Livestock Research for Rural Development 22 (1) 2010 | Guide for preparation of papers | LRRD News | Citation of this paper |
Dans le but d’améliorer les systèmes d’élevage ovin dans la région de Fahs, un diagnostic de la situation et une analyse approfondie basés sur une démarche analytique classique s’avère indispensable. Pour répondre à nos objectifs, une enquête touchant cent dix (110) éleveurs répartis sur toute la région et disposant de troupeaux ovins à vocation viande représentés principalement par la race Barbarine a eu lieu.
L’analyse des données collectées a permis de faire ressortir que la région d’étude est caractérisée par des élevages traditionnels (91,8% des exploitations sont de petite taille: 0 à 10 ha) appartenant surtout à des éleveurs d’âge moyen (45,5% ont un âge de 35 à 55 ans) dont les taux d’analphabétisme et de niveau primaire sont respectivement de 39 et 41 %. L’effectif total des animaux était de 2059 têtes, logés dans des bergeries traditionnelles et disposant de ressources alimentaires basées essentiellement sur le pâturage et les sous-produits agricoles complémentées par un aliment concentré dans les périodes physiologiques critiques. Les éleveurs de la région d’étude suivent une ligne de conduite dont les paramètres technico-économiques sont encore loin des normes habituelles. En effet, 80% des éleveurs pratiquent la tonte pendant la période de gestation, et une lutte très longue sans effet bélier et sans respect du sexe- ratio optimal, ce qui a engendré des agnelages très étalés (juillet – décembre) avec un maximum au mois d’octobre (53,6%). L’analyse des performances de reproduction a montré que les exploitations sont classées en deux catégories: une classe représentée par 19% des troupeaux avec un taux de fertilité inférieur à 90%, un taux de stérilité de 8,23% et un taux d’avortement de 14,4% et une deuxième catégorie dont le taux de prolificité était de 113%, le taux de fécondité de 108 et le taux de mortalité des jeunes de 9,23. L’étude économique a révélé que la marge brute moyenne par brebis était très variable. En effet, elle a oscillé entre un minimum de 18,4 Dinars Tunisien (DT) et un maximum de 126 DT ce qui dénote clairement la différence entre éleveurs en ce qui concerne les méthodes de conduite et l’adoption de nouvelles technologies.
Mots clés: marge brute, race Barbarine, système d’élevage
The improvement of sheep production systems in the Fahs region necessitates a diagnosis of the current situation and a thorough analysis of management practices. To meet these objectives, 110 farms having the Barbarine meat breed from the region were surveyed.
The analysis of gathered data revealed that the region is characterized by familial farming (91.8% of farms are small sized: 0 to 24.7 acres) held by middle age farmers (45.5% were 35 to 55 years old) of which 80% are illiterate or at most have attended primary school). The total sample size of animal was 2059. Animals were lodged in traditional and are mostly fed on pasture and by-products, and supplemented occasionally by concentrate during critical physiological stages. The overall management of the Barbarine breed seemed unsatisfactory with indicators below common accepted performances. In fact, 80% of farmers practice shearing on pregnant ewes, a long breeding period without the ram effect, and do not respect the sex- ratio. The lambing period was then unnecessary long (July-December) with a peak in October (53.6%). The analysis of reproduction performances showed that farms may be classified into two categories: The first class of 19% of herds had 90%, 9.23% and 14.4% rates for fertility, sterility and abortion, respectively; and the second class with 113, 108 and 9.23 for prolificacy, fecundity and young mortality, respectively. Net income varied from 18.4 TD to 126 DT/ewe indicating important differences in management practices among farmers.
Key words: Barbarine breed, management system, net income
L’élevage ovin en Tunisie est composé essentiellement de quatre races qui sont la Barbarine à Grosse Queue (BGQ), la Queue Fine de l’Ouest (QFO), la Noire de Thibar (NT) et la Sicilo - Sarde (SS). Il compte un effectif total de quatre millions d’Unités Femelles réparties comme suit: 60,3% BGQ, 34,6% QFO, 2,1% NT, 0,7% SS et autres races (3 %) (DGPDIA 2004) et est détenu par les petits éleveurs en vu d’améliorer leurs revenus. L’une des zones les plus connues par sa tradition en élevage ovin est la région du Fahs du fait que cette spéculation animale représente environ 60% de la production animale de la région (CTV Fahs 2008). La race ovine la plus répandue dans cette zone est la BGQ qui est caractérisée par son adaptation aux conditions difficiles du milieu et au parasitisme interne. Ses performances moyennes obtenues à l’échelle nationale sont : un taux de fertilité de 90%, une prolificité de 125%, un gain moyen quotidien des agneaux de 10 à 30 jours est de 220 g/j et de 180 g/j de 30 à 90 jours (Rouissi 1986).
