Livestock Research for Rural Development 21 (6) 2009 Guide for preparation of papers LRRD News

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Impact technico-économique du rapport concentré / fourrage sur la production laitière bovine: Cas des exploitations de Constantine

F Ghozlane, A Bousbia, M T Benyoucef et H Yakhlef

Département de Zootechnie. Institut National Agronomique16200 El Harrach – Alger Algérie
ghozlane_f@yahoo.fr

Résumé

L’évaluation de la part du concentré dans la ration alimentaire des vaches laitières et son influence sur la production de lait  dans les élevages bovins de la wilaya de Constantine a été étudiée dans 12 exploitations totalisant un effectif bovin de 865 têtes dont 504 vaches laitières en majorité de races Holstein et Montbéliarde.

 

Il ressort de cette étude que le rendement laitier qui s’établit en moyenne à 4500 litres/vache/an est relativement faible comparativement à ce qui est obtenu par ces races  dans leurs pays d’origine. Les fourrages n’occupent qu’une place limitée dans l’assolement annuel. De ce fait, l’alimentation des vaches est fortement tributaire des apports de concentrés. Ce concentré n’est pas utilisé de façon rationnelle ce qui alourdit les charges alimentaires (plus de 55% des charges alimentaires totales).

 

Ces résultats montrent les tendances actuelles de l’élevage bovin laitier en Algérie, basé essentiellement sur la conversion des concentrés en protéines animales à cause de la faiblesse des superficies réservées aux cultures fourragères qui couvrent à peine 8% de la SAU.

Mots clés: Algérie, alimentation, performances, vache laitière


Technical-economic impact of the concentrate / fodder ratio on the bovine dairy production: Case of the farming of Constantine

Abstract

The evaluation of the share of the concentrate in the food  of the dairy cows and its effect on the milk production of the cattle farming of the wilaya of Constantine was studied in 12 farms adding up a livestock number of 865 heads which 504 dairy cows as a majority of Holstein and Montbélliard breeds.  It comes out from this study that: The dairy yield which is established on average with 4500 litre/cow/year is relatively low compared with what is obtained by these breeds in their native countries.  Fodders occupy a limited place in the yearly crop rotation. As a result, the feeding of the cows is heavily dependent on concentrate supply. This concentrate is not used efficiently which increased the feed costs (more than 55% of the total feed costs). These results show the current trends of the dairy cattle - rearing in Algeria, mainly based on the conversion of the concentrate into animal proteins due to the weakness of the areas reserved for the forage crops which cover only 8% of the UAA.

Key words: Algeria, dairy cow, food, performances


Introduction

La production laitière en Algérie est évaluée à 1.7 milliard de litres en 2006 soit 0,28% de la production mondiale, elle est en totale inadéquation avec les besoins de la population algérienne puisqu’elle ne  couvre qu’à peine  40%. (FAO 2006). Pour combler ce déficit, l’Algérie a recours à l’importation de lait en poudre avec une facture très élevée, de l’ordre de 488.2 millions de dollars US en 2006 (FAO 2006).

 

Le lait constitue un produit de base dans le modèle de consommation algérien. Sa part dans les importations alimentaires totales du pays représente environ 22 % (FAO 2006).  La rentabilité de l’élevage laitier est étroitement liée à la maîtrise du coût alimentaire du kilogramme de lait et à  l’expression totale du potentiel génétique.  

 

L’objectif de cette étude consiste à évaluer à partir des données récoltées sur plusieurs exploitations, la part du concentré dans la ration alimentaire des vaches laitières et son influence sur la production laitière et le coût de la production du litre de lait dans quelques élevages bovins laitiers de  la wilaya de Constantine.

 

 Méthodologie

 

Le choix de la région d’étude a été  dicté par la vocation agricole et particulièrement de l’importance de l’élevage bovin qui caractérise la wilaya de Constantine. Le nombre de vaches laitières dans cette wilaya avoisine les 37 000 têtes soit 4,46% de l’effectif  national réparties sur 293 exploitations agrées (MADR 2006).

