Valeur nutritive d’un oléagineux local et de ses dérivés pour l’alimentation du bétail: cas de l’arachide «petite kaloise» Algérie

F Arbouche, R Arbouche, H S Arbouche et Y Arbouche

Centre universitaire d’El-Tarf, Algérie, BP 138,  36000 El Tarf, Algérie
arbouchefodil@yahoo.fr

Résumé

La culture de l’arachide est une activité agricole traditionnelle de la région d’El Kala (Algérie) qui tend à régresser faute de débouché. Sa valorisation ainsi que celle de ces dérivés dans l’alimentation du bétail reste une alternative favorable pour son évolution dans les circuits de commercialisation.

Du point de vue composition chimique, son point fort est sans contexte la richesse en matières azotées totales de son tourteau (60%) et des fanes surtout après traitement à l’urée (22%). Le taux de lignine (ADL) faible dans le tourteau (3,4%) et inférieur à 10% dans les fanes confère à ces dernières une digestibilité de la matière organique (MO) comprise entre 60 et 66% et une dégradabilité de l’azote variant entre 52 et 72%. Les valeurs de l’unité fourragère pour la lactation (UFL) et de l’unité fourragère pour la viande (UFV) du tourteau (0,95 et 0,85) permet d’être une matière première pour la formulation des concentrés. La ration de base qui peut être préconisée à travers les fanes (0,70 UFL et 0,61 UFV) permettra un bon niveau de production laitière ou de gain de poids. Son traitement à l’urée réduira le déséquilibre énergie/azote par une meilleure valeur en protéines digestives intestinales (PDI) apportée par le traitement.  

Mots clés: alimentation des ruminants, amélioration, El Kala (Algérie), oléagineux, valeur nutritive

Food value of local oilseeds and derivatives in animal feed: case of small groundnut “kaloise” Algeria

Abstract

The culture of the groundnut is a traditional agricultural activity of the region of El Kala (Algeria) which tends to decline for lack of outlet. Its valorisation as well as that of its derivatives in the feeding of the cattle stays a favourable alternative for its evolution in the distribution channels.

From the point of view of chemical composition, its main big point is without context the wealth in total nitrogen of its oil cake (60 %) and haulm especially after treatment in the urea (22 %). The rate of Acid Detergent Lignin (ADL) which is low in the oil cake  (3,4 %) is lower than 10 % in haulm and confer to these last ones a digestibility of organic matter between 60 and 66 % and a degradability of the nitrogen varying between 52 and 72 %. The values of the fodder unity for the lactation (UFL) and of the fodder unity for the meat (UFV) of the oil cake (0,95 and 0,85)  allows to be a raw material for the formulation of concentrates. The basic ration which can be recommended through haulm (0,70 UFL and 0,61 UFV) will can allow a good level of dairy production or weighty gain. Its treatment with the urea will reduce the imbalance energy / nitrogen by a better value of the intestinal digestive proteins (PDI) brought by the treatment.

Keywords: improvement, El Kala (Algeria), nutritive value, oleaginous plant, ruminant feeds

Introduction

La culture d’oléagineux en Algérie a connu un cycle récurrent à partir des années 80 après la chute du prix du pétrole. La totalité de ses besoins en corps gras d’origine végétale est actuellement importée sous forme d’huile brute.

Cette situation de dépendance totale vis à vis de l’étranger, mobilise chaque année une part importante des ressources en devises. Certes, la conjoncture actuelle fait qu’il est plus rentable d’importer que de cultiver l’oléagineux. Cependant, les fluctuations de la bourse sur ce produit ainsi que sur le prix du baril de pétrole source d’énergie non renouvelable risque à moyen terme d’engendrer des pénuries non maîtrisables et qui affecteraient l’équilibre nutritionnel de la population. Face à cette situation, il est nécessaire que l’Algérie entreprenne des actions en vue de promouvoir les productions d’oléagineux à partir d’espèces endémiques, lesquelles délaissées auront tendance à disparaître car peu rentable économiquement.

