Performances de reproduction et de production laitière des vaches Brunes des Alpes et Montbéliardes en région subhumide de la Tunisie

R Bouraoui, B Rekik et A Ben Gara

Ecole Supérieure d’Agriculture de Mateur. 7030 Mateur, Tunisie
rekik.boulbaba@iresa.agrinet.tn

Résumé

Cette étude a été menée sur un troupeau laitier dans le subhumide tunisien pour caractériser les performances laitières et de reproduction de deux races bovines. La taille de ce troupeau est de 71 vaches laitières. Un total de 172 lactations dont 116 lactations pour la Brune des Alpes et 56 lactations pour la Montbéliarde enregistrées de 2005 à 2008 ont été analysées. La variation des performances laitières a été étudiée par un modèle linéaire renfermant les facteurs race, numéro de lactation, année et saison de vêlage et l’interaction race x numéro de lactation.

 

Les résultats montrent que l’âge au premier vêlage était de 31 ± 3,4 mois, l’indice coïtal était de 2,2 ± 1,8, le délai de mise à la reproduction était de 76 ± 30 jours, l’intervalle vêlage insémination était de 125 ± 80 jours et l’intervalle vêlage-vêlage était de 400 ± 80 jours. La production laitière totale était de 3980 ± 1821 kg, pour toutes lactations et races confondues, pour une durée de lactation moyenne de 273 ± 100 jours et une production laitière moyenne au pic de 26,2 ± 5,4 kg. La production laitière moyenne par race est de 4139 ± 2077 kg et de 3650 ± 1061 kg, avec une production au pic de lactation de 26,9 ± 5,6 et 24,9 ± 4,6 respectivement pour la Brune des Alpes et la Montbéliarde. Ces performances sont plus faibles que celles de la Holstein dans les mêmes conditions. La production moyenne de l’ Holstein est de l’ordre de 5517 kg pendant une durée moyenne de lactation de 347 jours. Les teneurs en matière grasse et matières protéiques étaient respectivement de 3,54 % et de 3,15%. La moyenne du comptage de cellules somatiques était de 231,697 10³ ± 279,601 10³ cellules/ml avec un score de cellules somatiques de 3,48 ± 0,80. L’année et la saison du vêlage, le numéro de lactation, la race et l’interaction numéro de lactation x race ne semblent pas affecter les paramètres de reproduction, la durée de lactation et le score des cellules somatiques (p > 0,05). Par contre, ces facteurs ont affecté (p < 0,05) la production laitière, le pic de lactation et les teneurs en matière grasse et matières protéiques. Les performances de reproduction ont montré une légère supériorité de la Montbéliarde. Par contre, les résultats de production laitière et de pic de lactation ont été en faveur de la Brune des Alpes.

Mots clés: Insémination, lactation, matières grasses, matières protéiques, pic, vêlage

Production and reproduction performances of “Brunes des Alpes” and “Montbéliarde” cows in sub- humid areas in the north of Tunisia

Abstract 

This study was on two dairy breeds managed under the same conditions in a herd in the sub- humid in the north of Tunisia to characterize their milk and reproductive performances. The herd size was 71 cows. There were 172 lactations of which 116 were recorded on The “Brunes des Alpes” and 56 on “Montbéliarde” cows. Records were collected between 2005 and 2008. Variation of milk production was studied by a linear model that included the breed, parity, year and season of calving and the breed x parity interaction.

 

Results showed that age at first calving was 31 ± 3.4 months. Mean number of inseminations per conception, delayed entry in reproduction, calving to insemination and calving to calving intervals were 2.2 ± 1.8, 76 ± 30 days, 125 ± 80 days and 400 ± 80 days, respectively. Total milk production was 3980 ± 1821 kg over all lactations in a 273 ± 100 days period. Mean peak yield was 26.2 ± 5.4 kg. Mean milk yield per breed was 4139 ± 2077 and 3650 ± 1061 kg, with a peak yield of 26,9 ± 5,6 and 24,9 ± 4,6 kg for the « Brune des Alpes” and “Montbéliarde”, respectively. These performances are lower than those of the Holstein breed under the same conditions. Mean milk yield for Holsteins is around 5517 kg during a 347 days lactation period. Fat and protein contents were 3.54 % and 3.15%, respectively. The mean of somatic cell count was 231.697 10³ ± 279,601 10³ Cells/ml with an average somatic cell score of 3.48 ± 0.80. Year and season of calving, parity, the breed, and parity x breed interaction seemed not to affect reproduction parameters, the length of lactation and the somatic cell score (p > 0.05). However, these factors affected (p < 0.05) milk yield, peak yield and fat and protein contents. Reproductive performances were in favor of the “Montbéliarde” breed while milk production performances were in favour of the “Brune des Alpes” breed.

