Effet du remplacement du maïs et du tourteau de soja par le sorgho blanc et la fèverole sur la production et la qualité de lait de la brebis Sicilo-Sarde en Tunisie

H Selmi, I Bouzourrâa, G Tibaoui, H Alaoua, B Rekik et H Rouissi

Département des Sciences et Techniques des Productions Animales, Ecole Supérieure d'Agriculture, 7030 Mateur, Tunisie
Hamadi.rouissi@iresa.agrinet.tn

Résumé

Dans le but de limiter le recours au maïs et au tourteau de soja importés pour la formulation des aliments concentrés, une réflexion a été conduite à partir des connaissances concernant les caractéristiques nutritionnelles des graines de sorgho blanc et de fèverole comme des ressources alternatives et a été mise en jeu pour tester leurs effets sur la production laitière et la qualité du lait de la brebis Sicilo-Sarde pendant la phase de traite. Vingt brebis Sicilo-Sarde ont été réparties en deux lots homogènes selon l’âge (5,3 ± 1,25 ans et 5,7 ± 1,15 ans), la taille de la portée (1,1 ± 0,31), le numéro de lactation (4,3 ± 1,25 et  4,6 ± 0,96) et le poids vif (33,83 ± 5,63 et 33,95 ± 5,58 kg). Les brebis logées dans deux box identiques d’une superficie de 10,14 m² chacun (1,01 m²/brebis) recevaient une ration de base commune (foin d'avoine) à raison de 1,5 kg MS/brebis/jour complémentée par 500 g/brebis/jour d'un aliment concentré standard composé de maïs, orge, son de blé, soja et complément minéral et vitaminique ovin (lot témoin), et d'un aliment concentré local composé de sorgho blanc, fèverole et d’un complément minéral et vitaminique ovin (lot expérimental). Les mesures ont porté sur l'ingestion, la quantité de lait produite après une double traite journalière (à 10 h et 15h30) et la qualité (pH, densité, point de congélation, teneur en matière grasse, en protéine, en lactose et en extrait sec dégraissé de la matière minérale) d'une façon hebdomadaire durant la période expérimentale (les huit premières semaines de la phase de traite).

Les niveaux d'ingestion de foin sont en moyenne de 1,22 et 1,26 kg MS/brebis/jour respectivement pour le lot témoin et le lot expérimental, sans différence significative entre eux (p > 0,05). Le niveau de production moyen était de 0,4 l pour le lot témoin et le lot expérimental. Concernant la qualité du lait, le remplacement du maïs et soja par le sorgho blanc et la fèverole  a affecté le taux protéique (TP), les teneurs en extrait sec et en lactose (p<0,05), sans modifier le taux butyreux (TB) et le pH (p>0,05).

Mots clés: matières premières importées, matières premières locales, ovins laitiers, performances laitières

Effects of replacing corn and Soya beans with sorghum and faba beans on milk production and milk quality of Sicilo Sarde dairy ewes in Tunisia

Abstract

In order to reduce reliance on corn and Soya bean meal imported for formulation of concentrates, seeds of white sorghum and faba beans may be valuable alternatives. The effects of using white sorghum seeds and faba beans as feed resources were studied on milk performances in dairy Sicilo-Sarde ewes during the milking phase. A total of 20 ewes were divided into two groups homogenous for age (5.3 ± 1.25 vs. 5.7 ± 1.15 year), litter size (1.1±0.31), the rank of lactation (4.3 ± 1.25 vs. 4.6 ± 0.96) and live weight (33.83 ± 5.63 vs. 33.95 ± 5.58 kg). Animals were lodged in similar boxes (1.01 m²/ewe) and received 1.5 kg DM/ewe/day of oat hay. Ration was complemented by one of two concentrates: i) 500g/ewe/day of a concentrate that included barley, maize, Soya beans, wheat bran and mineral and vitamin mixture for the control diet, and ii) a second concentrate that included barley, broad beans, and mineral and vitamin mixture for the experimental group. Measures on dry mater intake, milk yield and physico- chemical characteristics of milk were recorded were collected weekly during the experimental period (the first 8 weeks of the milking period).

The levels of intake of hay were (p > 0.05) comparable (1.22 and 1.26 kg / ewe / day) for the control and experimental group, respectively. The mean production level was 0.4 l in the control and the experimental groups. The use of corn and soybean white sorghum and faba in the ration affected the protein content, non fat solids and lactose (p <0.05) without changing the fat content and pH (p> 0.05).