La culture d’arachide occupe environ 2880 ha soit 4,36% de la superficie agricole utile pour une production de 30781qx (Ministère de l’Agriculture 2005). Elle est localisée au sud du pays dans les régions d’El Oued et de Ghardaia qui utilisent des semences importées. La variété endémique « petite kaloise » est localisée dans la région d’El Tarf au niveau d’El Kala et est cultivée sur des sols sableux et bien structurés, conditions retracées par Bezpaly (1984) avec un PH de 6,4 qui n’influence pas le rendement (Gillier et  Silvestre 1969). L’amélioration des techniques de cultures à travers une fertilisation naturelle qui sera amenée par des pratiques d’embouches locales, avec comme ration de base et complémentaire les dérivés de la production d’arachides, aura le mérite de sauvegarder les sols (Dia Sow et al 2004). En bonne culture fertilisée, un hectare d’arachide peut fournir 03 tonnes de fanes. Si celles-ci sont bien récoltées, on peut obtenir près de 2000 UF et plus de 250 Kg de MAD. (Rivière 1991).

La gousse est composée d’une coque cellulosique et d’une à quatre graines, laquelle pèse entre 0,2 à 2 g et constitue l’élément important par sa richesse en huiles et en protéines (Arihir et Iachourne 1997). L’utilisation de ce type d’oléagineux et de ses dérivés a fait l’objet de plusieurs études pour l’alimentation du cheptel à travers sa graine (Rao et al 1989, Durga-Prasad et al 1986, Okon 1985) son tourteau (Andrian  et al 1981, Friot et al 1975, Addison et al 1984, Ilori et al 1984) les fanes et les coques (Letard et al 1955, Nantoumé et al 2000).  

La petite kaloise  est une arachide de bouche, très peu connue dans les autres régions du pays. Sa production pourrait être augmentée en la valorisant dans le cadre de l’alimentation animale à travers sa graine, son tourteau, sa coque et ses fanes.                     

Matériel et méthodes 

Origine

Les gousses d’arachide petite kaloise ont été récoltées au niveau du bassin arachidien de la région littorale d’El Kala. Vingt (20) échantillons ont été prélevés au niveau de l’ensemble de la région. L’opération de décortication a été effectuée manuellement. Les graines ont été utilisées sans dépéliculage. Les fanes ont été récupérées juste après la récolte des gousses d’arachide.

Mode d’obtention du tourteau 

Les graines d’arachide, une fois broyées, ont été imprégnées d’hexane durant une demi heure, puis passées au rotavapeur pour séparer le tourteau du micelle composé d’huile et d’hexane. Le tourteau a été séché dans une étuve à 60°C pendant une heure afin d’éliminer les résidus d’hexane.

Mode de traitements

Le traitement physique utilisé est le hachage des fanes d’arachides, réalisé à l’aide d’un sécateur pour obtenir des brins d’environ 2cm. La quantité hachée et bottelée est de 500kg. Nous avons ainsi réalisé 25 bottes de 20 kilogrammes chacune.

Le traitement chimique a pour base l’urée à 46,6% d’azote. La solution d’urée destinée au traitement titre 350gr d’urée par litre d’eau et par kilogramme de matière sèche.

La durée du traitement a été de 45 jours en milieu anaérobique et obscur par l’intermédiaire de film plastique noir à une température ambiante de 25°C. Douze (12) échantillons ont été prélevés après homogénéisation en vue d’analyses chimiques. A l’ouverture de la meule, les bottes ont été aérées pendant 48 heures.      

Analyse chimique 

La composition chimique a été déterminée selon les méthodes de l’AOAC (1990) et les composés pariétaux par la méthode de Van Soest et Wine (1967). La digestibilité in vitro de la matière organique a été déterminée par la méthode de Aufrère (1982) et celle de la matière azotée par la méthode de (Aufrère et Cartailler 1988). L’énergie brute a été déterminée par calorimétrie adiabatique.

Calculs 

Ils ont pour base les équations proposées par Sauvant et al (2004) pour le calcul des valeurs nutritives pour les ruminants.