Key words: Calving, fat, insemination, lactation, peak, protein

Introduction

Le secteur laitier en Tunisie constitue un domaine stratégique dans le développement économique et social. En effet, il représente 11 % de la valeur de la production agricole et 25% de la valeur de la production animale (Ministère de l’Agriculture 2006). L’élevage bovin laitier assure 98 % de la production laitière nationale. 211 000 unités femelles de races pures et 282 000 unités femelles locales et croisées constituent le cheptel bovin laitier national. Le cheptel laitier de races pures est constitué à raison de 97 % de Pie Noire-Holsteinisée, de 3 % de Brune des Alpes et d’autres races. Il ne cesse d’augmenter aux dépens de la population locale. Ceci peut être attribué à la faible productivité de cette dernière (Bel Hadj 1972). C’est ainsi que depuis les années 70, des mesures ont été envisagées pour améliorer cette productivité par des croisements d’absorption des races pures européennes. Or pour répondre aux besoins croissants de la population tunisienne en lait, cette productivité reste insuffisante. C’est à partir des années 80 que l’orientation du secteur était vers l’importation massive des vaches de races pures reconnues pour leurs hautes performances (Bouraoui 2002). De ce fait, l’élevage laitier s’est orienté vers l’élevage des races. L’objectif de ce travail est de caractériser les performances d’un élevage laitier de races pures autres que la Holstein. Il s’agit de la Brune des Alpes et de la Montbéliarde.

 

Matériel et méthodes 

Présentation du site d’étude

 

La ferme est située dans la région de Menzel Jemil qui se trouve à 10 km de la ville de Bizerte et 51 km de Tunis. La région de Menzel Jemil fait partie de l’étage bioclimatique subhumide avec une pluviométrie annuelle égale en moyenne à 606 mm. Le climat est typiquement méditerranéen par l’alternance de deux saisons: une saison humide et fraîche en hiver et une saison sèche et chaude en été. Le site d’étude est une  ferme privée crée en 2004. Elle occupe une superficie de 70 ha réservés aux cultures fourragères (avoine, triticale, orge, ray gras, luzerne et bersim). Les terres de la ferme sont en plaine et les sols sont de type argilo limoneux.

 

Matériel animal

 

La ferme possède un cheptel de 71 vaches laitières de races Brune des Alpes (30 vaches en 2005 pour atteindre  60 vaches en 2008) et Montbéliarde (30 vaches en 2005 et seulement 11 vaches en 2008) conduit d'une manière exclusivement intensive dans une étable à stabulation libre sur aire paillée. L’étable est divisée en 4 lots dans des paillots homogènes. Depuis sa création, la ferme s’est orientée vers l’élevage bovin laitier par l’importation de génisses pleines de race Brune des Alpes de l’Allemagne et de génisses pleines de race Montbéliarde de la France en 2004. Ce cheptel est alimenté par une ration de base qui est variable selon les périodes et est constituée par l’ensilage (avoine ou triticale), le foin (avoine) et la verdure (orge ou luzerne ou bersim). Le cheptel reçoit aussi le concentré pour vache laitière.

 

Collecte et description des données

 

Les données de la production laitière ont été collectées à partir des contrôles laitiers réalisés par le centre d’amélioration génétique de Sidi Thabet de l’office de l’élevage et des pâturages. Les données analysées représentent 172 lactations réalisées entre 2005 et 2008. Il s’agit de 116 lactations pour la Brune des Alpes et 56 pour la Montbéliarde. Pour chaque lactation, on dispose du numéro de la vache et de lactation, de la durée de lactation, de la production laitière, de la production au pic, des teneurs en matière grasse (MG), en matières protéiques (MP) et du comptage de cellules somatiques (CCS). Le score de cellules somatique (SCS) a été calculé selon SCS = log₂  (CCS/10⁵) +3 (Rekik et al 2008).

 

La collecte des données sur la reproduction a été réalisée à partir d’une consultation des fiches appropriées des vaches laitières qui contiennent d’une part les enregistrements concernant les dates des chaleurs observées, des inséminations, de la confirmation de gestation et des vêlages prévus. Les paramètres de reproduction calculés sont l’indice coïtal (IC), l’intervalle vêlage -vêlage (IVV), l’intervalle vêlage première insémination (IV-I1) et l’intervalle vêlage première insémination fécondante (IV-If). Les données ont été collectées à partir de l’année 2005 jusqu'à l’année 2008.

 

Analyse des données

 

Le traitement statistique des données a été effectué avec le logiciel SAS (1989). L’analyse des facteurs de variation des performances laitières a été effectuée par le modèle linéaire suivant: 

Y_ijklm = µ+ RACE_i + NL_j + AVN_k + VS_l + (RACE x NL)_kl+ e_ijklm

Où:

Y_ijklm =  la m^ième performance laitière.