On se propose dans cette étude de faire un constat sur la conduite pratiquée par les petits éleveurs détenant ce cheptel dans la région du Fahs et par suite de faire une analyse des performances technico-économiques obtenues permettant de proposer les recommandations nécessaires pour une éventuelle amélioration de la productivité de ce cheptel.
La délégation du Fahs est située au nord-est de la Tunisie, à 60 km de la capitale et est caractérisée par un climat semi-aride modéré en été et au printemps et doux en hiver. Elle s’étend sur une surface totale de 79206 ha répartie comme suit: 42400 ha de terre labourable, 28450 ha de forêts, 2676 ha de parcours, 5128 de terre inculte et de 552 ha de zone urbaine. Les types de sols fréquents sont des sols calcaires, des vertisols et des sols alluviaux et les ressources en eau sont diversifiées. En effet, on trouve un barrage, 9 barrages collinaires, 32 lacs collinaires, 316 puits de surface et 37 sondages (CTV Fahs 2008). Enfin, cette région détient 44000 unités femelles ovines dont 40000 sont de race Barbarine qui est la race la plus rustique adaptée aux conditions difficiles du milieu et aux maladies parasitaires en Tunisie (Rouissi 1986).
Dans ce présent travail, on se propose d’évaluer et caractériser l’élevage ovin chez les petits éleveurs, de décrire la situation zootechnique et sanitaire des élevages visités et de proposer des recommandations pour améliorer les performances de l’élevage ovin détenu par les petits éleveurs enquêtés afin d’améliorer leur revenus.
Cent dix (110) éleveurs de toute la région ont été retenus pour la réalisation de l’étude. Ce groupe total compte 10 éleveurs de chaque Imada (localité) et ce afin d’avoir un échantillon représentatif de toute la zone d’étude. Les dix éleveurs par Imada ont été pris au hasard des listes disponibles dans le commissariat régional de développement agricole.
La collecte de données qui ont servi à l’analyse de l’élevage ovin chez les petits éleveurs de la région du Fahs a eu lieu comme suit :
- Structures d’appui de la région (Commissariat Régional au Développement Agricole, Cellule Technique de Vulgarisation, Direction de la production animale)
- Enquêtes : Des visites régulières auprès des petits éleveurs déjà choisis ont permis de remplir le questionnaire contenant les informations relatives à :
* L’exploitant (nom, prénom, âge, niveau d’instruction)
* Occupation des membres de la famille
* La composition du cheptel animal et les pratiques de l’élevage (catégorie, effectif, alimentation, ligne de conduite, paramètres du bilan d’agnelage, maladies).
* L’exploitation (surface agricole totale, surface agricole utile, parcours, cultures pratiquées avec leurs principales caractéristiques, bâtiments d’élevage et leurs équipements, dépenses et recettes).
L’âge et le niveau intellectuel de l’exploitant représentent les éléments les plus intéressants pour le jugement du fonctionnement d’un système d’élevage. 45,45% des éleveurs de la région de Fahs appartiennent à la catégorie d’âge moyen (<35-55<), 40% sont des éleveurs âgés (>55 ans) alors que 14,6% des exploitants sont jeunes (<35ans). Cet état de fait est expliqué par l’orientation politique de l’état vers l’encouragement des jeunes afin de créer de nouveaux postes de travail. Quant au niveau d’instruction, l’analphabétisme touche 39% et 41% ont un niveau primaire. Ces taux représentent la majorité des éleveurs ce qui affecterait le processus d’amélioration vu la faible capacité d’assimiler les nouvelles technologies.
L’élevage du mouton est fortement ancré dans les traditions des exploitants de la région de Fahs, il est largement dominé par la race Barbarine dont 87% des éleveurs enquêtés élèvent cette race seule puisqu’elle est la race la plus rustique (Rouissi 1986) et 3% seulement ont la race Noire de Thibar alors que 10% détiennent les deux races ensemble. Le cheptel ovin détenu par les éleveurs enquêtés se chiffre à 2059 têtes (Tableau 1).
Tableau 1. Effectifs et pourcentages des différentes catégories des ovins |
|||||
Catégorie |
Brebis |
Antenais et antenaises |
Béliers |
Jeunes |
Total |
Effectif |
980 |
93 |
78 |
908 |
2059 |
Pourcentage, % |
48 |
4,5 |
3,5 |
44 |
100 |
On note un nombre un peu élevé de béliers (1 pour 13 brebis) ce qui pourrait constituer une charge sur l’élevage et un nombre de femelles de remplacement réduit. L’analyse de la composante animale semble montrer que les nombreuses petites exploitations (moins de 10 ha) élèvent plus d’animaux à l’hectare que les grandes, ce résultat est similaire à ce qui a été avancé par Ben Dhia (1996).