Traitement statistique

Ces analyses ont été effectuées à l'aide du programme Statistica 6.0 ( StatSoft Inc. 2001)

Résultats et discussion 

La composition chimique     

A travers le tableau 1, on remarque que le taux de matière sèche de la graine d’arachide est fonction de la durée de séchage au champ et de la température ambiante du milieu.

La teneur en eau est comprise entre 6 et 7% (Adrian et Jacquot 1968, Bergeret  et Masseyeff 1957). La teneur en matière sèche des tourteaux fluctue entre 93 et 91 % et est fonction du mode d’extraction (Letard et al 1955). Celles des coques et des fanes sont directement liées au temps de séchage et des conditions de stockage.

Les fanes séchées traitées ont un taux de matière sèche inférieur d’environ 10 points par rapport aux fanes séchées ce qui se traduit par une diminution de la teneur en NDF (Neutral Detergent Fiber) d’environ 03 points.  

Le taux de matières grasses des graines est fonction de la variété et peut contenir jusqu’à 47,5% de MS (Woodroof 1973). Pour les tourteaux d’arachide, cette teneur varie en fonction du procédé d’extraction (Morrison 1950 et  Kellner  and  Scheunert 1952). Pour les coques, les teneurs en matières grasses sont faibles de l’ordre de 3% au même titre que le résultat avancé par Kellner  and  Scheunert (1952) (2,9%). Pour les fanes, la teneur  se rapproche des résultats de Letard et al (1955) qui fluctue entre 1,3 et 1,5% et le traitement à l’urée n’amène aucune amélioration. La teneur en matières azotées totales des graines est supérieure aux données avancées par Oyenuga (1968), Daumas (1963) et Lim Han Kuo (1967) (21,7, 27 et 33,2% respectivement). Pour les tourteaux, leurs teneurs sont plus importantes à mode d’extraction identique (solvant) par rapport aux résultats de Woodman (1945)  (34,4%) et de Neumark (1970) (57,7%).Il semblerait aussi que l’effet variété joue un rôle assez conséquent (Daumas 1963). La teneur en matières azotées des fanes traitées s’est nettement améliorée de 16 points par rapport aux fanes séchées conformément aux résultats rapportés par plusieurs auteurs sur les pailles (Houmani 1998 et Srairi 1998). La teneur en MAT (Matières Azotées Totales) des fanes séchées est inférieure aux résultats trouvés par d’autres auteurs (10,9 à 11,6% Dzowela 1987  et 8,6 à 13,2 Rivière 1978). Une teneur moyenne de 107 g de MAT/kg MS pour la fane d’arachide est rapportée par Richard et al (1989).

 La teneur en cellulose brute des graines (10,5%) atteste que la graine n’a pas subit de traitement de dépéliculage. Il en ressort que le tourteau obtenu par extraction au solvant, a une teneur plus élevée. La teneur en cellulose brute des coques est fonction de la variété d’arachides (Letard et al 1955 et Kellner and  Scheunert 1952). Le traitement des fanes séchées n’apporte pas de changement à la teneur en cellulose brute. Cette dernière est moins importante que les résultats rapportés par Richard et al (1989) et sont moins élevés que ceux des pailles. Les teneurs en matière minérale de l’ensemble des échantillons étudiés sont fonction du niveau de fertilisation, de la nature chimique des sols dans lesquels ils sont cultivés et de la variété (Daumas 1963 et Gaulier et Serres 1971). La teneur en calcium est identique à celle trouvée par Nantoumé et al (2000), mais inférieure par rapport à celle du phosphore.

Les composés pariétaux

La valeur en NDF des tourteaux est supérieure à celle des graines (tableau 2).

Les valeurs des composés pariétaux de la petite kalloise sont inférieures aux données avancées par Sauvant et al  (2004) et Andrieu et al (1988). Le traitement à l’urée des fanes séchées apporte une nette amélioration pour les teneurs en NDF (Neutral detergent fiber) et ADF (Acid Detergent Fiber), mais aucune pour les teneurs en cellulose et lignine.

