Livestock Research for Rural Development 21 (11) 2009 | Guide for preparation of papers | LRRD News | Citation of this paper |
L'objectif de ce travail est de dresser un bilan d’intoxication des animaux d’élevage par une plante herbacée annuelle Datura stramonium L dans la région de Sétif. 556 questionnaires sont distribués à 150 vétérinaires et 406 éleveurs répartis sur 34 communes de la wilaya (district).
Les résultats de l'enquête mettent en évidence l'existence de 322 cas de mortalité causé par Datura stramonium, répartis de façon différente selon l'espèce animale (bovins, ovins, caprins et équins) et la zone géographique (Nord, Centre, Sud). En plus, l’enquête a fait ressortir que les régions Sud et Centre sont plus exposées à l’empoisonnement par cette plante: 278 cas de mortalité au niveau du Sud et Centre et 44 cas de mortalités dans la région Nord.
Mots clés: Enquête, plante, questionnaire
The purpose of the present research was to determine jimsonweed toxicity to animals in Serif's region. A survey (556 questionnaires) was distributed to 150 veterinary and 406 breeders disturbed in 34 communes to Serif's region.
The epidemiological survey in Serif's region allowed us to put in evidence the existence of 322 deaths distributed in a different way according to animal species (bovines, ovines, caprins and equines), and geographic area (the North, the Center, and the South). Indeed, the inquiry related that regions South and Centre are more exposed to the poisoning by the plant, 278 cases death is 86,33 % on a total of 322 deaths, while 44 dead cases is 13,66 % of the total found with the inquiry registered in the region of the North.
Key words: Plant, questionarie, survey
Dans les conditions normales, les plantes toxiques ne sont pas consommées par les animaux. Elles ne sont généralement broutées que pendant la saison sèche quand les parcours ne sont constitués que de paille sur pied. Aussi, les animaux sous-alimentés pendant cette période et à la recherche d'un fourrage vert se précipitent sans discernement sur tout ce qu'ils rencontrent. Ils peuvent alors consommer des espèces normalement non appétées parmi lesquelles les espèces toxiques. C’est dans ces conditions que se produisent des intoxications des animaux. Dans la région de Sétif c’est surtout le Datura L connu sous le nom local de Sikranne qui est le plus rencontré. Cette plante est une herbacée annuelle (figures1 et 2), appartenant à la famille des solanacées (Grzegorz et Maria 2008).
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L'effet toxique de la plante est attribué à trois alcaloïdes tropaniques : l’atropine et son isomère optique l'hyoscyamine et la scopolamine. Chez l'homme, elle est utilisée comme une drogue abusive.Chez les animaux d'élevage, elle constitue un danger dans les pâturages et dans la contamination de leurs aliments.
Le présent travail a pour objectif de voir si cette plante constitue un danger chez les animaux d'élevage et quelles sont les conséquences lors de l'intoxication
La wilaya de Sétif est située dans la région semi-aride de l’est de l’Algérie. Elle s’étend sur une superficie de 6549 km2 soit 0,27% du territoire national. Géographiquement, elle se situe à une latitude 36°11’29 nord et une longitude de 5°24’34 est. La wilaya appartient aux hauts plateaux avec une altitude de 1300 m (Figure 3).
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Déroulement de l’enquête
Pour dresser un bilan d’intoxication de la plante chez les animaux d’élevage, une enquête est effectuée au niveau de 34 communes. Elle a concerné 406 éleveurs et 150 vétérinaires.
Un questionnaire a été préparé pour rassembler les informations sur les animaux exposés à la plante. Il comprend plusieurs rubrique ayant trait à l’espèce, la race, le sexe, l’âge, l’état physiologique de l’animal, l'étiologie de l'intoxication et les différentes symptomatologies.
Une fiche simplifiée avec trois photos couleurs de la plante entière, de ses fruits et de ses feuilles est montrée aux éleveurs et aux vétérinaires pour ne pas la confondre avec d'autres plantes portant la même appellation comme la jusquiame (Hyosciamus niger) et la belladone (Atropa belladona). L’enquête est réalisée en un seul passage, l’entretien dure entre 30 à 60 minutes.
