Performances de reproduction et de production en relation avec l’état sanitaire des brebis laitières Sicilo-Sarde

H Selmi, M N’cir, B Rekik, A Ben Gara et H Rouissi*

Département des Sciences et Techniques des Productions Animales, Ecole Supérieure d’Agriculture, 7030 Mateur, Tunisie
hamadi.rouissi@iresa.agrinet.tn

Résumé

Les performances zootechniques en relation avec l’état sanitaire ont été étudiées dans le troupeau ovin laitier conduit en système semi intensif dans l’exploitation de l’Unité Coopérative de Production Agricole (UCPA) de Methline  dans la région de Bizerte. Une enquête basée sur des documents techniques durant la période 2003-2008 a eu lieu.

L’effectif des brebis adultes présentes a connu une chute remarquable de 416 en 2003-2004 à 314 en 2007-2008 avec un sex-ratio variant de 8,4 à 5. Les ressources alimentaires disponibles au niveau de cette UCPA sont les fourrages grossiers (foin, paille), verdures (orge, avoine), résidus de cultures (chaumes) et le concentré commercial. L'analyse de la ligne de conduite a montré que la lutte pratiquée est très longue (moyenne = 3,5 mois) sans respect ni du sex-ratio qui varie de 5 à 8,7% (moyenne = 7,36 %), ni de la préparation alimentaire avant  l'agnelage, ni du moment des vaccinations. Il ressort aussi que l'effet de l'état sanitaire et la fréquence d'apparition des maladies est très corrélé aux paramètres de reproduction dont en particulier la productivité numérique (91,10 %) et les performances de production laitière (0,331 kg/brebis présente), nécessitant ainsi un plan de prophylaxie adapté.

Mots Clés: agnelage, ovin laitier, prophylaxie, production laitière, productivité numérique, Tunisie

Reproductive and production performances in relation to health in dairy Sicilo-Sarde ewes

Abstract

Reproductive and production performances in relation to health were studied in a dairy sheep flock managed under a semi intensive production system at the farm of « Unité Coopérative de Production Agricole (UCPA) » of Methline in the Bizerte region. A survey based on recorded management operations during the 2003-2008 periods was conducted.

The number of ewes decreased drastically from 416 in 2003-2004 to 314 in 2007-2008 with a sex ration ranging from 8,7 to 5. Feed resources that are available in this UCPA are conserved roughages (hay, straw), green roughages (barley, oat), cultivation leftovers (mainly cereals residuals) and commercial concentrates. The analysis of ewes management revealed that the breeding period is long (mean = 3.5 months) without neither the application of sex ratio (mean = 7.36 %) nor the preparation for lambing. It also appears that ewes’ health and the frequency of health disorders incidence had affected reproductive performances mainly the number of reared lambs (91.1%) and milk production (0,331 kg/ewe), implying the need for strict application of a prophylaxis program.

Key words: dairy sheep, lambing, milk production, prophylaxis, reared lambs, Tunisia

Introduction

L’élevage ovin laitier en Tunisie est représenté principalement par la race Sicilo-Sarde qui est concentrée dans les régions de Béja et Bizerte où les conditions climatiques sont favorables à une production herbagère et fourragère intense, conditionnant la production et la qualité des produits animaux (Caja et Gargouri 1995). Le lait de la brebis Sicilo-Sarde est destiné à la transformation industrielle et artisanale en fromage et ricotte (Rouissi et al 2001; Bocquier et Caja 2001), vu sa teneur élevée en matière grasse et en protéines qui détermine largement le rendement fromager (Pellegrini et al 1997). D’après l’enquête de structure (2004), l’effectif de cette race laitière est en régression continue ce qui a induit à se poser la question sur sa  rentabilité et sa pérennité en Tunisie. Le but de ce travail est d’analyser les performances zootechniques de cette race laitière durant les cinq dernières campagnes dans l’exploitation de  l’Unité Coopérative de Production Agricole (UCPA) de Methline et de dégager les contraintes liées à l’état sanitaire qui entravent son développement, afin de proposer des solutions pour préserver cette race et améliorer sa productivité.