Elle est constituée principalement par les grandes cultures (blé, orge et avoine) qui représentent 68% de la Surface Agricole Totale (SAT), l’arboriculture avec une part de 16% de la SAT, les cultures maraîchères existant uniquement chez deux exploitants parmi les 110 enquêtés, les jachères et les parcours sont présents respectivement chez 6% et 21% des exploitants enquêtés (soit 16% de la SAT). Ces ressources alimentaires sont exploitées par le cheptel sous forme de pâturage et de sous-produits agricoles.
La répartition de la SAT nous montre que la plupart des enquêtés possèdent des surfaces agricoles inférieures à 10 ha, alors que seulement 8% des exploitants ont des surfaces supérieures comme le montre le Tableau 2.
Tableau 2. Répartition des exploitations selon la SAT |
||||
Taille, ha |
0 - 10 |
11 - 20 |
>20 |
Toutes |
Nombre |
101 |
6 |
3 |
110 |
Pourcentage, % |
91,8 |
5,5 |
2,7 |
100 |
Taille moyenne, ha |
3,15 |
16,7 |
24,3 |
4,46 |
Ecart-type |
3,13 |
3,76 |
1,15 |
3,8 |
Ceci nous permet de conclure que la majorité des exploitations sont de petite taille. Ces petites superficies constituent une contrainte pour la modernisation des techniques agricoles (mécanisation, assolement et rotation).
Les fourrages grossiers sont représentés surtout par la paille et le foin. Vu le prix élevé du foin sur le marché, la paille est devenue un élément essentiel dans l’alimentation du cheptel alors que le foin n’entre dans le calendrier fourrager que dans les périodes physiologiques critiques (lutte, agnelage).
Ce sont essentiellement les chaumes (vu la vocation céréalière de la zone enquêtée) en été et les bois de taille des oliviers en hiver et début du printemps.
Le concentré peut être un aliment simple comme l’orge grain ou bien composé (orge, son de blé, etc.). La plupart des exploitants de la région (80%) achètent le concentré de l’Office de l’Elevage et des Pâturages (OEP) ou des usines de concentré. Il n’est utilisé qu’en automne et en hiver (Snoussi 2003).
La plupart des troupeaux ovins de la région de Fahs sont logés dans des Gricha (bergeries traditionnelles) conçus avec des matériaux légers et peu coûteux (bois, grillage et tôle) et rarement dans des bergeries modernes.
Les ressources alimentaires de la majorité des exploitations (98%) sont basées surtout sur les parcours naturels ou améliorés (jachères et chaumes) durant toute l'année à l'exception des périodes de mauvais temps et sur l'affouragement en vert de l'orge (85% des enquêtés). La complémentation est basée sur le concentré soit comme aliment simple (grains d'orge, d'avoine) ou aliment composé (grains d'orge concassés et du son de blé) qui est utilisé en automne et hiver (période de gestation et d'agnelage), mais pas pendant la lutte. La disponibilité des aliments pour les animaux au cours de l'année est représentée par la figure 1.
|
|
Elle est effectuée en avril (20,9%) et surtout au mois de mai (79,1%), moment où il y a le plus de fécondations et où il y aurait déjà des éventuelles gestations donc risque d'avortement.
Chez les enquêtés, la lutte pratiquée est une lutte contrôlée. Elle démarre au mois de février et se poursuit durant le printemps jusqu'au début de l'été dans le but d’avoir le maximum de femelles saillies. Chez 67,3 % des éleveurs, la lutte commence au mois de mars sans application de l'effet bélier et sans respect du sexe- ratio, ce ratio est de l’ordre de 12%.