 

La méthode de  collecte  des informations est basée particulièrement sur des mesures de paramètres techniques (quantités d’aliments, la production laitière), des entretiens directs avec les éleveurs et les différentes institutions techniques d’élevage, sur les observations personnelles, ainsi que le relevé des données sur les fiches d’élevage existantes

12 exploitations totalisant un effectif de  865 têtes, dont 504 vaches laitières ont été retenues sur la base des critères suivants :

·                              La stabilité dans l'activité de l’élevage bovin laitier.

·                              La disponibilité des informations fiables et mesurées (fiches d’élevages).

·                              Le suivi de l’alimentation (planning fourrager) et de la production laitière.

·                              La taille des élevages (supérieur à 10 vaches).

·                              Les informations recherchées sont celles liées :

·                              Les surfaces réservées aux cultures et à leurs rendements : SAU, SF, SFI. 

·                              Les troupeaux bovins laitiers : la taille du troupeau, la structure du cheptel.

·                              La production laitière : la production journalière par vache, la moyenne technique, la moyenne économique 

·                              L’alimentation: quantité distribuées, refusées. 

 

Résultats et discussion 

Le rationnement du troupeau laitier 

 

La ration de base, variable d’une exploitation à une autre se compose en hiver: d’ensilage d’orge, de triticale, foin de vesce avoine ou d’avoine et parfois de luzerne. En été par le sorgho en vert, l’ensilage à base d’orge ou de triticale, le foin de vesce avoine. Suivant les plans d’affouragement appliqués au niveau de ces unités, la distribution du vert est  limitée à  des  périodes très courtes (3 mois maximum).

 

La majorité des exploitations enquêtées préparent leur propre aliment concentré à partir de  matières premières tous  achetées (mais, gros son, tourteaux de soja),  hormis l’orge pour quelques exploitations. L’enquête a relevé que 50 % des élevages distribuent entre 8,1 à 10 kg de concentrés par vache et par jour. Le mode de distribution du concentré est unique dans toutes les exploitations (deux fois par jour au moment de la traite).

 

Les apports en matière sèche 

 

Les quantités de MS ingérées de la ration totale / vache / jour  exprimées en kg varient de  15,9 à 22,5 avec une moyenne de 19,3 ± 2,02 avec un apport de MS de 3,3 kg par 100 kg de poids vif. Cette quantité semble répondre à la norme préconisée (Jarrige 1988). Les résultats enregistrés montrent que la quantité moyenne de fourrage ingéré exprimé en MS est de 11,7 ± 2,35 kg par vache et par jour, et celle du concentré est de 8,14 ± 1,62 kg par vache et par jour.

 

Les apports en UFL et MAD

 

Il ressort du tableau 1 que la part du concentré dans la ration distribuée est en moyenne de 41,9 ± 8,33%  ce rapport est le plus élevé dans l’unité 11 (56,6%) et le plus faible dans l’unité 4 (26,1 ± 2,05).


Tableau 1.  Caractéristiques des rations  des vaches laitières dans chaque exploitation

N° d’ exploitation

MAD concentré / MAD totaux %

Kg de MS ingérée  par vache et par jour

MS concentré /  MS totale%

UFL concentré / UFL totaux %

1

61,8 ± 1,02

19,6 ± 2,05

40,3 ± 4,21

55,7 ± 7,58

2

59,7 ± 3,58

22,5 ± 1,63

40,2 ± 3,04

53,7 ± 2.94

3

59,7

18,4 ± 0,62

29,3 ± 0,99

40,9 ± 1.36

4

60,8 ± 3,39

21,5 ± 1,69

26,1 ± 2,05

48,0 ± 5,87

5

71,1

18,4

39,1

54,2

6

73,0 ± 2,59

21,1

51,1

63,9 ± 0,14

7

68,5 ± 3,28

20,5 ± 2,50

44,3 ± 5,41

57,8 ± 2,92

8

74,7

20,5

44.0

59,4

9

64,9

17,9

40,3

53,6

10

65,0

16,3

44,2

55,3

11

71,1

15,9

56,6

70,5

12

67,0± 5,11

19,4 ± 1,28

46,6 ± 2,97

59,2 ± 2,84

Moyenne ± SE

66,4 ± 5,29

19,3 ± 2,02

41,9 ± 8.33

56,0 ± 7.42


Le même tableau indique que dans la majorité des exploitations, la part du concentré dans la ration distribuée est inférieure à 50%.Deux exploitations seulement dépassent les recommandations (Soltner 1990), leurs vaches peuvent ainsi s’exposer au risque d’acidose digestive. La part du concentré dans l'apport énergétique total pour les vaches laitières est en moyenne de 56,0 ± 7,42%, elle varie de 40,9  % dans l’unité 3 à 70,5 % dans l’unité 11.