Key Words: dairy sheep, imported raw materials, local raw materials, milk performances

Introduction

Depuis longtemps, les régimes maïs-soja ont été considérés comme les aliments de base pour les ruminants quelque soit leurs productions (lait, viande) (Maisonnier- Grenier et al 2005) en raison de leur richesse en protéine et en énergie (Sauvant  2004) et de la possibilité de les importer à des prix généralement intéressants. Aujourd'hui, dans le contexte de pénurie croissante de matières premières, le recours à la recherche de solutions alternatives pour la nutrition du cheptel s'avère impératif (Selmi et al 2009; Selmi et al 2010). En effet, l'utilisation de graminées et de protéagineux produits à la ferme (sorgho blanc, fèverole,….) demeure une pratique courante en production animale (Delmote et Rampanelli 2006). Par ailleurs, pour répondre aux besoins alimentaires des animaux, il est nécessaire d’établir des plans de rationnement, adaptés à la capacité d’ingestion et aux goûts des animaux, au moindre coût (Rouissi et al 2008). En outre, le choix d'un aliment concentré se fait à partir des critères techniques et économiques (Michalet -Doreau et Sauvant 1989) et parmi les critères techniques, il est nécessaire de prendre en compte non seulement les caractéristiques nutritives de l’aliment, mais aussi de la réaction vis-à-vis des micro-organismes du rumen et du profil de l'animal (Coulon et al 1989).

C'est dans ce cadre général que s'insère notre travail qui vise à étudier les effets du remplacement des matières premières importées (maïs et soja) par des ressources locales (sorgho blanc et fèverole) sur les performances laitières et la qualité de lait de la brebis Sicilo – Sarde.

Matériel et méthodes 

Animaux et régimes alimentaires

Vingt brebis Sicilo-Sarde ont été réparties en deux lots homogènes selon l’âge (5,3 ± 1,25 ans contre 5,7 ± 1,15 ans), la taille de la portée (1,1 ± 0,31), le numéro de lactation (4,3 ± 1,25 vs  4,6 ± 0,96) et le poids vif (33,83 ± 5,63 vs 33,95 ± 5,58 kg) recevaient une ration de base commune (foin d'avoine) à raison de 1,5 kg MS/brebis/jour complémentée par 500g/brebis/jour d'un aliment concentré standard composé de maïs, orge, son de blé, soja et d’un complément minéral et vitaminique ovin (lot témoin), et d'un aliment concentré local composé de sorgho blanc, fèverole et d’un complément minéral et vitaminique ovin (lot expérimental). La composition centisémale des aliments concentrés et la composition chimique des différents aliments sont indiquées dans les Tableaux 1 et 2. L'eau est disponible à volonté.

Bâtiments et équipements

Les brebis sont logées dans deux compartiments de mêmes dimensions séparés par un grillage (densité = 1,01 m² /brebis suitée). La bergerie est équipée de deux râteliers en fer d’une longueur de 1,5 m pour les fourrages grossiers et de deux mangeoires pour la distribution du concentré.

Mesures et paramètres étudiés

Ingestion

Les quantités de foin d'avoine ingérées ont été déterminées par pesée quotidienne des quantités distribuées et refusées.

Performances laitières et qualité du lait

Durant toute la période de l'expérience, on a fait un contrôle laitier quantitatif journalier avec un rythme de 2 traites manuelles par jour : une vers 10 heures du matin et la deuxième à 15h30. L’étude de la qualité du lait  a été réalisée une fois par  semaine sur  un échantillon du lait de mélange par lot pour mesurer le pH et déterminer la composition physico-chimique du lait par le Lactoscan (Milkotronic LTD, serial n° 4696, Hungary). Les paramètres qualitatifs mesurés sont la densité, la matière grasse, la matière protéique, l’extrait sec dégraissé, le lactose et le point de congélation.

Analyse statistique

Les moyennes des deux lots pour chacune des variables (quantités d'aliment ingérées, quantité et critères physico-chimiques du lait) ont été comparées par le test ‘t’ de ‘Student’ après analyse de la variance à un facteur (SAS 1989).

Résultats et discussion 

Ingestion de la matière sèche du foin d'avoine

L'ingestion de la matière sèche chez la brebis laitière pendant la phase de traite est généralement plus élevée qu'au cours de la phase d'allaitement vue l'augmentation de la capacité d'ingestion qui dépend essentiellement  dans cette période de la qualité des fourrages. La matière sèche ingérée débute par une valeur minimale de 1,22 kg MS pour les brebis du lot expérimental et de 1,26 kg MS pour les brebis du lot témoin sans différence statistique entre les moyennes (p> 0,05), ce qui est similaire aux résultats de Rouissi et al (2008).  Par la suite, cette consommation a augmenté progressivement pour atteindre 1,32 et 1,28 kg MS/brebis/j respectivement pour le lot expérimental et le lot témoin vers la 5^ème semaine de traite. Il apparaît qu'il n'existe pas de différence significative (p> 0,05) de l'ingestion de fourrage quelle que soit la nature de la complémentation durant la phase de traite, ce qui implique que la  qualité de l'aliment concentré n'affecte pas l'ingestion de foin d'avoine. Ces résultats concordent avec ceux de Selmi et al (2010).