µ =  Moyenne générale.

RACE_i  =  Effet fixe de la i^ième race

NL_j =  Effet fixe du j^ième  numéro de lactation.

AVN_k =  Effet fixe du k^ième année de vêlage.

VS_l =  Effet fixe du l^ième saison de vêlage (automne, hiver, printemps et été).

(RACE x NL)_m =  Effet fixe du m^ième interaction race x numéro de lactation.

e_ijklm  =  Erreur résiduelle aléatoire avec e_ijklm ~ N (0, σ²).

 

Pour la comparaison des deux races par lactation, on a utilisé un modèle à un seul facteur où figure seulement l’effet race.

 

Résultats et discussion

Performances zootechniques moyennes

 

Les résultats du tableau 1 montrent que les performances reproductives moyennes des vaches sont faibles mais ne sont pas trop éloignées des objectifs fixés d’avoir un âge au premier vêlage entre 25 et 28 mois, un IC inférieur à 1,6, un délai de mise à la reproduction (IV-I1) entre 45 à 70 jours, un intervalle vêlage insémination fécondante (IV-IF) inférieur à  110 jours et un IVV aux alentours de 365 jours. L’âge au premier vêlage était de 31 ± 3,4 mois, l’IC était de 2,2 ± 1,8, le délai de mise à la reproduction (IV-I1) était de 76 ± 30 jours, l’intervalle vêlage insémination IV-IF était de 125 ± 80 jours. L’IVV était de 400 ± 80 jours, plus faible que celui enregistré pour l’Holstein qui est de l’ordre de 439 jours (Garrouri 2008). Les écarts types de ces paramètres étaient élevés. Les résultats obtenus sont inférieurs à ceux rapportés récemment (Ajili et al 2007; Ben Salem et al 2007; Garrouri 2008).

 

Les résultats du tableau 1 montrent aussi que la moyenne de la production laitière totale est de 3980 ± 1821 kg, pour toutes lactations et races confondues, pour une durée de lactation moyenne égale à 273 ± 100 jours et une production laitière moyenne au pic de 26,2 ± 5,4 kg. Cette moyenne de production laitière est nettement inférieure à celles trouvées par Garrouri (2008) qui sont de 5451 kg en 346 jours, de 5517 kg en 347 et de 4458 kg en 335, respectivement pour toutes races confondues, pour la race Holstein et pour la race Brune des Alpes. Cette moyenne de production est aussi inférieure à celle rapportée par Medini (2006) qui est de 6549 kg en 351 jours. La production laitière moyenne par race est de 4139 ± 2077 kg et de 3650 ± 1061 kg, avec une production au pic de lactation de 26,9 ± 5,6 et 24,9 ± 4,6 respectivement pour la Brune des Alpes et la Montbéliarde. Les résultats du tableau 1 montrent aussi que la production laitière augmente d’une lactation à l’autre. En effet, la production de la première lactation est de 4063, 3673 et 3935 kg, pour la deuxième lactation la production est de 4322, 3682 et 4039 kg et pour la troisième lactation, cette production est de 4961, 3484 et 4063, respectivement pour la Brune des Alpes, la Montbéliarde et toutes races confondues. La composition moyenne du lait enregistrée (Tableau 1) était de 3,54 % et de 3,15% de MG et de MP respectivement. Ces valeurs dépassent celles rapportées par Garrouri (2008) qui sont de 3,50 % pour la MG et 3,05 % pour les MP pour toutes races confondues.

 

La moyenne du CCS était de 231,697 10³ ± 279,601 10³ cellules/ml avec un SCS de 3,48 ± 0,80 (Tableau 1). L’écart type élevé du CCS traduit une forte hétérogénéité de la qualité du lait produit. La moyenne de CCS trouvée est nettement inférieure  à celle trouvée par Norman et al (2000) qui est de 310 10³ cellules/ml, de celle Mtaallah et al (2002) qui est de 621 10³ cellules/ml, de celle de Ben Salem et al (2006) qui est de 560 10³ cellules/ml et de celle trouvée par Garrouri (2008) qui est de 426 10³ cellules/ml. Cette moyenne est supérieure à celles trouvées par Rupp et al (2000) qui varie de 133 à 215 10³ cellules/ml pour les différentes races laitières françaises. La valeur du CCS ne montre pas un niveau élevé d’infection. Les vaches dont le CCS est supérieur à 300 10³ cellules/ml sont probablement infectées par des pathogènes majeurs (Schukken et al 2003; Skrzypek et al 2004).