Choix des communes
Les communes d'enquête (34 communes) sont réparties sur les différentes régions, nord centre et sud de la wilaya de Sétif.
Base des données
La liste des vétérinaires enquêtés est établie en collaboration avec l’inspection vétérinaire de la wilaya. 116 vétérinaires visités à leurs cliniques privées et 34 vétérinaires consultés au niveau de la commune (délégué communal).
406 éleveurs ont participé à l'enquête sur un total de 9628 que compte les 34 communes.
Les données ont été soumises à une analyse statistique descriptive par le calcul de taux de mortalité selon la formule suivante : TM= M/E ×100 où TM= taux de mortalité ; M= Nombre de morts ; E= effectif du cheptel enquêté. Le taux de mortalité vrai se situe dans la fourchette (TM- Δ, TM+ Δ) avec un degré de certitude de 95%.
La toxicité de Datura stramonium pour les animaux est décrite chez la plupart des espèces animales : bovins (Cheek et Shull 1985), camelins (Johnson 2003), ovins et caprins (El Dirdiri et al 1981), porcins (Piva et al 1997) et équins (Binev et al 2006). La répartition d’effectif du cheptel enquêté selon les communes est indiquée dans le tableau 1.
Tableau 1. Total de cheptel présent dans les communes enquêtées |
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Equins |
Caprins |
Ovins |
Bovins |
Espèce animale |
593 |
5749 |
33736 |
3153 |
Cheptel consulté pendant l'enquête |
5368 |
36747 |
328774 |
83468 |
Commune d’enquête (34) communes |
8473 |
66218 |
468878 |
112980 |
Wilaya (60) communes* |
*): Direction des services agricole (2006/2007) |
Les résultats d’enquête dans la wilaya de Sétif ont révélés l’existence de 322 morts chez plusieurs espèces animales exposées à la plante. Chez les bovins, on a enregistré 51 bovins morts sur un troupeau total de 3153 consulté dans les 34 communes enquêtées, 30 bovins morts, soit 58,8% déclarés par les éleveurs, alors que 21 bovins décédés, soit 41,1% signalé chez les vétérinaires, ce qui présente un taux de mortalité égale à 1,6 ± 0,34% (près de deux bovins morts sur 100 bovins atteints) tableau 2.
Tableau 2. Répartition des bovins intoxiqués par la plante |
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Total du troupeau |
Veau |
Vache |
Génisse |
|
2585 |
01 |
25 |
4 |
Eleveurs |
568 |
00 |
14 |
7 |
Vétérinaires |
51 |
1 |
39 |
11 |
Total bovins morts |
Les vétérinaires et les éleveurs donnent des informations complètes concernant l’âge, la race et le sexe des bovins empoisonnés par la plante (Tableau 3).
Tableau 3. Répartition des bovins intoxiqués par la plante selon l'âge, la race et le sexe |
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Nombre de morts |
L'âge |
la race |
Total de morts |
Eleveurs |
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Génisses |
04 |
01 année |
Pie- Noir |
30 bovins morts |
Vaches |
03 |
01 vêlage |
Pie- Noir |
|
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06 |
02 vêlages |
Pie- Noir |
|
|
06 |
01vêlage |
Pie- Rouge |
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05 |
02 vêlages |
Pie- Rouge |
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03 |
02 vêlages |
Bovin Local |
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02 |
01 vêlage |
Bovin Local |
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Veau |
01 |
01 année |
Pie Noir |
|
Vétérinaires |
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Génisses |
05 |
01 année |
Pie Noir |
21 bovins morts |
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02 |
01 année |
Pie- Rouge |
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Vaches |
02 |
01 vêlage |
Pie- Noir |
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01 |
02 vêlages |
Pie- Noir |
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03 |
01 vêlage |
Pie- Rouge |
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04 |
01 vêlage |
Pie- Rouge |
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04 |
02 vêlages |
Bovin Local |
L’enquête recense aussi 9 cas des bovins traités par les vétérinaires qui ont confirmé l’intoxication d’après les signes cliniques (somnolence et convulsion) et la présence des débris de la plante plus au moins dégradés ou crachés dans les vomissures ou le liquide du lavage gastrique. Les éleveurs déclarent 5 cas récupérés après un état de somnolence et convulsions qui disparaît pendant deux jours après l’intoxication, ce tableau clinique est rapporté par d'autres auteurs (Cheek et Shull 1985). Les éleveurs constatent une baisse de production lactée associée à la coloration verdâtre du lait avec un goût et une saveur désagréable chez la vache empoisonnée, ces modifications peuvent durer jusqu’à trois jours.