La période de l'agnelage est corrélée à la durée de la lutte. Vu que la période de lutte s'étale durant le printemps et une partie de l'été, les agnelages sont échelonnés sur la moitié de l'année. Les mises bas débutent au mois de juillet et s’achèvent au mois de décembre avec une concentration au mois d'octobre (53,6%) comme le montre la figure 2. L'âge moyen au sevrage est de 5,04 mois (écart type = 0,7). Seulement 36,4% des enquêtés pratiquent la réforme des brebis avec une moyenne de 14,3 (écart type = 8,15%) à cause de l’âge surtout avec un taux de renouvellement du troupeau de 19,4% (écart type = 5,57%).
|
|
Les critères techniques de l’élevage ovin dans la région de Fahs sont étroitement liés à la ligne de conduite. Pour 19% des troupeaux, la fertilité a été inférieure à 90%, la stérilité est autour de 8,23% et l’avortement est de 14,4%. Ceci est dû à la mauvaise application de la réforme et de la prophylaxie. Alors que pour l’autre classe des éleveurs, le taux de prolificité était de 113 (écart type = 15,6%), le taux de fécondité était de 108 (écart type = 15,8%) et le taux de mortalité des jeunes de 9,23 (écart type = 14,7%). Ce dernier est relativement élevé et pourrait être imputé à la mauvaise application du steaming. Le taux de productivité numérique moyen dans les exploitations enquêtées est de 97,7 (écart type = 18,9%) dont 78,2% des troupeaux ont un taux supérieur à 100%.
L’ensemble des caractéristiques du système d’élevage ovin permet de porter un jugement sur la productivité de cette spéculation (Snoussi 1989). Les exploitations agricoles de la région de Fahs sont classées en trois catégories selon leurs marges brutes comme l’illustre le tableau 3. La première classe avec une marge moyenne de 18,4 DT est caractérisée par un effectif important, une alimentation achetée (env. 70%) et une application inadéquate de la prophylaxie. Une deuxième catégorie dont la marge brute moyenne est de 82,3 DT, est caractérisée par un effectif moyen de 28 têtes avec une conduite acceptable qui bénéficie de l’autoproduction des aliments. Enfin, une troisième classe avec une marge brute moyenne de 126 DT qui reflète une bonne conduite alimentaire (alimentation contrôlée, minimum de gaspillage et valorisation des sous-produits) et sanitaire (application adéquate des règles d’hygiène et de prophylaxie) et un effectif plus faible.
Tableau 3. Classification des exploitations selon la marge brute |
|||
Classe |
I |
II |
III |
Marge brute, DT |
<50 |
50 - 100 |
>100 |
Nombre d’éleveurs |
10 |
37 |
63 |
Marge brute moyenne/brebis, DT |
18,4 |
82,3 |
126 |
Effectif moyen/éleveur |
35 |
28 |
11 |
Taille moyenne, ha |
10,9 |
3,88 |
3,79 |
Moyenne de productivité numérique, % |
92,6 |
102 |
108 |
Pourcentage de l’alimentation achetée |
68,4 |
35,2 |
43,7 |
Pratique de la prophylaxie,% |
40 |
70,7 |
68,4 |
D’après l’analyse du système d’élevage ovin dans la région de Fahs, il s’avère qu’il y a des défaillances surtout techniques (effet bélier, lutte trop longue et mises bas étalées) ajoutées à la non maîtrise des pratiques zootechniques qui restent influencées par des modalités traditionnelles à savoir l’hygiène, la prophylaxie et la conduite alimentaire. Ainsi, le flushing n’est pas pratiqué au moment de la lutte.
La taille réduite des superficies agricoles, l’absence d’infrastructure de base et le non respect du calendrier de prophylaxie sont des contraintes qui freinent la mise en place de projets de développement. Ainsi, un programme de vulgarisation et d’encadrement de ces petits éleveurs s’impose pour mieux assimiler les techniques d’élevage. De plus, l’organisation de ces derniers en association pourra faciliter l’instauration des actions de développement.
Ben Dhia M 1996 L’élevage ovin en Tunisie. Situation actuelle et perspective d’avenir. Cahier Options Méditerranéennes 6: 9-20. http://ressources.ciheam.org/om/pdf/c06/95605380.pdf
CTV Fahs 2008 Cellule Technique de Vulgarisation. Commissariat Régional de Développement Agricole de Zaghouan, rapport d’activités
DGPDIA 2004 Enquête de structure, Ministère de l’Agriculture et des ressources hydrauliques. Tunisie.
Rouissi H 1986 Trois millions de brebis, Pâtre 336: 45-47.
Snoussi S 1989 Élaboration d’un modèle de simulation de la démographie d’un troupeau ovin : utilisation pour l’aide à la prise de décisions technico-économiques sur l’élevage. Thèse de doctorat INA/PG. France, 221 p.
Snoussi S 2003 Situation de l’élevage ovin en Tunisie et rôle de la recherche. Réflexions sur le développement d’une approche système. Cahiers d’études et de recherches francophones/ Agriculture. Volume 12, N° 6: 419-428. http://www.john-libbey-eurotext.fr/e-docs/00/04/02/94/article.phtml
Received 21 September 2009; Accepted 27 November 2009; Published 1 January 2010