jusqu’à 300 gr/kg de carcasse. Par ailleurs, tous les bouchers de notre échantillon reconnaissent le recours à l’abattage clandestin pour pouvoir faire une marge, sinon, selon eux la rentabilité dans cette activité est nulle.
Pour calculer la marge nette d’un boucher, on se base sur la méthode de calcul ou de fixation du prix de vente du kilogramme de viande ovine pratiqué par les bouchers dans notre zone d’étude. En effet, ils prennent pour base le prix d’achat de l’animal sur pied, auquel ils ajoutent les frais de déplacement du souk à l’abattoir, le droit d’abattage et les frais de transport de la carcasse à la boucherie. Le montant obtenu est divisé par le poids carcasse de l’animal plus une marge de 50 DA/kg .Cela donnera le prix de vente de la viande. Cependant, tous les bouchers de notre échantillon ne vendent pas plus d’un ovin par jour en moyenne. Alors, si nous prenons le poids moyen de carcasse d’un ovin abattu à la tuerie de Sougueur de 13kg, avec une marge de 50 DA/kg, le boucher en question réalisera une marge de 650 DA/jour. Or, ses dépenses sont de l’ordre de 812 DA/jour.
Par ailleurs ce boucher vend pendant cette journée une tête de mouton au prix moyen de 300 DA, une peau au prix de 150 DA et des abats complets avec foie et cœur à un prix moyen de 1350 DA, ce qui fera une marge brute de 1800 DA/jour. En ajoutant la marge gagnée sur la vente de la viande et en retranchant les dépenses, le boucher fera une marge nette d’environ 1640 DA/tête. Cela montre que le boucher fait bien sa marge bénéficiaire sur le 5ème quartier, sinon il vendrait à perte.
A partir de nos résultats il s'avère que le marché des ovins dans la région de Sougueur souffre d’un certain nombre de contraintes relatives à l’infrastructure de commercialisation, au système de distribution et au degré de transparence du marché.
L’état dégradé et l’insuffisance de la couverture du réseau routier par rapport à l’étendue de la région constituent une entrave au développement de la commercialisation des ovins au niveau de la région de Sougueur. De plus, en dépit d’un fort potentiel de production, le marché de Sougueur présente une infrastructure défaillante. Cette défaillance est apparente également dans la « tuerie » de la région qui est caractérisée par un sous équipement et un manque d’hygiène. (photos 3 et 4).
Photo 3. Les ovins transportés dans des camionnettes | Photo 4. Les abats transportés vers les boucheries |
La commercialisation des ovins emprunte une multitude de circuits de distribution et par conséquent fait appel à un nombre d’opérateurs économiques très important ce qui crée les conditions propices à une spéculation très accentuée. Par ailleurs, le marché des ovins à Sougueur est caractérisé par un manque de transparence sur certains indicateurs de la filière, à savoir les variations des prix, l’estimation de la qualité et du poids des ovins.
Le circuit court, par contre, est relativement simple : les ovins restent dans la région et il n’y a pas trop d’intermédiaires. Ce circuit concerne surtout les animaux d’engraissement et de reproduction.
A l’exception des bouchers, les autres acteurs n’ont pas exprimé le souhait d’une amélioration de la situation actuelle concernant la transparence du marché selon les critères décrits. Ce qui laisse supposer que cette inexactitude de l’estimation du poids et de (la qualité) n’est pas toujours à l’origine de pertes alors qu’elle rend possible des marges plus grandes en faveur des éleveurs qui vendent des lots d’ovins de différentes qualités.
Enfin, les barrières limitant l’accès au marché sont constituées des taxes d’entrée au souk, des taxes d’abattage et des coûts de transport des ovins et de la viande ovine. Pour la taxe d’entrée au souk, les réponses des acteurs révèlent que cette taxe est raisonnable en cas de bonne campagne agricole, alors qu’en cas de sécheresse elle doit être réajustée. Les autres (taxes) coûts sont considérés comme raisonnables.
L'analyse du comportement commercial faite à travers l'étude des quatre étapes de la transaction à savoir : pré – négociation, négociation, transfert de propriété et post-négociation, a révélé que les stratégies des acteurs au niveau du marché des ovins dépendent étroitement de leurs moyens financiers. En conséquence, le comportement commercial diffère d'un type d'acteur à un autre et au sein d’une même catégorie d'opérateurs économiques. Comme l'étude le montre, le comportement de vente est orienté par les besoins de liquidité pour 86% des éleveurs et par la situation des prix pour 98% des maquignons. Cet état de fait implique une différence entre les acteurs en termes de pouvoir de négociation.