Digestibilité de la MO, dégradabilité théorique des protéines et teneur en énergie brute

La dégradabilité théorique des protéines et la digestibilité de la MO sont moins importantes pour le tourteau que pour la graine (tableau 3) par le fait que le taux de matières grasses moins important contribue à une mise en évidence plus importante des facteurs limitant la digestibilité.

La teneur en énergie brute du tourteau est plus importante par rapport aux valeurs émises par Kassambara (1983) (5000kcal/kg de MS) et Sauvant et al (2004) (4310kcal/kg de MS). Pour les coques, la digestibilité de la MO est proportionnelle au taux de lignine.

La digestibilité de la MO des fanes est inférieure au résultat de Nantoumé et al (2000) (66,3%) mais supérieure à celle avancée par Richard et al (1989) (57%). Cette dernière n’est pas influencée par le traitement à l’urée et reste conforme aux observations avancées par Lawlor et O’Shea (1979) et Hartfied et Ali (1979). La dégradabilité des protéines qui reste inférieure au résultat de Nantoumé et al (2000) (60,3%), est en nette amélioration de 13 points par le traitement à l’urée et reste conforme aux résultats rapportés par Boever et al (1987) et Ben Salem et al (1994) sur paille. L’énergie brute est améliorée d’environ 300points par le traitement.    

Les unités fourragères lait (UFL) et viande (UFV)

Au titre des graines d’oléagineux, la petite kaloise (graine) a une prédisposition pour son emploi dans l’alimentation des animaux axés sur la production de lait. Pour le tourteau (tableau 4), la valeur en UFL est identique à la valeur trouvée par Kassambara (1983) mais inférieure pour les UFV.

Pour les coques, les valeurs en UFL et UFV sont supérieures à celles avancées par Jarrige (1988). Pour les fanes séchées, la valeur en UFL est moins importante que la valeur avancée par  Nantoumé et al (2000) (0,74 UFL/kg de MS), mais plus importante par rapport au résultat de Richard et al (1989) (0,61UFL/kg de MS). Le traitement à l’urée n’apporte pas de modification pour cette teneur.

Les protéines digestibles intestinales

Ces dernières sont plus importantes dans le tourteau que dans les graines (tableau 5).

Pour le tourteau, les valeurs en PDIA et PDIE sont moins importantes que celles de Sauvant et al (2004) (164 et 211g/kg de MS) mais plus importantes pour la valeur en PDIN. Pour les coques, l’ensemble de leurs valeurs en PDI est inférieur à celles avancées par Jarrige (1988). Les fanes séchées ont des valeurs plus expressives que celles des pailles, le traitement à l’urée ne fait que consolider cette différence. Le taux de fixation de l’azote qui améliore la teneur en azote donc en PDI des fanes est très variable en fonction des auteurs (Lawlor et O’Shea 1979, Hadjipanayiotou 1982, Dulphy et al 1984 et Masson et al 1988). Cette variabilité pourrait s’expliquer par le temps de traitement, le taux d’humidité (Borhami and Sundstol 1982) et la teneur en azote avant traitement (Yarko-Badohu et al 1993).    

Conclusion

• La valeur nutritive de la petite kaloise et de ses dérivés sont suffisamment prometteurs pour leur promotion et leur incorporation dans l’alimentation du cheptel local.

  
  

• Le taux de MAT du tourteau est élevé par rapport aux résultats bibliographiques.

  
  

• La digestibilité de l’azote et de la matière organique au dessus de 65%, lui confèrent une priorité dans la substitution du tourteau de soja entièrement importé.

  
  

• Les coques quoique cellulosiques constituent un bon lest pour les animaux locaux notamment les bovidés dont l’imprégnation du gène zébu dans les années 50 leur attribue une meilleure dynamique pour la valorisation des aliments ligneux.

  
  

• Les fanes sèches sont plus valorisantes que les pailles surtout si elles sont traitées à l’urée et constituent une ration de base assez intéressante dans le cadre de l’embouche.

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Received 3 June 2008; Accepted 7 October 2008; Published 5 December 2008

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