Matériel et méthodes 

Présentation de la zone de l’étude

L’UCPA Methline appartient à la délégation de Menzel Bourguiba, gouvernorat de Bizerte (Nord Est de la Tunisie), située à l’étage bioclimatique sub-humide inférieur avec une pluviométrie moyenne de 632 mm/an répartie pendant les saisons d’automne (30%), d’hiver (50%), de printemps (18%) et d’été (2%) . Elle s’étend sur une surface agricole totale (SAT) de 845 ha avec un sol argilo sableux.

Animaux

L’UCPA Methline dispose d’un cheptel ovin laitier représenté par la race Sicilo-Sarde dont l’évolution annuelle de l’effectif des différentes catégories est donnée dans le tableau 1.

Logement

Les brebis logent dans deux bergeries en moyen état, orientées contre les vents dominants et chacune est divisée en deux parties : une partie couverte pour la protection des animaux contre les agressions climatiques et l’autre découverte réservée comme aire d’exercice. La densité est conforme aux normes (1,6 m²/brebis suitée). Les bergeries sont suffisamment équipées en mangeoires et en râteliers.

Ressources alimentaires

Le troupeau ovin laitier de l’UCPA Methline est conduit en système semi-intensif caractérisé par des rations constituées de foin, paille, chaumes et verdure d’orge, avoine et/ou Sulla. L’utilisation des aliments concentrés a lieu durant toute l’année à raison de250 à 300 g/j/tête sauf aux mois de juin et juillet où l’on dispose des résidus de récolte des céréales. Le calendrier alimentaire adopté dans l’UCPA Methline est représenté dans le tableau 2.

Méthodologie

Les données ont été collectées sur les cinq dernières campagnes à partir des documents techniques disponibles au bureau d’élevage de l’UCPA (cahiers d’inventaires et de production, cahiers de charges, carnets d’agnelage, bulletins de naissance et de décès, fiches de contrôle de croissance et cahiers des visites vétérinaires).

Résultats et discussion 

Ligne de conduite

La tonte est pratiquée en fin de mars- début avril, suivie d’un bain anti-galeux avec une durée variable selon la disponibilité et la technicité de la main-d’œuvre. Cette période s’avère adéquate (Rouissi et al 2001).

La lutte est un enjeu important sur les résultats de reproduction. Elle n’a lieu que lorsque la femelle est en chaleur et théoriquement après la tonte. Cette lutte a lieu au printemps, avec un sex-ratio supérieur à la norme.  Elle est libre et étalonnée sur trois mois et demi (Tableau 3), ce qui va engendrer des agnelages échelonnés et par conséquent une difficulté de conduite surtout alimentaire.

L’effet bélier constitue un stress psychique stimulant l’entrée en chaleur. Il est mal respecté pour le troupeau étudié, du fait que le logement des reproducteurs mâles se situe à proximité de celui des femelles (à 10 m environ), ce qui engendrerait  ainsi une mauvaise synchronisation des accouplements.

La préparation alimentaire « Flushing » consiste à apporter une complémentation pour les brebis et les béliers un mois avant et durant la période de lutte. Dans ce cas, les mâles reçoivent entre 300 et 500 g d’avoine /tête/jour et les femelles 400 g de concentré commercial (30% maïs, 15% soja, 35% orge, 15% son de blé et 5% CMV).

Le « Steaming » est une complémentation en aliments concentrés distribuée durant les deux derniers mois de gestation pour subvenir aux besoins de la brebis qui s’accroissent suite à l’augmentation des besoins du fœtus et la diminution de la capacité d’ingestion (Bocquier et Caja 2001) de la brebis. Elle permet à la brebis de faire des réserves pour le début de la lactation. Au sein de l’exploitation étudiée, cette complémentation n’est pratiquée qu’un mois avant l’agnelage et avec des quantités qui ne dépassent pas 150 g/tête/jour ce qui se traduirait par l’obtention d’agneaux chétifs, une production de colostrum insuffisante et par conséquent un taux de mortalité périnatale (0-5 jours) élevé.