 

Les résultats rapportés au tableau 1 montrent que les proportions des UFL et des MAD  apportées par le concentré dans la ration totale varient respectivement de  39,9 à 70,5 %  avec une moyenne de 55,4 ± 7,50 % pour les UFL  et 47 à 74,82 % avec une moyenne de 65,4 ± 5,62% pour les MAD. La plus grande part d’énergie et d’azote est ainsi assurée par les concentrés. Nos résultats sont largement supérieurs à ceux obtenus en condition semi aride ou il est enregistré 42% pour les UFL et 53% pour les MAD (Madani et al 2004), et très proches  pour les UFL (54%) en région tempérée (Boukir 2007)

 
La production laitière

 

La production laitière permise par la ration de base 

 

La moyenne de la production laitière permise par la ration de base dans toutes les exploitations est de 3,60 ± 2,08 kg et 2,73 ± 1,61 kg  respectivement pour les UFL et les MAD (tableau 2).


Tableau 2.  Niveau de production laitière par exploitation

 

N° d’exploitation

Production théorique, kg

Production moyenne réelle, kg

Kg de lait  permis par UFL de la RB

Kg de lait  permis par MAD de la RB

UFL

MAD

1

26,7 ± 3,66

21,4 ± 2,79

15,0 ± 0,58

5,68 ± 3,66

3,51 ± 0,29

2

29,7 ± 1,65

25,7 ± 1,48

20,1 ± 1,26

7,66 ± 1,65

6,84 ± 1,48

3

18.0 ± 0,70

13,6

11,6 ± 0,32

5,99 ± 0,70

1,90 ± 0,01

4

16,5 ± 2,41

13,7 ± 0,73

10,9 ± 1,32

3,21 ± 2,41

1,73 ± 0,78

5

21,8

22,6

11,2

3,80

2,26

6

27,2 ± 0,05

25,3 ± 0,79

16,8 ± 0,35

2,25 ± 0,22

2,47 ± 0,79

7

25,0 ± 1,30

23,1

15,9 ± 0,26

3,99 ± 1,29

2,88 ± 0,96

8

24,1

19,0

16,6

3,03

0,36

9

20,4

18,4

16,5

3,40

2,55

10

17,3

20,9

13,2

1,47

3,54

11

21,7

19,1

14,6

0,00

1,26

12

22,9 ± 1,25

22,4 ± 1,58

15,9 ± 0,57

2,67 ± 1,25

3,44 ± 1,59

Moyenne ± écart-type

22,6 ± 4,14

20,4 ± 3,90

14,9 ± 2,74

3,60 ± 2,08

2,73 ± 1,61


Le problème majeur de cette faible production est la qualité de  fourrages cultivés qui laisse à désirer et qui affecte négativement la valeur laitière de la ration. Les fourrages classiques à base d’orge et de vesce avoine présentent généralement une faible valeur nutritive, ils sont riches en cellulose, pauvre en protéine, peu digestible et encombrent le rumen.

 
La production laitière permise par la ration totale 

 

Les résultats obtenus montrent que la moyenne de la production théorique permise par UFL et MAD est respectivement de 22,6 ± 4,14 kg et 20,4 ± 3,90 kg dans toutes les exploitations, elle est supérieure à la moyenne de la production laitière réelle au niveau de toutes les exploitations soit une moyenne de 14,9 ± 2,74 kg. La quantité de lait produite est faible par rapport à celle permise par la ration, cela est dû probablement, à une déviation du métabolisme engendrant une lipogénèse au lieu d’une sécrétion lactée (Tableau2).