Niveau de production laitière

La phase de traite correspond à la phase décroissante de la courbe de lactation de la brebis laitière. La quantité de lait produite est comparable au début de l’essai : elle est de 0,4 l pour les deux lots. Vers la 5^ème semaine de contrôle, on observe une supériorité de production du lait pour les brebis du lot expérimental par rapport à celles du lot témoin sans qu'il y ait une différence significative (p> 0,05) comme le montre la Figure 1.

Ce résultat rejoint ceux de Rouissi et al (2008) et Selmi et al (2010). Ceci peut être expliqué par la nature des graines de sorgho blanc et de fèverole qui sont plus énergétiques que le complexe maïs – tourteau de soja. Cette  production est dans la fourchette de cette phase,  ce qui est similaire à ce qui a été avancé par Moujahed et al (2009).

Qualité physico-chimique du lait

La composition du lait est caractérisée par une grande complexité dans la nature et la forme de ses composants. Ces derniers sont particulièrement adaptés aux besoins nutritionnels et aux possibilités digestives ; ils dépendent notamment de la qualité des matières premières composants la ration (Bocquier et Caja 2001; Atti et Rouissi 2003; Rouissi et al 2008). En effet, le remplacement de maïs et tourteau de soja par le sorgho blanc et la fèverole peut maintenir  voire augmenter le taux de matière grasse du lait. De ce fait, le taux butyreux  du lait produit par les brebis du lot expérimental est plus élevé que celui du lait issu des brebis du lot témoin (7,58 % et 7,21 % respectivement pour les deux lots) sans différence statistique (p > 0,05). Ceci peut être expliqué par l'effet de la teneur en matière grasse des grains de sorgho blanc par rapport aux grains de maïs. Nos résultats sont légèrement supérieurs  de ceux trouvés par Rouissi et al (2006), mais ils coïncident en partie avec ceux de Selmi et al (2010). Par ailleurs, ils sont plus élevés que  ceux trouvés par Hammami et al (2008) où le taux butyreux du lait de la brebis Sicilo-Sarde varie entre 5,34 % et 5,83 %.

Le taux protéique du lait de brebis dépend principalement du bilan énergétique qui stimule la synthèse des protéines microbiennes dans le rumen (Bocquier et Caja  2001); il est significativement plus élevé (p< 0,05) pour le lot expérimental par rapport au lot témoin (6,04 vs 5,8 %). Ceci explique davantage la corrélation positive entre le bilan énergétique de la ration et le taux de la matière protéique du lait.  Concernant la teneur en lactose, la valeur la plus élevée est affichée pour le lait issu des brebis du lot expérimental (4,27 vs 4,15 %), Ceci serait dû  à la richesse de la graine de féverole en amidon facilement dégradable et à la cellulose, surtout au niveau des téguments de la graine de féverole, comparativement aux tourteaux de soja (Pottier 2002), ce qui conduit à une digestion et une fermentation microbienne de cellulose plus accentuée chez les brebis du lot expérimental par rapport au lot témoin.

La densité du lait dépend principalement de sa richesse en matière grasse; c'est le rapport  entre la masse d’un volume de lait et celle d’un même volume d’eau; elle était significativement plus élevée (p< 0,05) pour le lot expérimental (1,037 vs 1,036). Ces résultats coïncident avec ceux d’Assenat (1985). Enfin, le remplacement des matières premières importées par des ressources locales n'affecte pas le pH ni le point de congélation du lait.

Les critères physico chimiques du lait des deux lots sont indiqués dans le Tableau 3.

Conclusion

• A travers cette expérimentation, on peut conclure que le remplacement de maïs-soja par le sorgho blanc-fèverole au cours de la phase de traite, peut maintenir le même niveau de production laitière. Ce remplacement a aussi un effet significatif sur certains paramètres qualitatifs  comme le taux protéique, la teneur en lactose, l’extrait sec dégraissé mais sans modifier d'une manière significative le point de congélation, la teneur en matière grasse, et le pH. Ces résultats nous permettent de déduire que l'utilisation de quelques matières premières locales pour alimenter le cheptel tunisien en couvrant ses besoins et en améliorant la qualité du  lait à moindre coût, semble être une solution pratique et applicable à l’échelle de l’éleveur. Cependant, d’autres travaux sont nécessaires et qui doivent être menés sur une longue période pour approfondir d’abord les résultats de cette étude et étayer les conclusions de ce travail en vue de proposer ensuite des rations  alimentaires qui visent l’augmentation et l’amélioration de la production laitière.

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Received 10 October 2010; Accepted 3 January 2011; Published 1 February 2011

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