La mise bas des brebis Sicilo-Sarde est automnale. En effet, elle  commence à partir du mois d’août avec un pic au mois de septembre (85,5 % pendant les cinq dernières campagnes) et s’étale vers le mois de novembre. Cette période assez longue de la répartition des agnelages est le résultat du prolongement de la période de lutte et du manque d’effet mâle. La répartition moyenne des agnelages des cinq dernières campagnes est illustrée dans la figure 1.

Le sevrage des agneaux de cette race devrait être précoce afin de commercialiser le maximum de lait. Il est fortement recommandé que la séparation des agneaux de leurs mères soit progressive pour éviter ce qu’on appelle « le choc au sevrage » qui se traduit par une diminution de la quantité de lait produite. Au sein de l’exploitation objet de notre étude, le sevrage se pratique à  l’âge de deux mois et demi à trois mois correspondant à un poids moyen des agneaux de 12 à 15 kg. Après le sevrage, on choisit les meilleures agnelles pour le remplacement des femelles improductives et on commercialise le reste.

Concernant la prophylaxie sanitaire, l’UCPA applique le calendrier du Ministère de l’Agriculture regroupant  des vaccinations gratuites pour lutter contre la brucellose, la fièvre aphteuse, la clavelée et la blue Tongue suivant le calendrier illustré dans le tableau 4.

Bilan d’agnelage et performances laitières

A partir du tableau 5 où figurent les résultats relatifs au bilan d’agnelage durant les cinq campagnes, on peut constater que le taux de fertilité moyen (78,2 %) est faible par rapport aux résultats de Rouissi et al (2001). Ceci serait dû principalement à la lutte non séparée des brebis et des antenaises et l’apparition de certaines maladies comme la border disease en 2002-2003 et la blue Tongue en 2007-2008. Le taux de prolificité moyen pour les campagnes étudiées est de 135 %. Il est conforme à ce qui a été trouvé par Rouissi et al (2001), cependant le taux de fécondité est jugé satisfaisant et est en moyenne de 106 %.

Concernant le taux d’avortement, on peut le considérer comme encourageant car il n’est que de 1,9 % alors que le taux de stérilité est très élevé (20,7 %). Cela peut être expliqué par la non séparation des brebis adultes et des antenaises lors de la campagne de lutte, l’âge avancé de certains béliers surtout durant les deux dernières campagnes et la non détection de stérilité des béliers à cause de la lutte libre.

Le taux de mortalité des jeunes enregistré au cours des 5 campagnes est en moyenne de 14,6 % avec un maximum de 26,9 % du à l’apparition de dominantes pathologiques comme la gastro-entérite et la broncho-pneumonie qui ont atteint les jeunes qui n’ont pas encore profité du creep feeding; ceci a engendré une productivité numérique (TPN) faible (91,1 %) par rapport aux résultats de Rouissi et al (2001) sauf pour la campagne 2005-2006 (TPN= 118) grâce à l'utilisation de la technique de l'insémination artificielle intra utérine des brebis.

L’évolution de l’effectif des brebis mises à la traite au cours des 5 campagnes est illustrée dans le tableau 6. Les pourcentages par rapport aux brebis ayant mis bas et aux  brebis mises à la lutte varient d’une campagne agricole à une autre en fonction des taux de mortalité des jeunes avant la mise à la traite et le taux de fertilité faible.

La productivité de la brebis Sicilo-Sarde au niveau de l’UCPA Methline est étroitement liée au prix de vente de lait. L’évolution de la production laitière par brebis et la durée de traite du troupeau sont regroupées dans le Tableau 7.

D’après ces résultats, on remarque une augmentation par brebis en lactation d’une année à l’autre pour une durée de traite presque identique. Cette augmentation peut être expliquée par l’abondance des ressources alimentaires et la bonne répartition de la pluviométrie. Il est à noter que ces résultats sont similaires aux résultats de Rouissi et al (2001) et supérieurs à ceux trouvés par Djemali et Ben Hammouda (1991) mais restent inférieur au potentiel de la race (Moujahed et al 2009).

Bilan sanitaire

Cette partie, a porté sur l’évolution du taux de mortalité, les maladies enregistrées et leurs causes durant les deux dernières campagnes puisqu’on a remarqué l’augmentation des cas de mortalité surtout des jeunes et l’apparition d’autres maladies non rencontrées auparavant.