 

La part du concentré dans la production laitière théorique et réelle

 

La production laitière est assurée par un apport massif d’aliments composés dont la composition est souvent variable. Cela est dû comme nous l’avons déjà signalé à la médiocrité des cultures fourragères.

 

Les résultats enregistrés montrent que l’apport énergétique du concentré qui  participe dans la production laitière  aussi bien théorique que réelle est très élevé ,les proportions  varient respectivement de 66,8 ± 2,58 à 100% avec une moyenne de  84,4 ± 8,66% et de 48,2 ± 7,42 à 100% avec une moyenne de 75,1 ± 14,31%.

 

L’apport azoté du concentré  dans la production laitière théorique et réelle est lui aussi fortement élevé, avec des proportions qui varient respectivement de 73,63 ± 4,07 à 94.40 % (avec une    moyenne de 87,0 ± 6,21 %) et de 68,8 ± 6,71 à 91,4%  (avec une moyenne de 82,1 ± 7,73 %).

 

De ces résultats, on peut déduire que l’apport azoté du concentré qui  participe dans la production laitière théorique et réelle est supérieur à l’apport énergétique. Cela peut être aussi un autre indicateur de la médiocrité de nos cultures fourragères surtout de point de vue protéique. Ces résultats illustrent pleinement que la production laitière dans cette région reste souvent assurée à "coup de concentrés".

 

Part du concentré dans le coût de production du lait cru

 

Le coût de production du litre de lait calculé par la chambre nationale d’agriculture en 2006 a été estimé à  26,4 ± 5,02 DA /l. Il varie selon le niveau de production ; il reste tout de même élevé en raison des techniques d’alimentation archaïque et de la  faible valeur nutritive des fourrages cultivés (Seray  2006). Ce prix de revient est en dessus du prix de vente du lait recombiné fixé par l’état à 25 dinars le litre.  

 

L’étude réalisée par cette même institution a révélé que 80%du coût de production du litre de lait cru est attribué à l’alimentation. Les résultats obtenus montrent que  le concentré participe dans les charges alimentaires à des proportions qui varient selon les exploitations entre 36,9% ± 0,38 à 63, 35 % ± 1,07 avec une moyenne de 55,1% ± 8,10 alors qu’au Maroc il ne participe que pour 30% (Srairi et Kessab 1998).

 

En effet, une grande partie des éleveurs l’utilisent avec des quantités excédentaires, quantités qui ne seront pas utilisées directement dans le processus de production du lait. Ce surplus de concentré va alourdir les charges alimentaires et induire ainsi un coût de production élevé.

 

Conclusion  

 

Références  

Abdelguerfi A, Laouar M et M’hammedi Bouzina M 2007 Les productions fourragères et pastorales en Algérie. Agriculture et développement. 6: 14-25  

  

Boukir M 2007 relations entre les modalités de productions bovines et les caractéristiques du lait .cas des exploitations laitières de la wilaya de Tizi-ouzou. Thèse de magister INA El-harrach 114 p.

 

FAO 2006  Annuaire statistique de la FAO

 

Jarrige R 1988 Alimentation des bovins ovins et caprins. Paris, INRA France

 

Madani T, Mouffok C et Frioui M 2004 Effet du niveau de concentré sur la rentabilité  de la production laitière en situation semi-aride algérienne. 11èmes Rencontres de la Recherche sur les Ruminants,  Paris.  http://www.inst-elevage.asso.fr/html28/IMG/pdf/2004_itineraire_20_Madani.pdf

 

M ADR  (Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural) 2006 Statistiques agricoles: superficie et production, série B.

 

Seray K 2006 Crise actuelle de la filière lait en Algérie. L’union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA).

 

Soltner D 1990 Alimentation des animaux domestiques. Paris, INRA France.

 

Srairi M T et Kessab B 1998 Performances et modalités de production laitière dans six étables spécialisées au Maroc. INRA Productions animales 11 :299-304.  http://granit.jouy.inra.fr/productions-animales/1998/Prod_Anim_1998_11_4_06.pdf\



Received 4 October 2008; Accepted 12 May 2009; Published 1 June 2009

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