L’enquête atteste 239 têtes ovines mortes sur un cheptel total de 33736 disposé dans la zone d’étude ce qui nous permis d’avoir un taux de mortalité égal à 0,7 ±0,08%, soit mois d'un mouton sur 100 têtes atteintes. Les ovins morts appartiennent à la race de Ouled Djellal qui est la plus exploitée dans la wilaya de Sétif, tandis que leur âge et leur sexe sont rarement précisés, à cause de l’effectif élevé des troupeaux ovins qui dépasse pour la plupart des éleveurs 30 têtes, rendant la tache difficile d’enregistrer des données fiables sur leurs animaux. On notera par ailleurs des intoxications chez 41 brebis et 27 agneaux, 14 cas traités par les vétérinaires et 5 cas récupérés après l’intoxication confirmée par les exploitants. La gravité de l’empoisonnement a provoqué l’avortement chez des brebis gestantes (12 brebis), d’autres cas plus sévères enregistrent l’avortement et la mort de ces brebis (6 cas rapportés) (tableau 4).
Tableau 4. Répartition des ovins intoxiqués par la plante |
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Total de morts |
Total du troupeau |
Agneaux |
Brebis |
Ovins |
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138 |
30896 |
17 |
26 |
95 |
Eleveurs |
101 |
2840 |
10 |
15 |
76 |
Vétérinaires |
239 |
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Total |
La mort de 28 chèvres et 4 chevaux a été répertoriée sur un effectif total enquêté de 5749 et de 593. Il est donc possible de retenir le taux de mortalité égal à 0,48 ± 0,17% (Tableau 5), et 0,67± 0,66% (Tableau 6).
Tableau 5. Répartition des caprins intoxiqués par la plante |
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Morts |
Troupeau total |
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20 |
4897 |
Eleveurs |
08 |
852 |
Vétérinaires |
28 |
5749 |
Total |
Tableau 6. Répartition des chevaux intoxiqués par la plante |
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Morts |
Troupeau total |
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04 |
309 |
Eleveurs |
00 |
284 |
Vétérinaires |
04 |
593 |
Total |
Les éleveurs déclarent que le goût amer du lait chez les brebis et les chèvres apparaît après 4 heures et il ne disparaît que si la traite est faite au moins 5 jours après l’ingestion ; la plupart des odeurs et des saveurs se trouvent dans les dérivés du lait dans le cas de sa transformation.
La répartition des intoxications par la plante signalée dans la région de Sétif n’est pas homogène à travers les différentes communes enquêtées (Nord, Centre, Sud) (figure 4).
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Figure 4. Répartition de l’intoxication par la plante selon l’espèce animale et la région |
L’enquête a confirmé que les animaux des régions Sud et Centre sont plus exposés à l’empoisonnement par la plante, 278 morts sur un total de 322 morts rapportés par l’enquête. Cette mortalité élevée est liée à une intensification de pratiques agricoles (céréale et maraîchage) pratiquée dans ces régions de la wilaya.
La toxicité de la plante est très variable en fonction de l’espèce animale considérée (bovins, ovins, caprins, équins). Elle est plus élevée chez les ovins que chez les bovins, caprins et équins (figure 5).