En effet, les maquignons sont bien informés par rapport à leurs besoins commerciaux. Ils connaissent les souks de la région, les prix y prévalant ainsi que la valeur qualitative et quantitative des animaux. Ils choisissent les souks selon les opportunités ; le transport est disponible et, relativement, à bas prix. Les éleveurs quant à eux vendent vite dés que l'occasion se présente et que le prix offert correspond au prix souhaité. Ils ne cherchent pas le prix maximum et s'accommodent d'une éventuelle diminution de leur marge. La rationalité économique des éleveurs est fonction de leur capacité économique. Plus l'éleveur est petit et plus grande est son aversion envers le risque.
On a pu observer à travers cette étude que des ovins sont achetés à bon marché à l'entrée du souk. Il s'agit d'une stratégie des intermédiaires sur place qui achètent les moutons directement aux éleveurs pour les revendre avec un bénéfice aux autres intermédiaires ou aux bouchers. Selon les informations recueillies, ces intermédiaires font normalement deux à trois transactions par jour, et de ce fait la fluctuation des prix facilite la spéculation pour certains maquignons et engendre des manques à gagner pour les producteurs. Ce sont généralement les maquignons opportunistes, ils achètent des lots d’animaux à l’entrée du souk avant même que le bétail soit descendu du camion qui le transporte. Le prix est très bas ; ces maquignons payent la taxe d’entrée au souk et même les frais de manutention pour faire descendre le cheptel du camion mais en contrepartie en font une marge importante en cédant les ovins à d’autres acteurs (éleveurs ou maquignons). Ils peuvent cependant, faire d’autres transactions tant que le marché est animé et que les éleveurs vendent rapidement.
Pour le transfert de propriété, le règlement des transactions se fait le plus souvent en espèces et au comptant, rarement par crédit dont l'échéance ne dépasse alors pas deux semaines.
Les résultats dégagés révèlent que les marges commerciales brutes et nettes moyennes sont estimées à 2000, 3100 et 1640 DA/tête respectivement pour les éleveurs, les maquignons et les bouchers. Ces marges dépendent, entre autres, des charges de production et des prix de vente des ovins, qui varient d’une campagne agricole à une autre en fonction de la pluviométrie. Les résultats obtenus confirment le poids important des conditions climatiques dans la formation des marges des différents acteurs de la commercialisation.
A la différence des maquignons et encore plus des bouchers, la marge bénéficiaire nette des éleveurs est étroitement liée à l’acte productif puisqu’elle provient de l’agneau, de la laine, du lait et de ses dérivés et, enfin, du fumier.
Si le cheptel, dans la région de Sougueur, est constitué à plus de 60% de femelles reproductrices qu’on appelle communément dans la région « banque familiale », cela peut nous renseigner sur le taux de marge des éleveurs, mais également sur les dépenses à supporter surtout en cas de mauvaise année. Les maquignons méritent une attention particulière quant à la formation des marges car, dans ce groupe d’acteurs, nous avons rencontré ceux qui font le commerce des ovins dans le but de spéculer sans remplir une fonction reconnaissable. Les maquignons « spéculateurs » réalisent des profits situés entre 2500 à 3 500 DA/tête, voire plus, en quelques minutes, sans aucune modification du produit et du service.
Pour les bouchers, la meilleure source de profit est bien le 5e quartier. La situation économique est un peu difficile pour ce groupe d’acteurs dans toute la chaîne de commercialisation des ovins et de la viande ovine dans la région de Sougueur, ce qui explique le recours à l’abattage clandestin.
L’analyse du fonctionnement du marché des ovins dans la région de Tiaret a révélé que les intermédiaires extérieurs assurent l’équilibre spatial et temporel entre l’offre et la demande. Ils sont indispensables pour le fonctionnement flexible et efficace de la commercialisation des ovins. Les résultats de l’étude ont permis de conclure qu’un système informel d’information existe au niveau des souks ; les acteurs s’informent d’une manière rapide, approximative mais suffisamment fiable sur les prix des animaux. Mais l’absence de standard de qualité et de poids rend l’évaluation objective des animaux impossible, ce qui défavorise l’intégration entre le segment de production et celui de la commercialisation.
Le mode de conduite extensif largement tributaire des conditions climatiques engendre, dans le cas de sécheresse, des coûts de production excessifs ce qui entraîne des marges bénéficiaires non conséquentes pour les producteurs.
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Received 21 April 2010; Accepted 18 August 2011; Published 1 September 2011