Les données récapitulées dans le tableau 8, montrent que la principale maladie affectant les jeunes est la gastro-entérite qui a atteint 71,9 % des cas (Tableau 8) durant la campagne 2007-2008 et dont les causes principales sont : la mauvaise hygiène des bergeries surtout en hiver (stagnation d’eau), un déséquilibre alimentaire, les maladies telles que la border disease et la blue tongue ainsi que d’autres maladies moins fréquentes comme l’entérotoxémie (Jaoua 2003)  et la broncho - pneumonie. L’augmentation du taux de ces maladies peut être due à la mauvaise pratique du steaming et du creep feeding et au  sevrage à des poids faibles.

Pour les brebis adultes, la cause principale de réforme  est la mammite avec un taux de 27,5 % et 34,2 % pour les deux campagnes 2006-2007 et 2007-2008. Ces dernières peuvent être dues principalement au non respect de l’hygiène au cours de la traite ainsi qu’aux maladies nutritionnelles comme l’acidose, la météorisation et les maladies de carence.

Conclusions et recommandations 

• La caractérisation de l’état sanitaire et des performances zootechniques de la race Sicilo-Sarde dans un secteur organisé comme l’UCPA Methline a permis d’identifier les principales causes de faible productivité dont la mauvaise maîtrise de la conduite de reproduction et l’état hygiénique dans les bergeries et au cours de la traite manuelle. Ainsi, dans le souci d’améliorer la reproduction et la production laitière des brebis et par là la rentabilité de ce cheptel, il est fortement recommandé de pratiquer une lutte séparée des antenaises et des brebis, d’assurer une surveillance adéquate des jeunes, de mieux séparer les mâles des femelles en dehors des périodes de lutte, de pratiquer la technique de trois agnelages en deux ans pour gagner une mise bas chaque deux ans tout en s’assurant de la commercialisation du lait ( actuellement, la seule société qui transforme le lait de brebis en fromage accepte le lait du 15 décembre au 30 juin seulement), de mettre en place un programme de rationnement adapté aux besoins physiologiques des jeunes surtout ,appliquer judicieusement un plan de prophylaxie médico-sanitaire préventif pour le cheptel et décaler la période de lutte pour faire coïncider la période des mises bas avec la disponibilité en verdure.

Références bibliographiques 

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Caja G et Gargouri A 1995 Orientations actuelles de l’alimentation des ovins dans les régions méditerranéennes. Options méditerranéennes série A, : 51-64

http://ressources.ciheam.org/om/pdf/c06/95605385.pdf

Djemali M et Ben Hammouda M 1991 Schéma d’amélioration génétique de la population ovine laitière en Tunisie. Projet d’assistance technique aux UCPA. BNA/CEE, Projet SEM (01/212/20). Rapport de missions de consultations.

Jaoua H 2003 Entérotoxémie des ovins en Tunisie. Bulletin épidémiologique et d’information vétérinaires 7 (22): 1-4

Moujahed N, Ben Henda N, Darej C, Rekik B, Damergi C et Kayouli C 2009 Analyse des principaux facteurs de variation de la production laitière et de la composition du lait chez la brebis Sicilo-Sarde dans la région de Béja (Tunisie). Livestock Research for Rural Development. Volume 21, Article #53. Retrieved Mai 7, 2009, from http://www.lrrd.org/lrrd21/4/mouj21053.htm

Pellegrini O, Remeuf F, Rivemale M and Barilet F 1997 Renneting propertis of milk from individual ewes: influence of genetic and non-genetic variables, and the relationship with physicochemical characteristics. Journal of Dairy Research. 64: 355-366

Rouissi H, Ben Souissi N, Dridi S, Chaieb K, Tlili S et Ridene J 2001 Performances zootechniques de la race ovine Sicilo-Sarde. Options méditerranéennes série A, 46 : 231-236. Ressources. http://ressources.ciheam.org/om/pdf/a46/01600142.pdf

Received 9 May 2009; Accepted 30 June 2009; Published 5 August 2009

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