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Cependant le taux de mortalité est élevé chez l’espèce bovine dont la ration est généralement plus complexe que celle des petits ruminants (ovins et caprins). La préhension et la digestion des aliments présente une grande variabilité interspécifique, chez la vache la modalité de collecte des aliments est peu sélective, le bol alimentaire a la même composition que la prairie sur laquelle elle pâture ce qui favorise l’ingestion des plantes toxiques, chez les ovins la lèvre supérieure est fendue (alors qu’il y a un mufle chez les bovins) ce qui permet de tondre l’herbe beaucoup plus ras. Le mouton sélectionne l’herbe ingérée ce qui diminue l'ingestion des plantes toxiques (Baumont 1996). Dans les conditions naturelles les chèvres peignent les arbustes, ingèrent beaucoup de feuilles, des baies d’où un foie ayant de très fortes capacités métaboliques pour exercer un effet de premier passage protecteur pour l’animal ,de même les chevaux sont très sélectifs aux aliments qu’ils ingèrent (Dumont et Boissy 1999).
Le taux de mortalité globale par le Datura stramonium chez les différentes espèces animales est de 0,74 % ±0,08 (près d'un animal mort sur 100 animaux), ce taux faible est expliqué par le comportement alimentaire de l'animal au pâturage dépendant ses préférences alimentaires des espèces fourragères sur les plantes toxiques. L'animal par le choix qu'il fait manifeste un appétit déterminé pour la qualité de l'espèce végétale choisie, on parle d'appétibilité (palatabilité).
Le Datura stramonium est une plante toxique souvent associée aux cultures maraîchères.
La plante est toxique chez les herbivores quelque soit l'âge, le sexe et la race de l'animal.
L'intoxication par la plante est rare en élevage, elle fait intervenir des éléments propres à la plante (palatabilités) et propre à l'animal (préférences)
Le lait des animaux intoxiqués présente une saveur et un goût désagréable avec une coloration verdâtre
De cette étude, il apparaît nécessaire de mener une planification d'une stratégie de lutte (chimique et mécanique) adaptée afin de minimiser l'impact de cette espèce sur les animaux, de même une bonne gestion de pâturage en conservant la croissance des espèces fourragères désirables tout le long de la saison de pâturage.
Baumont A 1996 Palatabilité et comportement alimentaire chez les ruminants. INRA Productions Animales 9(5): 349-358 http://granit.jouy.inra.fr/productions-animales/1996/Prod_Anim_1996_9_5_04.pdf
Binev R, Valchev I and Niklov J 2006 Hematological Studies on Jimsonweed (Datura stramonium) intoxication in Horses. Trakia Journal of Science 4 (1): 43-48 http://tru.uni-sz.bg/tsj/Vol4N1_2006/Binev%20R%20et%20al.pdf
Cheek P R and Shull L R 1985 Nature toxicant in feeds and poisonous plants. AVI Publishing Company, Inc., Westport, Conncticut, USA. 492 pp.
Dumont B et Boissy A 1999 Relations sociales et comportement alimentaire au pâturage. INRA Productions Animales 1999 12(1): 3-1 http://granit.jouy.inra.fr/productions-animales/1999/Prod_Anim_1999_12_1_01.pdf
El Dirdiri N, Wasfi I A, Adam S E and Edds GT 1981 Toxicity of Datura stranonium L. to sheep and goats. Veterinary and Human Toxicology 23: 241-246
Grzegorz G and Maria G 2008 Tropane alkaloids as medicinally useful natural product and their synthetic derivaties as new drugs. Pharmacological Reports 60.439.436. ISSN 1734-1140
Johnson L 2003 Camelish and Poisonous Plants. ILRI Report Volume 8 (1)
Piva G, Morlacchini M, Pietri A. Fusari A, Corradi A and Piva A 1997 Toxicity of dietary scopolamine and hyoscyamine in pigs. Livestock Production Science 51(1997) 29-39
Received 6 July 2009; Accepted 10 September 2009; Published 1 November 2009